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Décembre 2023

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 fleche28 Décembre : Défense des "élites"

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Une cinquantaine de gens se présentant comme « artistes, écrivains et producteurs de cinéma » ont volé au secours de Gérard Depardieu dans une tribune publié dans Le Figaro. Ils le présentent comme « probablement le plus grand des acteurs. Le dernier monstre sacré du cinéma » et poursuivent par une étonnante affirmation : « Lorsqu'on s'en prend ainsi à Gérard Depardieu, c'est l'art que l'on attaque ». Tiens donc ! Vous imaginez le syndicat des plombiers ou de libraires » défendant un plombier ou un libraire violeur ou assassin en proclamant qu’en s’en prenant à eux c’est la  plomberie ou la boulangerie qu’on attaque ? Car les signataires, parmi les lesquels Carla Bruni, Benoît Poelvoorde, Charlotte Rampling, Bertrand Blier, Jacques Dutronc, Pierre Richard, Jacques Weber ou Yvan Attal ont une réaction à la fois syndicale et de classe. Réaction syndicale, c’est l’évidence : ils viennent au secours de l’un des leurs parce qu’il est l’un des leurs, sans avoir la moindre idée de son éventuelle culpabilité et, comme Macron la semaine précédente, sans un mot sur les éventuelles victimes. Réaction de classe, en deux sens : classe d’âge tout d’abord (leur moyenne d’âge est de 65 ans) et classe sociale (des artistes qui se serrent les coudes). Bref, cette intervention est à la fois dérisoire et répugnante.

Le hasard a fait que le lendemain, le 26, Libération consacrait sa couverture et ses trois premières page au philosophe Louis Althusser qui, en 1980, avait étranglé sa femme, Hélène Rytmann. Or il s’était produit à l’époque exactement la même chose. Althusser était un véritable gourou et ses élèves, les « althussériens » l’idolâtraient. Avant que l’autopsie ait conclu à un assassinat par strangulation, on parla de mort naturelle. Puis certains avancèrent que la victime était suicidaire et qu’il avait, en la tuant, répondu à ses sollicitations. Bref ses élèves se regroupèrent autour de lui, bienveillant, le protégeant, sans guère s’’attarder sur l’assassinat d’ Hélène Rytmann. Un enseignant dans une école d’élite, Normale supérieure, membre d’une classe sociale supérieure, était ainsi absous par des étudiants se considérant comme de futures élites. Mais tous savaient que depuis au moins trente ans, leur gourou faisait de fréquents séjours en milieu psychiatrique…

Un an après l’assassinat, Althusser fut déclaré irresponsable et bénéficia d’un non-lieu. Il fut hospitalisé jusqu’en 1983, puis vivra dans un appartement parisien et décédera en 1990 dans une clinique de la MGEN. Mais, pendant ces longues années, on parla peu de la victime de ce féminicide, Hélène. C’est l’assassin qui était la vedette.

Certes, Depardieu n’est pas soupçonné d’assassinat. Mais dans les deux cas, ce sont des « élites » venant au secours une « élite » qui invisibilisent une victime en faisant du coupable ou du présumé coupable la vedette d’un fait-divers leur permettant se rappeler leur existence par voir de tribune.


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 fleche21 Décembre : De couleuvres en boas


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Le président Macron a effectué hier un détournement d’émission comme on détourne un avion. Invité (ou sans doute s’étant invité) à l’une des meilleures émissions d’information de  la télévision publique (C à vous, sur la 5), interrogé par d’excellents journalistes qui ne lui faisaient pas de cadeaux, il a réussi un véritable travail d’artiste. Débutant par un paradoxe en expliquant que la loi sur laquelle nous allons revenir était une défaite du Rassemblement National, un bouclier contre l’extrême droite, il a poussé l’habileté jusqu’à dire qu’il n'appréciait certains articles (Notons en passant qu’il n’a pas dit « je ne suis pas d’accord » mais « ce  n’est pas une bonne idée », nuance…) et que c’était d’ailleurs pour cela qu’il allait consulter le conseil constitutionnel.  Tout est d’ dans la nuance chez ce maître en rhétorique  qui aime s’écouter parler et, alignant des phrases interminables, rogne sur le temps de parole des journalistes. Ils ne l’ont pas épargné, pourtant, l’ont parfois mis en face de ses contradictions, mais telle une anguille entre les mains d’un pêcheur, il s’en sortait avec un sourire et une phrase retorse. Des députés (27) de son parti ont voté contre la loi ? Pas grave. Un ministre a démissionné ? Bof ! Cependant, pendant toute cette partie de l’émission, il paraissait tendu, sachant très bien qu’il racontait des histoires. Et puis on est passé à autre chose, et il s’est senti plus à l’aise.

En deux heures il a réussi à parler de tout, de l’Ukraine, de l’école, du conflit israélo-palestinien, du niveau de vie, voulant montrer chaque fois qu’il avait toujours eu raison, toujours défendu les bonnes positions. Sauf peut-être sur la fin de vie, où ses annonces en zigzag  montrent qu’il ne sait pas où il va. De façon générale il est difficile de le coincer car il semble n’avoir aucune conviction réelle, aucune valeur et donc nul besoin de  courage pour les défendre. Il glisse. Interrogé sur Gérard Depardieu, accusé de viol et d’agression sexuelle,  il salue l’immense artiste dont il se dit grand admirateur, invoque la présomption d’innocence mais n’a pas un mot pour les victimes présumées. Au point que peut se demander s’il n’a pas utilisé là une tactique classique,  lançant un sujet de polémique de nature à faire oublier le débat sur la loi.

La loi, donc, parlons-en. J’écrivais ici le 12 décembre que je ne pouvais pas savoir ce que serait la suite législative de la mascarade à laquelle nous avions assisté lors du vote d’une motion de rejet. Souvenez-vous : les députés, de l’extrême droite à l’extrême gauche, unis dans la joie, se réjouissaient d’avoir, croyaient les seconds, fait échec au gouvernement. Le résultat est là : ces pompiers pyromanes que sont les parlementaires de gauche et d’extrême gauche, après avoir refusé de discuter d’une loi qu’ils auraient pu peut-être modifier, se retrouvent (et nous avec eux) devant une loi plus dure encore tandis que Marine Le Pen jubile.  Quant à Eric Ciotti , le patron d’un petit parti « gaulliste» en voie de disparition, il sautille comme un gamin qui aurait gagné une partie de billes, sauf que les billes sont ici de sacrés boulets. En effet, le texte de loi est constellé de références explicites aux thèmes de l’extrême droite, sur la préférence nationale par exemple. Nous sommes évidemment face à une victoire idéologique du RN sur un thème, les migrations, que la gauche se refuse depuis des années à analyser, n’ayant aucune proposition, aucun discours, aucun thème à proposer et s’opposant systématiquement à ce qui vient de la droite sans savoir quoi poser en face de concret.

Bref, Macron a trahi ce qu’il essayait de faire passer pour une sensibilité sociale. Quant à ce qu’il est convenu d’appeler « l’aile gauche » de la macronie, je veux dire tous ceux qui sont allés à la soupe pour avoir un poste ministériel ou parlementaire, ils avalent la couleuvre sans même se demander si la prochaine fois ce ne sera pas un boa. De couleuvres en boas ! Et les sondages montrent qu’une France rancie, raciste, revancharde, approuve ces mesures honteuses.

Parfois, plaisantant à moitié, je me dis et je dis autour de moi que viendra un jour où je devrai demander l’asile politique. Mais où ? Pas en Tunisie, tant qu’elle aura le même président. Tiens, pourquoi pas au Brésil ? Mais il me faudrait pour cela améliorer mon portugais. Allez, je m’y mets.


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 fleche13 Décembre :  Etrange sémiologie

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Vous connaissez le tournesol, également appelé soleil ? Cette grande fleur jaune peut faire penser à un soleil, ses pétales figurant ses rayons, d’où son nom en anglais (sunflower  ) et en allemand (sonnenblume). Elle a aussi la particularité de suivre tout au long de la journée la course du soleil, d’où son nom dans les langues romanes, tournesol donc, girasole (en italien), girasol (en espagnol) ou girassol (portugais). Mais ce tournesol est au centre d’un grave débat identitaire au Kirghizistan.


 

 

Le parlement de ce pays vient en effet de voter la résolution de changer le drapeau de la nation. Sur celui-ci, on voit sur fond rouge un soleil avec 40 rayons qui représentent les 40 tribus kirghizes et deux séries de trois lignes qui sont la stylisation de la pièce centrale de la yourte traditionnelle kirghize. Et alors, qu’est-ce qu’il a de répréhensible ce drapeau ? On lui reproche de rappeler le tournesol, fleur qui se dit dans la langue locale kukarama, mot qui est utilisé comme métaphore de la dépendance (la fleur est « dépendante » du soleil). En bref le tournesol est une girouette. Or le Kirghizistan est indépendant depuis 1991…

Comme quoi la sémiologie peut mener aux plus étranges décisions. Mais on ne sait pas quel sera le nouveau drapeau du Kirghizistan...

Post scriptum qui n’a rien à voir : on annonce en France la parution d’un livre, Comment faire voter une loi pour les nuls, dont on dit que les différents ministères en ont déjà commandé plusieurs dizaines d’exemplaires.

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 fleche12 Décembre :Y a-t-il des adultes à l'Assemblée nationale?

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Etrange spectacle hier à l’Assemblée nationale. Ils étaient tous à se congratuler, à applaudir : l’extrême droite, les écologistes, la gauche, la droite, l’extrême gauche. Ils ne sont d’accord sur rien mais se félicitaient d’avoir empêché l’ouverture de la discussion d’une loi sur l’immigration. Les uns veulent jeter tous les migrants à la mer, d’autres veulent les accueillir tous, d’autres encore ont des positions intermédiaires, mais ils ont voté hier pour ne pas en débattre et ils s’en réjouissent. Face à cette ambiance de cour de récréation, on peut se demander s’il y a des adulte à l’Assemblée nationale.

 

Le ministre de l’intérieur avait lancé une formule facile et  un peu infantile : nous serons méchant avec les méchants et gentil avec les gentils. Or la moitié des députés considéraient hier que la loi était trop méchante et l’autre moitié qu’elle était trop gentille. Mais tous se réjouissent. De quoi ? Ma première réaction a été de me réjouir moi aussi de la claque prise par Darmanin, mais cette réaction ne relève pas de la politique, elle est infantile. De la même façon, je ne supporte pas le pouvoir de plus en plus personnel d’un Macron dont, en outre, la pusillanimité fait souvent qu’il repousse  des décisions importantes (sur la fin de vie par exemple) ou se ridiculise en changeant sans cesse de pied (sur le conflit Israël-Palestine par exemple). Mais, pour lui répondre, il faudrait élaborer des positions sur ces points, argumenter, chercher à convaincre.

 

Laissons la droite et son extrême, qui ne m’intéressent pas et me concernent encore moins.  Mais la gauche ? Elle est depuis des années désespérante, ne proposant rien de nouveau sur rien. Le cas de cette loi est exemplaire. L’immigration est là, et elle constitue une vraie  question de société. Il est a des clandestins qui travaillent en France et sont indispensables à certains secteurs. Faut-il les régulariser ? Il y a du bétail humain que les trafiquants transportent et jettent sur les rivages de la Grèce, de l’Italie et du Nord de la France ? Faut-il légiférer, prendre des mesures ? Il y a des clandestins qui commettent des délits, sont jugés, condamnés. Faut-il les renvoyer dans leur pays ? Le résultat du vote d’hier est qu’on refuse de débattre de ces questions, ce qui est pourtant la tâche de l’Assemblée. Devons-nous considérer cela comme une victoire ou comme une preuve d’impéritie ?

Je ne sais pas, bien sûr, quelle sera la suite législative de cette mascarade parlementaire. Mais elle donne aux électeurs, qui sont d’ailleurs de plus en plus des abstentionnistes, une triste image de la politique.

Encore une fois, y a-t-il des adultes à l’Assemblée ?

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 fleche7 Décembre :Vers une junk thought?

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J’ai assisté la semaine dernière à une journée d’études au cours de laquelle j’ai entendu des gens parler de décolonial, d’autres de postcolonial, sans que la différence entre les deux soit très claire. Pourtant il est intéressant de remonter à l’origine de ces deux notions. Il y a plus de quarante ans que l’Argentin Enrique Dussel (en particulier dans Filosofia de la liberacion en1977) a développé l’idée qu’à partir de 1492 s’est construite la « modernité », une hiérarchisation occidentale des connaissances et l’opposition  entre pays « développés » et « sous-développés ». Les études décoloniales se sont ainsi développées en Amérique Latine, sans avoir beaucoup d’écho en Europe. En revanche lorsqu’aux Etats-Unis sont apparues plus tard les études postcoloniales, essentiellement fondées sur la critique de l’héritage colonial britannique en Afrique et en Inde, elles ont très vite influencé des chercheurs européens.

Le fait que ces deux notions n’ont  pas eu la même fortune en Europe nous mène à une question plus large. Il y a d’une part un tropisme évident vers tout ce qui vient d’Amérique du Nord, dont témoigne le succès de ce que la presse appelle le wokisme. Et, d’autre part, une méconnaissance de ce qui vient d’Amérique du Sud, méconnaissance qui parfois s’apparente à une forme de mépris. Il y a certes quelques exceptions, comme le Brésilien Paulo Freire dont la Pédagogie des opprimés (1968) fut traduite en français dès 1974 ou encore la théologie de la libération. Mais, de façon générale, c’est surtout par la musique que ces pays ont traversé l’Atlantique. Avec la Bossa Nova tout d’abord, puis avec les musiciens des pays ayant connu des coups d’état et des régimes fascisants, comme le Chili : Pinochet a ainsi été le meilleur attaché de presse du groupe des Quilapayun, de Violetta Parra ou de Victor Jara, tout comme bien avant eux l’Argentin Atahualpa Yupanqui, mis en prison sous le régime de Péron, partit faire carrière en France et plus largement en Europe et dans le monde entier. Les oreilles occidentales accueillaient volontiers une musique utilisant la gamme et les instruments auxquelles elles étaient habituées : l’Europe n’a pas reçus des musiciens cambodgiens, vietnamiens chinois, irakiens ou égyptiens, même si beaucoup de gens manifestaient contre ces régimes. Il était préférable pour un musicien fuyant un régime totalitaire et voulant travailler en Europe de venir d’Amérique du Sud que du Moyen-Orient ou d’Asie…

Bien sûr, l’Europe avait, avant ces musiciens, reçu des USA le jazz, considéré comme musique de la modernité. Mais depuis de nombreuses années on ne s’intéresse guère à ce qui vient d’Amérique du Sud dans le domaine des idées, comme si l’Amérique du Nord avait le monopole de la pensée… Je me souviens qu’en 1980, alors que je travaillais en Equateur, le grand peintre Oswaldo Guayasamin, que je voyais souvent, m’avait un soir longuement parlé de Pablo Neruda, de Gabriela Mistral, de Niemeyer, de Garcia Marquez et de Siqueiros, me disant que l’Amérique Latine était en train « de donner au monde une création artistique d’une force et d’un humanisme que l’Europe a perdus ». Peut-être… Mais les fortunes différentes de décolonial et de postcolonial dont je suis parti me laisse à penser que s’il y avait pour la Boétie une « servitude volontaire » il y a aujourd’hui dans le domaine de la pensée une soumission volontaire à l’Amérique du Nord, une américanisation qui frôle parfois le ridicule.  Après l’invasion de la junk food (ou, si vous préférez, la néfaste food), nous risquons peut-être d’aller vers celle d’une junk thought.  Et l’Amérique du Sud nous serait alors utile pour analyser cela en termes décoloniaux.

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Novembre 2023

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 fleche27 Novembre :
Lecture

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Connaissez-vous Tokyo Time Table ? En cliquant sur
https://www.tokyo-time-table.com/calvet-politiques-linguistiques-francophonie-toroland

vous pourrez lire un mien article qui devrait vous intéresser (ou vous amuser). Et en même temps découvrez ce site remarquable. 

 

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 fleche22 Novembre
El loco et sa tronçonneuse

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Une amie brésilienne qui ne manque pas d’humour m’écrit que les Argentins ont un tel sentiment de supériorité qu’ils ont voulu faire mieux que les Américains (lorsqu’ils ont élu Trump) et que les Brésiliens (lorsqu’ils ont élu Bolsonaro). Les Argentins ont donc élu Javier Milei el loco, « le fou ».

Armé d’une tronçonneuse il a, dans ses différents meetings, annoncé qu’il allait trancher dans le vif, supprimer une dizaine de ministères, réduire l’importance de l’Etat, privatiser à tout va. Il veut même privatiser l’eau des fleuves ! Je suis d’ailleurs curieux de voir comment les éventuels propriétaires  des fleuves pourraient taxer les animaux qui viennent y boire leur eau…

En bref, ce type dit n’importe quoi. Il veut rompre les relations économiques avec la Chine et le Brésil (qui sont les premiers partenaires commerciaux de l’Argentine), supprimer les aides sociales, il traite le pape de dangereux marxiste, etc. Ses discours sont une suite de conneries enfilées comme des perles, un collier de conneries qui ne permettent aucun débat puisqu’elles ne reposent sur aucune analyse , sur aucune théorie.

Faut-il en conclure que ses électeurs sont des cons. Ce serait tentant, mais cela s’apparente à des discussions du café du commerce. La situation de l’Argentine se ramène à quelques données implacables : une inflation de 145 %, 40% de la population sous le seuil de pauvreté, une dette incommensurable et une classe politique incapable et corrompue. Il est toujours facile de dire qu’on a les dirigeants qu’on mérite. Mais lorsque les Argentins élisent un clown comme président de la république, les choses sont plus grave. Elles témoignent peut-être d’une absence de réflexion, d’un analphabétisme politique, mais elles témoignent surtout d’un grand désespoir. Beaucoup de commentateurs analysent cette élection sur le mode « ils ont tout essayé, rien n’a marché, alors ils se disent pourquoi pas el loco ! ».

Il est probable qu’avec sa tronçonneuse el loco  se heurtera très vite à des bûches qu’il ne pourra pas trancher : il n’a pour l’instant aucune majorité parlementaire.  Mais ce déclencheur, « on a tout essayé », est à examiner avec soin. Il témoigne de l’échec de tous les partis politiques, de leur incapacité à résoudre les problèmes, de leurs promesses non tenues, de leurs mensonges, de leur avidité…

Un pays pourri, l’Argentine ? Peut-être, mais prenons garde. On commence à entendre ce « on a tout essayé » dans les bistrots français. Et l’extrême droite attend derrière la porte.

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 fleche19 Novembre
L’art et le blé

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Je suis allé cette semaine voir, au musée d’Orsay, l’exposition consacrée à Vincent Van Gogh. On peut y voir les 33 dessins et les 74 toiles qu’il a réalisés durant les deux mois précédant sa mort, la dernière toile ayant été peinte le matin même de son suicide. Mais…

Mais j’avais acheté via Internet mes billets d’entrée pour 15 heures 30 (les billets sont réservés de 30 minutes en 30 minutes). Arrivés à 15 heures, on nous désigne une file d’attente dans laquelle nous avons piétiné pendant une heure sous la pluie. A 16 heures nous entrons enfin dans le hall du musée et après les contrôles de sécurité nous arrivons devant une nouvelle queue : encore une heure d’attente. Au total, donc, deux heures, avant de pénétrer dans l’exposition. J’ai écrit plus haut qu’on « peut y voir »  33 dessins et 74 toiles. A condition de jouer des coudes et de se faufiler dans la foule.

Il y a dans les toiles de Van Gogh beaucoup de champs de blé, aux corbeaux, avec cyprès, aux iris, aux herbes, avec graviers, etc. Et c’est bien de blé qu’il s’agit. Le peintre n’a vendu de son vivant aucune de ses toiles, mais le musée d’Orsay en tire du blé sans vergogne. A quoi sert de vendre des billets pour une heure précise si on ne peut entrer qu’une heure et demie plus tard ? Est-il trop difficile de calculer le nombre de personnes qui peuvent accéder normalement à une exposition ?

Vous imaginez une salle de cinémas qui vendrait pour une séance plus de billets qu’il n’y a de places assises ? C’est à peu près ce que fait le musée d’Orsay. On a vraiment l’impression que les amateurs de peinture sont pris pour des gogos. Peu importe les queues qu’on leur impose, les difficultés de déplacement, l’impossibilité de voir réellement et tranquillement les œuvres… Ce qui compte, c’est de faire du blé. Sur le dos de l’art et des amateurs d’art. C’est beau, la politique culturelle !

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 fleche14 Novembre
Jean-Pierre  Verheggen

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C’était il y a longtemps, à la fin des années 1970 et au début des années 1980. J’étais allé trois ou quatre fois à Namur, pour parler de mes livres récemment parus dans une émission de la radio belge. C’était le soir (21, 22 heures ?), cela durait longtemps (2, 3 heures ?), et je ne me souviens plus du tout du nom de l’animateur de l’émission, pourtant chaleureux et brillant. Je me souviens seulement qu’il y avait toujours des verres et une grosse bouteille de Chianti (elles étaient à l’époque renflées,  entourées d’un revêtement  de paille, et certains les utilisaient pour en faire des lampes) et que nous buvions pas mal. Et je me souviens surtout que l’animateur avait un complice, Jean-Pierre Verheggen.

Je n’ai jamais rencontré un tel acrobate de mots, une machine à produire des calembours et de l’humour noir. Un plaisir immense ! Nous avions sympathisé, nous étions rendus compte qu’il était né un jour après moi (le 6 juin 1942) mais nous ne nous sommes revus qu’une fois, au début des années 1990, dans un colloque au Québec.

Quelques titres de ses ouvrages vous donneront une idée de son immense talent et de sa fureur linguistisante (je sais, monsieur le correcteur orthographique, le mot n’existe pas) : Le Degré Zorro de l'écriture, Divan le Terrible, Ninietzsche, peau d'chien, Les Folies belgères, Artaud Rimbur, Ridiculum vitæ, etc.

Jean-Pierre Verheggen est mort il y a quelques jours. Lisez ses œuvres.

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 fleche12 Novembre : Chasse au trésor

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Depuis sa mort, en 2020, il y a eu plusieurs hommages à Alain Rey. J’ai participé à certains d’entre eux, le dernier en date étant un ouvrage, Alain Rey, Lumières sur la langue, sous la direction de François Gaudin, sorti il y a quelques semaines aux éditions Honoré Champion. Les auteurs (nous sommes près d’une vingtaine) ont reçu l’ouvrage, quelques bibliothèques l’avaient acquis par avance, et puis, patatras, le livre est retiré de la vente et tous les exemplaires sont détruits, semble-t-il après une intervention de l’héritière de Rey.

En cause, deux textes. Le premier, « Le Petit Robert  et moi », est une conférence qu’Alain avait donné lors d’un colloque en 2017 et qu’il avait confié à François Gaudin pour une publication des actes qui ne sont jamais parus et qui est donc publié ici. Tant mieux car il est à la fois scientifiquement riche et rempli d'humour.  Dans le second, « Alain Rey et le Trésor de la langue française. Une formation exceptionnelle à la lexicographie »,  Danielle Candel évoque ses souvenirs de sa collaboration avec Rey en se fondant sur les notes de travail qu’elle a conservées. On y trouve en particulier des corrections manuscrites de Rey à des articles qu’il avait lui-même rédigés. Un document extrêmement intéressant. Candel  présente d’ailleurs A. Rey comme « un formidable guide pour les apprentis rédacteurs ».

Bref, on ne voit pas ce qui a pu déclencher l’ire de l’héritière. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas demandé le retrait du livre mais que « c’est l’éditeur lui-même qui, averti par moi, a décidé de cesser l’exploitation de l’ouvrage », ce que Rey aurait sans doute considéré comme un euphémisme.

Quoiqu’il en soit, ce livre n’existe presque plus, et en tout cas, vous ne le trouverez pas en librairie. Alors, pour finir de façon plus gaie, je vous propose de vous lancer dans une chasse au trésor. Le premier qui, sans cambrioler l’un de ses co-auteurs, un journaliste ou une des rares bibliothèques qui le possède, en trouvera un exemplaire, aura gagné… je ne sais pas quoi. Le droit d’être cité dans un de mes prochains billets ?

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 fleche7 Novembre :
Sans commentaire

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Les religions, toutes les religions, sont à mes yeux des machines à rendre les crétins plus crétins encore. Mais on apprend parfois des choses intéressantes  en écoutant leurs représentants de commerce. L'un d'entre eux, le rabbin Amichaï Friedman, est "rabbin militaire" dans l'armée israélienne. Toutes les armées ont en effet des représentants de différentes religions, on appelle ça en français des aumoniers, mais ils ne sont pas nécessairement charitables, comme nous allons le voir.

Je n'ai pas visionné la vidéo, et d'ailleurs je ne comprends pas l'hébreu.  Mais voici ce que le rabbin Amichaï Friedman, a, selon Libération de ce matin, déclaré devant un parterre de soldats:

"Si j'enlève les otages et les morts, je pense à ce mois comme un des plus heureux et ma vie"  Puis il ajoute, sous les applaudissemnts: "Toute la terre, Gaza, le Liban, toute la Terre promise. Nous y retournerons".

Sans commentaire.

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 fleche5 Novembre :
Un pays comme les autres ?

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 Si vous avez bonne mémoire et vous souvenez de ce que la presse écrite ou audiovisuelle a mis en avant depuis cinq ou sixsemaines, vous avez dans la tête une succession un peu surréaliste. Le 7 octobre, alors qu’on parlait partout de l’Ukraine, les titres ont soudainbasculé  vers le conflit israélo-palestinien qui occupait près de la moitié des informations, et mêmedans les petits papiers de bas de page ou dans les dernières minutes des journaux télévisés, l’Ukraine avait disparue. Depuis deux jours, les tempêtes sontpartout partout. Et il est probable que dans les jours qui viennent le débat sur une loi concernant l’immigration sera en France à la une. Ainsi val’information, sur le mode pousse toi d’là que j’m’y mette…

Mais c’est autre chose qui m’a marqué. Après les atrocités commises par le Hamas, la réponse d’Israël fait de la surenchèredans l’horreur. Des milliers, des tonnes de bombes, sur une population dont sans doute seule une petite minorité défend les actions du Hamas. Gaza, quiétait déjà une prison à ciel ouvert, est désormais une immense morgue. Sans faire du sentimentalisme facile sur les enfants, les femmes qui n’en demandaientpas tant et sur le fait qu’Israël se déconsidère moralement, je pense surtout aux futurs survivants. A ceux qui grandiront en gardant au cœur la haine qui enfera de nouveaux ennemis de l’Etat d’Israël.  Je ne fais pas preuve d’originalité en disant que s’il y a une solution à ce conflit , elle ne peut être que politique. Mais l’esprit de vengeance n’est pas une politique, pas plus que les intérêts particuliers d’un premier ministrecorrompu, Benyamin Netanyahou, qui tente de repousser le plus loin possible l’heure d’affronter les procès qui l’attendent.

Face à cela, les réactions internationales des pays démocratiques relèvent de la cécité volontaire.  On condamne partout les terroristes du Hamas (à quelques exceptions près, comme en France les idiots utiles mélenchonistes)et on se bouscule pour affirmer son soutien à Israël, son droit à se défendre, mais on oublie ce qu’est le régime israélien. J’ai déjà rappelé le 11 octobreque Netanyahou choyait jusqu’ici le Hamas, en citant sa phrase que je reprends:  « Quiconque veut empêcher l’édification d’un état palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas, ycompris à travers le transfert d’argent. C’est notre stratégie, c’est comme ça qu’on isolera les Palestiniens de Gaza de ceux de la Cisjordanie ». Le Hamas n’est bien sûr pas une création volontaire d’Israël, mais une créature nourrie, entretenue, par Nétanyahou  En Cisjordanie les colons (et il n’échappe à personne cette appellation nousrenvoie au colonialisme, de même étymologie) transforment le territoire en fromage à trous, volant chaque jour, avec la protection de l’armée israélienneun peu plus de terre aux Palestiniens, les tuants si besoin est. Et la liste des résolutions de l’ONU qu’Israël n’a pas respectées est très longue. En voiciquelques-unes, au risque de lasser le lecteur, mais je pourrais en citer quatre fois plus :

 

Le 22 novembre 1967  (résolution 242) le Conseil de sécurité condamne l’« acquisition de territoire par laguerre » et demande le « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés ». Il affirme « l’inviolabilité territoriale et l’indépendance politique » de chaque Etat de la région. Le 21 mais 1968 (résolution 252) le Conseil de sécurité déclare « non valides »les mesures prises par Israël, y compris l’« expropriation de terres et de biensimmobiliers », qui visent à « modifier le statut de Jérusalem », et demande à celui-ci de s’abstenir de prendre de telles mesures. Le 3 juillet 1969(résolution 267) le Conseil de sécurité censure « toutes les mesures prises [par Israël] pour modifier le statut de Jérusalem ». Le 22 mars 1979 (résolution 446) le Conseil de sécurité exigel’arrêt des « pratiques israéliennes visant à établir des colonies de peuplement dans les territoirespalestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967 »,déclare que ces pratiques « n’ont aucune validité en droit » et demande à Israël de respecter la convention de Genève relative à la protectiondes personnes civiles en temps de guerre. Le 20 décembre 1990 (résolution 681), Israël est sommé d’appliquer la convention de Genève. Le 24 septembre 2002(résolution 1435) le Conseil de sécurité exige « le retrait rapide des forces d’occupation israéliennes des villes palestiniennes ». Il demande à l’Autorité palestinienne de « faire traduire en justice les auteurs d’actes terroristes ». Le 19 mai 2004 (résolution1544) Conseil de sécurité demande qu’Israël respecte « les obligations que lui impose le droit humanitaire international » et « l’obligation qui lui est faite de ne pas se livrer aux destructions d’habitations », etc etc..

 

Arrêtons donc cette liste, lassante mais révélatrice. Israël se comporte comme ce que les Américains aiment qualifier de « pays voyou ». Face à la cécité internationale volontaire,nous avons là une surdité israélienne toute aussi volontaire. La solution de deux états a été maintes fois évoquées, mais Israël n’en veut pas. Israël coloniseà tout va les terrotoires palestiniens. Israël a décrété que Jérusalem était sa capitale, au mépris de tous les traités (et seuls les USA ont déplacé leurambassade de Tel Aviv à Jérusalem). Depuis des dizaines années, dans les discours israéliens, on a essayé de faire croire que les critiques dont ce paysétait l’objet étaient de l’antisionisme et que l’antisionisme était de l’antisémitisme. Argument ridicule : la situation ne relève ni del’antisémitisme ni de l’antisionisme, elle relève du non-respect des règlements internationaux. Et la question qui se pose, la seule recevable, est de savoirsi Israël est un pays comme les autres, un pays dont tout le monde peut critiquer la politique et que, lorsqu’il le faut, on peut punir. Non pas par laguerre, bien sûr. C’est grâce à des sanctions économiques et politique qui l’avait isolée que l’Afrique du Sud a été contrainte de mettre fin àl’apartheid et de revenir à la démocratie (rappelons qu’à l’époque, d’ailleurs, Israël avait été le seul pays à  ne  pas avoir respecté ce boycott). Si Israël était un pays comme les autres, il y a longtemps que le même type de sanctionsauraient été prises. Sauf que personne ne veut ou n’ose le considérer comme tel. Et c’est bien le problème.

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Octobre 2023


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 fleche29 Octobre : Petite histoire en trois actes

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Premier acte Au mois de mai dernier, un collègue hongrois m’avait demandé si je voulais être dans le jury d’une thèse qu’il codirigeait dans une université française. Le sujet (l’argot) m’intéressait, et j’avais donné un accord de principe, attendant bien sûr de lire ce travail. Lorsque je l’ai reçu, il y a deux semaines, j’ai constaté avec étonnement qu’une personne de nationalité russe, enseignant dans une université russe, était à la fois rapporteur avant soutenance et membre du jury.

Dans une série de mails, j’ai d’abord expliqué que je ne me voyais pas siéger avec quelqu’un dont j’ignorais la position face à l’invasion de l’Ukraine, que la Russie était sous embargo. La codirectrice française m’a alors répondu qu’elle n’avait aucune consigne de la direction de son université  concernant un embargo sur les chercheurs. Un peu narquois, je lui dis qu’elle aurait pu y penser avant et surtout demander leur avis aux autres membres du jury, et qu’il y avait là un problème à la fois politique et éthique, que la constitution de ce jury me paraissait être une façon de contourner l’embargo (la collègue russe ne pouvant pas bien sûr venir en France, elle devait intervenir par vidéo) et que dans ces conditions je ne participerai pas à ce jury. A ce stade, j’étais surtout irrité par l’irresponsabilité et l’absence de réflexion politique de ma collègue : On ne m’a rien dit , donc je ne me pose aucun problème

Fin du premier acte.

Deuxième acte L’irritation a été remplacée par le rire lorsque j’ai reçu un mail, toujours de la codirectrice française, me disant qu’elle venait  d’apprendre qu’il y avait effectivement un embargo sur  les collègues russes. J‘étais surtout frappé par le fait que cette courageuse collègue faisait peser ces erreurs sur le dos de ses supérieurs. Je la cite : « Ma Vice-Présidence Recherche et mon école doctorale ne sont décidément pas du tout à la page : on vient de m'apprendre qu'il y a effectivement embargo sur les collègues russes qui sont localisés institutionnellement en Russie ».  En d’autres termes, cela signifiait qu’elle ne prenait aucune initiative, était prête à accepter n’importe quoi sans scrupules, tant qu’elle se sentait couverte par ses supérieurs. Et la collègue russe étant ipso facto exclue du jury, on me demandait si je voulais revenir sur ma décision et y siéger.

Mauvais esprit comme je suis, j’ai demandé ce qui se serait passé si je n’avais pas ouvert ma gueule : La soutenance aurait été déclarée illégale a posteriori? Elle aurait pu être invalidée ? Et la seule personne à en souffrir vraiment aurait été la candidate ? Par ailleurs, une thèse ne pouvant pas être présentées sans deux pré-rapports positifs déposés quelques semaines avant la soutenance, je demandais comment ils allaient gérer cette situation.

Et j’ajoutais, malicieux : «Je vais m’amuser comme un fou à raconter tout cela sur mon blog… »

Fin du deuxième acte.

Troisième acte La réponse fut à la fois hilarante et terrifiante : « J’espère que tu peux comprendre que si tu vas "t'amuser comme un fou à raconter tout cela sur ton blog", je suis dans l'impossibilité de t'inviter? ».

Que des gens ne soient pas au courant des décisions d’embargo prise par leur université, cela peut se comprendre, même s’il s’agit aussi d’incompétence administrative. Qu’ils ne se posent pas la question de la présence d’une universitaire du pays de Poutine dans un jury français, cela montre qu’ils n’ont aucune conviction ni aucune éthique. Mais qu’ils tentent de m’intimider, qu’ils aient peur d’une texte sur un blog peu lu et dont le titulaire n’est pas un influenceur d’envergure, c’est du plus grand comique. Ce qui est amusant, c’est que cette réponse ressemble à une tentative de censure, assortie  d’une menace de ne pas m’inviter, comme si une invitation à siéger dans un jury était un cadeau ou un honneur…

Au cours de ma longue carrière universitaire, je me suis parfois fait haïr quand, devant des collègues d’une arrogance et d’une suffisance incommensurables, je déclarais que, statistiquement, s’il y avait X pour cent d’imbéciles ou d’incapables dans la société, il devait y avoir le même pourcentage dans l’université. S’ils avaient eu le sens de l’humour, ils auraient pu répliquer que cela s’appliquait aussi au pourcentage de prétentieux et que j’en étais la preuve. Mais les universitaires manquent souvent d’humour.  Quoi qu’il en soit, et tout ce qui précède le montre, l’université est, comme sans doute la majorité des groupes sociaux ou professionnels, à l’image de la société avec, à côtés de ses aspects positifs,  ses tics, ses lâchetés, ses idées toutes faites, ses incompétences, ses obsessions carriéristes … A quelques nuances près: la  profession universitaire est protégée du  chômage, des licenciements abusifs, et l’on y trouve peu de SDF…

Pour finir, je ne sais comment définir cette petite histoire en trois actes. Pièce comique ? Tragi-comique ? Dramatique ? Billet d’horreur-fiction ? Récit injuste ? Miroir de la société ? Ou tout simplement fait divers illustrant, hélas, le peu de sérieux de certains universitaires ? Je vous laisse le choix…


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 fleche23 Octobre : Du crétin digital aux petits cons  téléphoniques

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En 2019 Michel Desmurger sortait un livre (La Fabrique du crétin digital  (Seuil 2019) dans lequel il analysait les dangers pour le développement cognitif des enfants de la pratique exagérée des écrans. Pour information, les enfants des pays occidentaux à partir de 2 ans passent près de 3 heures par jour devant un écran. Entre 8 et 12 ans, autour de 4 h 45, et entre 13 et 18 ans, près de 6 h 45. C’est-à-dire qu’un élève de cours moyen passerait 1 700 heures par an devant un écran, plus que le volume horaire annuel d’enseignement.

 Ce qui se passe depuis quelques jours en France témoigne d’une autre forme de crétinisation. Des coups de téléphone ou des mails adressés à des établissements scolaires, des musées ou des aéroports les avertissent qu’une bombe a été placée chez eux. Affolement, évacuations des gens, vérification, et puis rien…

Les crétins qui se livrent à ce qu’ils pensent sans doute être une simple plaisanterie ne savent même pas qu’ils sont toujours retrouvés, qu’on remonte facilement à la source de ces alertes attentat (64 enquêtes sont déjà ouvertes) et qu’ils risquent de un à trois ans de prison et une amende assez lourde, ce qui fera sans doute un grand plaisir à leurs parents. L’un d’entre eux, arrêté, a expliqué qu’il voulait ainsi empêcher un cours de maths de se tenir. On croit rêver !

Il ne s’agit plus de crétins digitaux mais de petits cons  de téléphonistes.

Le problème est que, comme dans l’histoire du gamin qui criait sans cesse « au loup! » pour rien et fut un jour bouffé par un loup parce qu’on croyait plus à ses alertes, il pourrait un jour y avoir une vraie alerte et que les forces de sécurité, fatiguées par ces plaisanteries, n’y croient pas. Et si, ce jour-là, certains de ces petits cons téléphonistes étaient dans l’école victime d’ l’attentat ?

 

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 fleche18 Octobre : Lutte des classes ou lutte des identités?

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Voilà que la députée RFI Danièle Obono remet, comme le disait la chanson, « deux thunes dans l’bastringue ». Hier matin, sur les ondes de Sud Radio, elle a déclaré que le Hamas était « une branche armée », un « mouvement de résistance » en outre « reconnu comme tel par les instances internationales ». En quelques mots elle a donc réussi à dire une contre-vérité (les « instances internationales » reconnaissant les Hamas comme « mouvement de résistance ») et à refuser de traiter le Hamas de terroriste (il est classé comme organisation terroriste au moins par l’Union Européenne).

Comment analyser l’avalanche de bévues que Mélenchon et son cercle rapproché, accumulent ? Passons sur ce cercle rapproché : le suivisme semble être son seul mode de réflexion et la démocratie ne semble pas être le mode de gestion de la France insoumise. Mais Mélenchon ? On peut hésiter entre plusieurs hypothèses, qui ne sont d’ailleurs pas exclusives les une des autres. La première relève de la psychanalyse : une tendance à détruire ce qu’il a créé pour que personne ne puisse lui succéder. Une autre hypothèse est plus politique. Devant l’évidence de l’évolution de ce qu’il reste de la classe ouvrière vers l’abstention ou le Rassemblement National, Mélenchon penserait que sa base électorale peut être élargie vers les banlieues, vers les émigrés musulmans. Une troisième hypothèse est que Mélenchon a utilisé le PS, le PCF et les écologistes quand il en avait besoin, pour des raisons électorales,  et qu’il se fout comme de sa première chemise de ce qu’ils pensent. De ce point de vue, selon la façon dont on prononce le sigle, NUPES rime avec dupes.

Mais le refus de parler de terrorisme à propos du Hamas évoque une étonnante étroitesse de vue. Comment ne pas voir que le Hamas nuit à la cause palestinienne ? Comment ne pas comprendre qu’il joue le jeu de Nétanyhou (voir mon billet du 11 octobre)? Comment ne pas comprendre que la meilleure façon de défendre la cause palestinienne est justement de ne pas la confondre avec les actions du Hamas ?                                     

Le problème est que l’union de la gauche que constitue la NUPES ne repose que sur une vision électoraliste, qu’elle n’a pas de propositions nouvelles, pas d’analyse de la situation sociale actuelle. Ou plutôt oui, elle a une vision électoraliste et une analyse de la situation sociale, mais elle est complètement farfelue. Le positionnement de Danièle Obono est de ce point de vue intéressant. Elle se définirait (selon Wikipédia) comme « altermondialiste, afro-féministe, anti-impérialiste, antiraciste, antilibérale, anti-islamophobe et panafricaniste ».      Cela fait, bien sûr, beaucoup de choses pour une seule femme, mais surtout cela évoque une notion venue des USA, celle d’intersectionnalité. Et apparaît alors ce qui permettrait de définir la vision politique actuelle (actuelle car il a été successivement trotskyste puis apparatchik socialiste) de Mélenchon: remplacer la lutte des classes par un lutte des identités.

 

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 fleche11 Octobre : Complément

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En complément de ce que j’écrivais avant-hier, voici ce que Netanyahou avait déclaré en 2019 devant les députés du Likoud : « Quiconque veut empêcher l’édification d’un état palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas, y compris à travers le transfert d’argent. C’est notre stratégie, c’est comme ça qu’on isolera les Palestiniens de Gaza de ceux de la Cisjordanie ». Ce passage, que la presse israélienne rappelle, illustre bien sûr la stratégie un peu perverse l’Israël dont je parlais hier : jouer le Hamas contre l’Autorité palestinienne pour qu’on ne parle jamais d’une solution pacifique. Mais cette stratégie est revenu en boomerang vers Netanyahou.

Du coup, ce complément à mon billet d’avant-hier l’est aussi   au palmarès des conneries que j’ai lancé dans mon billet du 30 septembre….     

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 fleche9 Octobre : Deux poids et deux mesure?

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On  ne peut pas dénoncer la barbarie de la Russie en Ukraine et fermer les yeux sur celle du Hamas. Et l’engagement pro-palestinien ne saurait en rien justifier les centaines de morts  de ce week-end. De ce point de vue, les réactions de Jean-Luc Mélenchon et d’une partie des insoumis sont profondément ambigües. Le bureau du groupe LFI à l’Assemblée nationale déplore certes « les morts israéliens et palestiniens » mais parle d’une « offensive armée des  forces palestiniens » et le choix des mots est important. Offensive armée, certes, mais faisant surtout des victimes civiles, victimes absolument pas collatérales lorsqu’on tue plus de deux cents jeunes participants à un meeting musical. Et justifier cet acte de terrorisme par le sort que réserve Israël aux Palestiniens reviendrait à justifier le massacre du 13 novembre 2015 au Bataclan par la présence de l’armée française au Moyen-Orient pour lutter contre Daech.

 

Je considère pour ma part la cause palestinienne comme légitime, et je la soutiens, ce qui est d’ailleurs de moins en moins le cas des pays arabes. Et j’ai au moins deux raisons de critiquer le Hamas. La première relève de mes convictions laïques: la théocratie, le mélange de la politique et de la religion me hérissent, que ce soit en Israël, dans les pays arabes, en Inde, au Pakistan, en Pologne, aux USA ou ailleurs. La seconde est éthique et concerne le fait de tuer sciemment des civils, qu’ils soient ukrainiens, palestiniens, israéliens ou ouighours.

 

Après cette première réaction, peut-être primaire, il faut prendre un peu de recul. Le Hamas est bien sûr financé et armé par l’Iran, tout comme Israël est armé par les Etats Unis. En outre, il est probable que l’Iran se réjouisse de voir que le Hamas, par un autre effet collatéral, mette en difficulté le rapprochement entre l’Arabie Saoudite et Israël. Et s’il est vrai que le Hamas a pris en otage la cause palestinienne, le gouvernement de Netanyahou  en  a joué  comme repoussoir, pour oblitérer la légitimité de cette cause.

 

Pour toutes ces raisons, les réactions presque unanimes de la communauté internationale sont insupportable parce qu’unilatérales.  La condamnation des crimes commis par le Hamas est justifiée, mais la même communauté internationale est depuis longtemps muette sur les crimes commis par Israël,  par son armée ou ses colons, dans les territoires palestiniens occupés. Si l’on désire vraiment une solution pacifique, que ce soit sous la forme de deux pays, la Palestine et Israël, ou d’un seul pays qui ne pourrait alors être que laïque, il faut souligner que le gouvernement israélien ne montre aucune volonté allant dans ce sens. Seul le premier Yitzhak Rabin, signataire en 1993 des accords d’Oslo menant à la création de l’autorité palestinienne, était clairement sur la voie d’une solution pacifique. Il a été assassiné.  Et l’on ne compte plus les résolutions de l’ONU, contre lesquelles deux pays, les USA et Israël,  ont d’ailleurs régulièrement voté contre, qu’Israël n’a jamais appliquées. De ce point de vue, selon la définition («qui ne respecte pas les lois internationales») de la notion d’ailleurs contestable d’état voyou, Israël a depuis longtemps le comportement un « état voyou ». Mais un état qu’on se refuse le plus souvent à critiquer ou à dénoncer.

  Deux poids et deux mesures ?

 

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 fleche6 Octobre : Inexactitudes

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Le courrier international vient de sortir un numéro hors-série sur le thème « La bataille des langues ». Comme d’habitude, on y trouve une sélections d’articles venant de la presse internationale, mais cette fois-ci sur un thème unique, les langues. Plusieurs pages sur l’abandon du russe en Ukraine, un article sur le recul du français comme langue internationale, un autre sur la lutte en Chine contre le cantonnais (qu’il faut mettre en lien avec la mise-au-pas autoritaire de Hong Kong). Ou encore une analyse de l’expansion du swahili en Afrique, ou sur la disparition probable de l’arabe chypriote, du llanito de Gibraltar, etc.

 

Il est dommage qu’en ouverture, dans une double page consacrée aux « principales langues officielles dans le monde », on trouve une confusion assez étonnante. A côté d’une carte bien informée sur les principales langues officielles dans le monde (elle repose sur les données d’Ethnologue) on a en effet un « top 20 des langues les plus parlées dans le monde ». l’anglais vient en tête, devant le chinois mandarin, le hindi, l’espagnol, le français, l’arabe, le bengali, le portugais, le russe, l’ourdou, etc. Or ce classement n’a aucune signification car il mélange les locuteurs langue première et langue seconde. Si l’on prend en compte les locuteurs L1, l’anglais devrait être après l’espagnol, et le français devrait être à la quatorzième place (et non pas à la cinquième). Et classer l’arabe en sixième position,  avec 274 millions de locuteurs, n’a aucun sens car il s’agit de l’arabe standard qui n’a pratiquement aucun locuteurs en première langue…

 

Ces inexactitudes permettent, il est vrai,  de réfléchir à la notion de langue officielle, qui désigne  dans beaucoup de pays une langue choisie par le pouvoir, inscrite dans la constitution, mais pas nécessairement parlée par les citoyens, ce qui est le cas pour l’anglais, le français ou le portugais dans un grand nombre de pays africains.

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 fleche3 Octobre : Piégé

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En 2018, j’avais participé sur Antenne 2 à une longue émission consacrée à Michel Sardou, produite par Laurent Delahousse. Je me souviens qu’une journaliste m’avait demandé de chanter quelques mots de La maladie d’amour (« je le fais faire à tous ceux que l’interroge pour cette émission, dans la même tonalité ») et au bout de trois ou quatre vers j’avais lancé « bon, on a assez déconné ». En voyant plus tard l’émission, j’avais découvert qu’avec un certain humour la journaliste avait mis cette phrase, « bon, on a assez déconné », en conclusion. Mais surtout, l’émission était balancée, les arguments pour ou contre Sardou, ses critiques ou ses thuriféraires étant, si je puis dire, mis à armes égales:  c’était un vrai travail de journalistes honnêtes.

Début juin de cette année, une journaliste m’at demandé une interview pour BFMTV et j’avais passé environ une heure devant sa caméra. Il s’agissait encore d’une émission sur Michel Sardou, devant être programmé début octobre, à la veille de sa nouvelle tournée. Elle est donc passée hier soir. Et là, immense surprise, ou immense déception : une heure de portrait hagiographique, de brosse à reluire, donnant de Sardou, qualifié de plus grand chanteur français, une image aseptisée, consensuelle, faisant de lui une sorte de porte-parole,  d’écho  artistique aux évolutions de la France contemporaine.

Prenons un exemple simple, celui des pronoms personnels. Sardou chante très souvent en « je » : « je suis pour » (la peine de mort, bien sûr), « j’habite en France », « j’ai envie de violer des femmes » (Les villes de solitude), « Moi Monsieur j’ai fait la colo, Dakar, Conakry, Bamako.. » (Le temps des colonies), « ne m’appelez plus jamais France, la France elle m’a laissé tomber », etc. Et son discours comme celui de ses défenseurs consiste à dire : ce n’est pas moi qui veux violer, qui suis colonialiste, pour la peine de mort, pour les Ricains au Vietnam, etc., j’incarne des personnages. Je pense exactement le contraire : cette défense est à la fois facile et fallacieuse car ses « personnages » tiennent toujours un discours populiste et réactionnaire à destination d’un public populiste et réactionnaire. C’est son droit le plus strict, mais il faut le souligner lorsqu’on parle de lui. Je l’avais dit dans mon interview, en vain. Le problème n’est pas qu’on n’a retenu que deux ou trois phrases de mon intervention mais que tous les autres invités étaient à la fois des amis et des collaborateurs du  chanteur : ses paroliers, ses producteurs, ses compositeurs… En gros, une émission qui aurait pu être commandée et financée par la production du populiste en chef de la chanson française .

Bref, je me suis fait piéger. Alors un conseil à la jeunesse : si vous avez des idées qui ne semblent pas correspondre à celles des journalistes ou des media qui veulent vous faire parler, surtout n’acceptez que des émissions en direct. Ou faites vos propres émissions.

 

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Septembre 2023


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 fleche30 Septembre : Palmarès des conneries, suite

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 Pour alimenter la liste des candidats, voici une déclaration de François Sauvadet, homme politique dont la carrière n’est guère reluisante (mais vous pouvez vous renseigner sur Internet) : « Il faut faire attention car le  lit des illusions se creuse dans le fossé des annonces ».

Voilà une pensée qu’elle est forte! Vous imaginez la tête des lycéens si on leur demandait de la commenter à l’écrit du baccalauréat ?

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 fleche24 Septembre: Palmarès des déclarations politiques les plus connes

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Il y a quelques jours, au volant de ma voiture pour un voyage relativement long, nous avions avec l’amie qui m’accompagnait, imaginé d‘organiser un festival de la chanson con. Et, chantant à tue-tête, nous faisions un palmarès : Non ho l’eta par Gigliola Cinquetti, Petite fille de français moyen par Sheila, etc. J’avais aussi évoqué un incroyable 45 tours trouvé en Centrafrique, Catherine, interprété en français et en espagnol par le duo Los Vagabundos et financé par « l’empereur » Bokasa en « hommage à la majesté l’Impératrice Catherine Bokassa ». Bref, nous nous amusions bien, même si ce festival de la chanson con a peu de chance de voir le jour.

En revanche, il serait facile d’élaborer un palmarès des déclarations politiques les plus connes. Et un exemple récent pourrait lui servir de présentation. L’Organisation mondiale de la météorologie établit une liste alphabétique des noms de cyclones, alternant le masculin et le féminin, liste réutilisée tous les six ans. Donc, avant même de savoir où et quand aura lieu le prochain cyclone ou la prochaine tornade, on connaît par avance son nom. Et, en application de ce principe, le cyclone subtropical qui a dévasté la Libye a été baptisé Daniel. S’il avait frappé la Grèce ou l’Espagne, il aurait bien sûr porté le même nom.

Mais le président de la république tunisienne, Kaïs Saïed  y a vu la preuve d’un complot sioniste. « Pourquoi le nom de Daniel a été choisi, car le mouvement sioniste s’est infiltré, laissant les esprits et toute réflexion dans un coma intellectuel total », a-t-il déclaré, ajoutant que « Daniel est le nom d’un prophète hébraïque et ils ne font que le répéter (…) d’Abraham à Daniel, c’est très clair ». Je propose donc de lancer le concours de la déclaration politique la plus conne. Soyez tout ouïe, envoyez-moi vos propositions, je les publierai ici. Toutes les langues (avec traduction) sont acceptées.

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fleche16 Septembre: Plurilinguismes

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En 1988 nous avions lancé, avec Christine Deprez et Caroline Juillard,  Plurilinguismes, revue de sociolinguistique éditée par le CERPL (Centre de recherche en planification linguistique. Il s’agissait d’un groupe de recherche adossé à un laboratoire de sociolinguistique que je dirigeais, le tout voulant (et parvenant à) échapper à la bureaucratie du CNRS. Entre 1988 et 2001 nous avons publié 18 numéros, dirigés par des chercheurs ou des doctorants et portant soit sur des situations plurilingues (Sénégal, Grèce, Louisiane, Alger, Maroc, Galice, Gabon…) soit sur des thèmes (villes plurilingues, Antoine Meillet, Pygmalion, emprunts, situations insulaires, situations frontalières…).

En 2021 nous avons, Michelle Auzanneau et moi-même (en fait c’est elle qui a fait la plus grande partie du travail) entrepris la mise en ligne de tous ces numéros sur le site Persée ( https://www.persee.fr/collection/pluri). En relisant cet ensemble, on se rend compte que, de la même façon que le CERPL était un lieu de dialogue et de collaborations internationales ancrées dans la dynamique de recherches en sociolinguistique, ouvertes à la pluridisciplinarité, les thèmes abordées dans la revue sont aujourd’hui au centre de questions vives.

Bref, allez sur le site Persée et vous aurez de la lecture pour quelques jours.

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fleche12 Septembre: Le club des dictateurs, suite...

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Une titre choisi au hasard, celui des Echos de lundi: « Elections en Russie : le parti de Poutine remporte un scrutin sans suspense». Sans suspense, c’est le cas de le dire, puisque que les élections russes sont depuis longtemps truquées. Mais il s’est passé autre chose en Russie, sans beaucoup de suspense non plus.

En 1981, l’histoire Marc Ferro avait sorti un ouvrage dont le titre était  éloquent : Comment on raconte l’histoire aux enfants à travers le monde entier. La Russie vient de nous donner un exemple qui l’aurait intéressé. Un nouveau manuel d’histoire vient d’y sortir, pour la rentrée, dans lequel les élèves apprennent plein de choses. On y parle des « aspects négatifs de la chute de l’URSS », avec une belle citation de Poutine (« L’effondrement de l’Union Soviétique  a été la plus grande catastrophe géopolitique du XX* siècle ») et on y justifie, bien sûr, « l’opération militaire spéciale en Ukraine ». Bref Ferro (mort en 2021) aurait mieux que moi commenté cette application de la science historique à l’enseignement. C’est ainsi que l’on bourre de fake news la tête des enfants…

Dans le même temps, lors du sommet du G20 en Inde, le président brésilien Lula a déclaré qu’au sommet suivant, en 2024 au Brésil, Poutine serait le bienvenu (rappelons qu’un mandat d’arrêt a été lancé contre lui par la Cour Pénale Internationale, et qu’il n’a pas pu se rendre au sommet des Brics en Afrique du Sud, y participant en vidéoconférence).

Bref, je parlais ici le 5 septembre d’un club des dictateurs et m’interrogeai sur la position de Lula. Il vient de prendre une décision incompréhensible qui semble le rapprocher de ce club…

 

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 fleche6 Septembre: sondages

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Le sondage qui fait peur titrait hier Libération. Il s’agissait d’un sondage commandé par le journal à l’institut Viavoice dont les résultats sont effectivement intéressants. Ainsi 51% de gens interrogés déclarent avoir une image négative de Marine Le Pen (ils étaient 64% en 2021), 44% pensent qu’elle peut apporter des solutions utiles à la France et 42% qu’elle a la stature d’une cheffe d’Etat. Mais le plus frappant est la comparaison des opinions concernant le RN et LFI :

-36% trouvent le RN plus crédible que LFI (et 19% moins crédible)

-35% le trouvent plus compétent (18% moins)

-25% le trouve plus radical (27% moins)

-22% le trouvent plus violent (32% moins)

-18% le trouvent plus dangereux (36% moins).

Beaucoup de commentateurs ont déjà souligné que moins Le Pen s’exprimait et plus sa cote montait. Mais ces chiffres donnent froid dans le dos. Si les sondés trouvent la France insoumise beaucoup plus violente et encore plus dangereuse que le Rassemblement national, comment pensez-vous qu’ils voteraient s’il y avait en 2027 un second tour entre Le Pen et Mélenchon. Bien sûr la prochaine élection présidentielle est encore loin, et de l’eau (tiède ou glaciale) a le temps de couler sous les ponts. Mais il y a tout de même de quoi s’inquiéter…

 

Un autre sondage est également intéressant, celui que Charlie Hebdo a commandé à l’IFOP.  Il s’agit de cerner l’opinion (échantillon de 2145 personnes, représentatif de la population de plus de 18 ans et vivant en métropole) sur sa vision de l’abaya et du qamis. 70% des gens considèrent ces tenues comme ayant un caractère religieux et 81% approuvent leur interdiction. Une bonne majorité, donc. Mais lorsqu’on croise des réponses avec les sympathies politiques des sondés, on a quelques surprises. Ainsi 71% des sympathisants et 69% des sympathisants EELV les considèrent ces tenues comme religieux, mais 48% seulement des sympathisants LFI. En revanche, si 79% des sympathisants EELV et 73% des sympathisants PS  approuvent leur interdiction, 58% des sympathisants LFI sont sur la même position.

Ce qui pose un petit problème de logique. Si 48% des Insoumis considèrent que ces tenues sont des signes religieux, pourquoi 58% approuvent-ils leur interdiction ? Et surtout, s’il ne s’agit pas de tenues à caractère religieux, pourquoi les dirigeants insoumis déclarent-ils  à qui veut  les entendre que leur interdiction est anti musulmane ? De la même façon, 48% des musulmans nient le caractère religieux mais ils en désapprouvent l’interdiction à 66%. Allez comprendre.

Les membres des associations féministes sont en revanche plus logiques : 65% considèrent ces tenues comme religieuses, et 63% en approuvent l’interdiction.


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 fleche5 Septembre: Lula et le club des dictateurs

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Avant la dernière élection présidentielle brésilienne, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) s’apparentaient à un club de dictateurs. Lula par sa victoire face à Bolsonaro, avait fait légèrement baisser le taux de pays totalitaires, mais les nouveaux entrants (Argentine, Egypte, Éthiopie, Arabie Saoudite, Iran et Émirats arabes unis) l’ont singulièrement renforcé. Qu’est-ce que Lula, incontestable démocrate, peut avoir de commun avec l’Iran, L’Arabie saoudite, la Chine ou la Russie ? Certains voient dans ce groupe informel un nouveau Yalta, cette conférence qui, en février 1945, établissait une sorte d’ordre mondial opposant l’Est soviétique et l’Occident. D’autres y voient plutôt un contre Bretton Woods, une autre conférence qui en juillet 1944 définissait un système économique international fondé sur le dollar.

Mais ces comparaisons ne tiennent guère car si les BRICS visent effectivement un ordre international post-occidental et multipolaire, ils ont surtout des contradictions internes importantes, au premier rang desquelles le conflit latent entre la Chine et l’Inde. D’un côté une dictature mêlant communisme et capitalisme (variante politique de la gastronomie chinoise fondée sur le sucré/salé ?) et de l’autre un pays ultranationaliste autoritaire, l’Inde étant en voie de concurrencer la Chine dans le domaine technologique. S’y ajoute un conflit frontalier que la Chine vient de raviver en publiant une carte de ses frontières illustrant bien ses visées impériales vers la Russie, l’Inde et la mer de Chine.

En outre, si l’on comprend bien la volonté de se débarasser de la domination du dollar, on voit moins bien au profit de quelle autre monnaie. La Chine pense bien sûr au ren min bi (« monnaie du peuple », connue dans le reste du monde comme le yuan),mais il reste sur ce point un long chemin à parcourir : le dollar constitue 59% des réserves des banques centrales (2,6% pour le ren min bi) et 83,7% des transactions  internationales sont en dollar (4,5% pour le ren min bi).. Car la monnaie chinoise n’est pas convertible et le système bancaire chinois est sous le contrôle constant de l’état). L’équilibre international entre ces deux monnaies ne peut donc être qu’un objectif  à très long terme.

Les onze pays dorénavant réunis dans ce qu’il est devenu difficile de continuer à appeler les BRICS, s’ils ont un objectif clair, n’y parviendront pas avant longtemps. Ajoutons à cela les positions pour le moins ambigües de ces pays sur l’agression de l’Ukraine par la Russie, et nous avons un tableau bigarré de ce club de dictateurs, qui apparaît surtout comme une carte  dans le jeu de la Chine, comparable à l’OTAN ou l’Union Européenne dans celui des Etats Unis. Ces pays ne seraient alors que des pions dans la guerre Chine USA qui se profile, sur le plan économique d'abord, et peut-être sur le plan militaire, selon ce qui se passera sur le front de Taïwan? Peut-être.

Pour revenir à la question posée plus haut (que fait Lula dans ce club de dictateurs ?), la réponse semble surtout économique. L’Iran, la Chine, l’Arabie Saoudite et quelques autres pays peu fréquentables sont des marchés potentiels. Le fric, toujours le fric, passe ainsi avant les principes démocratiques.

 

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Août 2023

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fleche29 Août:  A bas l'abaya ou à bas la laïcité?

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En 2004 était votée une loi contre le port du voile à l’école et le bulletin officiel de l’éducation nationale publiait en mai un modèle d’article à insérer dans le règlement intérieur des établissement :

“Conformément aux dispositions de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation, le port de signes ou de tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Lorsqu’un élève méconnaît l’interdiction posée à l’alinéa précédent, le chef d’établissement organise un dialogue avec cet élève avant l’engagement de toute procédure disciplinaire.”

Il y eut une discussion stérile autour les notions de signe ostentatoire, ostensible ou visible, mais les choses se calmèrent très vite. Je pensais à l’époque que le problème n’était pas de savoir s’il fallait ou non interdire le voile, la kippa ou la croix dans les écoles. Il était que leur acceptation aurait été une porte ouverte à d’autres avancées de cette intolérance antidémocratique dont sont porteuses certaines conception de la religion.

Et nous voici aujourd’hui en plein débat sur le port de l’abaya. Le décision de l’interdire prise par le ministre de l’éducation nationale a déclenché des applaudissements à droite, réaction attendue mais qui n’invalide pas à mes yeux cette mesure. En revanche, les réactions à gauche sont plus intéressantes. Les communistes et les socialistes sont plutôt pour, la France Insoumise résolument contre et les écologistes divisés. Selon Mathilde Panot (LFI) l’obsession du ministre est « les musulmans, plus précisément les musulmanes ». Pour Sandrine Rousseau (qui semble ne pas savoir si elle est députée LFI ou écolo) il s’agit d’un nouveau « contrôle social sur le corps des femmes et des jeunes filles ». Et Clémentine Autain y voit pour sa part un symptôme « du rejet obsessionnel  des musulmans », « contraire aux principes fondateurs de la laïcité ».

Et l’on ne comprend plus rien. La laïcité, c’est le droit d’avoir la religion que l’on veut, ou de ne pas en avoir, la défense de ce droit, et sa limitation à la sphère privée. Ce qui par contrecoup implique que les religions ne doivent pas s’afficher à l’école, lieu de neutralité. La chose semble claire.

 

Le vice-président du Conseil français du culte musulman, Abdallah Zekri,  a de son côté dénoncé la décision du ministre en disant «pour moi, l’abaya n’est pas une tenue religieuse, c’est une forme de mode ». Et l’on se demande alors pourquoi ce responsable musulman intervient dans un débat sur la mode… Mais Panot, Autain et d’autres militants de la France insoumise dénoncent pour leur part une décision qui serait dirigée contre les musulmans, et l’on croit rêver : ils ne sont plus pour la laïcité, les insoumis ? Car il n’y a que deux solutions : l’abaya est soit un signe ostensible d’appartenance religieuse soit une mode. Mais protester contre son interdiction en disant qu’elle est dirigée contre les musulmans constitue à la fois une reconnaissance de sa nature religieuse et un abandon de la laïcité.

Il y aurait bien des façons simples de sortir de cet imbroglio. Imposer par exemple le port d’un uniforme dans tous les établissements scolaires (certains disent que cela aurait aussi l’avantage de supprimer la manifestation vestimentaire des différences sociales). En encore faire de ces établissement un immense camp de nudisme (ce qui serait aussi un réponse au changement climatique, une façon de lutter contre la chaleur).

Mais restons sérieux. Mélenchon et ses affidés n’en ont décidément pas fini de brouiller les cartes autour de leurs choix idéologiques. Déjà, il y a vingt ans, les altermondialistes, confrontés au même problème à propos du voile, invitaient à leurs réunions Tariq Ramadan, dont on sait qu’il n’est guère fréquentable et que, sous des aspects modernistes, il distillait un discours antisémite classique. Aujourd’hui, les Insoumis, n’arrivant pas à empêcher la classe ouvrière de voter pour Marine Le Pen, croient voir dans les musulmans les nouveaux damnés de la terre. De façon ostentatoire, ostensible ou visible, comme on voudra, ils tournent le dos à la laïcité et semble donner des verges pour se faire battre à ceux qui les traitent de façon d’ailleurs inappropriées d’islamogauchistes.

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fleche25 Août: Mugshot

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Mugshot désigne aux USA une photo d’identité judiciaire que l’on prend après l’arrestation d’un citoyen et qui est archivée afin de faciliter la tâche des enquêteurs pour l’identification des malfaiteurs. Fait historiquement unique, c’est hier, à la prison d’Atlanta, un ancien président des Etats Unis qui est passé devant l’objectif de la police.

Il n'est pas beau?




Il semblerait que Trump en profite pour faire sa publicité. Il aurait fait imprimer cette photo sur des T-shirts et des tasses à café pour les distribuer pendant sa campagne. Ainsi ses partisans, loin de penser qu’un tel portait est infâmant, affirmeraient leur soutien à la pauvre victime. Cela me rappelle un passage d’un ouvrage de Serge Moscovici (L’âge des foules, Paris, Fayard,  1981) dans lequel il écrivait :

« Si la science a pour axiome, selon Heidegger, « ne rien croire, tout a besoin de preuve », la religion a l’axiome inverse : « Toujours tout croire, rien n’a besoin de preuve ». Freud en a bien vu le danger : « La prohibition de pensée, avertissait-il, promulguée par la religion pour contribuer à son-auto-préservation, est aussi loin d’échapper au danger pour l’individu  et pour la société ».

La religion trumpienne n’a donc rien à  craindre : ses  pratiquants croient à l’innocence de leur idole, et cela n’a pas besoin de preuve.

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fleche23 Août: Résolver

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Je me sens parfois, dans mon rapport à la langue, dans une situation de dualité, ou de schize. Une de mes formation, celle de linguiste, me pousse à observer, à noter, à analyser, à tenter d’expliquer les usages, sans les juger. Les gens parlent comme ils veulent, ou comme ils peuvent, ils s’approprient la langue, la transforment, dans certaines limites : celles qui poussent à se faire comprendre des autres (ou de ne pas vouloir être compris). Mais, n’étant pas linguiste à plein temps (et c’est heureux) il peut m’arriver face à certains usages d’avoirune réaction toute différence.

En voici un exemple simple. Il y a longtemps que j’ai noté une forte tendance en français à remplacer le verbe résoudre par le verbe solutionner. Il est évident que le verbe résoudre n’est pas facile à conjuguer (je résous, vous résolvez, nous résolûmes, que nous résolvions…) alors que solutionner se conjugue aisément, comme tous les verbes du premier groupe. Et si solutionner fait sans doute grincer les dents des puristes, il est probable que la langue française est en train d’évoluer lentement vers une conjugaison uniforme, tous les néologismes verbaux étant du premier groupe. Cela, donc, c’estle point de vue du linguiste. Mais…

Mais j’écoutais hier à la radio (France Inter) Justine Triet parler de son film Anatomie d’une chute et, à propos du tournage je crois, elle a dit résolver  je ne sais plus quelles difficultés. Ma réaction ? Quelle inculture ! Je l’ai dit plus haut, on n’est pas linguiste (ou curé, ou plombier,ou tout ce que vous voudrez) à plein temps. Ma réaction m’a cependant un peu surpris. Résolver ! Au point que je me suis dit que je n’irai sans doute pas voir son film. Stupide ? Sans doute. Peut-être ne sommes-nous pas non plus intelligent à plein temps. C’est grave, docteur? Et comment résoudre, solutionner, résolver cela ? Je me console en me disant que Justine Triet devrait tout de même apprendre à trier entre ces trois formes, résoudre, solutionner, résolver... Tiens! A une lettre près, un v à la place du s, et nous tombons sur révolver.

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fleche21 Août: Complément d'enquête

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Depuis bientôt un mois le doute plane sur l’avenir des putschistes du Niger, un quarteron comme disait l’autre de soudards. J’avais dans mon billet du 7 août proposé une petite analyse de ce coup d’état et des mouvements de foule qui le soutenaient (nous savons maintenant que la plupart des manifestants étaient payés). Mais nous ne savons toujours pas ce que veulent ces putschistes. Que reprochent-ils  au gouvernement qu’ils veulent remplacer ? Quelle politique proposent-ils dans les domaines sociaux, économiques et dans la lutte contre le terrorisme islamique? Sur ces différents points, silence.

Or quelques détails instructifs ont fini par percer. Le général Abdourahamane Tiani, chef de ce pronunciamiento,  avait été nommé à la tête de la garde présidentielle en 2011 par le président précédent et confirmé à ce poste par le nouveau président Mohamed Bazoum en 2021. Mais il était sur un siège éjectable. Il semblerait qu’il devait être démis le 27 juillet par Bazoum. Or le coup a eu lieu le 26, la veille de cette date fatidique pour lui De là à penser que Tiani a fait ce putsch pour des raisons uniquement personnelles et non pas pour le « bien du pays », il n’y a qu’un pas à franchir. En tous cas, on discerne mal en quoi le « bien du pays » joue le moindre rôle dans cette aventure. Ce qui, je suppose, n’étonnera personne…


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fleche18 Août: De l'art ou du cochon

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Une polémique un peu atypique agite la France depuis plus d’une semaine. Interrogée sur un média belge, en fait une petite télévision sur Internet, la chanteuse Juliette Armanet a répondu à une question sur « les chansons qui pourraient lui faire quitter une soirée a cité Les lacs du Connemara, « de » Michel Sardou  (« de » parce que le texte est de Pierre Delanoë, co-signé comme souvent par Sardou, et la musique de Jacques Revaux): « C’est vraiment une chanson qui me dégoûte. C’est le côté scout, sectaire, musique est immonde. C’est de droite, rien ne va ».  Scandale à la droite extrême et à l’extrême droite (Eric Ciotti, Gilbert Collard…), bataille verbale dans la presse, etc. Armanet, qui a osé toucher à l’idole de la France aux idées courtes, est insultée sur tous les réseaux sociaus...

Quand on y regarde de plus près, la question semblait un peu biaisée. La présentatrice avait en effet rappelé qu’il y avait des chansons que l’on entonnait toujours à la fin des soirées de mariage, de fêtes de promotion d’HEC, etc., et avait cité Les lacs du Connemara que J. Armanet avait repris au bond. Mais qu’importe.

Car si cette chanson n’est pas explicitement de droite, le texte se contentant d’enfiler comme des perles une série de lieux communs sur l’Irlande, l’ensemble est typiquement « du » Sardou. Elle débute avec quelques accords en arrière fond, les paroles étant chantées sur un rythme très lent (« terre brûlée au vent des lentes de pierre… »). Puis la musique entre lentement, le rythme s’accélère  (« un peu plus rapide » dit la partition), s’accélère encore (« vif ») tandis qu’entrent des percussions marquant tous les temps, entrent des cuivres, des violons, des binious dans certaines versions. Cette montée en puissance redescend, monte à nouveau, bref une construction en sinusoïdes que l’on retrouve souvent chez Sardou dès ses débuts, en 1967 par exemple dans Les Ricains. Les orchestration fonctionnent en effet souvent chez lui  sur le même principe, consistant à jouer sur les émotions de l’auditeur par une accumulation progressive des instruments et une montée tonale. S’y ajoute, sur scène, la machisme affiché du chanteur, sa volonté de puissance sans aucune empathie pour le public. Sardou s’est toujours situé du côté d’une droite dure (Le temps des colonies, Les villes de solitude, Le France, Je suis pour…), et même si Les lacs du Connemara ne jouent pas dans la même cour immonde, il faut quand même remercier Juliette Armanet d’avoir mis les pieds dans le plat. Je ne la connais pas, mais je l'embrasse.

A propos de plat, on mange surtout du mouton en Irlande. Il est donc inutile de nous demander si c’est de l’art ou du cochon. Même si la réponse est évidente.


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fleche7 Août: Grands prix

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On appelle symptomatique une  médecine qui soigne  les effets de la maladie (ses symptômes) sans se préoccuper de leurs sources, c’est-à-dire de la maladie elle-même. Vous avez par exemple très mal à la tête, on vous donne de l’aspirine, alors que vos intestins sont en feu ou que vous avez une grave infection. Ce bref rappel vient de trouver une illustration aveuglante dans la ville de Mandelieu-la-Napoule.

Le maire a en effet considéré qu’en pleine saison touristique il était malvenu de laisser à la vue de tous les ronds-points dans un état lamentable : le gazon est en effet jauni par la canicule. L’édile a donc pris une décision étonnante : peindre en vert le gazon des espaces municipaux. En fait, il ne s’agit pas vraiment d’utiliser de la peinture au sens courant du terme, qui aurait pour effet immédiat de tuer le gazon ainsi traité, mais un produit à base d’algues qui donne une couleur verdâtre au pauvre gazon privé d’eau.

Vous voyez bien sûr le rapport avec la médecine symptomatique. Et l’idée judicieuse de ce maire éclairé pourrait s’appliquer à bien d’autres situations. Dans les vignobles du Bordelais ou de la Bourgogne, les raisins sont desséchés : mettons sur tous les pieds des grappes en plastique. Les touristes avides de photos exotiques sont désespérés : les lavandes ne sont plus bleues. Mettons-y des lavandes en plastiques. Il est vrai que cela ne changera rien aux problèmes des agriculteurs, mais on ne peut pas satisfaire tout le monde, et au moins les touristes auront leurs photos.

La technique symptomatique du maire de Mandelieu-la-Napoule pourrait en outre s’exporter. En Tunisie par exemple, où on ne trouve que difficilement le pain à bas prix subventionné par l’Etat, les boulangers préférant faire des pains recherchés pour les clients ayant les moyens. Qu’attendent les services culturels français pour rappeler que Jean-Jacques Rousseau, dans ses Confessions, écrivait qu’une « grande princesse », avertie que le peuple n’avait plus de pain, avait répondu : « Ils n’ont plus de pain ? Qu’ils mangent de la brioche ! ». Rousseau ne pouvait pas savoir (son livre, écrit en 1765, a été publié en 1782) que cela finirait par une révolution. Quant au gazon des ronds-points de Mandelieu-la-Napoule, je ne sais pas comment cela finira. Mais nous pouvons d’ores et déjà attribuer au maire un grand prix. J’hésite entre celui de l’innovation écologique ou celui de la connerie. A vous de juger.

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fleche4 Août: Démocratie et coup d'état

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Rien ne va plus en Tunisie. La vie augmente sans cesse, on manque de pain, l’eau et l’électricité sont coupées de façon répétitive… Et un ami, exaspéré par les déclarations récurrentes de ses concitoyens déclarant à la décharge de l’incompétence notoire du président Kaïs Saïed « c’est de la faute des autres, ceux qui sont venus avant », me disait récemment : « Les Tunisiens ne méritent pas la démocratie ». Déclaration abrupte et injuste à me yeux, moi qui souscrit volontiers à l’aphorisme de Winston  Churchill selon qui «la démocratie est le pire des systèmes, à l'exclusion de tous les autres ». Mais l’amertume de mon ami me revient à l’esprit en observant ce qui se passe au Niger. Depuis plus de 50 ans j’ai vu dans la quinzaine de pays Africains que je connais pas mal de coups d’états. Et j’ai plusieurs fois été frappé dans la rapidité avec laquelle des manifestants se précipitaient pour encenser le nouveau pouvoir, le plus souvent les mêmes qui quelques mois avant encensaient le pouvoir déchu.

Mohamed Bazoum a été élu en 2021 avec 56% des suffrages et une participation de 69% des inscrits. Ces chiffres sont suffisamment éloquents : nous sommes loin des scores de 95 ou 98% de voix auxquels nous ont habitués certains régimes, et son élection semble avoir été démocratique. Je ne sais pas si le putsch auquel nous venons d’assister s’explique par des dissensions entre le pouvoir civil et l’armée, par l’échec du pouvoir face aux djihadistes,  par le fait que Bazoum  semblait lutter contre la corruption et que certains se sentent menacés ou par les liens entre l’armée et le président précédent. Mais ce qui est sûr, c’est que les manifestants ne se posent pas ces questions . Ils souffrent du coût de la vie, du chômage, et tout changement, quel qu’il soit, à la tête du pays leur paraît positif, comme le leur paraîtra sans doute  le suivant. Ajoutons à çà la désinformation menée par des réseaux russes, la désignation de la France comme responsable de tous leurs problèmes, et nous avons le cocktail qui explique une grande partie de choses. Et ce n’est pas la démocratie qui est en cause, ou le fait qu’elle soit ou pas méritée. Encore une fois, Bazoum a été élu démocratiquement. C’est l’absence totale de culture démocratique, l’analphabétisme politique.  Je crois que les pays voisins du Niger voient l’alliance se mettant en place entre le Niger, le Mali et le Burkina Faso, avec la force Wagner dans le décor et commencent à s’inquiéter. Je ne sais pas si la CEDEAO mettra en œuvre ses menaces, mais il est clair que la solution viendra d’eux et d’eux seuls, sans je l’espère l’intervention de militaires français ou américains.

Je sais que mes propos peuvent être mal interprétés, voire considérés comme néocoloniaux. Mais ne vous y trompez pas : il se passe, ou risque de se passer, la même chose en France. Non pas un putsch bien sûr, mais le même aveuglement politique poussant les gens vers le fascisme rampant de Le Pen ou Zemmour soutenus par la presse de Bolloré.


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fleche2 Août: Bollorisation, suite

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J’ai évoqué le 17 juillet la grève des journalistes du Journal Du Dimanche. Or depuis hier Bolloré, par l’intermédiaire de sa marionnette Lagardère, a mis en place et donc imposé à la rédaction le directeur d’extrême droite qu’il avait choisi. Bien sûr un propriétaire peut faire ce qu’il veut de ce qu’il achète. Mais il y a dans des journaux comme Le Monde ou Libération des clauses éthiques garantissant aux journalistes qu’on ne peut pas leur imposer n’importe quoi. Pas chez Bolloré. Ce qu’il y a de remarquable chez lui, c’est qu’il ne cherche pas à faire plus de bénéfices. Il a mis la main sur Europe 1, une radio phare qui a perdu la plus grande partie de ses auditeurs. Il a mis la main sur Canal + qui a perdu toute originalité. Ce n’est pas l’argent qui intéresse Bolloré, il en a beaucoup, c’est le pouvoir idéologique. Il est en train de mettre en place un réseau d’information qui servira en temps voulu  à la promotion de Zemmour ou de Le Pen. Combat culturel donc, qui ne semble pas gêner tout le monde : on apprend que l’ineffable Ségolène Royal aura bientôt un chronique dans l’émission la plus vulgaire de CNews, celle de Cyril Hanouna, Touche pas à mon poste…

Alors, que faire ?

En 1971, lorsque le pouvoir pompidolien avait interdit La cause du peuple après avoir mis en prison deux de ses rédacteurs en chef, Léo Ferré dans Conditionnel de variétés scandait ceci :

Comme si je vous disais que le pays qui s'en prend à la liberté de la presse est un pays au bord du gouffre
Comme si je vous disais que ce journal qui aurait pu être interdit par ce pays au bord du gouffre pourrait peut-être s'appeler "la Cause du Peuple"
Comme si je vous disais que le gouvernement intéressé qui s'en prend à ce genre de presse d'opposition pourrait sans doute s'imaginer qu'il n'y a ni cause ni peuple
Comme si je vous disais que dans le cas bien improbable où l'on interdirait le journal "la Cause du Peuple" il faudrait l'acheter et le lire
Comme si je vous disais qu'il faudrait alors en parler à vos amis
Comme si je vous disais que les amis de vos amis peuvent faire des millions d'amis

Alors, que faire donc ? A l’inverse de ce que préconisait Ferré, dans le cas bien improbable où un milliardaire française s’en prenait à divers moyens de communication comme Canal +, CNews, Europe 1, Paris Match , le JDD  ou le groupe d’édition Hachette, il faudrait ni acheter, ni lire, ni écouter ces media, en parler à vos amis en vous disant que les amis de vos amis peuvent faire des millions d’amis…

Pour finir, une question à mille euros. Le JDD était très prisé par les responsables politiques qui adorent qu’on parle d’eux et se bousculaient pour y donner des interviewes. Alors, qui aura le courage de refuser dorénavant de répondre aux questions du JDD ? Et qui sera le premier ou la première à s’y précipiter lorsque le journal reparaîtra ? Les paris sont ouverts. Je pense pour ma part que Ségolène Royal ne sera pas la dernière.


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fleche1er Août: Autour de l'accent

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Je viens de lire quatre romans d’Horace McCoy, un écrivain américain dont Gallimard a publié il y a deux mois dans la collection Quarto la plupart des œuvres. McCoy est un peu oublié en France, même si l’un de ses livres, adapté au cinéma (On achève bien les chevaux) avait connu un grand succès. Des romans noirs à tendance sociale dont certains passages retiennent l’attention du linguiste. Ainsi, dans Kiss tomorrow good night (1948, traduction française, Adieu la vie, adieu l’amour) on trouve cette évocation légère de l’accent du personnage central :

« De quel coin du Sud venez-vous ?

-Qu’est-ce qui vous fait croire que je viens du Sud ?

-Votre accent.

Mon accent ? Je n’ai aucun accent.

-Je ne m’en étais pas rendu compte jusqu’à présent. Mais je viens de l’entendre. Quand vous avez prononcé « sur le feu ».

J’éclatai de rire.

-C’est une des expressions qui me trahissent toujours avouai-je. Je devrais faire plus attention.

-Vous avez honte de venir du Sud ?

-Pas vraiment.

-Alors pourquoi le cacher ?

-Je ne sais pas.

-Vous avez tort de le cacher. C’est mignon l’accent du sud.

-Je le dissimule pour des raisons professionnelles. La plupart des gens associent l’accent du Sud à la paresse et indolence. C’est pourquoi j’essaie de le mettre en sourdine ».

 

Mais c’est dans I should have stayed home (1938, traduction française, J’aurais dû rester à la maison) que l’on trouve une implacable illustration de la fonction sociale de l’accent. Le personnage a quitté son Sud natal pour tenter à Hollywood sa chance dans le cinéma. Extraits :

 

« -Ca y est, tu remets ça…, a-t-elle dit en singeant mon accent.

-C’est pas de ma faute si je suis du Sud, si ? J’essaie de me débarasser de mon accent » 

 

« -Vous êtes du Sud ?

-Oui, m’sieur, de Géorgie.

Il a allumé une cigarette, l’air pensif, en prenant tout son temps, et j’ai compris à son regard que, quel qu’ait été l’intérêt qu’il avait pu avoir pour moi, il s’était évanoui.

-Vous avez un sacré accent. C’est très mauvais.

-Je ne pensais pas que ça s’entendait.

-Faudrait être sourd…Pas étonnant que vous ayez du mal à obtenir des rôles ».

 

« Il m’a interpelé en imitant mon accent :

-Hé, mon gars.

-Salut Tommy ».

 

« Super. Je vais me changer et je reviens dans une demi-heure. A plus tard mon gars ! a-t-il dit en raillant mon accent avant de filer ».

 

« -Tu veux un Coca ?

-Non.

-Qu’est-ce qui t’arrive donc, mon gars ? m’a-t-elle demandé en singeant mon accent. Un gars du Sud qui n’veut pô son Cockey-Coley ?

-C’est pas drôle ».

 

« -Je travaillerais pour presque rien, si je pouvais obtenir un contrat. Même vingt-cinq dollars la semaine, ça me suffirait .

-Désolé, Carston, je ne peux rien faire. Cet accent…

 

-« Ce que vous avez de mieux à faire, c’est de rentrer chez vous. Tant que vous resterez à Hollywood, vous serez pauvre et malheureux. Votre accent vous interdit le cinéma ».

 

« J’avais décidé d’ajourner mes débuts dans le cinéma, le temps d’économiser assez d’argent pour prendre des leçons de diction et me débarasser de mon accent. Si je voulais réussir, il fallait d’abord que je surmonte ce handicap (….) Ne t’en fais pas, me répétais-je. Trouve du travail, économise un peu d’argent, et puis va voir un bon professeur de diction pour travailler ton accent ».

 

Quelques sociolinguistes ont abordé ce thème, souvent sur un ton geignard ou plaintif (« j’ai un accent, et alors ? »), oubliant parfois que nous avons tous un accent, régional ou social. Alain Rey explique par exemple qu’à partir du 17ème siècle ce mot « désigne les caractères de la prononciation d’une langue par rapport à la norme sociale : ainsi, en français, accent du Midi, accent parisien, qui ne caractérisent que des écarts par rapport au phonétisme du français cultivé d’Ile de France, considéré comme sans accent (alors que du point de vue provençal par exemple, on parle d’un accent du Nord, parisien, dit aussi accent pointu ». Et le linguiste Philippe Blanchet le définit pour sa part comme « une prononciation particulière issue du contact avec la ou les langues premières des générations précédentes et globalement partagée par la population ». Ces deux définitions, qui se complètent en partie, présentent cependant un même défaut, celui de ne prendre en compte que l’aspect géographique des accents. Or, s’il y a évidemment des accents régionaux, il y a également des accents sociaux, les deux pouvant se combiner.

Plus convaincantes sont les approches du philosophe Jacques Derrida ou du sociologue Pierre Bourdieu. Derrida écrivait, à propos de son accent de Français d’Algérie : « Je n’en suis pas fier, je n’en fais pas une doctrine, mais c’est ainsi : l’accent, quelque accent français que ce soit, et avant tout le fort accent méridional, me paraît incompatible avec la dignité intellectuelle d’une parole publique ». Et Bourdieu, à propos de son accent béarnais : « Quand on vient d’un petit milieu, d’un pays dominé, on a de la honte culturelle. Moi, j’avais de la honte de mon accent qu’il fallait corriger, j’étais passé par l’École normale, etc ». 

Le philosophe  et le sociologue semblent ici plus proches des réalités « du terrain » que les linguistes. Mais McCoy, dès 1938, sans avoir besoin de théoriser, montrait cette évidence  que notre façon de parler joue un rôle central dans notre devenir professionnel. Comme quoi la littérature est parfois plus riche, plus évocatrice, que tous les théoriciens.

 

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Juillet 2023

 


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fleche31 juillet : Nomination ou oblitération

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Je viens de passer une dizaine de jours en Tunisie et j’ai été frappé de voir, dans la presse (ou, pour être plus précis, dans la presse que je lisais) par un curieux ballet sémantique. Dans ce titre, par exemple, à propos des manifestations contre la réforme judiciaire en Israël : L’Entité sioniste au bord de l’implosion. On l’aura compris, entité sioniste désigne, sans le nommer, Israël. Mais, comme il n’est pas évident de créer un adjectif à partir de ce syntagme, on trouvait dans l’article la mention des quotidiens israéliens, de la société israélienne ou du Parlement israélien… Mais la Cour suprême était qualifiée de plus haute instance juridique de l’Entité sioniste. Tout ceci pour ne pas citer Israël. Par ailleurs, la ville de Jérusalem (en arabe al Qods) était nommée Al-Qods occupée.

Derrière tout cela, sans doute, la volonté de nier l’existence  d’un pays qu’une partie des pays arabes a reconnu (le Maroc a d’ailleurs été payé en retour de sa normalisation des relations diplomatiques : Israël a, de son côté, reconnu la marocanité du Sahara espagnol qu’il occupe). Ce qui me paraît intéressant, c’est que faute de lutter politiquement, voire militairement, contre l’impérialisme israélien en Palestine, on lutte par l’intermédiaire de mots. Or ce n’est pas avec des mots que l’on pourra aider le peuple palestinien, dont les pays arabes se désintéressent d’ailleurs. On ne l’évoque cycliquement, par une sorte de tour de passe-passe, que lorsqu’il il faut faire oublier des problèmes locaux. Des manifestations contre la vie chère ? On lance une opération verbale contre Israël. Des problèmes d’eau, d’électricité, d’approvisionnement ? On lance le même type d’opération verbale…

Et un changement de nomination sert d’oblitération : Israël n’existerait pas si on ne le nommait pas. On prête à Albert Camus une formule selon laquelle « mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde ». En l’occurrence, le malheur des Palestiniens n’est pas près de prendre fin.


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fleche17 juillet : La bollorisation est en marche

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Pour la quatrième semaine de suite, le Journal du Dimanche (JDD) ne paraît pas ce dimanche. Pour quel motif ? Vous allez comprendre.

Vincent Bolloré, milliardaire prédateur du monde de l’information et de la culture, poursuit ses destructions depuis des années. Dans la presse, il achète, vire des journalistes et impose sa ligne, catholique réac et d’extrême droite. Dans le domaine télévisuel il a fait disparaître tout ce qu’il y avait de novateur à Canal +. Puis il fait de C News la chaîne à la fois la plus vulgaire et la plus réactionnaire de l’audiovisuel français. Côté réactionnaire, Eric Zemmour, avant de se porter candidat à la présidentielle de 2022, en était le polémiste vedette. Il a été plusieurs fois condamné pour « provocation à la haine », « injures raciales », « insulte à la France »… Côté vulgarité, Cyril Hanouna et son émission Touche pas à mon poste battent tous les records et ont plusieurs fois été condamnés à des amendes dont l’une a dépassé les trois millions d’euros. Etrangement, Raquel Garrido, aujourd’hui députée de la France Insoumise et ancienne porte-parole de J-L Mélenchon, a été pendant trois ans chroniqueuse, bien sûr rémunérée, dans cette émission. Et Marlène Schiappa, sous-ministre (disons secrétaire d’état) du gouvernement Bordes, y a son couvert et l’on murmure qu’elle pourrait y collaborer régulièrement si, comme c’est probable, elle doit quitter le gouvernement. L’extrême droite, comme on voit, ratisse large.

Passons à la radio. Bolloré a mis la main sur Europe 1, en a viré une partie de la rédaction. Cette station est aujourd’hui la moins écoutée de radio généraliste, mais qu’importe si elle perd de l’argent. L’extrême droite a du fric.

Puis, dans la presse écrite, ce fut Paris Match. Bolloré en a pris subrepticement le contrôle il y a un an et a affiché ses positions en imposant une couverture consacrée au cardinal Sarah, traditionnaliste notoire. La rédaction proteste, et Bruno Jeudy, rédacteur en chef renommé, est viré au bout d’un mois. Depuis, les « unes » de l’hebdomadaire ne sont plus validées par la rédaction mais par la direction. Pour Europe 1 comme pour Paris Match, Bolloré exerce son pouvoir en sous-main.  C’est en effet Arnaud Lagardère qui, dilapidant l’énorme héritage que lui a laissé son père, s’est trouvé en situation financière délicate et cède peu à peu des pans entiers de ses avoirs dans la presse mais aussi dans l’édition.

Et cela nous mène au JDD dont Lagardère est théoriquement la patron mais Bolloré le puissant actionnaire. Il y a un mois, la rédaction du journal apprend qu’elle a un nouveau directeur, Geoffroy Lejeune, venu du journal Valeurs actuelles et ami intime d’Eric Zemmour et de Marion Maréchal, nièce de Marine Le Pen. D’extrême droite assumée, il est sans doute chargé de mettre le JDD dans la ligne de Bolloré. Tout le personnel se met en grève et cela fait donc quatre semaines que le JDD ne paraît plus. Les grévistes sont soutenus par la plupart de leurs confrères mais, ici encore, il se passe des choses étranges. Jean-Luc Mélenchon par exemple a déclaré que défendre les « larbins de Bolloré n’avait « aucun sens ». Du côté du gouvernement seuls deux ministres ont réagi. Celle de la culture, Rima Abdul Malak, s’est déclaré inquiète, que Bolloré représentait une menace pour la liberté d’expression et de création. Et celui de l’éducation nationale, Pap Ndiaye a traité C News de « clairement d’extrême droite ». Les autres se taisent prudemment.

Il est vrai que le JDD, journal plutôt de centre droit, fait bien son travail d’information et que tout le personnel politique rêve d’y être interviewé. D’où le silence prudent des politiques…

Il en va un peu de même dans le domaine du show biz et de l’édition. Bolloré a en effet également mis la main sur le groupe Vivendi, qui possède en particulier Editis (Nathan, Laffont, Julliard, Plon, etc…) et Universal (Decca, Barclay, Polydor, Virgin, etc.). Et on comprend le silence de beaucoup d’artiste et d’écrivains. On ne sait jamais…

Bref, le JDD est donc en grève. Il est probable que les choses finiront comme ailleurs : des journalistes feront jouer la clause de conscience et partiront, un chèque dans la poche. Les autres se tairont, il faut bien vivre. Mais ce qui se joue dans la plupart des cas évoqués ci-dessus concerne notre liberté, notre droit à l’information et au pluralisme. La bollorisation des esprits est en marche, Hanouna et Zemmour  risquent de devenir les gourous fascisants de la « culture » et de la « politique ». Et peu de gens réagissent à ce tsunami réactionnaire. Pourtant, les journalistes du JDD, qu’on apprécie ou non leur journal, se battent aussi pour nous, défendent aussi notre droit à une information pluraliste.

La bonne question n’est d’ailleurs peut-être pas « pourquoi peu de gens réagissent ? » mais « qui lit aujourd’hui les journaux ? ». Regardez autour de vous. Vous verrez des gens les yeux rivés sur leur tablette, écoutant des influenceurs, consultant des sites plus ou moins d’information, parfois complotistes ou, le plus souvent, suivant des séries.  Or Internet est désormais à l’information ce que Mac Do est à la gastronomie : leur négation, leur rature. Mais il s’en foutent. En 1989 sortait un film intitulé Chérie, j'ai rétréci les gosses. Le projet de Bolloré est de rétrécir les esprits.

Une autre grève fait beaucoup parler de l’autre côté de l’Atlantique, celle à Hollywood, des scénaristes (ils sont 11.500 en grève), qui dure depuis deux mois et demi. Les acteurs viennent de les rejoindre : ils sont 160.000 en grève. Résultat : l’industrie du cinéma est bloquée. On ne tourne plus aucune série, plus aucun film. Déjà on commence à rediffuser de vielles séries, faute de pouvoir produire des nouveautés. Peut-être que les drogués des tablettes et des séries, lorsqu’ils se rendront compte que ne leur fourgue que des vieilleries, se poseront ils des questions sur les raisons et les motifs des grévistes. On peut toujours rêver. Pour l’instant, la bollorisation est en marche en France, et personne ne s’en soucie vraiment.

 


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fleche11 juillet : Né quelque part

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Il est difficile de ne pas le savoir, tant les média nous en rebattent les oreilles : La France accueillera les Jeux olympiques en 2024. Ils se dérouleront pour l’essentiel à Paris (d’où le logo Paris 2024) mais aussi à Tahiti et dans différents sites de l’hexagone comme Bordeaux, Lyon, Nice, Saint-Etienne et Marseille. Pour cette dernière ville il y aura d’ailleurs deux sites, le stade vélodrome pour le football et la marina de Marseille pou les épreuves nautiques.

Or la ville  vient de demander au comité d’organisation que le logo Paris 2024 ne soit pas affiché sur le stade pour « protéger l’identité du stade et l’histoire du club ». Et une élue du conseil municipal, Samia Ghali, a précisé que « le vélodrome est le temple du football à Marseille, avec son club historique. Apposer Paris sur le stade serait très mal vécu par les Marseillaises et les Marseillais ». En toile de fond, bien sûr, un non dit : une querelle de clochers ridicule entre l’équipe de Marseille, l’O.M., et celle de Paris, le P.S.G., qui donne régulièrement lieu lors des matches entre les deux équipes  à des insultes, voire des émeutes. Et cette querelle de clochers semble  ignorer que depuis le 9ème siècle avant notre ère est instituée ce qu’on appelait en grec Ekecheiria, la « trêve olympique ».

Je me soucie du football comme de ma première chemise, mais je déteste depuis longtemps le nationalisme, qu’il soit local, régional, national ou continental. En revanche, j’aime bien la chanson. Et face à ce refus marseillais me viennent en tête deux titres. Celui d’une chanson de Maxime Le Forestier, tout d’abord, Né quelque part :

« Est-ce que les gens naissent égaux en droits à  l'endroit où ils naissent, est-ce que les gens naissent pareils ou pas »

Et surtout celui d’une chanson de Georges Brassens, La ballade des gens qui sont nés quelque part, dont chaque couplet se termine par le même vers : « Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part ».

Sans commentaire, bien sûr.

 

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fleche7 juillet : Caporalisme

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Il n’y a guère on parlait en France de gauche unie, d’union de la gauche, formules qui couvraient essentiellement quatre choses. Une stratégie momentanée de convergence entre communistes et socialistes, une réalité sociale (l’existence d’une classe ouvrière et d’une petite bourgeoisie « de gauche », votant pour cette gauche), une analyse de cette réalité sociale, de ses besoins et de ses désirs, et enfin, pour parler comme Gramsci, une « hégémonie culturelle ».

On pourrait considérer que la NUPES correspond aujourd’hui à une stratégie d’union. En revanche la « classe ouvrière », ou ce qu’il en reste,  a connu une mutation considérable : d’une part elle se dilue, d’autre part elle a de plus en plus tendance à voter pour l’extrême droite. Et enfin on chercherait en vain une analyse convaincante de la réalité sociale et la moindre trace d’hégémonie culturelle.

Prenons ces quatre points dans un ordre différent. Si la conquête du pouvoir politique passe par celle de l’opinion publique, c’est du côté de Bolloré ou de Zemmour que se trouve aujourd’hui l’hégémonie culturelle : racisme et opposition aux migrants dominent dans l’opinion. Face à cela, on voit naître une curieuse analyse sociale à l’extrême gauche: si la classe ouvrière n’est plus porteuse de combats, de « lendemains qui chantent », cet espoir est désormais du côté des « arabes », des « musulmans », vus comme les nouveaux opprimés. Et toute révolte dans les « quartiers », toute manifestation violente, sont vues comme les prémices d’une révolution à venir. Cette analyse, a été par certains baptisée « islamo-gauchisme », formule peut-être stupide mais qui recouvre une réalité. Et enfin la NUPES, « nouvelle union populaire, écologique et sociale », apparaît de plus en plus comme un champ de bataille sur lequel s’affrontent différents désirs, différents egos, des volontés de pouvoir pour certains, de survie pour d’autres.  Les noms que l’on entend le plus souvent, ceux de Jean-Luc Mélenchon, Sandrine Rousseau, François Ruffin, Olivier Faure, Fabien Roussel et quelques autres illustrent parfaitement cette double tendance de volonté de pouvoir et de crainte de disparition ? Pour résumer cela un peu vite,  la « gauche française » ne pense plus, a surtout un électorat bobo, un discours tirant vers la populisme et une stratégie que tente d’imposer un mâle alpha, Jean-Luc Mélenchon. En bref la formule « gauche française » n’a plus  aujourd’hui le moindre sens.

On en trouve une belle illustration dans deux situations très différentes : les réactions aux scènes récentes d’émeutes et de saccages après le meurtre d’un jeune homme par un policier, et la préparation des élections européennes. Dans le premier cas, Mélenchon et ceux qui le suivent au doigt et à l’œil se sont refusé à appeler au calme, avec une formule dont l’ambiguïté saute aux yeux : nous n’appelons pas au calme mais à la justice. Du coup socialistes et communistes ont exprimé leur désaccord et la « nouvelle union » qu’est la NUPES vire à la désunion.

Dans le second cas, la préparation des élections européennes, Mélenchon, encore lui, insiste obstinément sur l’importance d’une liste commune. Les écolos ont déclaré depuis longtemps qu’ils iraient seuls, imités par le communistes et sans doute par les socialistes. Pourquoi la France insoumise veut-elle une liste commune ? Parce que, dit Mélenchon, s’il n’y a pas d’union aux européennes il n’y en aura pas à la présidentielle. Traduisez : je ne serai pas le candidat unique de la gauche. Pourtant, sur la question européenne, les différents partis de gauche n’ont pas les mêmes positions, les mêmes conceptions. Et le caporalisme mélenchonien (ne discutez pas, tous en ligne derrière moi) est un signe de plus de l’absence de réflexions et d’analyse théoriques. Encore une fois, la gauche française ne pense guère, n’a pas grand-chose à proposer.

Un récent sondage de l’institut IPSOS jette sur tout cela une autre lumière, intéressante. Si les quatre partis de la NUPES (France insoumise, socialistes, communistes et verts) allaient unis à l’élection européennes, ils obtiendraient 24% des suffrages. S’ils y allaient chacun pour soi, le total des voix obtenues serait de 32,5%. Et il y aurait donc beaucoup plus d’élus, qui d’ailleurs ne défendraient sans doute pas les mêmes positions au Parlement européen. Si le sondage est fiable, nous aurions donc là une belle démonstration du fait que Mélenchon ne veut pas obtenir le plus d’élus possible à Bruxelles mais ne veut pas voir une tête qui dépasse derrière lui. Encore une fois, caporalisme.



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fleche2 juillet : Bolsonaro dans un sous-marin

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Les choses vont plus vite au Brésil qu’aux USA : Trump court toujours alors que Bolsonaro a été rattrapé par la justice. Il vient d’être condamné à huit ans d’inéligibilité par le Tribunal Supérieur Electoral pour le discours qu’il avait prononcé devant des ambassadeurs un mois et demi avant l’élection présidentielle. Il y prétendait que le vote par urnes électroniques était truqué, infiltré par des hackers et par on ne sait quelle « entreprise  tertiatisée »(vous savez peut-être ce que cela signifie, pas moi).  Les sept juges ont exprimé leur décision (à 5 voix contre 2) à la télévision, l’un d’entre eux déclarant que Jair Bolsonaro avait « violé ostensiblement ses devoirs de président de la République ». Immédiatement, les réseaux sociaux ont commenté cette condamnation, les uns prétendant que l’ex-président était victime  de la « dictature communiste liée au milieu « narco-judiciaire », les autres la commentant de façon humoristique, comme sur l'illustration ci-dessus.

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Juin 2023

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fleche25 juin : Staline vu par Picasso

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Propriété de l’Etat, acquis par dation des héritiers Picasso

En 1949, pour le 70ème anniversaire du dictateur soviétique, Picasso avait réalisé à la demande de la CGT le dessin ci-dessus . Le tutoiement, la forme populaire de la formule étaient bien sûr conformes aux pratiques langagières des communistes. Mais le dessin pouvait aussi être reçu comme provocateur, insinuant que Staline était un gros buveur. Picasso n’avait sans doute pas lu le poème de Rakhimov publié dix ans plus tôt dans la Pravda à l’occasion de son 60ème anniversaire :

O grand Staline Ô chef des peuples
Toi qui fais naître l'homme
Toi qui fécondes la terre
Toi qui rajeunis les siècles
Toi qui fais fleurir le printemps
Toi qui fais vibrer les cordes musicales
Toi splendeur de mon printemps

Soleil reflété par des milliers de cœurs


Mais les traits entourant le nom de Staline pouvaient également suggérer que le « petit père du peuple » était un soleil. Et le vin sombre dans le verre, qui semble avoir coulé sur la main, pouvait également dire insidieusement que Staline avait du sang sur les mains. Membre du PCF, le peindre n’était jamais allé (ou avait éviter d’aller ?) en URSS, et il est difficile de savoir ce qu’il en pensait vraiment. Cela n’empêcha pas Louis Aragon de lui demander en mars 1953 quelque chose pour illustrer la « une » de l’hebdomadaire qu’il dirigeait, Les lettres françaises, sur la mort du même Staline. A mille lieues du réalisme socialisme prôné par Andréi Jdanov, le portrait fit scandale. Ce n’était pas l’image, ou plutôt l’icône, qu’attendaient les communistes, certains la virent comme une insulte à la mémoire du chef adoré, et il s’ensuivit une série de règlements de compte au sein du PCF.




In L’Express, 7/3/ 2013

Mais au-delà de ce procès en « apostasie » il est intéressant de se pencher sur l’œuvre. Le portrait est encadré par deux articles, l’un à gauche de F. Joliot-Curie (« Staline, le marxisme et la science » et l’autre à droite d’Aragon (« Staline et la France ». On y distingue une première ébauche du visage et de la moustache, au trait fin, puis le dessin final, le trait au fusain étant plus appuyé. L’esquisse du visage et le visage définitif ont toutes les deux la même forme, dans laquelle le psychanalyste Paul Fuks a proposé de voir un œuf : « En éliminant traits, cheveux et moustache pour aller à l'essentiel du contour de la face, on s'émerveille en découvrant un œuf posé sur un cylindre ».

Tête d’œuf, Staline ? En fait Fuks va plus loin, voyant aussi dans cet œuf posé sur un cylindre le gland et le prépuce d’un sexe masculin. Alors, tête de nœud, Staline ? Jouant sur les mots, Fuks conclue que la formule « le portrait de Staline exécuté par Picasso » pourrait s’entendre « Staline exécuté par Picasso ». Mais le préfère cette cette boutade, attribuée à Salvador Dali : « Picasso est espagnol – moi aussi. Picasso est un génie – moi aussi. Picasso est communiste – moi non plus… »

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fleche21 juin : Kobané

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Je viens de lire un livre très intéressant, Introduction à la linguistique kurde, de Salih Akin (éditions Lambert-Lucas, Limoges, 2023), qui présente différents aspects de la situation des Kurdes et de leur langue. Et je voudrais en  présenter rapidement un aspect révélateur

Parlé principalement dans quatre pays  (l’Irak, l’Iran, la Syrie et la Turquie), sur une aire continue mais découpée en tranches par les frontières, le kurde est donc une langue minorée et parfois niée, occultée, particulièrement en Turquie ou son nom même est banni du discours public (on y parle des « autres langues que le turc »). Cette occultation concerne aussi les noms de lieux, et l’exemple de la ville de Kobané est de ce point de vue significatif. Cette ville, attaquée en 2014 par Daech et défendue par les Kurdes, était à l’origine  un village dans lequel la Baghdad Railway Company  a installé une gare au début du 20ème siècle, installation qui explique le développement du village. Son nom turc était Arab Pinar (« source arabe ») parce que les bergers arabes y faisaient boire leurs troupeaux, appellation qui sera traduite en arabe (aïn el arab) et que les djihadistes transformeront en aïn al-islam (« source de l’Islam). Mais  les Kurdes qui y vivaient l’appelaient Kobané, adaptation phonétique de Company.

Akin décrit la façon dont, dans cet imbroglio toponymique,  la presse française a rendu compte de cette bataille. Dans les titres comme dans le corps des articles, la ville est d’abord nommée aïn el arab avec, entre parenthèses,  (Kobané en kurde). Puis Kobané apparaît dans les titres, avec parfois entre parenthèses la mention (Aïn el arab en arabe) ou (nom kurde d’Aïn el arab), et enfin Kobané apparaît seul, le nom kurde supplantant le nom arabe au fur et à mesure que la résistance des Kurdes à l’Etat islamiste s’affirme et qu’ils recueillent la sympathie ou l’admiration des pays étrangers. Ce qui est ici intéressant c’est que la presse va dans ses articles privilégier le nom kurde de la ville au fur et à mesure que la résistance des Kurdes semble annoncer sa victoire victoire. Ce qui nous montre que le respect des mots de l’autre (anthroponymes, toponymes, odonymes, etc.) est proportionnel au respect que l’on porte à cet autre ou que l’autre impose.

 

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fleche16 juin : Michel Sardou

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Le chanteur Michel Sardou avait, dès la fin des années 1960, déchaîné par ses positions d’extrême droite, son machisme, son racisme (Les Ricains, J’habite en France,  Les villes de solitude, Le France, Je suis pour, Le temps des colonies…), une opposition en Belgique et en France. Et l’ activité des « Comités anti Sardou » l’avait obligé en 1977 à annuler sa tournée. Nous avions, avec mon ami Jean-Claude Klein publié un petit livre (Faut-il brûler Sardou ?)  dans lequel nous analysions son œuvre et les réactions qu’elle avait suscitées. C’était donc il y a près d’un demi-siècle.

Il y a peu de temps Sardou, aujourd’hui âgé de 76 ans, avait annoncé qu’il arrêtait la chanson. Puis, comme beaucoup d’autres, il est revenu sur sa décision :  Il débute une nouvelle tournée le 3 octobre 2023. Une chaîne de télévision a donc décidé, pour l’occasion, de diffuser début octobre une émission sur sa carrière, et des journalistes m’ont interviewé avant-hier. Pour l’occasion j’ai regardé un livre de 1972, Cent ans de chanson française (C. Brunchwick, L-J Calvet, J-C Klein). Dans cette première édition, nous consacrions à Sardou un très court article (9 lignes) qui se terminait ainsi :  « Il choisira d’être le chantre de la majorité silencieuse et, avec J’habite en France, Les Ricains, Monsieur le président, il lance de francs succès réconfortants pour les bourgeois à cheveux et idées courtes ».

Dans une réédition mise à jour de 1981, l’article (qui faisait cette fois-ci une page et demie) concluait :  « Lassitude ou calcul ? Toujours est-il qu’après la polémique ouverte, en 1977, autour de ses positions , Sardou a baissé le ton quitte à apparaître (provisoirement ?) … moins souvent au hit-parade ».

Puis, en 2008, j’ai refait seul ce livre et à la fin de l’article Sardou, long cette fois de près de deux pages, j’écrivais : « Michel Sardou est à la chanson française ce que Nicolas Sarkozy est à la politique : son moteur tourne à la pulsion de pouvoir ».

Je trouve que cette chronologie est un bon résumé de sa carrière. En tout cas elle témoigne au moins d’une suite dans les idées de notre part.

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fleche11 juin : A garota se foi

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Il y a quelques semaines, à Rio de Janeiro, je dînais avec un ami dans une brasserie, A garota de Ipanema, quartier du sud de la ville , chic et branché. Le nom du restaurant est le titre d’une chanson célèbre. Et l’on peut même y acheter un Tshirt sur lequel est imprimée la partition de l’œuvre. Légende ou réalité ? On dit qu’au tout début des années 1960, attablés dans ce lieu, le poète (et diplomate) Vinicius de Moraes et le musicien Calors Jobim admiraient les femmes (garotas) qui passaient devant eux. Il en résulta un texte de Moraes, une mélodie de Jobim, qu’allait enregistrer João Gilberto : c’était parti. Ou presque. Car, dans un studio de New York où Gilberto devait enregistrer avec Stan Getz, on cherchait quelqu’un qui puisse chanter en anglais . La femme de João Gilberto , Astrud, leva la main : elle pouvait chanter en anglais. Et là, c’était vraiment parti. Succès mondial qui devint la drapeau de la bossa nova naissante.

Cette samba au tempo un peu ralenti devint un symbole que tout le monde connaît du Brésil. Astrud Gilberto pour sa part poursuivit une carrière à mi-chemin entre bossa nova et pop, avec une voix sensuelle mais pas nécessairement renversante. Disons qu’elle jouait, sans le vouloir peut-être, sur la nostalgie, tandis que les musiciens brésiliens continuaient de leur côté leur révolution musicale, d’ailleurs très vite en butte aux dictatures militaires de leur pays.

Astrud Gilberto vient de mourir, à 83 ans. A garota de Ipanema se foi, « La fille d’Ipanéma est partie ».


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fleche6  juin : Proverbes...

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Citer des proverbes à tout bout de champ est une façon classique de vouloir renforcer son argumentation en invoquant la sagesse populaire, citations qui n’ont aucune valeur démonstrative ou théorique. Sauf que parfois…

Prenons un exemple récent. Les députés du parti d’extrême droite  Rassemblement National ont demandé et obtenu la mise en place à l’Assemblée Nationale d’une « commission d’enquête sur les ingérences étrangères », commission présidée par un membre de ce parti. Son but était à la fois de mettre fin aux nombreuses accusations de compromission avec Poutine et sa politique dont il était l’objet, et si possible de braquer le projecteur sur d’autres partis. Dépendant financièrement d’un banque tchéco-russe à laquelle elle a emprunté plus de 9 millions d’euros, Marine Le Pen n’a en effet jamais cessé de dire son admiration pour Poutine et d’affirmer que la Russie n’avait pas illégalement envahi la Crimée. Mais cette commission, créée à la demande de son parti, allait espérait-elle  la blanchir de ces « injustes » accusations.

Hélas ! Le rapport ne fut pas ce qu’elle attendait. Il parle à propos du RN de « relais direct du discours officiel russe », « d’alignement total sur le discours russe », etc. Bref si, comme je l’écrivais au début de ce billet,  les proverbes n’ont aucune valeur théorique, on pense quand même à deux d’entre eux : tel est pris qui croyait prendre et donner des verges pour se faire battre.

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fleche1er  juin : Quelques nouvelles "sportives"

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Mardi dernier, j’ai été très impressionné par l’exploit d’un tennisman brésilien dont jusque-là je ne connaissais même pas le nom, Thiago Seyboth Wild, classé 172ème joueur mondial et qui venait d’éliminer au tournoi de Roland Garros le deuxième joueur  du monde, le russe Danil Medvedev. Un match remarquable de puissance et d’intelligence. J’envoie un message à une amie brésilienne qui me répond « je le connais aussi pour sa violence avec ses copines ». Un peu surpris, je me balade sur Internet et je tombe sur un entretien avec un journaliste, juste après le match :

«Désolé de te poser cette question après une aussi grande victoire. Selon le média UOL Esporte, qui parle de ton ex-femme, tu as été condamné en juin 2022 par le ministère public de Rio pour des violences conjugales et psychologiques contre ton ex-femme. Depuis, il n'y a pas eu de sentence. Que va-t-il se passer d'après toi ?»

Et Thiago Seyboth Wild répond sèchement «Je ne pense pas que c'est une question que l'on devrait poser ici, ni à personne. Ce n'est pas à toi de décider si c'est l'endroit pour parler de cela ou pas.»

Le journaliste le relance et le tennisman a cette réponse surprenante : «Tu peux écrire ce que tu veux. D'ailleurs, je n'ai jamais été marié, donc laisse tomber tout ça.» Comme si le fait de n’être pas marié excusait quoi que ce soit.

Le même jour j’apprends dans la presse que le pilier du XV de France, le rugbyman Mohamed Haouas, vient d’être condamné à un an de prison pour violences conjugales

C’était quelques nouvelles du sport.

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Mai 2023

 

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fleche30 mai : Kiffer

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Vous avez sans doute compris en lisant mon précédent billet que je viens de passer quelques jours au Sénégal. Un soir que je buvais au bar de mon hôtel une bière (de la marque Flag) je vois sur le verre la publicité suivante : Pas comme les autre, mais on kiffe.

Cela m’a rappelé autre chose. En 1994, rencontrant l’abbé Pierre, l’humoriste Jamel Debbouze lui avait lancé : l’abbé, j’te kiffe. Le vieil homme, de surcroit sourd, n’y avait rien compris. Et, après sa mort, en 2007, Debbouze avait récidivé : L’Abbé, si tu m’écoutes, j’te kiffe toujours et je te le redis : encore merci !

Dans les deux cas, le même verbe, francisé à partir d’un mot arabe, kif, signifiant haschich, qui a pris en français du Maghreb le sens de « plaisir » (quel kif !). Mais ce verbe, kiffer, connote en France à la fois une classe d’âge et une classe (ou une situation) sociale : en gros, il est surtout utilisé par les jeunes de ce qu’on appelle les « quartiers ». Dans la bouche de Jamel Debbouze, il n’était donc pas inattendu, témoignant de son origine sociale, et l’incompréhension de l’abbé Pierre n’était pas surprenante. En revanche son utilisation dans une publicité de bière peut étonner. En France, on l’analyserait comme la recherche d’un public déterminé. Mais au Sénégal ? La seule conclusion est sans doute que cet usage a été adopté en français du Sénégal, ce qui est en soi intéressant

Il y a une vingtaine d’années, à Libreville au Gabon, nous avions été invités, une jeune collègue et moi, par un animateur de radio qui faisait une émission sur le rap et qui n’avait cessé de répéter que nous venions de Paname, formule qu’il trouvait sans doute branchée alors qu’elle avait depuis longtemps disparu de l’argot français. Dans les deux cas, kiffer, Paname, les mots ne sont pas  innocents. Les inspecteurs des impôts parlent de signes extérieurs de richesse, les mots peuvent être des signes extérieurs d’identité, d’identité réelle ou usurpée. Il y a des mots de pauvres et des mots de riches, il y a aussi de pauvres qui veulent faire riches, et des riches qui veulent faire populaires. Je sais, ceci n’est pas très théorique, mais j’aime bien  butiner ainsi des mots, des usages, et tenter de les mettre en perspective. Disons que je kiffe ça.

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fleche28 mai : Jaka ja ngi, ku mën noddal

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Jaka ja ngi ni, ku mën noddal (en wolof « en veux-tu, en voilà ») : on prête cette formule au président de la République sénégalaise Abdou Diouf lorsque en 1981 il signait une loi sur la création des partis politiques. Sous son prédécesseur, Léopold Senghor, il y avait au Sénégal 3 partis politiques. Il y en eut 41 de plus pendant les mandats de Diouf, 143 sous Abdoulaye Wade, 151 sous Macky Sall, et le pays en compte aujourd’hui 339. En imaginant que seulement 10% d’entre eux puissent présenter un candidat à la prochaine élection présidentielle, cela en en ferait tout de même plus de 30.

Depuis quelques semaines, je regarde avec amusement en France le groupe «LIOT » (Libertés, Indépendants, Outre-Mer et territoires), qui cherche à se donner de l’importance à l’Assemblée nationale. Sa vingtaine de membres vient d’une dizaine de partis différents, allant du Parti Socialiste ou de l’Union des démocrates et indépendants  au Parti de la nation corse en passant par Femu a Corsica, Réunion libre, Régions et peuples solidaires, etc. Et les députés qui le composent sont élus de la Corse, de Mayotte, de la Réunion, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de la Guadeloupe, des Ardennes, du Gers, des Vosges, de la Meuse, du Morbihan, du Nord, de l’Aisne, de la Marne. En ajoutant ici ou là dans la liste des parti d’origine de ces députés ou des circonscriptions qu’ils représentent « un raton laveur », « un autre raton laveur », « plusieurs ratons laveurs », nous aurions un texte qui ne serait pas sans rappeler le poème de Jacques Prévert, Inventaire. Mais il faut avouer que le Sénégal l’emporte largement sur l’échelle…. de quoi ? Du pluralisme ? Du ridicule ? Comme vous voudrez. Quoiqu’il en soit : Jaka ja ngi ni, ku mën noddal !

 

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fleche11 mai : Amor e sexo

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Rita Lee, morte il y a deux jours, était au Brésil une immense star, ayant vendu dans sa carrière 60 millions de disques. Avec une voix de chanteuse de bossa-nova, douce, posée, et des rythmes de rock, elle s’était attaquée à tous les tabous, à tous les interdits, bousculant la morale frelatée, les conventions poussiéreuses. avec une poésie dépouillé, simple.  Dernière trouvaille (ou provocation, ou défi, ou bravade, comme vous voudrez) : elle avait baptisé le cancer du poumon dont elle est morte Jair, le prénom de Bolsonaro.

Voici quelques passages d’une de ses chansons, Amor e sexo. Inutile de traduire, vous comprendrez sans peine sa langue directe, ancrée dans la vie :

Amor é um livro, sexo é esporte
Sexo é escolha, amor é sorte

Amor é pensamento, teorema, amor é novela
Sexo é cinema, sexo é imaginação, fantasia
Amor é prosa, sexo é poesia (…)

Amor é cristão, sexo é pagão,

Amor é latifúndio
Sexo é invasão, amor é divino
Sexo é animal, amor é bossa nova
Sexo é carnaval, mor é para sempre, sexo também
Sexo é do bom, Amor é do bem

Amor sem sexo, é amizade
Sexo sem amor, é vontade…

 

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fleche6 mai : Apprentissage

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Le dessinateur argentin Sergio Aquindo vient de publier un roman, Bêtes à gravats (éditions Alma) dans lequel il raconte ses premières années à Paris, alors qu’il ne parlait pas le français, n’arrivait pas à vendre ses dessins et travaillait dans le bâtiment. Quelques extraits.

A propos d’un vieil émigré espagnol : « M. Sanchez me parle enespagnol, un espagnol doux et suranné, qui traverse  une couche de trente ou cinquante ans de français, un espagnol familial, de coin de cuisine, de fin de repas ».

A propos du nom des outils : « Je connais déjà pas mal de noms d’outilspar cœur, mais pas assez ; trop souvent encore on me demande la brouette et j’apporte un tournevis, on me demande une scie sauteuse et j’apporte unecarrelette. J’ai beau appeler les outils, ils ne me répondent pas ».

A propos de son apprentissage de la langue : « Il n’aime pas son emploi actuel : Enfin une leçon de l’Assimil qui tombe à pic. Je répète ces mots en français (…) Plus tard, dans la descente des escaliers quimènent aux douches de la rue du Renard, c’est une autre phrase de la méthode Assimil qui me revient en tête : Quand j’étais en prison, j’ai repassé des chemises.  Qui rédige ces leçons ? Probablement un poète dont c’est le travail alimentaire et qui sevenge, comme d’autres crachent dans la soupe avant de la servir »/

Et pour finir : « Apprendre une langue, c’est comme manger du poisson dit le Chilien, il y a des arêtes jusqu’à la fin ».

 

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fleche2 mai : "Notes de terrain"

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Il y avait hier à Aix-en-Provence une manifestation tranquille, bon enfant, presque pépère, en comparaison des violences  que nous montre la télévision à Paris ou à Lyon. Sans doute bien renseignée, la police n’était d’ailleurs que très peu présente.

Entre deux et trois milles personnes (pour ceux qui connaissent, le cortège avait la longueur du Cours Mirabeau). La ville est à la fois bourgeoise et universitaire, mais il y avait peu de jeunes parmi les manifestants. Une bannière proclamant « lycéens en lutte », quelques étudiants, des enseignants, mais la moyenne d’âge semblait plus élevée. A vue d’œil (et mon témoignage est donc critiquable), il y avait plus de  retraités que d’actifs. Ce qui, pour une protestation contre la loi sur l’âge de la retraite, peut paraître paradoxal. Il faut en fait en conclure que ce n’est pas contre la loi que manifestaient les Aixois mais contre Macron. Ou que certains étaient mus par la nostalgie (une pancarte proclamait d’ailleurs, avec un jeu de mots approximatif,  Tu nous mets 64 on te mai 68).

Seule chose un peu drôle. Assises à une table voisine, dans le bistrot dans lequel j’attendais le départ du défilé, deux femmes dont l’une avait une casserole et une cuiller en bois. Son amie lui dit : « Mais tu ne l’a pas lavée ». Je jette un coup d’œil. La casserole avait sans doute servi le matin à faire bouillir du lait, et ça se voyait…

Comment conclure ? Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ? Ou c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures ?

 

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Avril 2023

 

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fleche24 avril: Récupérations

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Les concerts de casseroles qui accompagnent depuis quelques jours les déplacements de Macron ou de certains de ses ministres peuvent être interprétés de diverses façons. On peut y voir (ou y entendre) la volonté de couvrir la voix de politiques, c’est-à-dire une forme de censure. Ou encore une forme d’expression d’un mécontentement, d’une protestation populaire. Mais ces casserolades ont très vite été l’objet de différentes récupération.

La première est celle d’historiens qui se précipitent devant les micros et les caméras pour faire leurs cours. Tous remontent au charivari mais ne disent pas exactement la même chose. En faisant la « moyenne » de leurs récits, on apprend que le mot vient d’une racine grecque signifiant « mal de tête », qu’il s’agissait d’une action collective d’une communauté villageoise pour sanctionner l’un de ses membres ne respectant pas la morale ou la tradition de ladite communauté. Ou encore qu’à partir du 14ème siècle le charivari servait à protester contre un mariage considéré comme mal assorti : un vieillard épousant une jeune femme ou un veuf se remariant trop vite. On y apprend ou pas des choses, mais il faut bien que les historiens puissent se montrer de temps en temps à la télévision.

Une autre récupération est celle de la presse. Ainsi, la une de Libération d’aujourd’hui proclame « Un an après le réélection de Macron, ça sent le cramé », ce texte s’insérant entre une casserole au-dessous et son couvercle au-dessus

Troisième réponse de récupération, la publicité d’IKEA pour une casserole à 12,99€ avec ce texte : « A ce prix-là, ça peut faire du bruit ».

On voit donc qu’entre le bavardage des historiens et la cupidité capitaliste, le spectre des récupérations est large. Un petit détail pour finir, qui je vous laisse interpréter à votre guise : le manche de la casserole de Libération est à gauche, celui d’IKA à droite. Mais comment savoir s’il s’agit d’un choix conscient…

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fleche22 avril: Electricité à tous les étages?

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J’avais dans mon billet du 9 février expliqué comment des étudiants américains cherchaient à ridiculiser les lanceurs de « fake news » en lançant de fausses informations plus ridicules encore: il s’agissait en l’occurrence d’expliquer que les pigeons n’existaient pas, qu’il s’agissait de drones lancés par le gouvernement US pour surveiller sa population. Je ne sais pas quelle fut l’efficacité de cette blague, mais il vient de se produire en France un événement similaire.

  « Maître Gims »  est un rappeur congolais à succès. il a par exemple rassemblé en 2019 72.000 spectateurs au stade de France et a vendu dans sa carrière près de dix millions de disques. Mais il vient de se faire remarquer d’une toute autre façon. Dans une interview télévisée il a en effet expliqué que l’Egypte ancienne disposait déjà de l’électricité et que le sommet des pyramides recouvert d’or servait d’antenne, ponctuant gravement ces inepties d’un : « tous les historiens le savent ». Derrière cette invention fantaisiste, il avançait d’autres fadaises, par exemple que l’Europe aurait été à l’origine peuplée de Noirs, les « Afropéens », qui auraient été massacrés par les Européens venus d’Asie.

EDF a alors imaginé une réplique inattendue : une publicité sur laquelle en lit : EDF, FOURNISSEUR OFFICIEL DES PHARAONS DEPUIS -2000 AVANT J-C, avec un texte en plus petits caractères: « Non Monsieur Gims, quand même pas. Mais on est certains que si l’électricité avait existé au temps des Pharaons, ils nous auraient sans doute choisis ».


Bien sûr, il s’agit de la récupération de la grosse bêtise lancée par Gims par une entreprise qui espère en tirer profit. Mais une récupération humoristique. La seule question est de savoir si cet humour sera compris

par les « followers » de « Maître Gims » qui n’ont sans doute pas l’électricité à tous les étages.


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fleche20 avril: Ca marche chez moi, pas chez les autres, mais ça marche

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Dans le quotidien La Provence d’aujourd’hui on lit que l’inénarrable Didier Raoult, malgré sa mise à la retraite , s’accroche toujours à l’IHU dans lequel il a conservé un bureau, et qu’il continue à s’y comporter en patron. Après tout, cela concerne la direction et les autres membres de cet institut. Mais il a annoncé le 22 mars dernier la publication d’un nouvel article en ces termes:

 "Notre étude sur la baisse de la charge virale par le traitement par hydroxychloroquine dans le Covid est en ligne et confirme notre première étude".

Il s’agit en fait d’une  publication destinée au Journal of medical virology, qui n’a pas encore été revue par des pairs, et donc pas encore acceptée, dont la conclusion est étonnante :

"L’efficacité tient en partie à sa prise en charge par une équipe particulière qui a soigné plus de 30 000 personnes. Et la qualité générale de cette prise en charge et l’expérience des praticiens ont probablement joué un rôle à la fois dans l’observance et l’évolution des patients traités". Et "Les résultats, ici, ne peuvent être généralisés qu’à des patients similaires, et une organisation de soins similaire, et ne peuvent pas être extrapolés dans leur intégralité à d’autres centres »

Traduction : ça marche, mais uniquement chez nous. Or le B.A. BA de toute recherche scientifique, en particulier mais pas seulement dans ce domaine sensible, est que tout autre spécialiste, au vu des données de l’expérience, puisse la reproduire dans son laboratoire et obtenir les mêmes résultats. C’est la seule façon de vérifier et de valider une molécule, un médicament, un traitement ou n’importe quelle « découverte ». Pour Didier Raoult, cette règle n’a semble-t-il aucune importance :ça marche chez moi, pas chez les autres, mais ça marche. S’agissant d’un médicament devant guérir des malades et pouvant donner des espoirs à tous les autres, une telle légèreté laisse rêveur. Et l’on hésite : méthode de gourou, de voyou ou d’illuminé ?

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fleche16 avril: Histoires de langoustes

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Lorsque je travaillais sur mon livre, La Méditerranée, mer de nos langues, je m’étais intéressé aux mots et aux images typiquement méditerranéens, comme l’étymologie commune de l’huile et de l’olive (en Méditerranée, l’huile ne peut être que d’olive). Les langues riveraines de cette mer intérieure devraient par définition avoir un riche vocabulaire maritime, en particulier pour les produits de la mer. Mais il y a deux exceptions, l’arabe et l’hébreu. L’hébreu parce que les crustacés ne sont pas kasher, et l’arabe parce qu’il s’agit d’une langue du désert que l’impérialisme musulman a menée jusqu’aux rivages.

Prenons le cas de la crevette et de langouste. En arabe tunisien le première se dit goumbar ou joumbar, la deuxième angoust. On voit que dans le premier cas il s’agit d’emprunt à l’espagnol, dans le second d’un emprunt au français. En cherchant dans des dictionnaires on trouve pour la langouste des expressions comme jarâd el-bahar (sauterelle de mer, notons qu’en latin locusta signifiait à la fous sauterelle et langouste) ou saratan al bahar (crabe de mer), mais j’ai entendu en égypte estakoza (emprunt au grec αστακός) et au Koweit oum el roubiane (« mère de la crevette », comme Saddan Housein parlait de la « mère des batailles »).

Pour l’hébreu j’avais interrogé un ami spécialiste de cette langue, Philippe Cassuto, et sa réponse mérite d’être citée :

« Le homard se dit en bon hébreu « lobster », la langouste c’est « langoustine » et la langoustine c’est « lobster de Norvège ». Pour la crevette, c’est « shrimps ». Le seul qui existe c’est «crabe» qui se dit  sartan  car il s’agit du signe du zodiaque, là impossible de faire l’impasse à cause des douze signes, des douze tribus, etc. Aucune trace donc d’un mot hébreu pour ces animaux impurs, donc la kasherout les exclut, mais la langue aussi. Il ne faudrait quand même pas salir la langue avec des termes impropres, cela salirait la bouche » .

Il y a dans ce texte une idée qui me ravit  et devrait faire réfléchir les linguistes : la langue exclut ce qu’exclut la kasherout. Et, puisque je parle de linguistes, disons pour finir avec le sourire qu’ils ont un point commun avec les langoustes : dans les deux cas il est préférable de les consommer frais.

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fleche9 avril: Précision

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On m’a demandé quel était le DVD auquel je faisais allusion dans mon billet précédent. Il s’agit en fait de deux DVD, dans la série Les leçons de musique lancée par la réalisatrice Emilie Chedid, Le Forestier chante Brassens, avec en caractères plus petits «avec la participations exceptionnelle de Louis-Jean Calvet ». Maxime avait choisi douze chansons, par ordre de difficulté guitaristique, il les chantait mais montrait aussi, avec des gros plans sur ses doigts, comment les jouer, et pour chacune d’entre elles nous faisions, en duo, des commentaires sur leur histoire. S’y ajoutaient une sorte de dictionnaire des expressions utilisées par Brassens, des reportages divers (par exemple chez son luthier, Favino), des entretiens avec certains de ses proches, le guitariste Joël Favreau, son homme de confiance Pierre Onteniente (dit « Gibraltar », etc. Bref, une somme. Mais j’avoue ne pas savoir si on la trouve encore dans le commerce.

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fleche3 avril: Encore Chat GPT

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En 2005 Maxime Le Forestier, préparant un DVD sur Brassens, m’avait demandé de lui donner un coup de main pour l’analyse des textes et j’avais alors pensé qu’une analyse statistique du vocabulaire pouvait être intéressante. J’en avais parlé à Jean Véronis, avec qui je collaborais pour un livre sur le vocabulaire politique, et nous avons ainsi analysé les œuvres de trois auteur-compositeurs-interprète de la chanson française dont nous avions l’intégralité des textes, Georges Brassens donc, Bernard Lavilliers et Georges Moustaki (pour ces deux derniers il s’agissait de leur textes jusqu’en 2005 puisqu’il ont continué ensuite à créer et à enregistrer). Pour ce qui concerne Brassens,  j’avais été surpris en voyant Dieu à la première place (il apparaissait 140 fois), devant cœur (137 fois), femme (135 ), temps (123), amour (109), fleur (84), mort (77), etc.  Nous avions plus de 90 substantifs ainsi classés, le dernier étant enterrement avec 20 occurrences). J’avais été surpris, disais-je, parce que Brassens n’était pas croyant et plutôt bouffeur de curé, mais le logiciel ne tenait pas compte du contexte et Dieu apparaît le plus souvent chez Brassens dans des contextes ironiques ou dans des jurons.

Me souvenant de ce travail, que nous n’avons jamais publié, je me suis amusé ce matin à demander à Chat GPT quels étaient les substantifs les plus fréquent chez Brassens, afin de voir si l’intelligence artificielle parviendrait aux mêmes résultats.  Il m’a donné 15 termes que je reproduis ci-dessous dans le même ordre en ajoutant leur classement dans le travail que nous avions fait et en notant « n’apparaît pas » lorsqu’il n’est pas dans les 90 premiers mots de notre travail (Nous nous étions arrêtés aux substantifs apparaissant 20 fois ).

1Amour 5

2 Temps 4

3 Vie  23

4 Homme 18

5 Femme 3

6 Chanson  23

7 Mort 7

8 Joie 15

9 Liberté  n’apparaît pas

10 Rire n’apparaît pas

11 Dieu  1

12 Ville n’apparaît pas

13 Rue  11

14 Monde    42

15 Solitude  n’apparaît pas

On voit qu’il y a des incohérences (Dieu à la onzième place, homme ou vie surclassés, liberté, rire ou solitude absents de nos résultats), et des absences  (celles de cœur et fleur, pourtant très fréquents chez GB). Comment interpréter ces différences? On peut avancer plusieurs hypothèses. Par exemple que les deux approches (la nôtre et celle de Chat GPT) n’utilisent pas le même corpus. Nous avions travaillé sur tous les textes enregistrés par l’auteur alors que l’algorithme prend peut-être en compte des textes inédits, sans musique. Mais cela n’explique pas l’absence de cœur ou de fleur.

Sans faire ici une étude scientifique ou critique, il est quand même possible de conclure que si nous ne disposons pas des sources et du mode de travail sous-tendant l’algorithme, il est déconseillé d’en prendre les résultats au sérieux. Et ceci est sans doute également valable pour tout ce qu’on trouve sur Internet. Ce qui pose un véritable problème de recoupement des sources, de vérification de l’information et de formation des jeunes

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fleche1er avril: mais ce n'est pas une blague

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Demain on votera à Paris. Pas pour élire un député défaillant, non. Il s’agit d’une sorte de référendum pour ou contre l’usage des trottinettes dans les rues de la capitale. Passons sur le fond. Ceux qui circulent en voiture ou marchent dans ces rues connaissent l’incivilité de certains trottinettistes. Et ceux qui les utilisent en savent le plaisir ou l’utilité. Ce qui me frappe est ailleurs. Les loueurs de trottinettes ont payé des « influenceurs » pour qu’ils parlent de cette consultation et incitent leurs « followers » à voter pour le maintien. En outre, demain à Paris, les trottinettes seront gratuites. Nous sommes le 1er avril, mais ce n’est pas une blague.

Broutilles ? Peut-être. Et peut-être y a-t-il des sujets plus importants à soumettre à votation. Mais ces interventions (influenceurs, gratuité) des gens qui vivent de la lotation de ces engins devraient nous faire réfléchir sur les dérives de l’informations générées, en particulier, par Internet. Et ces dérives sont loin de ne concerner que les trottinettes. Nous en sommes, sans le savoir souvent, victimes tous les jours.

 

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Mars 2023

 

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fleche28 mars: Fake or not fake?

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Spécialisé dans l’analyse critique des media, Daniel Schneidermann est un journaliste respecté. Mais un journaliste qui vient de faire un curieux dérapage.

Tout d’abord, rappel des faits. Mercredi dernier, lors de son interview télévisée, Emmanuel Macron a mis les mains sous la table pour retirer sa montre. Immédiatement, sur les réseaux sociaux, la « nouvelle » a circulé : il portait une montre à 80.000 euros et a voulu éviter qu’on s’en rende compte. Vérification faite, comme il bougeait les mains en parlant, sa montre cognait contre la table et faisait un bruit sourd, ce pourquoi il l’a retirée. Par ailleurs, cette montre valait autour de 2.000 euros. Bon, l’histoire pourrait s’arrêter là : fake news, vérification, rétablissement de la « vérité », et basta.

Mais, dans Libération d’hier, Daniel Schneidermann revient sur ce mini événement en commençant par évoquer la reine Marie-Antoinette qui, en août 1785, avait été accusée à tort d’avoir commandé un collier d’un million et demi de livres. Son parallélisme entre l’affaire du collier de la reine et celle de la montre du président le mène à cette conclusion : «Soit.  Marie-Antoinette de Habsbourg n’avait pas commandé le collier. Emmanuel Macron n’a pas voulu dissimuler sa montre ». Mais, poursuit-il, « si le feu a pris si rapidement, c’est que les deux faits étaient hautement vraisemblables ». Et après avoir critiqué, à juste raison, le luxe de Marie-Antoinette et les mesures fiscales favorables aux riches de Macron il lance sa flèche finale : « Factuellement fausses et ressenties comme injustes, les deux accusations sont politiquement cohérentes ».

On se frotte les yeux.  Il y aurait donc des « fake news » qui seraient moins « fake » que les autres, ou qui seraient cohérentes, pour des raisons politiques ! Avec cette justification assez incroyable, Schneidermann justifie tous les complotismes. Ce n’est pas vrai, mais c’est plausible En gros : on ne prête qu’aux riches, et ils le méritent bien. Et tant pis pour le journalisme objectif…


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fleche23 mars: Lectures

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Certains m'ont reproché de négliger depuis quelques temps ces rendez-vous aléatoires. Vous aurez compris que je me suis déplacé, et que sous d'autres horizons j'avais d'autres choses en tête. En outre je suis en train de finir un gros livre qui m'a donné pas mal de travail. Et l'actualité politique et sociale en France occupe par ailleurs pas mal de mes réflexions. Mais, à seule fin de rassurer ceux qui pensent que je n'écris plus, voici deux textes que je viens de publier.

D'une part, dans un dossier sur le thème de "transmettre et hériter" de la revue Sciences humaines, un article, "Comment se transmettent les langues".

D'autres part, dans un gros numéro hors série de la revue L'Eléphant, sur le thème de "Tous les secrets de la langue française", deux articles: "Le français dans le monde" et "Le français en France depuis la loi Toubon".

Bonne lecture, donc, et à bientôt

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fleche21 mars: Quelques notres brésiliennes

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En 1980 j’avais travaillé tout l’été à Quito, en Equateur et, lisant la presse quotidienne locale, je n’y avais vu en deux mois qu’une fois le mot France. C’était à propos de Françoise Sagan qui avait révélé dans une interview que, présidente l’année précédente du jury du festival de Cannes elle avait subi de fortes pressions pour l’attribution de la palme d’or à je ne sais plus quel film. Et je m’étais dit que, vue de l’autre côté du monde, la France pesait bien peu. Cela incite à la modestie.

Je viens de passer quinze jours au Brésil et cette fois-ci la France est apparue deux fois dans O Globo, le quotidien de référence. La première fois, le 14 mars, en pleine page de la une, une photo montrant des monceaux d’ordures dans une rue de Paris avec ce titre en forme de jeu de mot : Cidade luz en modo cidade lixo (ville lumière en forme de ville ordures) et ce commentaire : « Montanha de dejetos bloqueia calçada em Paris, no oitavo dia consecutivo de greve dos garis, que protestam contra a reforma previdenciara proposta pela governo. Até ontem havia 5,6 mil toneladas de lixo nas rua »

Et puis, le 17 mars dans le même journal, encore une photo de rue à la une, montrant cette fois-ci des tirs de fumigènes sur des manifestants et ce titre : « Protestos contra à ‘canetada’ de Macron pela reforma de Previdência » (canetada : « trait de plume »). Et, à l ’intérieur, une page entière sous le titre « O trunfo de Macron, Governo francês usa manobra para aprovar reforma de Previdência sem voto dos deputados » (l’atout de Macron, le gouvernement français  utilise une manœuvre pour faire approuver la réforme des retraites sans vote des députés). Le même jour, un chauffeur de taxi après m’avoir demandé d’où j’étais se met à rire : « Ah, vous êtes français ! Ils sont fainéants chez vous !  Ils ne veulent pas travailler jusqu’à 64 ans. Chez nous c ‘est jusqu’à 65. En Italie jusqu’à 67 »…. J’avoue avoir évité la discussion en lui disant que je comprenais mal le portugais.

En revanche, chaque jour, la presse révélait de nouveaux détails  sur une histoire rocambolesque. L’ancien président, Bolsonaro, avait reçu lors d’une visite en Arabie Saoudite des bijoux en diamant et une montre d’une grande valeur qu’il avait tenté à son retour de faire passer en douce par un général. Les bijoux furent saisis par la douane et, pendant des semaines, Bolsonaro a manœuvré en vain de diverses façons pour récupérer ce que la loi Brésilienne interdit : comme en France, les cadeaux reçus par un président de la république deviennent biens de l’état.

Bref, à chacun ses problèmes. L’automne commence au Brésil, en France, que j’ai retrouvée hier, c’est le début du printemps. Je laisse Bolsonaro à ses pitreries ici pour suivre ce qui se passe . Et ce n’est pas mal non plus. A suivre.

 

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Février 2023

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fleche26 févrieir: Qui suis-je ? Un ressuscité

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 Le 23  janvier dernier je donnais ici la réponse qu’un ami avait obtenue en demandant au logiciel d’intelligence artificielle Chat GPT « qui est Louis-Jean Calvet ? ». Je vous la remets ci-dessous :

« Louis Jean Calvet est un linguiste et sociolinguistique français, né en 1923 et décédé en 2013. Il est connu pour ses travaux sur les langues et les cultures d’Afrique, en particulier sur les langues créoles et les langues minoritaires. Il a également étudié les relations entre la langue et la société, la linguistique appliquée et la sociolinguistique. Il est l’auteurs de nombreux ouvrages et articles sur ces sujets. Il était professeur émérite de sociolinguistique à l’Université Paul Valery de Montpellier ».

Je me suis amusé hier à poser la même question au même logiciel, et voici ce qu’il m’a répondu :

« Louis-Jean Calvet est un linguiste français né le 9 janvier 1942 à La Valette-du-Var en France. Il a travaillé sur plusieurs domaines de la linguistique, notamment la sociolinguistique, la psycholinguistique, la sémiotique et la linguistique de la parole. Il est également connu pour ses contributions à l'étude des variations linguistiques et des pratiques langagières dans les sociétés contemporaines. Parmi ses ouvrages les plus célèbres, on peut citer "Les métamorphoses de la question sociale : une chronique du salariat", "La sociolinguistique", "La communication" et "La guerre des langues et les politiques linguistiques". Il a également été professeur de linguistique française à l'Université de Provence et professeur de linguistique à l'Université de Neuchâtel en Suisse ».

On voit en comparant les deux textes que j’ai rajeuni de 19 ans et que j’ai été ressuscité, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Je ne sais pas s’il est flatteur d’être né à « La Valette-du-Var en France », mais je préfère Bizerte en Tunisie. En revanche on m’attribue quatre livres dont deux ("La communication", "Les métamorphoses de la question sociale : une chronique du salariat")  que je n’ai jamais écrits. Disons qu’on ne prête qu’aux riches… J’ai aussi changé d’université : Exit Montpellier, voici Neuchâtel.

Tout cela est amusant, mais ces approximations nous disent autre chose. Les logiciels ne pensent pas, ils balaient en quelques dixièmes de seconde les milliards de données dont ils disposent et restituent celles qui ont un rapport avec les termes de la question posée. Vraies ? Fausses ? Cela dépend bien sûr de la qualités des données. Ne pouvant entrer dans l’arrière-cour du logiciel, ou soulever son capot, je ne peux que constater les erreurs ou les inventions. Mais des centaines de millions de personnes utilisent ces type de « sources d’information» et les prennent pour argent comptant, alors qu’il s’agit plus de déformation que d’information.

L’erreur est humaine, on le sait, mais les logiciel n’ont rien d’humain. Pourtant ils sont en train de devenir des machines  à produire du contenu invérifiable…

 

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fleche19 février: Contradictions?

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Dans la rubrique « idées » de Libération d’hier, un philosophe, Paul Preciado, publie un texte alambiqué que  je suis bien incapable de vous résumer. Ce qui m’a en revanche frappé c’est, depuis sont titre (Iels sont l’avenir) l’utilisation répétée de la forme ils (pour ils et elles) et, une fois, de toustes (pour tous et toutes, bien sûr). Non pas en tant que telle (même si je pense qu’on ne change pas monde en changeant les mots qui l’expriment) mais parce que cette utilisation me paraît contradictoire avec ce qu’il écrit. Il parle par exemple du « patriarcat, du binarisme hétérosexuel » , du « binarisme du genre», alors que dit-il, partout où il va, il ne voit « que des jeunes trans et non binaires », ce qui reste, statistiquement, à démontrer, mais là n’est pas la question. L’auteur semble en effet se réclamer du mouvement LGBTQIA+ qui lutte précisément contre le binarisme homme/femme, contre une société post-genre, ce qui est son droit. Mais l’écriture inclusive de façon générale et les formes iels ou toustes  que je viens d’évoquer confortent précisément ce binarisme. En voulant imposer par ces artifices d’écriture, ne se met-on pas en pleine contradiction, ne conforte-on pas ce binarisme ? La quête du politiquement correct s’apparente décidément souvent à la langue de bois.

Cela n’a rien à voir (encore que…) : dans Le journal du dimanche d’aujourd’hui  Christine Angot encense un film de Bernard-Henri Levy, Slava Ukraini  (qui devrait sortir cette semaine) et termine ainsi son papier : Le piano mélancolique accompagne la voix sur le mot slava, qui veut dire « gloire » et qui est la racine de « slave ».

C’est beau, mais un peu approximatif. Il y a en effet deux hypothèses étymologiques pour slave, celle qu’utilise Angot et celle qui le fait remonter à slovo, en russe « mot » (d’où slovar, « dictionnaire »). Cette dernière est d’ailleurs confortée par le fait que les Slaves appellent les Allemands nemets, « ceux qui ne parlent pas », les muets.

Quoi qu’il en soit, il demeure  qu’en latin médiéval sclavus, déformation de  slavus, a donné le mot esclave. Comme quoi on peut parfois faire dire ce que l’on veut aux étymologies. Par exemple que slava signifie glorieux en ukrainien et esclave en russe. Ou l’inverse. Mais, bien entendu, je m’amuse…

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fleche9 février: Histoire de pigeons

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Excédés par l’invasion de « fake news » sur les réseaux sociaux, desétudiants américains ont décidé de traiter le mal par le mal en diffusant eux-mêmes de fausses nouvelles. Ils utilisent tous les éléments formels,vidéos, discours pseudo scientifiques, manifestations, etc. qu’utilisent les adeptes de Qanon, et une de leurs trouvailles est particulièrement savoureuses.La voici.

Les pigeons n’existent pas, disent-ils. Bien sûr cette négation semblecontre-intuitive, puisque nous en voyons tous les jours. Mais nos étudiants insistent. Les pigeons n’existent donc pas, ou plutôt n’existent plus. Eneffet, le gouvernement a tué douze millions de pigeons et les a remplacés par des drones en forme de pigeon. Et ces drones ont pour fonction de nousespionner. Vous en doutez ? Vous avez tort car il y en a une preuve formelle : on ne voit jamais de bébés pigeons ! Et là vous restezbouche bée. C’est vrai, on ne voit jamais de bébés pigeons…

Cette initiative de fausse fausse nouvelle est d’abord réjouissante : on rigole,on trouve que c’est bien trouvé, que ça va définitivement ridiculiser les amateurs de fake news qui iront se cacher, la queue entre les jambes. Bravo lesgars !

Et puis on s’interroge. Bien sûr, cette blague est réjouissante mais peut-elle  convaincre d’autres que des déjà convaincus ? Et si l’on peut croire que la terre est plate, pourquoi ne pas croire que desdrones puissent laisser des fientes sur les parebrises et la carrosserie des voitures.

Bref en voulant convaincre des imbéciles, on risque de les conforter dans leur imbécillité.Mais cette histoire de pigeons m’a bien fait rire.

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fleche7 février 2023: Souk parlementaire et bal des faux-culs

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On a beau tenter d’analyser les différentes propositions, soupeser les arguments, comparer les chiffres et les prévisions, il n’est pas simple d’évaluer sans œillères idéologiques ce que la loi sur les retraites, dont la discussion s’est ouverte hier à l’Assemblée Nationale, a d’utile ou de néfaste, de nécessaire ou d’injuste…

En revanche les postures que prennent les différents participants au débat s’apparentent à un bal des faux-culs. Les Républicains (le parti « gaulliste »)  prévoyaient il y a un an dans leur programme présidentiel l’âge de la retraite à 65 ans. Mais voilà qu’ils font le fine bouche et marchandent : 64, 63 ans… On a l’impression  qu’ils font monter les enchères, feignant d’avoir des exigences avant de soutenir le gouvernement qui, de son côté, leur accorde quelques miettes comme s’il nourrissait des pigeons. Tiens, des pigeons. Les socialistes qui ont, sous la présidence de Hollande, fait passer cet âge de 60 à 62 ans, s’alignent à présent sur le France insoumise de Mélenchon : 60 ans, pas un jour de plus. Et un républicain, Aurélien Pradié,  exige qu’on reprenne ses propositions « à la virgule près » pour qu’il accepte de voter la réforme. Ils sont pointilleux, ces parlementaires !

Si les socialistes s’alignent sur le France Insoumise de Mélenchon, celle-ci joue un autre jeu : on n’arrive pas à compter le nombre d’amendements qu’elle présente, douze mille, treize mille…  Le système est simple. On rédige un amendement quelconque et on précise en ouverture : « ce projet (ou cette loi) ne s’applique pas en Guadeloupe ». Puis on reprend le même en précisant qu’il ne s’applique pas en Corse, puis en Martinique, en Guyane, en Polynésie, etc.. On fait la même chose avec un autre texte en précisant qu’il ne s’applique pas aux boulangers, aux marchands de légumes, aux bouchers, aux bureaux de tabac, etc. On multiplie ainsi par dix ou quinze le nombre de textes et donc le temps de discussion. A ce rythme, bien sûr, étant donné que l’examen du texte de loi est limité à quinze jours, il sera impossible  d’en venir à bout. C’est le souk parlementaire, aux deux sens du mot souk, un marchandage permanent d’une part, donne-moi ceci ou cela et je vote la loi, et d’autre part un bordel organisé.

Tout cela ne donne pas une très bonne image de la politique parlementaire et alimentaire le populisme. Car, pendant ce temps, Marine Le Pen se frotte les mains, donnant de son parti une image de respectabilité. Les uns alimentent le feu ou soufflent sur les braises mais le Rassemblent National attend pour un tirer les marrons.

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Janvier 2023


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fleche29 Janvier 2023: Point de vue

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Le monde entier s’est ému de l’attentat qui a fait sept morts  à Jérusalem Est, près d’une synagogue, à l’image du président américain  Joe Biden (« une attaque contre le monde civilisé ») ou du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres ("Il est particulièrement abject que cette attaque se soit produite sur un lieu de culte). Les attentats, d’où qu’ils viennent, sont toujours dégueulasses, et toujours condamnables. Mais, en l’occurrence,  rares sont ceux qui rappellent que l’état d’Israël, passe sont temps à voler des terres au Palestiniens pour ériger ses colonies, à affamer les habitants de la bande de Gaza et à cracher sur la justice et les traités. Un seul exemple, Israël, depuis des années,  ne respecte aucune les résolutions votées par l’ONU. Certains ont donc une vision hémiplégique, ou ne voient que ce qu’ils veulent voir et condamnent la moitié des responsable.

Je ne vais pas exposer ici tout le dossier de cette occupation, qui est lourd, mais juste rappeler une chanson de Jean Arnulf, Point de vue (1963). En voici des extraits :

Faudrait voir à pas mélanger
Les torchons avec les serviettes,
Le caviar et la vache enragée,
Les clochards avec les starlettes.

Moi, j’dis qu’ l’hiver a pas l’ même goût
Selon comment on le regarde.
Moi, j’dis qu’ l’hiver a pas l’ même goût
A Megève ou sous l’ pont de Saint-Cloud.

Sur la Seine, y a des bateaux-mouches
Avec des dames en décolleté
Qui rient très haut et font des touches...
Et y a aussi les suicidés.
Moi, j’ dis qu’ la Seine a pas l’ même goût
Selon comment on la regarde.
Moi, j’ dis qu’ la Seine a pas l’ même goût
Vue par en-dessus ou par en-dessous.

Y a des murs où, au matin blême,
On met en rang les entêtés.
Y a des murs où, au matin blême,
On assassine la Liberté.

Moi, j’ dis qu’ l’Honneur a pas l’ même goût
Selon comment on le regarde.
Moi, j’ dis qu’ la Mort a pas l’ même goût
Vue par en-dessus ou par en-dessous.

Allez, bon dimanche quand même.

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fleche23 Janvier 2023: Intelligence artficielle

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On parle beaucoup en ce moment d’IA (Intelligence Artificielle)  et d’un logiciel (ChatGPT) qui, à la demande, vous fournit des renseignements, vous rédige un texte « à la manière de » si vous le désirez, réalise le travail qu’on peut vous demander au lycée ou à l’université, etc. Je ne suis pas encore aller voir cette « chose », mais un ami s’est amusé à lui demander « qui est Louis-Jean Calvet ? ». Voici la réponse obtenue :

 

« Louis Jean Calvet est un linguiste et sociolinguistique français, né en 1923 et décédé en 2013. Il est connu pour ses travaux sur les langues et les cultures d’Afrique, en particulier sur les langues créoles et les langues minoritaires. Il a également étudié les relations entre la langue et la société, la linguistique appliquée et la sociolinguistique. Il est l’auteurs de nombreux ouvrages et articles sur ces sujets. Il était professeur émérite de sociolinguistique à l’Université Paul Valery de Montpellier ».

 

 L’annonce de ma mort il y a dix ans, pour moi qui ai fêté mes 80 ans l’an dernier, me semble nettement exagérée.  Ou alors je ne m’en suis pas rendu compte. Je ne me suis pas non plus rendu compte d’avoir été professeur à l’université de Montpellier, mais on dit qu’avec l’âge la mémoire peut vous jouer des tours.

Dois-je remercier ChatGPT de me faire vivre 90 ans ? Dois-je lui reprocher de me vieillir de 19 ans ? Ou encore dois-je reconnaître que j’ai si peu travaillé et publié depuis 2013 que je ne peux être que passé outre-tombe.

Bref l’intelligence artificielle nous réserve parfois des surprises.


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fleche21 Janvier 2023: Maintenance, suite

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Ça y est, tout est en place. Ma bibiographie est à jour et vous trouverez en page d'accueil, différents documents (un film, un diaporama...) issus d'un colloque qui s'est tenu à l'Université de Nicosie en octobre dernier.




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fleche20 Janvier 2023: Maintenance

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Mon site est depuis quelques jours en maintance, ce qui explique mon silence.
Mon ami Michel Santacroce a besoin de quelque temps encore pour terminer ce travail de repolinage ou de cosmétique. A bientôt, donc.


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fleche4 Janvier 2023 : Peau de banane

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Le système de surveillance en Chine ne se résume pas aux millions  de caméras dans les rues. Le web est également sous tutelle, et il y a  des mots interdits, ou du moins des mots dont la recherche ne mène à rien. Lorsque Google est arrivé en Chine en 2005, son moteur de recherche eut très vite un grand succès, mais il s’est également très vite heurté aux exigences de censure du pouvoir chinois : en bref on lui demandait de ne pas donner suite à certaines recherches en lui fournissant une liste de « mots tabous ». L’entreprise se déplace à Hong Kong en 2010 puis, en 2012, décide d’afficher une annonce chaque fois qu’un mot recherché est censuré par le régime, dont voici un exemple réel : 

« We’ve observed that searching for in mainland Chinas may temporarly break your connection to Google. This interruption is outside Google’s control ».

 

(« Nous avons observé que la recherche de peut en Chine continentale temporairement arrêter votre connexion à Google. Cette interruption n’est pas sous le contrôle de Google »)

 

En quoi ce caractère, , était-il  dangereux pour le régime chinois? Il signifie « fleuve » et se prononce jiang. Et alors ? Alors Jiang est également un nom de famille, en particulier celui de (Jiang Qing), la dernière femme de Mao Ze Dong, et celui de (Jiang Ze Min). La première, surnommée « l’impératrice rouge », joua un rôle central  dans la révolution culturelle, sera condamnée à mort, peine commuée en prison à vie, et mourra en1991.  Quant à Jiang Ze Min, après avoir soutenu en 1989 la répression des manifestations de Tian An Men, il deviendra président de la république chinoise (1993-2003), puis sera condamné  (par la justice espagnole après les plaintes d’ associations de défense du Tibet) pour génocide au Tibet et répression de la secte Falun Gong, mais le mandat d’interpellation n’aura aucune suite.

 

Le résultat de ces homonymies est qu’en cherchant sur Google des renseignements sur le Yanzi  (, Yanzi Jiang, « long fleuve), la recherche était bloquée. Et il se passe la même chose sur les moteurs de recherche chinois, certains mots menant à une page blanche. C’est par exemple ce qui se passe si vous tapez la la date de la répression  du 4 juin 1989 à Tian An Men, liu si, ( , c’est-à-dire  six pour le mois de juin et quatre pour le jour). Tout cela au nom de réglementations adoptées  en 1997 selon lesquelles « Aucun groupe ou individu ne peut utiliser Internet pour créer, répliquer, récupérer ou transmettre les types d'informations suivantes… » 

 

Mais l’écriture chinoise, dans laquelle certains caractères avec des sens différents peuvent correspondre à la même prononciation permet aux petits malins de jouer avec la censure. Ainsi lorsqu’il fut interdit de faire référence au mouvement me too  on vit apparaître deux caractères, , le premier signifiant le riz et se prononçant mi et le second un lapin et se prononçant tu. Pour brouiller un peu plus les cartes, on pouvait en outre utiliser deux émojis, celui d’un bol de riz  et celui du lapin.

 

Autre exemple, pour parler du covid et du nombre de gens positifs, on utilise le caractère , qui signifie « mouton » et se prononce de la même façon et avec le même ton, yang, que le caractère qui signifie « positif ». Plus subtilement on peut dire « j’ai un mouton dans le champ ou  encore utiliser un émoji de mouton.

 

Mais le plus bel exemple est celui de 香 蕉皮, xiang jiao pi, « peau de banane », que l’on utilise à la place de 近 平, le nom du président Xi Jinping, avec deux possibilités  plus simples, le sigle  XJP ou un émoji de peau de banane.

 

C’est beau, lorsque le jeu sur la langue permet de contourner la censure. Non ?

 

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