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Décembre 2022




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fleche31 Décembre 2022 : Pour votre réveillon

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Il y a depuis quelques jours dans les rues d’Aix-en-Provence de grandes affiches avec une belle photo de Sophie Joissains, maire de la ville, souhaitant à ses administrés de bonnes fêtes de fin d’année. Le poste qu’elle occupe semble d’ailleurs être une propriété familiale, mais une propriété à éclipses. Son père, Alain Joissains, a en effet été maire de la ville entre 1977 et1983, mais accusé d’avoir financé une partie des travaux de la villa de son beau-père avec des fonds municipaux il est condamné à deux ans de prison avec sursis.  Et c’est là qu’intervient l’éclipse : un maire UDF puis un maire PS lui succèdent.

En 2001 c’est au tour de sa mère, Maryse Joissains-Massini, d’être élue maire en 2001. Celle-ci prendra d’ailleurs son mari, l’ancien maire,  comme directeur de cabinet jusqu’en 2015. Mais au cours de ses mandats (elle sera élue quatre fois) elle est mise en examen pour trafic d’influence et détournement de fonds. Condamnée à un an d’inéligibilité, elle fait appel et la décision  sera cassée un mois avant le première tour de l’élection de 2020, ce qui lui permet de se représenter et d’être élue pour la quatrième fois, sa fille Sophie étant troisième sur la liste. Mais la maire mère (ou la mère maire) est définitivement condamnée un an plus tard et démissionne.

La fille, Sophie, qui avait été conseillère juridique de sa mère de 2002 à 2008, élue sénatrice en 2008    mais restant deuxième adjointe de sa mère de maire (ou de sa maire de mère). Elle quitte alors le sénat pour devenir maire de la ville en 2021. Au total, la famille a donc dirigé la ville pendant 26 ans, plus d’un quart de siècle.

Quel intérêt que tout cela, direz-vous ? Ce soir, vous allez sans doute réveillonner, manger, boire, rire, raconter des histoires. Alors je vous propose de lancer des paris. Par exemple, combien d’années encore cette propriété familiale va-t-elle se poursuivre ? Un petit-fils ou une petite-fille d’Alain Joissains sera-t-il un jour élu au même poste ? Quel est l’avenir de Sophie Joissains ? Bref, laissez courir votre imagination. Mais ne pariez pas trop d’argent. D’une part ce peut être dangereux pour vos finances. Et d’autre part,  vous risquez d’attendre très longtemps pour savoir qui a gagné et les placements à long terme ne sont pas toujours rentables.

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fleche28 Décembre 2022 : Le jeu des faux culs

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Vous connaissez le Scrabble ? On y joue avec des petits carrés de plastique sur lesquels il y a une lettre et un chiffre indiquant leur valeur: plus les lettres sont rarement utilisées  et plus grande est leur valeur. Par exemple, dans la version française,  la lettre E ne vaut que 1 alors que X ou Z valent 8 . En outre, en les déposant sur certains carrés du plateau, on multiplie cette valeur par deux ou trois. Le jeu consiste à écrire des mots à l’aide de ces carrés, en se branchant sur l’un des mots écrits par les précédents joueurs. Il faut beaucoup de connaissances et d’imagination pour trouver les mots qui rapportent le plus, mais il existe pour les tricheurs une application que l’on peut charger sur un téléphone portable : on y entre discrètement les lettres dont on dispose et l’application vous propose les mots possibles.

Bien sûr, il peut y avoir des discussions sur l’existence de tel ou tel mot et, de façon générale, on utilise un dictionnaire de référence, le petit Robert ou le Larousse par exemple en France. Mais, je ne le savais pas, il existe in Dictionnaire officiel du jeu de Scrabble, qui est la seule référence dans les compétitions officielles (oui, ça existe, et ça non plus je ne le savais pas)

 Or, et c’est là que je voulais en venir, une information vient de filtrer selon laquelle ce Dictionnaire officiel pourrait bientôt interdire des mots « sensibles », jugés offensants. Les éditions Larousse, qui publient ce dico, auraient reçus pour leurs prochaines versions une longue liste de ces mots : travelo, boche, poufiasse, bamboula, tarlouze, chicano, gogol… Il y aurait eu une discussion serrée entre le comité de rédaction de Larousse et l’entreprise Mattel, propriétaire de jeu, et on se serait mis d’accord sur une liste plus restreinte.

Des mots interdits dans le jeu de Scrabble ! On ne peut plus jouer tranquillement ? (J’exagère car il  y a bien longtemps que je n’y ai pas joué). Mais voilà que le politiquement correct s’infiltre jusque dans nos activités ludiques… Brassens, dans Le Pluriel, garantissait : « au faisceau des phallus on verra pas le mien ». Je ne sais pas si phallus existe dans le Dictionnaire officiel du jeu de Scrabble, mais s’il était toujours là, tonton Georges saurait nous mijoter une chanson de son cru avec tous les mots désormais interdits au Scrabble. Ca pourrait s’appeler Le jeu des faux culs. Avec un X. Qui peut rapporter 16 ou 24 points.

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fleche18 Décembre 2022 : Un pays en avant du régime chinois ?

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Il est rare que les régimes dictatoriaux reviennent sur une décision, et ce qui se passe actuellement en Iran en témoigne. Pour ce qui concerne la Chine, je n’en connais qu’un exemple. Lorsqu’en 1949 les communistes prennent le pouvoir, ils décident d’abord d’instituer une langue nationale, le pu tong hua (« langue d’unification »), défini par sa prononciation (celle de Pékin), son lexique (celui des dialectes du nord de la Chine) et sa syntaxe (celle de la littérature populaire). Le taux d’analphabétisme étant à l’époque très élevé dans le pays, il fut aussi décidé pour faciliter l’accès du peuple à l’écriture, de la simplifier. Ainsi, en 1955, le gouvernement fixa une liste de 515 caractères fréquents et de 54 particules dont on allait réduire le nombre de traits (un seul exemple : le caractère classique pour « cheval », , comportant neuf traits, fut remplacé par qui n’en comporte que trois) et cette réforme fut rapidement imposée par la presse, l’école, et surtout par Mao lui-même dont le Petit Livre rouge fut publié avec ces caractères simplifiés. Puis, en 1958, on créa un système de romanisation du chinois, le pin yin. Mao voulait d’ailleurs remplacer à terme les caractères par le pin yin, pensant que le chinois, comme toutes les autres langues du monde, devait avoir une écriture phonétique. Mais le pin yin ne note pas les tons, et il ne permettait donc pas de distinguer entre les nombreux homophones. Ainsi le son /ma/, sans indication de son ton, peut correspondre à le cheval, la mère, injurier ou une particule interrogative, qui tous se prononcent /ma/, mais avec chaque fois avec un ton différent. Et la réforme en resta là. Mais, en 1977, on décida de poursuivre la simplification des caractères. Un mouvement de protestation, mené en particulier par l’écrivain Pa Kin , se développa, arguant qu’on allait défigurer la langue  et perdre une grande partie de l’héritage culturel han. Et le pouvoir recula.

Il vient donc de reculer une deuxième fois, en mettant à la politique du « zéro covid ». Les Chinois ne peuvent toujours pas quitter le pays, mais ils peuvent s’y déplacer comme ils veulent, et on me dit que l’île de Hainan, au sud du pays, une sorte de Saint-Tropez chinois, est envahie par des touristes fortunés venus du nord. Le résultat ne s’est pas fait attendre : le taux de contamination est monté en flèche et certains spécialistes prédisent un million de morts à venir… Je ne sais pas comment va réagir la population : va-t-elle considérer que le régime se libéralise ou que le vaccin chinois est inefficace ? Ce qui est sûr, c’est que la première hypothèse a été immédiatement contredite dans les faits : au Tibet, on vient de lancer une opération de fichage ADN, qui avait déjà été menée chez les Ouighours grâce à des « visites médicales gratuites », gratuites mais obligatoires. On se demande à quoi peut bien servir ce fichage…

Alors, libéralisation ? Disons pour être modéré que si le pouvoir communiste a fait un pas en avant, il l’a fait suivre de trois ou quatre pas en arrière.

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fleche7 Décembre 2022 : Florilège

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Mon dernier billet commençait par « la politique permet parfois de rire ».  Nous y revoilà. Le prix « Press club humour et politique » a été décerné pour l’année 2022 à Fabien Roussel pour cette phrase : « La station d’essence est le seul endroit en France où celui qui tient le pistolet est aussi celui qui se fait braquer ». Et le prix du jury été attribué à Nicolas Sarkozy pour avoir déclaré à propos de la candidature de Valérie Pécresse à la présidentielle : « Ce n’est pas parce que tu achètes de la peinture, une toile et des pinceaux que tu deviens Picasso. Valérie Pécresse, elle a pris mes idées, mon programme, et elle a fait 4,8% ».  

D’autres « artistes » ont également été distingués. Edouard Philippe par exemple, déclarant à propos de Mélenchon : « Il faut une certaine audace pour que quelqu’un qui a été battu à une élection où il était candidat puisse penser qu’il sera élu à une élection où il n’est pas candidat ». Ou encore Sandrine Rousseau déclarant « Les SDF meurent plus de chaleur l’été que l’hiver ». Ou enfin Richard Ferrand : « Elizabeth Bornes est formidable mais personne ne le sait ».

Bref ça tire dans tous les coins, vers le pouvoir, la gauche, la droite… Tiens, il manque l’extrême droite. Marine Le Pen ne serait-elle pas drôle ?  Ou est-elle volontairement épargnée ?

 

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Novembre 2022




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fleche27 Novembre 2022 : Votre femme est trop bavarde...

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La politique permet parfois de rire un peu. Depuis le scandale Hanouna (voir mon billet du 19 novembre) et les prises de bec et les insultes permanentes à l’Assemblée nationale, dues essentiellement au Rassemblement national et aux Insoumis, les journalistes rappellent à juste titre qu’il en fut de pires à différentes époques de la vie politique française. Et, depuis quelques jours, circule une répartie savoureuse.

Un jour, prononçant un discours, Pierre Mendès France fut interrompu par un antisémite qui lui cria :Ta gueule, le circoncis ». Et Mendès France aurait répondu : « Décidément votre femme est trop bavarde Monsieur ».

Il y a cependant un problème. Après avoir bien ri, j’ai cherché à vérifier cette anecdote. Elle circule partout sur Internet, mais sans aucune référence ni indication de date. Je l’ai pour ma part entendue hier soir dans la bouche du journaliste Jean-Michel Aphatie sur une chaîne du service public. Mais je doute de la véracité de cette histoire : le personnage assez austère de Mendès France ne plaide pas en faveur d’une telle répartie, et l’on peut donc avoir des doutes sur le sérieux de certains journalistes.

Autre chose qui n’a rien à voir. Je parlais dans mon dernier billet du projet de loi sur l’interdiction de la corrida déposé par Aymeric Caron. Il a dû le retirer, pour cause d’encombrement dans l’ordre du jour.. C’est ce qu’on appelle un député dépité.

 

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fleche23 Novembre 2022 : Des souris et des chats (et aussi des taureaux)

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Je ne vous parlerai pas de la coupe du monde (ou coupe immonde) de football. Je ne rien connais au foot, ne regarde jamais de match, et nous savons tous que ce petit confetti bourré de gaz et donc de fric qu’est le Qatar (qu’en revanche je connais un peu, pour y être allé une fois, pas en touriste mais en conférencier) achète tout ce qu’il veut.

Non, je voudrais vous parler de tauromachie. Dans une partie de ma vie, j’ai assisté à des courses de taureaux. J’en connais les nuances, le vocabulaire, la cruauté et la beauté. J’ai cessé d’y assister, mais ne songerais jamais à les interdire. Nous avons tout entendu sur le sujet en quelques jours, depuis que le député mélenchoniste Aymeric Caron tente de faire voter une loi interdisant ces courses. Je l’ai vu souvent naguère, à la télévision, quand chaque samedi soir il tentait avec morgue et mépris de culpabiliser ceux qui n’étaient pas véganes.

Luc Le Vaillant, dans Libération d’hier, a écrit un article remarquable, dans lequel il fait parler un taureau. Ca s’appelle Lamento d’un toro bravo, et en voici la fin (c’est donc un taureau qui parle)

« Paradoxalement, j’ai moins de prévention envers l’un de mes adversaires naturels.  Raphaël Raucoule, torero nîmois de 23 ans, surnommé « El Rafi » a été éduqué pour m’embrocher. Risquant sa vie au quotidien et déjà star en son domaine, il vient comme il peut tenter de faire perdurer cet univers que Caron et les siens aimeraient voir englouti sous les flots de la réprobations générale et de la commisération pour des souffrances dont je n’au jamais parlé à personne. Sans doute ma préférence tient-elle aussi au fait que, d’un coup de corne, je peux estoquer El Rafi. Quand jamais Caron n’aura le cran de venir se dresser devant moi, bravache et angoissé, agitant la cape rouge sang que son parti brandit pourtant si aisément ».

Mais si, comme c’est probable, Caron n’arrivera pas à faire passer sa loi (je sais, sans doute pour des raisons de lobbies divers, en particulier celui de la chasse), je lui suggère un autre combat. Interdire aux chats de jouer cruellement avec les souris avant de mettre fin à leur vie et de les bouffer…

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fleche19 Novembre 2022 : Problèmes

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Il y a sur la chaîne de télé C8 une émission, Touche pas à mon poste, que je n’ai jamais vraiment suivie. J’y suis passé trois ou quatre fois par hasard, en cherchant autre chose, et j’ai été chaque fois frappé par la vulgarité qui y fleurissait. Vulgarité de son animateur, Cyril Hanouna, des membres de l’équipe et du public qui fait un triomphe à ces vulgarités. Problème : l’émission a chaque jour environ deux millions de spectateurs qui semblent donc apprécier cette ambiance particulièrement réac.

Si je ne regarde presque jamais TPMP, j’en entend en revanche souvent parler, comme tout le monde je suppose, car Hanouna a déjà eu pas mal de problèmes pour ses dérapages. Et jeudi dernier, cela a été un feu d’artifice. Résumons : Un invité, le jeune député mélenchoniste Louis Boyard, est venu parler de l’Ocean Viking, ce navire chargé de migrants qui a eu le plus grand mal a trouver un port. Boyard veut expliquer que de riches capitalistes appauvrissent l’Afrique, pillent son pétrole, abattent ses forêts. Et il cite un nom : Vincent Bolloré. Problème (je sais, cela fait trois fois que j’utilise ce mot, mais ce ne sera pas le dernier), problème donc, Bolloré est la patron de la chaîne C8, il est aussi le patron de Canal +, d’Europe 1, d’un certain nombre de maisons d’édition et sans doute bientôt de l’hebdomadaire Paris Match. Et on ne touche pas au patron !

Hanouna devient donc furieux, pète (ou fait semblant de péter) les plombs et se lance dans une série d’insultes : tocard, abruti, bouffon, t’es une merde… Boyard lance qu’on n’insulte pas un élu de la République, Hanouna réplique j’en bats les couilles et, finalement, Bolloré t’a donné de l’argent. Car, problème (cinquième fois), Louis Boyard a été chroniqueur dans cette émission. Quoi ! Un futur député de la France Insoumise chroniqueur dans une émission réac ! Oui, et re-problème, il n’était pas le seul : Raquel Garrido, qui fut un temps porte-parole de LFI et avocate de Mélenchon, a également été chroniqueuse chez Hanouna (donc chez Bolloré) avant de devenir députée. Beaucoup de problèmes (septième fois) donc.

Boyard a quitté l’émission sur les quolibets du public, toujours dévoué au gourou Hanouna, il porte plainte, Hanouna aussi, et l’affaire fait bien sûr fait le buzz, on en parle partout, y compris ici. Une petite précision : durant la dernière campagne présidentielle, l’invité préféré de l’émission (et, d’ailleurs, de toute la chaîne) était Zemmour, et le décor est ainsi planté. Mais si le décor est clair, l’intrigue l’est moins. Tout le monde sait que cette émission est réac, qu’elle défend des positions tirant sur l’extrême droite, mais certains politiques s’y bousculent parce qu’ils savent qu’elle est très suivie par un public qu’ils ne touchent pas ailleurs. Pour ne pas faire de jaloux, citons en deux : Marlène Shiappa, sous-ministre macroniste, et Jean-Luc Mélenchon, qui n’a d’ailleurs pas beaucoup défendu Boyard après ce clash . D’ailleurs il savait où il allait, Boyard, simplement il espérait en sortir vainqueur…

Problème plus large : Hanouna et son émission sont le signe d’un grand changement dans le champ politique à la télévision. Peu ou plus de débats, d’échanges d’idées mais bastonnade médiatique, vulgarité, insultes, et un public ravi qui applaudit à tout rompre, conspue les vaincus (c’est bien connu : vae victis comme on sait, « malheur aux vaincus ») et en redemande. Ca n’est à l’honneur ni de la démocratie ni de la télévision. Problème donc. Tiens, je ne suis pas arrivé à dix…

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fleche12 Novembre 2022 :  Yasmine Hammamet

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Je viens de passer quelques jours en Tunisie, au congrès des professeurs de français dans les pays arabophones. Cela se passait à Hammamet,il ville que je connais depuis près de soixante-dix ans. C’était à l’origine une station balnéaire, dont on disait qu’elle était surtout fréquentée par deshomosexuels, mais on parlait surtout  de sa voisine, Nabeul, qui était, est toujours, la capitale de la poterie.

Mais le congrès avait lieu à Yasmine Hammamet, un ensemble développé depuis un peu plus de 20 ans à dix kilomètres au sud de l’Hammametde mon adolescence. Il s’agit d’une sorte de reproduction d’une médina arabe couvrant 277 hectares, entourée de remparts, regroupant une cinquantaine d’hôtels,luxueux pour la plupart, un centre de congrès (là où j’étais), un « souk » et un parc où l’on voit un énorme King Kong, des éléphants, d’autres animaux,le tout en plâtre, bref une sorte de Disneyland donnant aux touristes une version aseptisée de l’idée qu’ils se font d’une ville orientale.  On y trouve un café Oum Kalthoum, présenté comme la reproduction de celui que la célèbre chanteuse égyptienne auraitfréquenté au Caire, une marina et, à quelques kilomètres, deux golfs. Les hôtels pratiquant presque tous le « all inclusive », les restaurants sontpresque vides, et la nuit les rues sont vides.

Je suis retourné à ce qu’on appelle « Hammamet centre », une vrai ville celle-ci, où j’ai pu acheter des journaux,introuvables à Yasmine Hammamet. J’y ai retrouvé une circulation normale, c’est-à-dire des embouteillages, une vie normale, des rues plus ou moins propres, du bruit,des cris, alors qu’ à Yasmine Hammamet tout semble nettoyé à l’eau de javel et qu’on ne voit que des cars de touristes…

Bref, j’ai participé à un colloque intéressant, mais dans un environnement qui donne à réfléchir sur les méfaits du tourisme. Les avionsdevenant de plus en plus coûteux et polluant notre terre, on peut imaginer que bientôt, en France, sur des terres agricoles délaissées, on construira descentres de vacances « comme au Maghreb », « comme à Tahiti », « comme à l’île Maurice », « comme au Sénégal », « commeà Rio », à votre choix… Le Club Méditerranée devrait y penser. Pour le climat, et pour se bronzer les fesses, pas de problèmes. Le réchauffementclimatique devrait y pourvoir, et si cela ne suffisait pas, le Qatar, après avoir climatisé la coupe du monde de football, trouvera bien une solution… Nous vivons une époque moderne !

 

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Octobre 2022




 

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fleche27 Octobre 2022 : Nouvelles

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Bonne nouvelle (enfin pas pour vous ni pour moi) : en Grande-Bretagne, avoir été « prime minister » vous donne droit à une retraite d’environ 130.000 euros par an, et ce quel que soit la durée de votre mandature.  Ainsi Liz Truss, qui vient d’occuper ce poste pendant 40 jours, peut y prétendre. Elle est pas belle la vie ?

Mauvaise nouvelle pour le peuple tunisien. Robocop (c’est ainsi que certains appellent le président, qui a certes parfois l’air autiste mais se comporte en autocrate) vient de prendre un décret lui permettant de punir de prison ou d’amende quiconque diffuserait « de fausses nouvelles, déclarations, rumeurs ou documents falsifiés » mettant en cause « l’ordre public » ou la « sécurité publique ». L’ennui c’est qu’aucune de ces notions n’est juridiquement définie. Robocop peut ainsi mettre en prison n’importe qui pour n’importe quel motif. Dura lex sed lex. C’est pas beau le pouvoir ?

Bonne ou mauvaise nouvelle pour le peuple brésilien ? Tout se jouera ce dimanche. Lula a devancé Bolsonaro au premier tour, mais avec un écart plus faible que ce que prévoyaient les sondages. Et la situation est très serrée, d’autant plus que le sortant semble prêt à tous les coups fourrés. Elle est pas belle, la démocratie ?

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fleche15 Octobre 2022 :  Notes canadiennes

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Je viens de passer quelques jours au Canada, plus précisément au Nouveau Brunswick, pour assister à un colloque sino-canadien passionnant, organisé par l’université de Moncton et l’université d’études internationales de Shanghai. Mais là n’est pas mon propos. Au cours des cinq ou six voyages que j’ai faits dans ce pays, j’ai chaque fois été frappé par une sorte de surenchère canadienne sur le grand voisin américain dans le domaine du politiquement correct.

Je pense à des détails, comme par exemple l’interdiction, sur certains campus, de se parfumer, car cela peut gêner des gens (mais rien n’interdit de puer des pieds), ou à des choses plus générales, comme le choix sur certains formulaires où l’on demande votre sexe entre le « masculin », « féminin » ou « autre ». J’ai ainsi vu des professeurs s’appliquer à ne jamais prononcer « jeune homme » ou « jeune femme » mais « jeune personne », ou devoir pour se définir eux-êmes choisir entre les catégories « he », « she » ou « they ». Mais ce qui m’a le plus frappé est le traitement des indiens, qu’on ne doit d’ailleurs pas appeler « indiens » mais « premières nations », adaptation de la formule US « native americans ».

Chacun le sait, les indigènes ont été, du Nord au Sud du continent, massacrés, spoliés, méprisés, et la colonisation européenne les a généralement réduit, statistiquement, à peu de choses. Ainsi, dans un énorme pays comme le Brésil, ils ne représentent plus que 0,4% de la population, et au Canada on compte que 4% de la population est d’ascendance indienne. Or, à l’ouverture du colloque auquel je participais, un responsable de l’Université a lu à toute vitesse un texte officiel déclarant que l’université de Moncton reconnaissait que ses trois campus étaient « situés sur le terres ancestrales non cédées de Malécites et de Mi’kmaq », que ces nation autochtones étaient régis par les traités de paix signés avec la Couronne britannique au 18° siècle, que ces traits n’abordaient pas la cession des terres et ressources, etc. (le texte est plus  long). S’ensuivaient une courte cérémonie au cours de laquelle un couple de Malécites porteurs de brûle-parfums se tournait vers le haut, le bas et les quatre point cardinaux, pour que notre réunion se passe bien. Quelques jours plus tard, nous étions confiés à un « spectacle » : trois femmes alignées tapaient chacune sur un tabourin, et quatrième esquissait quelques pas de danse, toutes chantant une chanson dans une langue qu’une seule d’entre elles connaissait un peu. J’avoue avoir été très gêné. J’ai vu dans différents pays africains ou asiatiques ce genre de manifestation dans lesquelles des peuples dominés, des cultures en voie de disparition, étaient ainsi donnés en spectacle aux touristes, ce qui à mes yeux est la forme ultime de la colonisation : l’humiliation. Entre le Club Méditerranée où, m’a-t-on dit, cela est fréquent, et l’université canadienne dont je traite, la différence n’est pas grande. D’un côté on satisfait les touristes, de l’autre on donne bonne conscience aux bobos. Mais cela ne rend pas aux autochtones ce qu’on leur a volé.

Pour finir, un « petit » détail. J’ai demandé si les langues de ces membres des premières nations étaient enseignées dans le département de langues. Réponse négative. Mais on m’a rassuré : le couple porteurs de brûle-parfums et les quatre chanteuses étaient payés.

 

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Septembre 2022




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fleche29  Septembre 2022 : C'est la faute à...

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Le 21 septembre, je parlais ici de Sandrine Rousseau qui préparait de façon assez inélégante le congrès des écolos en s’attaquant à Julien Bayou. Elle avait quelques jours avant lancé une bombinette en expliquant que le barbecue était une histoire de mecs (sans doute une contribution théorique à l’ écolo-féminisme) et le communiste Fabien Roussel avait rétorqué que la viande que les gens mangeaient ne dépendait pas de ce qu’il avaient dans leur slip mais dans leur portefeuille.

Bref Rousseau veut faire parler d’elle à tout prix et place des peaux de bananes sous les pieds de ses concurrents pour la première place dans un micro-parti. Car derrière tout cela on sent une course au pouvoir assez nauséabonde. Chez les insoumis ça grenouille pour prendre la place d’un Mélenchon qui va bientôt être renvoyé à ses chères études, et chez les écolos Rousseau mélangeant dogmatisme féministe et dogmatise pseudo écologiste se bat pour prendre le pouvoir dans un parti qui semble ne plus exister : pendant ce temps, les écolos sont singulièrement muets sur l’écologie. N’ont-ils plus rien à dire sur le nucléaire ? Sont-ils paralysés par leurs contradictions ?

Allez, pour finir sur une note littéraire, il y avait dans le Canard enchaîné d’hier un dessin représentant S. Rousseau et, dans une bulle : « Bayou dans le ruisseau, C’est la faute à Rousseau ». Pour ceux qui ont la mémoire courte, Victor Hugo dans Les Misérables faisait chanter par Gavroche  « Je suis tombé par terre, c’est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau c’est la faute à Rousseau ».

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fleche27  Septembre 2022 : Comparaison est-elle raison ?

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On a beaucoup parlé la semaine dernière de la mort du cinéaste Jean-Luc Godard. Il allait avoir 92 ans, et a tenu à faire savoir qu’il avait décidé de sa mort et avait eu recours au suicide assisté. Il y a deux jours la Suisse a décidé, par une «votation» de prolonger l’âge de la retraite pour les femmes de 64 à 65 ans (c’était déjà  le cas pour les hommes). Et j’avais quelques jours auparavant lu dans le quotidien suisse Le Temps que le but était, à terme, de porter l’âge de la retraite à 67 ans pour tous. Deux faits qui n’ont aucun rapport ? Je n’en sais rien.

Il se trouve que l’’actualité politique en France porte actuellement sur deux sujets semblables. Le premier, dont on parle beaucoup, concerne l’éventuelle réforme du système du régime des retraites, et le second, qu’on évoque à peine mais qui va venir sur le tapis concerne la fin de vie et le droit au suicide assisté, ou le droit de mourir dans la dignité. Tous les syndicats refusent qu’on touche aux retraites, et bien sûr  quand la question du suicide assisté sera posée, les oppositions, surtout religieuses, vont de déchaîner.

Deux pays voisins, deux démocraties, et deux rapports très différents aux mêmes questions, ou presque. Que faut-il en conclure. Comparaison est-delle raison? Encore une fois, je n’en sais rien. Mais, comme on dit en anglais : Put that in your pipe ans smoke it.

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fleche21  Septembre 2022 : Croissance exponentielle :

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Il est fréquent que le vocabulaire scientifique passe dans les discours quotidiens, avec le plus souvent une sorte de dévaluation sémantique.  C‘est par exemple le cas de l’expression croissance exponentielle, que l’on entend souvent mise à toutes les sauces, en particulier avec le sens de « croissance rapide ». En fait, il s’agit d’une croissance qui débute lentement. Par exemple si une cellule se divise en deux, puis que chacune des nouvelles cellules se divisent à leur tour en deux, on passe à 4, 8, 16, etc., et on arrive plus ou moins vite à des chiffres astronomiques selon le temps que prend une division. Ainsi, l’augmentation d’ une population humaine est moins rapide que celle d’une population de lapins, le temps de gestation de la première étant de neuf mois et celui de la seconde d’un mois.

Il y a exactement une semaine, un petit article dans le Canard Enchaîné, presque un écho sans beaucoup de détails, disait que la femme du député Adrien Quatrennens, considéré comme probable successeur de Jean-Luc Mélenchon, avait déposé une « main courante » à la police, dans laquelle elle déclarait qu’il l’avait frappée. Huit jours plus tard, on ne peut pas ouvrir un journal, écouter une radio ou une télévision, sans en  y trouver un écho, avec d’ailleurs des articles ou des  émissions de plus en plus longs. Il faut dire que Méléchon a ajouté de l’huile sur le feu en critiquant d’abord « la malveillance policière, le voyeurisme et les réseaux sociaux » avant de vanter le « courage » de Quatrennens. Sandrine Rousseau en a d’ailleurs profité pour laisser perfidement entendre que Julien Bayou, le secrétaire général de leur parti commun (Europe Ecologie Les Verts), était dans la même situation. Petit détail : le prochain congrès d’EELV doit se tenir en décembre…

Bon, laissons Méléchon de côté, sa tendance à dire parfois n’importe quoi est déjà connue. Laissons aussi de côté les tactiques de Rousseau. Mais il est vrai que les réseaux sociaux sont un bouillon de culture, au sens biologique d’abord, un liquide dans lequel se développent des microbes, et au sens courant aujourd’hui, un milieu dans lequel se multiplient des idées ou des informations, vraies ou fausses, et le plus souvent fausses : c’est d’ailleurs une bonne définition des réseaux sociaux.

Pour changer, ou presque, de sujet, on parle aussi de décroissance exponentielle,. Par exemple, s’il y a dans un tournoi quelconque  128 candidats, il n’y en aura plus que 64 au tour suivant, puis 32, 16, etc. pour en arriver à 4, 2, et au vainqueur. Et cette décroissance exponentielle est également fréquente dans la vie publique. Exemples ? Qui parle encore de l’affaire Benalla ? Des nombreuses affaires concernant les Républicains (Karachi, la Lybie, Sarkozy)? A vous de compléter la liste….

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fleche15 Septembre 2022 : Ceci n'est pas une pub :

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Elle ne peut pas échapper à ceux qui, comme moi, regardent surtout les chaînes de télévision du service public : une publicité qui passe tous les jours, avant la météo, puis avant le journal de 20 heures, en deux parties, comme une saynète en deux épisodes. On y voit une famille un peu nunuche. Le fils, adolescent chevelu peint. Il peint sans cesse, essentiellement des fruits et des légumes, parfois exactement la même nature morte, réalisée explique-t-il aujourd’hui, hier, avant-hier, le jour d’avant, et d’avant encore. La mère le trouve génial : « C’est beau ! C’est beau ! Quel talent !» Et lorsque le père s’énerve elle réplique : « Mais il crée ! » Bref, une famille un peu caricaturale, un peu énervante, comme il doit y en avoir des centaines de milliers en France et en Navarre.

Problème : malgré ma bonne volonté (enfin, n’exagérons pas, ma bonne volonté a ses limites) je ne sais pas ce que veut nous vendre cette pub. Je comprends qu’il s’agit de fraîcheur, de produits frais, mais suis incapable de citer le nom d’une marque. Et comme il est hors de question de mettre en cause mes capacités cognitives (je ne suis pas très jeune, mais n’exagérons rien), j’en conclue que la pub est mal foutue. Ce qui me réjouit. Lorsque le capitalisme bredouille dans ses tentatives de nous fourguer je ne sais pas quoi, il ne faut pas bouder notre plaisir.

A moins que… A moins qu’il ne soit plus malin qu’il n’y paraît. Qu’il donne dans le surréalisme. Comme Magritte avec son célèbre tableau, Ceci n’est pas une pipe, il nous donnerait à voir quelque chose comme ceci n’est pas une publicité. Mais ce serait quoi, alors ? De l’argent jeté par les fenêtres ? Ce qui est sûr, c’est que les trois acteurs, vu leur jeu, n’ont sans doute pas un grand avenir. Mais il faut bien qu’ils gagnent leur vie, les pauvres. Laissons les vivre. Ah tiens ! C’est peut-être ça : une pub contre l’interruption de grossesse…

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fleche11 septembre 2022 : Tant mieux si la route est longue : Souvenirs de souvenirs, 1942-2022

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Aux éfitions Lambert-Lucas et disponible dans toutes les (bonnes) librairies :

Louis-Jean Calver (2022) : Tant mieux si la route est longue : Souvenirs de souvenirs, 1942-2022

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fleche3 septembre   2022: Shrinkflation

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Le verbe to shrink signifie en anglais « rétrécir ». On l’utilise pour le linge qui rétrécit au lavage, pour les revenus qui baissent, mais il est aussi devenu dans la langue courante un substantif, shrink, qui désigne le psychanalyste (il nous rétrécit le cerveau). Et un néologisme vient de déferler dans les médias, shrinkflation (sur le modèle d’inflation, bien sûr) pour désigner une pratique frauduleuse, à la limite du gangstérisme, qui se répand dans la distribution alimentaire.

La pratique est simple : au lieu d’augmenter le prix de vente d’un produit, on en diminue la quantité. Ainsi dans les boites de fromage Kiri, les petits paquets ne pèsent plus 20 grammes mais 18. Ou les bouteilles d’eau Salvétat ont diminué de 10 centilitres. Ou encore, dans une boite de chocolat, on diminue le nombre de morceaux en remplaçants les absents par un bourrage de plastique ou de carton. Lorsque le contenant est opaque, qu’on ne voit pas la quantité de liquide qu’il contient (par exemple certaines bouteilles de sirop), on la diminue. Et mieux encore, il arrive que la quantité du produit diminue mais que le prix augmente. Ainsi la marque Lindt fait passer la boite de « chocolats Pyrénéens » de 30 à 24 morceaux, ce qui n’empêche pas son prix d’augmenter de 4%. Deux grammes par-ci, deux centilitres par-là, quelques morceaux en moins, cela peut sembler peu de choses. Mais pensez aux dizaines ou centaines de milliers de vente de ce produits, plus peut-être, et vous arrivez à des chiffres énormes.

Tout bénéfice, donc. Et bien sûr tout est fait pour que les clients ne s’en rende pas compte. Alors cherchez sur les sites des associations de consommateurs la liste de ces marques indélicates (qu’en terme choisi cela est dit !) et rayez-les de vos achats.


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Août 2022




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fleche16 août   2022: Bostosauro

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Les Ukrainiens ont inventé un verbe, macronete (« macroner »), avec de sens de paraître concerné par une situation mais de ne rien faire. « Arrête de macroner » signifie donc arrête d’hésiter, décide-toi à agir. Ces commentaires ironiques s’accompagnent en outre de remarques sur l’habitude prise par Macron, chaque fois qu’il a téléphoné à Poutine,  de faire publier des photos de lui, mal rasé, en sweat, l’air préoccupé. Le Kremlin a d’ailleurs fait fuiter des bruits selon lesquels Macron appelait souvent mais que Poutine ne répondait pas toujours, irrité par ce qu’une journliste américaine a baptisé le « macroning ».

Ce n’est pas la première fois que le nom de politiques sert à se moquer d’eux ou de leur comportement. Dans les années 1960, au Sénégal, on traitait de « Senghor » (le premier président de la République) ceux dont on pensait qu’ils étaient trop conciliants avec l’ancien colonisateur.

Et j’apprends par une amie brésilienne que Bolsonaro s’est vu pour sa part attribuer un mignon surnom : Bostosauro. C’est joli, non ? Ca rime avec dinosaure, rappelle le grec σαρος (« lézard »), évoque les sauriens  au cerveau sous-dimensionné, et ça commence par bosto, renvoyant à bosta (en portugais, « merde »). En gros, traduction libre, « lézard préhistorique de merde». La créativité linguistique populaire dépasse parfois en efficacité tous les discours politiques.

 

Ceci dit je pars quelques jours en vacances. A mon retour je vous donnerai des nouvelles de mon livre à paraître début septembre.

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fleche14 août   2022: La circulation de la bêtise et du crime

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Avant qu’en  février 1989 l’ayatollah Khomeyni lance « Au nom de Dieu tout-puissant. […] Je veux informer tous les musulmans que l'auteur du livre intitulé Les Versets sataniques, qui a été écrit, imprimé et publié en opposition à l'islam, au Prophète et au Coran, ainsi que ceux qui l'ont publié et connaissent son contenu, ont été condamnés à mort. J'appelle tous les musulmans zélés à les exécuter rapidement, où qu'ils se trouvent… », peu de gens dans le monde connaissaient le mot fatwa (de l’arabe فتوىfatwa (« jurisprudence, opinion légale »).

Son espace s’est considérablement élargi et Il existe aujourd’hui dans toutes les langues. Les mots circulent, la bêtise et l'intolérance aussi. Surtout lorsqu'il s'agit de la bêtise et de l'intolérance au carré, et des  pires: la bêtise et l'intotérance religieuses.

  Et, 33 ans après, un imbécile s’est jeté avec un couteau sur Salman Rushdie dans une université américaine.

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fleche8 août   2022: Dominici

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L'affaire Dominici a débuté il y a 70 ans, lorsque fut découvert l'assassinat d'une famille britannique en Haute-Provence. Dans un livre sur lequel je suis en train de travailler, je consacre tout un chapitre aux problèmes linguistiques dans les rapports entre justiciables et tribunal. J'y étudie des exemples réunionnais, italiens, marocains et celui de Dominici. Philippe Blanchet, qui a lu ce chapitre (je l'avais consulté sur des points de syntaxe du provençal) l'utilise dans un long billet sur l'affaire Dominci. A lire ici:

https://blogs.mediapart.fr/philippe-blanchet/blog/080822/laffaire-dominici-et-le-mystere-de-sa-condamnation-une-question-de-langues  

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fleche2 août   2022: Verre d'eau

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Une nouveauté vient d’apparaître dans le bistrot dans lequel je vais tous les matins. Un ami avec qui j’étais demanda, comme tous les jours, un verre d’eau avec son café (pour ma part je n’en prends jamais, et ce qui suit est donc très altruiste). La serveuse, gênée, lui répondit que  la patronne avait décidé que dorénavant on ne donnerait plus de verre d’eau mais qu’on pouvait acheter une petite bouteille. Dans un mouvement purement altruiste, donc, ou plutôt en trois clics purement altruistes sur Google, j’ai trouvé le texte suivant, que de façon toute aussi altruiste je mets à votre disposition, au cas où…

« Les débits de boisson, comme les établissements de restauration, sont tenus d’indiquer de manière visible sur leur carte ou sur un espace d'affichage la possibilité pour les consommateurs de demander de l'eau potable gratuite. Ces établissements doivent donner accès à leurs clients à une eau potable fraîche ou tempérée, correspondant à un usage de boisson. Cette obligation est issue du III de l’article L.541-15-10 du code de l’environnement (article 77 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire). Ce texte s'appliquera à compter du 1er janvier 2022 ».

Qu’on se le dise !

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Juillet 2022






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fleche29  juillet 2022: Patriarche et cafards

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Changeons de continent. Après l’Assemblée nationale française évoquée dans mon précédent billet, passons au parlement libanais dont le président, il y a trois jours, mardi dernier, a lancé à une députée, par ailleurs professeure d’université, Halima Kaakour, membre du mouvement « Contestation » : "Tais-toi et assieds-toi". Cette dernière lui répond qu’il est inadmissible de parler de cette façon, qu’il faut en finir avec la « société patriarcale ». Un autre député se lève alors, proteste, demande que cet échange ne figure pas dans le compte-rendu de séance et menace dans le cas contraire d’un grave conflit religieux. Pourquoi un conflit religieux ? C’est simple. Le député ne s’élevait pas contre la « société patriarcale », il ne volait pas au secours de sa collègue. Il avait compris qu’en parlant de "société patriarcale" elle insultait le patriarche maronite. Ca ne s’invente pas.

Dans la même séance une jeune députée, Cynthia Zarazir,  du même mouvement politique, protestait parce qu’on lui avait donné un bureau sale, rempli de vieux exemplaires de Playboy et de préservatifs usagers, et qu’elle n’avait pas de place de parking pour sa voiture. « Si l’on traite ainsi une élue, comment traitera-t-on le peuple, qui n’a même plus de voix ? ». Un élu du parti Amal (très lié au régime islamiste itanien), Kabalan Kabalan, l’a alors traitée se Sarassir, jeu de mot douteux sur son patronyme : Sarassir est le pluriel du mot arabe sarsur signifiant « cafard ». Au liban, contrairement à l’économie, la misogynie se porte bien.

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fleche23  juillet 2022: A la volée...

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Avant-hier soir, pour m’éloigner un instant d’un travail un peu ennuyeux, je suis allé jeter un coup d’œil sur la chaîne parlementaire. Je suis tombé sur le débat, à l’Assemblée nationale, concernant le coût de l’énergie et j’ai pris quelques notes à la volée. La caméra filmant les parlementaires lorsqu’ils prennent la parole depuis leur place dans l’hémicycle nous donne souvent à voir leur environnement immédiat et l’image est parfois instructive. Ainsi, pendant qu’une députée de la France insoumise lit son texte, on voit à sa droite un autre député, Adrien Quatennens, l’air indifférent, tapant sur son ordinateur portable. Soudain on entend des applaudissements, Quatennens semble se réveiller, ou revenir au débat, applaudit quelques secondes et revient à son ordinateur. Cette scène se reproduira deux ou trois fois. Dans un autre coin de l’hémicycle, un député LR intervient et on voit derrière lui une femme en train de taper un SMS ou de faire une recherche sur son téléphone portable. Autre notation à la volée, un député que je n’ai pas pu identifier lance : « Si nous avons un hiver vigoureux (…) et même s’il n’est pas vigoureux ». Il voulait sans doute dire rigoureux. Puis j’ai zappé un instant vers une chaîne d’info pour y apprendre qu’un père était allé au travail en oubliant que son bébé était derrière lui dans la voiture. Le bébé est mort, victime de la canicule. Hasard absolu, mais nous étions toujours dans le climat vigoureux. Et je suis retourné à mon travail un peu ennuyeux.

 

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fleche19  juillet 2022: Canicule

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L’histoire se répète parfois, en balbutiant disait Marx. Il y a seize ans,  le 24 juillet 2006, je mettais en ligne le petit texte que je  reprends ci-dessous.

Le spectre de la canicule semble hanter les responsables politiques, et les media en font leurs choux gras. Mais derrière la chaleur, les vapeurs, les ventes de climatisateurs et l'augmentation de la consommation en électricité, canicule dit au linguiste une histoire plus drôle.

Le mot vient du latin canicula, diminutif de canis, qui signifiait donc "petite chienne" (A propos, nous avons en français un mot pour désigner le "petit chien", chiot, mais rien pour la "petite chienne", chiotte étant utilisé en un autre sens...). Mais revenons à la canicule. Le mot latin va être utilisé pour désigner une étoile, Sirius, que l'on appelait aussi "Chien d'0rion".Or cette étoile se lève et se couche en même temps que le soleil entre le 23 juillet et le 24 août, c'est-à-dire au moment des plus grandes chaleurs. Cette période a donc été nommée canicule (canicola en italien, canicula en espagnol) par référence aux mouvements de l’étoile.

 

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fleche17  juillet 2022 : Chez ces gens-là

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Les propos de Caroline Cayeux, ministre nouvellement nommée, ont déclenché une tempête. Ils méritent d’être cités. A ceux qui lui rappelaient qu’à la période de la manif pour tous elle avait déclaré que le mariage pour tous était « contre la nature », elle a répliqué : « Je maintiens évidemment mes propos, mais j'ai toujours dit que la loi, si elle était votée, je l'appliquerai", ajoutant "J'ai beaucoup d'amis parmi tous ces gens-là".

Cette dernière phrase doit être analysée à deux niveaux. Tout d’abord elle reprend un archétype du discours raciste, du genre « Je ne suis pas raciste, d’ailleurs j’ai un ami noir » ou « Je ne suis pas antisémite, d’ailleurs j’ai un ami juif ». Et s’y ajoute bien sûr le segment que tout le monde a repris et dénoncé: « ces gens-là ».

Rappelons tout d’abord, ironiquement, que gens est dérivé d’un verbe latin, gignere, signifiant « engendrer ». Plus sérieusement, on le retrouve dans des expressions comme  les gens de lettres, braves gens, genre d’armes, gens de robe, gens de cour, gens de mer, qui ne sont pas nécessairement injurieux. Et le Parti communistes français a longtemps parlé des simples gens (c’est-à-dire gens du peuple), tandis que d’autres parlaient des vrais gens par opposition aux élites, aux hommes politiques qui ne comprennent rien aux problèmes du peuple. Mais qui rend la formule de Caroline Cayeux insupportable, c’est en fait l’adverbe , qui désigne ici toute la communauté gay (j’utilise un terme générique car la suite LGBT s’allonge tous les jours et je n’arrive à suivre).

Ces gens-là.  Je crois inutile de m’attarder longtemps sur l’ analyse sémantique de ces mots. Il suffit de rappeler quelques passages de la chanson de Jacques Brel 

 Faut vous dire, Monsieur Que chez ces gens-là On n'pense pas, Monsieur On n'pense pas On prie

Faut vous dire, Monsieur Que chez ces gens-là On n'vit pas, Monsieur On n'vit pas On triche

Faut vous dire, Monsieur Que chez ces gens-là On n'cause pas, Monsieur On n'cause pas on compte

Maintenant, petite question : A votre avis, Jacques Brel visait-il la communauté gay ou des « gens » du genre Caroline Cayeux ? Vous avez une heure pour rédiger votre copie.

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fleche12  juillet 2022: Méfiance ou posture?

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La « motion de défiance » déposée par les quatre partis composant la NUPES a donc été repoussée, ce dont personne ne doutait : il n’y avait aucun suspense. Elle constituait une double originalité. D’une part son intitulé, qui n’existe pas dans la nomenclature parlementaire, et d’autre part le fait d’avoir été déposée avant que la première ministre ait prononcé son discours de politique générale : on se défiait avant même de l’avoir écoutée.

Mais à quoi a-t-elle servi ? Il y a différentes façons de l’évaluer selon le point de vue qu’on adopte. Le journal Libération d’hier présentait différents points de vue. Son titre de Une, « La défiance, et après ? » était ambigu. On pouvait le lire comme « à quoi ça sert ? » ou comme « quelle sera la suite ? ». A l’intérieur, un autre titre, « La gauche en pole opposition », semblait signifier que la gauche était désormais en tête du combat. Mais l’éditorial, titré « Fragile », évoquait un « coup d’épée dans l’eau », épinglait Jean-Luc Mélenchon qui « qui donne à chacune de ses interventions l’impression d’avoir remporté la présidentielle et les législatives » et soulignait en même temps que l’enjeu de cette « motion de défiance » était de « cimenter l’union de la gauche ».

En effet, le but de la France insoumise était de se compter, de vérifier que ses alliés allaient voter comme un seul homme son texte. Mais le compte n’y était pas. Non seulement la mention, recueillant 146 voix, a montré à l’évidence que la gauche est minoritaire, mais surtout il manquait six voix, celles de six socialistes qui n’ont pas voulu la voter. Et c’est là que le bât blesse. Car Fabien Roussel, le leader communiste, commence aussi de son côté  à donner des signes d’exaspération, allant  jusqu’à appeler Mélenchon « Vladimir Mélenchon ». On fait mieux, dans le genre Union de la gauche !

Quelle sera la suite ? Je n’en sais rien. Les socialistes, les écolos et les communistes sont allés à Canossa pour obtenir des sièges et la France insoumise espérait qu’ils se fondent dans leur groupe. Mélenchon l’a d'ailleurs suggéré juste après les élections, il s’est heurté à trois refus . Quatre groupes, donc. Unis dans la méfiance (le mot est d’ailleurs faible, il faudrait plutôt combattre Macron que de s’en méfier). Mais comme l’a dit je ne sais qui (j’ai entendu ça à la radio), plutôt que de censure, la motion était-elle de posture ? Et il est un peu désespérant de voir la gauche (momentanément ?) unie se contenter de postures ou de tumulte. Pendant ce temps madame Le Pen peaufine une image de respectabilité. Avez-vous remarqué? Pendant que les députés de la France insoumise font du bruit et se comportent de façon un peu débraillée, à l'extrême droite on se donne des airs de parti de gouvernement. Si nous n'y prenons pas garde, Le Pen pourrait bien réussir dans cinq ans ce que Mélenchon a raté trois fois...

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fleche7 jullet 2022: Absence...

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 Je n’ai guère été présent ces derniers temps, mais je peux faire état d’un mot d’excuse. En effet je mets la dernière main à un livre qui devrait paraître en septembre, Tant mieux si la route est longue, souvenirs de souvenirs 1942-2022. En fait il s’agit de mes Mémoires, je vous tiendrai au courant.

Ci-dessous, cependant, un extrait que j’ai reçu d’une copie de philosophie, au baccalauréat, de juin 2022. Bonne lecture.

« L’etat ne devait pas decider car l’etat ne conait pas le passer de chacun, elle ne c’est pourquoi cela et arrive. L’etat de conais rien de cet perssonne sont but peu etre dans le but de faire une bonne action. Ou simplement d’aider ca famille. Si les gent sont bien eduquer et bienveillan nous navons pas besoin de l’etat. Le respect mutuel sufis pour remplacer l’etat comme cet celebre citation « vivre et laisser vivre » qui nous viens des trancher pendant la seconde guerre mondiale. Pendant le revolution française il n’y avez pas d’etat pourtant cela avais bien marcher ou pendant les romains avec leur lois dent pour dent, oeille pout oeille. Ce que tu fait a l’autre on te le fait. Il y a encore des civilizations sans etat reconnue dans le monde pourtant ces  civilisations ce porte bien alors que ce n’est pas l’etat qui juge ci ceci et juste ou pas. La notion de juste et pas compliquer car celle-ci et différente  pour chaque persone. Et ne sont jamais la meme ».

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Juin2022




 

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fleche20 juin 2022: Et le vainqueur est...

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Et le vainqueur est… Avant de tenter de répondre à cette question, regardons les commentaires de quelques-uns des  principaux intéressés. Mélenchon, qui samedi encore disait que ce matin il attendrait un coup de téléphone de Macron lui demandant de former un gouvernement a déclaré « la déroute du parti présidentiel est totale » et pour son alter ego Manuel  Bompard « la majorité a connu une défaite historique » . Quoiqu’il en soit nous savons que Mélenchon ne sera pas premier ministre. Côté PR  Eric Ciotti parle lui aussi  d’un « macronisme en déroute » et le responsable de son parti, Christian Jacob,  annonce que « les LR ont obtenu de très bons résultats » (en fait ils sont passés de 130 à 61 députés, une baisse de plus de 50%). Du côté des macronistes dont les résultats (245 députés pour Ensemble) sont encore plus bas que la fourchette basse des prévisions, c’est un peu la cacophonie. Ils ne parviennent sans doute pas à se mettre d’accord sur des éléments de langage… Mais il est, de mon point de vue, satisfaisant de voir que des socialistes qui avaient couru à la soupe en 2017, retournant leur veste pour prendre une place importante dans la macronie (comme Christophe Castaner, Richard Ferrand ou Brigitte Bourguignon) ont été battus. Marine Le Pen de son côté a déclaré être « surprise » par les résultats de son parti. Bref, tout cela est un peu désordonné  mais ce qui est sûr c’est que la France est de plus en plus à droite et que la situation à l’Assemblée nationale risque de rappeler furieusement à celle de la quatrième république.

Si nous entrons un peu dans les détails des résultats  à « gauche », nous voyons que le Parti Communiste conserve à peu près le même nombre de députés, tout comme les socialistes qui baissent à peine, que les écologistes sont ceux qui connaissent la plus grande progression ( de 1 à 15 députés)  et que la France insoumise connaît aussi une bonne progression, multipliant le nombre de ses députés par un peu plus de 4 (passant de 17 à 75 députés).

Paradoxalement, et c’est là où nous retrouvons la quatrième république, le Parti républicain, qui perd plus de la moitié de ses députés (de 130 à 61), se retrouve en position de force : sans eux Macron aura du mal à gouverner.

Restent les lepénistes.  A force d’écouter les rodomontades de Mélenchon, on les avait oubliés, négligés. Or c’est eux qui connaissent le plus grande progression, multipliant le nombre de leurs députés par 11 (de 8 à 89). Et du coup si, comme il est probable, les quatre partis constituant Nupes créent des groupes parlementaires séparés, c’est le RN qui sera mathématiquement la première force d’opposition, passant devant les 75 députés de la France insoumise. La presse a beaucoup parlé ces derniers jours de la commission des finances qui devrait être présidée par la Nupes, mais Macron pourrait très bien jouer sur cette confusion en y faisant élire un lepéniste…

Bref, qui est le vainqueur ? Mathématiquement, c’est le Rassemblement National. Et du point de vue stratégique, les Républicains qui sont mathématiquement le plus grands perdants, sont en même temps ceux qui auront stratégiquement le plus de latitude.

Comme je le disais plus haut, la France est de plus en plus à droite. Et Marine Le Pen, qui a parfois dit qu’elle ne serait plus candidate, pourrait bien avoir ses chances à la présidentielle de 2027. Ca donne froid dans le dos. Et la joie des électeurs de la Nupes semble un peu irréfléchie.

 


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fleche14 juin 2022: Conte de campagne, comptes de campagne

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Il y a plusieurs enseignements à tirer de ce premier tour des élections législatives, et tout d’abord que c’est une belle claque face à l’arrogance des petits marquis du macronisme.  Bonne nouvelle, non ? En revanche, les résultats de la NUPES sont plus délicats, et plus intéressants, à analyser. Ici, il faudrait soupeser les chiffres avec soin. Peu importent la petite polémique en cours, et les débats d’apothicaire, pour savoir qui est arrivé en tête. La NUPES a en gros obtenu 25,7% des suffrages exprimés, disons 26%. Or, au premier tour en 2017, en additionnant les résultats du PCF (2,72% des suffrages exprimés), de LFI (11,03%), du PS (7,44%) et des écologistes (4,30%) on arrivait à un total de 25,49% des suffrages exprimés, c’est-à-dire en gros la même chose. Et je ne compte ni les radicaux de gauche ni les divers gauche. Et si nous prenons le premier tour de la présidentielle de cette année, en additionnant les scores de Mélenchon (21,95%), Jadot (4,64), Roussel (2,28) et Hidalgo (1,75), nous arrivons à 30,63% des suffrages exprimés : les résultats sont donc plutôt moins bons.

Mélenchon a fait campagne avec une rhétorique se résumant essentiellement à une phrase, « élisez-moi premier ministre ». De ce point de vue, nous avons un échec presque certain : il n’y a guère de chance pour que la NUPES obtienne une majorité à l’Assemblée Nationale, et il faudra trouver un autre conte, un autre récit à servir aux électeurs qui se sont mobilisés. Mélenchon ne sera pas premier ministre. Mais,  en excellent stratège, il a montré sans le vouloir sans doute que la gauche unie pouvait être électoralement efficace, même si elle reste faible. Il a obtenu un succès stratégique évident, mais pas politique : il n’a pas fait augmenter les voix de gauche mais les résultats prouvent  que cette gauche existe. Depuis des années Mélenchon se refusait  à parler de gauche, il vomissait ce terme, préférant parler d’union populaire, et voilà que la gauche unie rappelle qu’elle peut exister.  Tout notre problème à venir est qu’elle ne sera pas viable autour de Mélenchon. Dans une semaine, nous aurons des chiffres précis en nombre de députés, et je ne prends pas de gros risque en disant qu’ils montreront que ni les communistes ni les socialistes n’auront gagné grand-chose, que les écologistes auront enfin des députés mais que seule la France Insoumise retirera des gros marrons du feu, multipliant largement le nombre de ses députés. C’est ce que je disais en parlant de DUPES dans mon précédent billet.

Le conte de campagne de Mélenchon, face aux comptes de campagne, nous montrent que cette union aura surtout été profitable à ceux qui depuis des années n'en voulaient pas.


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fleche10 juin 2022: Nupe, nupsse, nupesse?

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Le Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale est donc la réunion, sous la houlette de la France Insoumise, ou plutôt sous la houlette de Jean-Luc Mélenchon, du Parti Socialiste (PS), des Verts (EELV) et  du Parti Communiste (PCF). Sous la houlette, c’est bien le mot qu’il faut puisqu’il désigne un bâton de berger en forme de crochet permettant d’attraper un animal par une patte. Vous avez tous entendu parler des négociations parfois difficiles qui ont mené à cette union. Ce qui m’a pour ma part frappé, c’est qu’elles avaient lieu entre des représentants de partis ayant une vie plus ou moins démocratique (je veux dire des congrès dans lesquels on discute de ligne politique et on élit des dirigeants) et un parti, la France Insoumise, dans lequel il n’y a rien de tout cela. Mélenchon, du moins à ma connaissance, n’a jamais été élu au moindre un poste de direction, ce qui n’empêche pas les membres de LFI, le petit doigt sur la couture du pantalon, de le suivre aveuglément. Et c’est d’ailleurs dans la même posture, le petit doigt sur la couture du pantalon, que socialistes,  communistes et verts sont désormais disposés. Les uns et les autres ont avalé leur chapeau sur l’Europe, le nucléaire, l’âge de la retraite et sont semble-t-il d’accord sur un point : « élisez Mélenchon premier ministre ».

Mais ce n’est pas cela qui me retient, plutôt la façon dont on doit prononcer ce sigle, NUPES. C’est parfois important, la façon dont on prononce un sigle. Souvenez-vous de Renaud et de sa chanson Dans mon HLM : « Putain c’qu’il est blême, mon HLM, Et la môme du huitième, le hasch elle aime ». Donc, comment faut-il prononcer la NUPES ? On sait comment ça s’écrit, mais pas comment ça s’écrie. J’ai écouté hier une émission politique, C dans l’air, dans laquelle pendant plus d’une heure les participants ne prononçaient pas de la même façon, nupe pour les uns, nupesse pour les autres. Et Mélenchon lui-même hésite : on l’a entendu dire nupe et nupsse. Cette dernière prononciation aurait l’avantage de ne pas oublier le S de « sociale », qui peut peut-être faire penser à socialiste, mot honni à LFI, mais elle est la plus rare : on entend en fait soit nupe soit nupesse. Vous pourriez bien entendu me dire que tout le monde s’en fout, que ce débat est aussi inutile que celui autour du genre grammatical de COVID (le ou la COVID ? Les féministes ne se sont d’ailleurs pas prononcées sur ce point). Notons tout de même que nupe pourrait créer une confusion (les Nupe sont un peuple du Nigéria) et que nupesse  rime avec espèce (de quoi ?), herpès (ouille !) ou GPS (là c’est utile : avec un GPS on sait où l’on va).

Mais, pour ma part, j’avoue que je préfère nupe. Pourquoi ? Parce qu’un simple changement de la lettre initiale, D à la place de N, nous mène à DUPES. L'avenir l' nous dira si PS, EELV et PCF seront les dupes de LFI.

 


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fleche2 juin 2022 : Voltaire en prison

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François-Marie Arouet, dit Voltaire, est mort il y a 244 ans, le 30 mai 1778, et l’on vient de lui faire un curieux cadeau d’anniversaire.

Il y a deux ans sa statue, située en bas de la rue de Seine, avait été taguée, sans qu’aucune  revendication ne soit exprimée, mais certains supposaient qu’on lui reprochait de devoir une partie de sa fortune au commerce avec les colonies françaises, ce qui n’a aucun sens. On sait qu’il gérait ses comptes avec soin, qu’il prêtait parfois avec de forts intérêts, mais qu’il aidait souvent ceux qui en avaient besoin (lors de l’affaire Calas, à propos de laquelle il écrivit son Traité sur la tolérance, il logea chez lui  la veuve de Jean Calas tout en payant ses avocats).

Le général de Gaulle, qui avait une certaine culture, avait répondu à ceux qui lui conseillaient d’arrêter Jean-Paul Sartre « on ne met pas Voltaire en prison ». Mais les imbéciles qui ont tagué de peinture rouge la statue de Voltaire ignoraient sans doute que toute sa vie il dénonça l’injustice sociale, l’arbitraire du pouvoir et l’intolérance religieuse, qu’il fut emprisonné pendant onze mois en 1717 pour ses écrits satiriques contre Philippe d’Orléans, puis en 1726, pendant deux semaines, pour avoir provoqué en duel le chevalier de Rohan-Chabot, et qu’il trouvera ensuite refuge pendant trois ans en Angleterre.

Quoiqu’il en soit, la statue fut retirée  pour restauration. Elle vient de réapparaître, mais pas tout à fait au même endroit : dans la cour de l’école de Médecine. Qu’est-ce que Voltaire a bien à voir avec la faculté de médecine ? Rien. Sauf que la nuit son accès est fermé par des grilles, et que le philosophe aura moins de chances d’être à nouveau tagué. Voltaire se retrouve derrière de barreaux.

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Mai 2022




 



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fleche28 mai 2022: Reliques

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Le quotidien espagnol El Pais a publié au début du mois de mai un article sur les reliques religieuses dont la vogue ne tarit pas et qui, miraculeusement, semblent se multiplier. A l’origine on les trouvait dans des lieux consacrés, églises, monastères, puis un commerce se mit en place, l’église cédant parfois contre rétribution un petit bout d’un os de saint Machin, un poil de la barbe de saint truc… Puis on en vint à moins de mercantilisme, on protégea les reliques, ce qui donna d’ailleurs naissance à une autre forme de commerce, celui des fausses reliques. El Pais parle ainsi de deux prépuces de Jésus, ou de deux églises qui possédaient la tête du même saint. Pour ménager les susceptibilités, on décida que l’une avait la tête du saint jeune, et l’autre du saint plus âgé….  Et l’on ne compte plus les petits bouts de tissu venus de suaires ou de vêtements de saints… Un véritable marché.

Vous vous demandez à servent les reliques ? Ignorants ! Elles sont d’abord des objets de vénération et, surtout, elles protègent ceux qui les possèdent. Vous ne le croyez pas ? Infidèles ! Tenez, vous vous souvenez du Moskva, le navire amiral russe qui a été coulé en mer Noire par les Ukrainiens ? Et bien il y avait à son bord une relique de valeur,  un bout de la croix du Christ…

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fleche23 mai 2022: Ziguinchor

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Comment je l'indiquais dans mon précédent billet, j'ai travaillé pendant deux semaines dans le sud du Sénégal, à Ziguinchor, où j’ai refait avec une quinzaine l’étudiants en master ou en doctorat une enquête sur les langues des marchés que j’avais faite il y a 32 ans. L’idée était, bien sûr, de voir si, et dans quel sens, les choses avaient changé. Ziguinchor est une ville extrêmement plurilingue (on y parle un vingtaine de langues africaines, plus bien sûr le français, langue officielle du pays) et depuis longtemps une langue locale, le joola, dominait sur les marchés, suivie par le wolof, langue véhiculaire du nord du pays et souvent perçue comme « la langue des autres », voire des envahisseurs. Et les choses ont bien changé. Le wolof est désormais la langue dominante, le joola en régression. On utilise aussi beaucoup un créole à base lexicale portugaise qui a été renforcé par des migrants venant d’un pays voisin. En 1998 en effet, la Guinée Bissau a connu une période agitée qui a débouché en mai 1999 sur le renversement du gouvernement en place, et entrainé la fuite de nombreux Bissau-Guinéens vers la Casamance.

Mais ce qui a surtout changé ce sont les sentiments ou les représentations linguistiques : on sent grandir l’acceptation de l’idée que le wolof pourrait devenir « la » langue du Sénégal et non plus la langue des "envahisseurs" du Nord, ce qui à terme pourrait impliquer la disparition de beaucoup de langues locales. Certains disent qu'il disparaît actuellement dans le monde une langue par semaine, affirmation difficile à vérifier. Mais on peut se demander si ce pays, parmi d’autres, ne va pas emprunter le scénario qui s’est produit en France, comme s’il y avait un « sens de l’histoire » fatal à un grand nombre de langues. A suivre, donc. Pour l’instant nous sommes en train d’essayer de comprendre ce qui s’est passé à Ziguinchor à l’aide de tableaux Excel et de différents tris croisés. Après le plaisir du travail de terrain, une autre « plaisir » bien différent: celui de la statistique…

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fleche19 mai 2022: Prosecco ou Champagne, il faut choisir

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Je viens de travailler quinze jours dans le sud du Sénégal, mais je vous en parlerai une autre fois. Je voudrais en effet partager avec vous l’illustration d’une nouvelle façon de se tirer une balle dans le pied. Mardi dernier, le cycliste Biniam Girmay a gagné la 10ème étape du Giro (le tour d’Italie à vélo). Pour fêter l’événement, il est de tradition de « faire péter » une bouteille de Champagne, ce que fit le vainqueur (mais, Italie oblige, il s’agissait d’une bouteille de Prosecco).

Hélas, hélas, hélas ! S’il est habile de ses jambes, Girmay l’est moins de ses mains, et le bouchon est allé frapper violemment son œil. Ce qui s’appelle  non pas se tirer une balle dans le pied mais se tirer un bouchon dans l’œil ! Après le podium, le cycliste est donc allé directement à l’hôpital, et il a dû abandonner le Giro.. Après la victoire, la retraite. Conclusion ? Selon votre goût :

-L’abus d’alcool est dangereux, ou

-Pourquoi boire du Prosecco quand il existe le Champagne ?


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fleche4 mai 2022: Pause

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Je vais prendre un peu de distance: pas de billet d'ici quinze jours.
A bientôt, donc.


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fleche1er mai 2022: Ctoyenneté ou nationalité?

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Le linguiste Patrick Sériot, spécialiste du russe et plus généralement des langues slaves, a dans un article publié dans le quotidien suisse Le Temps, apporté des précisions intéressante sur ce qui pourrait se passer dans la tête de Vladimir Poutine. Il explique qu’en Russie on distingue entre nationalité  et citoyenneté. La citoyenneté est définie par l’appartenance à un pays (on est citoyen russe, français, allemand…) tandis que la nationalité est une notion plus floue, à tendance ethnique , définie en particulier par la langue. Et il rappelle qu’en URSS les papiers d’identité indiquaient une nationalité (russe, juive, ukrainienne, ouzbèque…) mais que tous étaient de citoyens soviétiques.  De ce point de vue, les Suisses romands seraient des citoyens helvétiques de nationalité française, les germanophones seraient toujours citoyens helvétiques mais de nationalité allemande, ou encore les Bretons seraient des citoyens français de nationalité bretonne…

 Et c’est justement cette « logique » qu’utilise  le président russe Poutine. Pour lui, les Ukrainiens parlant russe sont de nationalité russe et, secondairement, des citoyens ukrainiens. La citoyenneté pèserait donc moins que la  nationalité, et cela lui permettrait d’étendre ses frontières à tous les pays de l’ancienne URSS où l’on parlerait russe.  

Faut-il rappeler que cette même « logique » a permis à Hitler de considérer les germanophones de Tchécoslovaquie comme allemands et d’envahir en 1938 les Sudètes. Tentant d’envahir l’Ukraine pour la « dénazifier » et « libérer » les « Russes »,  Poutine se comporte donc exactement comme les nazis.



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Avril 2022





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fleche28 avril 2022: 动态清零

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En Chine, il y a eu 25 millions de personnes confinées à Shanghai, et à Pékin, la population craignant d’être elle aussi confinée se rue sur les supermarchés pour faire des provisions. En fait, et depuis de longues semaines, plusieurs autres villes, de taille plus restreinte, ont été confinées, les cas de covid se multiplient, les décès aussi : le taux de vaccination est faible,  le vaccin lui-même peut-être pas très efficace, et l’immunité collective est donc impossible à atteindre.

Mais la population en a assez. Ainsi un texte intitulé "Les shanghaiens sont à bout de souffle",  mis en ligne il y a une quinzaine de jours et se plaignant de la situation catastrophique des habitants, a été lu par plus de 20 millions de personnes. Et un commentaire disant « qui censure ce texte cherche la mort » a eu 800.000 « like». Le texte a été supprimé pendant quelques heures, puis est réapparu, mais avec l’impossibilité de le commenter. Et l’un de mes correspondants m’écrit : «Si on n'a pas beaucoup à manger, il faut nous laisser parler ». Selon un autre, les habitants ne supportent plus de manquer de nourriture, les malades d’autres maladies que le covid ne peuvent pas être hospitalisés, les parents et les enfants sont parfois séparés... Bref la situation est compliquée.

Face à tout cela, on peut s’interroger sur la « politique zéro covid » de la Chine dont on parle partout à l’étranger : zéro covid alors qu’il y a de plus en plus de contaminations et de morts ? En fait cette expression a été forgée pour être diffusée hors des frontières. On utilise très souvent en chinois, pour les slogans politiques ou publicitaires, des formules en quatre caractères, et l’expression chinoise traduite par « politique zéro covid » est 动 态清零 (dong tai qing ling), 动 态 signifiant « de  façon évolutive » ou « dynamique », et  清 零 « remettre à zéro ». Cela ne signifie donc pas qu’il n’y a pas de covid en Chine mais plutôt que l’on veut couper les chaînes d’infections. Mais nous pourrions nous amuser à traduire 动 态清零 par « on efface tout et on recommence ». Vaste programme.


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fleche25 avril 2022  : Ce à quoi nous avons échappé

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Sans mots inutiles, voici un collage de mon ami Michel Santacroce (titre : la fachosphère) :



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fleche24 avril 2022: France-Orbanistan

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Je viens de passer quatre jours en Orbanistan, enfin disons en Hongrie. J’y ai rencontré quelques universitaires très critiques envers leur premier ministre, Viktor Orban, mais l’ensemble du pays semble approuver ce populiste sans scrupules, jouant habilement sur l’ambiguïté face à  la guerre en Ukraine, face aux libertés fondamentales, et de façon générale face à la démocratie. Pour vous donner une idée, c’est la première fois que l’Union européenne envisage de priver un pays, la Hongrie, de subventions (40 milliards, tout de même…) pour violation de l’état de droit. Bref, Orban n’a rien d’un démocrate, il n’est guère fréquentable, mais Marine Le Pen le fréquente assidument. Il lui a d’ailleurs apporté officiellement son soutien dans la campagne présidentielle française. Selon elle, ils n’auraient qu’une même vision de l’organisation européenne, mais son programme, en particulier sa volonté d’utiliser les référendums à foison, est pratiquement décalqué des pratiques d’Orban. Et certains  disent ici qu’une victoire de Le Pen changerait la situation européenne, grâce à une axe France-Hongrie.

Faisant allusion à l’exclusion de journalistes de « Quotidien » d’une de ses conférences de presse, Macron a d’ailleurs lancé : «Quand l’extrême droite se met à dire : “Je choisis les journalistes qui viennent ou qui ne viennent pas” (…), elle fait la même chose qu’on fait en Hongrie ». Cette sortie n’est pas très diplomatique, mais elle sonne assez juste. Chantre de l’illibéralisme, opposé à l’immigration, insistant sur les racines  chrétiennes de l’Europe (il a même fait inscrire une référence à Dieu dans la constitution du pays), refusant tout droit aux LGBT, Orban coche toutes les cases de la réaction. Aux dernières élections, il a cependant obtenu 54% des voix, raflé une majorité des deux tiers à l’assemblée : le peuple semble formaté, endoctriné, bref le peuple le suit. En France, dans la rue ou dans un bistrot, comptez les gens, un, deux, trois, un, deux, trois, un sur trois vote facho. En Hongrie, c’est un sur deux.

C’est donc dans ma chambre d’hôtel, à Budapest, que j’ai suivi le débat entre Le Pen et Macron mercredi soir. Les deux journalistes n’avaient apparemment pour fonction que de surveiller les chronomètres, pour éviter que l’un parle plus que l’autre : « il vous reste deux minutes », « vous avez une minute trente de retard », « une minute d’avance »… Mais au moins les deux candidats avaient droit à la parole, au même temps de parole, ce qui n’est pas nécessairement le cas en Hongrie. On m’a raconté que le premier ministre y contrôlait une grande partie des media, qu’on l’y avait entendu lors des récentes élections pendant des heures alors que l’opposition n’y apparaissait que quelques minutes. France, Hongrie, deux pays, deux modèles bien différents. Un comique hongrois, Tibor Bödőcs, a d’ailleurs annoncé sur sa page facebook que l’avenir du pays était d’être « une Biélorussie light »: «De nouveaux ennemis soigneusement façonnés. Des campagnes de haine chirurgicales vendues par des influenceurs écœurants à pochette de costume et autres biorobots. Le harcèlement du reste de la presse. Une propagande du succès. Des mensonges joliment emballés. Le gavage d'hommes de paille au talent modeste. Du cynisme sans plaisanterie. Des cauchemars. Des théories complotistes brodées pour les masses. Une Biélorussie light. Bref, du bonheur en perspective ». Le Pen voudrait-elle faire de la France une Biélorussie light ? En fait, il n’est pas sûr qu’elle sache où se trouve la Biélorussie, elle qui a parlé d’Habib Bourguiba comme d’un ancien président de la république algérienne. Mais ce qui est sûr, c’est qu’elle aime Orban autant qu’elle aime Poutine. D’ailleurs, tous les deux sont ses banquiers. Elle avait emprunté en 2014 9 millions d’euros à la First Czech-Russian Bank, elle a cette année emprunté 10 millions à la banque hongroise MKB, propriétaire d’un ami d’Orban. On disait naguère dans certains romans policiers que, pour résoudre une enquête, il fallait chercher la femme, ici il faut plutôt chercher la banque, ou les banques, pour avoir une idée de ce que serait la politique de la candidate Le Pen.

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fleche16 avril 2022: Voter contre le pire

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Le chirurgien Stéphane Velut, dans un petit livre publié dans la collection « Tracts » ( L’hôpital, une nouvelle industrie, le langage comme symptôme, Gallimard, 2020) raconte que lors d’une réunion de service dans laquelle il somnolait, il sursauta lorsque « un jeune membre d’un cabinet de consulting » expliqua que «tout en restant dans une démarche d’excellence il fallait désormais transformer l’hôpital de stock en hôpital de flux ». Par stock il fallait entendre non pas des stocks de médicaments, de lits, de bouteilles d’oxygène  ou d’ambulances mais des malades, et flux signifiait qu’il fallait éviter de garder ces malades trop longtemps, en gros de les virer le plus vite possible. Et Velut soulignait  qu’on « déconnecte les mots de la chose », que « cette langue masque sous des termes tarabiscotés, constats, projets, décisions…, dont l’énonciation simple brutaliserait l’oreille ». Et ce « jeune membre d’un cabinet de consulting » est à lui seul l’archétype d’une catégorie sociale en développement: celle des petits marquis de la société libérale.

Ils s’habillent de la même façon, même type de costume, pantalon étroit, chemise blanche, portent sans doute le même type d’eau de toilette. Les uns, le plus souvent  issus de l’ENA, sont spécialisés dans le général, c’est-à-dire à peu près dans rien du tout, les autres sortent de grandes écoles de commerce ou de master en « business ». Ils sont hauts fonctionnaires, experts ou consultants et portent un regard distant sur les réalités, comme un chirurgien qui ouvrirait un corps et dirait « il faut faire ceci ou cela » puis partirait faire une partie de golfe en laissant aux autres le soin d’opérer. Ces petits marquis parlent le même jargon, entre globish et précieuses ridicules, se considèrent (peut-être parfois à raison) comme supérieurement intelligents, en tout cas plus intelligents que les autres et méprisent souverainement ceux qui ne pensent pas comme eux, les considérant comme trop bêtes  pour comprendre la profondeur de leurs analyses et des solutions qu’ils proposent.

De la pointe des cheveux et celle de ses chaussures, Macron a le look de ces petits marquis. Et il porte à croire que, malgré le dicton connu,  l’habit chez lui fait le moine. Il pense comme eux, parle comme eux. Souvenez-vous des premières expressions qu’il utilisa en 2017, après son élection, start up nation, task force… Touchant ou ridicule, il faisait penser à ces enfants qui essaient d’apprendre à se comporter comme les grands, comme des adultes. Bref, vous m’avez compris : je ne suis pas un fanatique de notre président de la république. J’avais, en 2017, voté au premier tour pour Benoît Hamon et au second contre Le Pen. Cette année, pour la première fois de ma vie, j’ai voté pour un communiste, Fabien Roussel, disruptif et marrant. Et je tout à fait conscient de n’avoir ainsi pas voté pour Mélenchon, dont le comportement, les postures, la morgue, m’ont toujours fait penser à Mussolini.

Dimanche, je voterai à nouveau contre Le Pen. C’est-à-dire pour Macron. D’ailleurs, et quoi que je pense du personnage, il n’a pas fait que des dégâts. Sa gestion de la pandémie a évité bien des faillites, bien des mises au chômage. Et son comportement face à Poutine est tout de même plus clair que celui de Mélenchon, moins sordide que celui de Le Pen, sans parler de la fascination de Le Pen pour Orban...

Les discours que j’entends autour de moi, la peste et le choléra, Macron égale Le Pen et autres fadaises, me révoltent. Ils témoignent d’une maladie infantile bien connue, ou du syndrome de Ponce Pilate, « je m’en lave les mains », bref d’une très grande irresponsabilité ou d’un analphabétisme politique. Non, ce ne serait pas la même chose d’avoir une présidente d’extrême droite ou un président de centre droit. Non ce ne serait pas la même chose d’avoir une information contrôlée, à la russe, ou une information libre. Non, ce ne serait pas la même chose d’avoir la politique que nous avons envers  les femmes, les homosexuels, les étrangers, ou celle qui sévit en Russie, en Hongrie ou en Pologne. Non, ce ne serait pas la même chose de fermer nos frontières et de sortir, à terme, de l’Europe, ou de continuer à chercher à l’améliorer.  Non, la politique de la terre brûlée ne générera rien de positif.

Et j’aurais le rouge au front si le soir du 24 avril j’apprenais que Le Pen est élue alors que j’aurais voté blanc ou que je me serais abstenu.

On ne choisit pas le meilleur, on évite le pire.

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fleche14 avril 2022: Tête de quoi?

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David Caviglioli, dans l’hebdomadaire L’obs, s’est amusé, sous le titre « les sortie de la semaine », à inventer des résumés de films pour chaque candidat à la présidentielle. Voici ce que ça donne pour Marine Le Pen :

Russian Roulette Thriller avec Marine Le Pen, Vladimir Poutine

Une femme doit 8 millions d’euros à un gangster russe, Vladimir. Pour le rembourser, elle n’a qu’un seul choix : transformer la France en régime fasciste. 

Notre avis Un thriller étouffant, dont la fin vous glacera le sang

Si son article n’avait pas été écrit avant le premier tour, Caviglioli aurait aussi pu chercher son inspiration du côté de Crocodile Dundee : une vieille femelle  crocodile, Marine, est dans son marigot. Déjà édentée mais encore combative, elle défend son territoire pour s’assurer un dernier tour de piste. Le jeune mâle ambitieux, Zemmour, attendra la prochaine fois .

En breton, Le Pen (ar penn)  signifie «la  tête ».  Mais tête de quoi ? Le choix est large. Pour ma part, j’hésiterai entre « tête de faux cul » ou « tête de linotte ». En effet, elle a tenté de changer son apparence, mémère avec ses chats, doucereuse, et l’on a l’impression que les électeurs ne lisent pas son programme. On y trouve en effet l’annonce d’une France alliée avec le hongrois Orban et le russe Poutine,  transformée en démocratie « illibérale », s’éloignant de l’Europe pour se rapprocher de ses amitiés dictatoriales. Habileté de la candidate ou mémoire courte des électeurs, elle a réussi à faire oublier ces accointances, ses mains liées par sa dette à une banque russe proche du dictateur, elle nie ou fait semblant de ne pas entendre et passe à autre chose. Il y a pourtant des détails très récents qui parlent : jeudi dernier, le parlement européen a voté à une très large majorité (513 voix pour, 22 contre) une résolution demandant un embargo complet sur le gaz et le pétrole russe. Curieux hasard :  aucun député du RN n’était présent…

Encore étudiante en droit, puis avocate débutante (elle n’est d’ailleurs pas allée beaucoup plus loin), elle avait la réputation d’une teufeuse, fille à papa fervente de fête, pas de culture. On dit que certains étalent leur culture comme de la confiture sur une tartine. Comme elle n’a pas grand-chose à étaler, ses petits déjeuners doivent être tristes. Des biscotes ? Et à propos de son père, une devinette pour finir. Jean-Marie Le Pen, avait traité Anne Sinclair de « pulpeuse charcutière casher » et avait d’ailleurs été en 1986 condamné pour injure. On se demande comment il traiterait sa fille, si elle n’était pas sa fille.

 

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fleche12 avril 2022: V'là mon scrutin, j'garde mes scrupules

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Il n’en reste donc que deux. Je reviendrai sur eux dans les prochains jours, je voudrais aujourd’hui m’intéresser aux exclus du second tour, à leurs réactions, en particulier à ce qu’ils appellent à faire. Il fut un temps où l’on parlait de consignes de vote. Cette expression n’a aujourd’hui plus  aucun sens, pour au moins deux raisons. La première est simple : les candidats savent, ou affectent de considérer, qu’ils ne sont pas propriétaires de leurs voix. Mais cette position masque peut-être une autre raison : ils ne savent absolument pas ce que pensent leurs électeurs, ce qu’ils feront.

Ainsi Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Valérie Pécresse ont immédiatement annoncé qu’à titre personnel ils voteraient Macron et qu’ils appelaient leurs électeurs à en faire de même. A titre personnel. Le cas de Pécresse est de ce point de vue exemplaire. Avant même la réunion au sommet du Parti Républicain Eric Ciotti avait annoncé qu’il ne voterait pas Macron et, après ladite réunion, Christian Jacob a présenté la position du parti : "Aucune voix ne peut se porter sur Marine Le Pen, son projet politique et économique nous conduirait au chaos." Traduisons : un vœu pieux et la constatation de l’impossibilité pour ces instances de se mettre d’accord sur un vote. Et concluons: certains voteront sans doute pour Le Pen. En fait, la situation est compliquée par l’approche des élections législatives. Les députés PR vont étudier de près les scores dans leurs circonscriptions, afin de ne pas aller contre les positions de leurs électeurs. Certains auraient même commandé des sondages et en attendent les résultats avant d’annoncer leur décision, évidemment celle qui favoriserait leur réélection. Les principes, s’il y en a, passent donc après les combines politiciennes.

Mais la position la plus subtile est sans discussion celle de Jean-Luc Mélenchon. Affirmant haut et fort devant ses militants qu’il serait clair, il a répété quatre fois : « Il ne faut pas donner une seule voix à Madame Le Pen » Cette phrase en fait n’est pas vraiment claire, plutôt ambiguë (plus ambiguë d’ailleurs car elle peut avoir trois sens). Elle peut en effet être comprise « ne votez pas », « votez blanc » ou « votez Macron ». C’est-à-dire « faîtes ce que vous voulez mais ne votez pas Le Pen ». Ce qui nous ramène à ce que j’écrivais plus haut : il n’y a plus de consignes de vote claires. Surtout que, selon un sondage publié hier, un tiers des électeurs de Mélenchon déclareraient vouloir voter Le Pen, un tiers Macron et un tiers s’abstiendraient. En déclarant qu’il serait clair, Mélenchon cherche donc surtout à ne pas trop se mouiller.

Et cela pose une toute autre question. Que nous dit cette porosité entre les électorats de l’extrême droite et de l’extrême gauche ? Il nous faudra des mois ou des années pour analyser cela et en tirer des conséquences politiques, et je me garderai bien de tenter de le faire en quelques lignes.

Je préfère donc évoquer ce que chantait Léo Ferré dans la deuxième version des Temps difficiles (il y en a trois):

« Ma femme veut jouer les présidents, elle dit qu’c’est très plébixitant, pour lui montrer que j’suis un homme, j’dois lui dire pas référendum, les temps sont difficiles, l’matin c’est oui le soir c’est non, elle tient pas compte des abstentions,ni oui ni non ça fait coup nul, v’là mon scrutin j’garde mes scrupules… »

Et oui : v’là mon scrutin j’garde mes scrupules. Nous y reviendrons.

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fleche9 avril 2022: Aux urnes, citoyens!

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Fidèle à sa politique des jeux de mots, Libération titrait ce matin en une  Votez adroits, votez à gauche. Certes, même si la gauche est depuis longtemps bien maladroite et mal représentée. Pour ma part je préfère vous chanter « Aux urnes citoyens » . Mais je dois m’expliquer. Dès son origine, en 1792, la chanson qui est devenue l’hymne national français a été détournée, et sa première parodie devrait plaire à Fabien Roussel :

"A table, citoyens, Videz tous les flacons, Buvez, mangez, qu'un vin bien pur humecte vos poumons!"

En 1848 est lancée  une Marseillaise des cotillons :

Liberté, sur nos fronts verse tes chauds rayons ;
Tremblez, tremblez, maris jaloux,
Respect aux cotillons !

En suivront beaucoup d’autres, dont au début du 20ème siècle une Marseillaise maçonnique qui devrait plaire à Mélenchon :

Debout ! frères maçons
Sans peur des goupillons
Marchons, Marchons
Hardis lutteurs,
Contre les imposteurs !

Mais celle que je préfère, rédigée en 1881 par Léo Taxil, est la Marseillaise anticléricale :

Allons ! Fils de la République,
Le jour du vote est arrivé !
Contre nous de la noire clique
L'oriflamme ignoble est levé. (bis)
Entendez-vous tous ces infâmes
Croasser leurs stupides chants ?
Ils voudraient encore, les brigands,
Salir nos enfants et nos femmes !

Aux urnes, citoyens, contre les cléricaux !
Votons, votons et que nos voix
Dispersent les corbeaux !

Je vous la livre telle  quelle, mais vous pouvez l’adapter à votre goût. Quoiqu’il en soit : Aux urnes citoyens !

 

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fleche7 avril 2022: Election 5, Les trois derniers

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Ils sont trois, tout en bas des intentions de vote. Les trois derniers donc, jusqu'à plus ample informé.

Commençons par les deux trotskystes, Philippe Poutou, doublure de Besancenot, et Nathalie Arthaud, clone de Laguiller. D’un côté le NPA (nouveau parti anticapitaliste) de l’autre LO (lutte ouvrière).

 Poutou a des airs de Pierrot lunaire, et son discours semble tourner en rond, comme l’astre en question. C’est peut-être pour masquer cet aspect sélénite qu’il porte désormais une casquette, sur les affiches électorales, sur les tracts. Mais sa façon de la mettre, visière devant, risque de le couper des jeunes : enfin, Philippe, une casquette ça se porte dans l’autre sens, visière derrière, au-dessus de la nuque!

Si Poutou est marrant, avec un sens indéniable de l’humour et de la formule, Nathalie Arthaud est plus raide, plus sèche. Elle a repris à Arlette Laguiller son apostrophe célèbre des débuts d’allocution, « travailleuses, travailleurs ». Tous deux parlent vite, trop vite, au point qu’on a du mal à prendre des notes. Sans doute craignent-ils de ne pas avoir le temps de dire tout ce qu’ils ont à dire. L’un est pour un monde sans frontières, la fin du capitalisme, la lutte du peuple corse, la défense de l’écologie, l’anticolonialisme, pour une démocratie réelle, l’augmentation des salaires, l’autre pour l’augmentation des salaires, contre la guerre et l’impérialisme, contre le saccage de la planète, contre le capitalisme. En lisant leurs programmes, on trouve cependant quelques différences : Poutou veut un SMIC à 1800 euros, Arthaud 2000 euros au minimum. On comprend d’autant moins ces candidatures distinctes, cette coprésence, que le candidat du NPA a d’abord été militant de LO, avant de s’en faire exclure. Mais les logiques d’appareils pèsent plus lourd que les logiques politiques. Poutou, dans une allocution télévisée, a lancé un avertissement: Macron, « ce qu’il dit, ça va se faire ». L’ennui, hélas,  est qu’on peut en déduire l’inverse : ce qu’ils disent, lui et Arthaud, ça ne se fera pas.

 Du haut de ses montagnes et de sa voix de Stentor, Jean Lassalle les dominent: selon les sondages il aurait à lui seul plus de voix que les deux réunis. Il est loin pour sa part des logiques d’appareil, il n’a pas d’appareil à défendre et parle en je : « je veux refonder… je veux développer… je veux garantir… je veux redonner… je veux lancer… je veux accompagner… ». Et puis il chante. Des chansons traditionnelles, comme Aqueros mountagnos, une chanson en hommage au personnel hospitalier, Un grand merci, voire une chanson sur lui-même. Mais il est rafraichissant dans sa vacuité politique. D'ailleurs tout le monde aurait envie de boire une bière avec lui.

Si vous voulez plus de détails sur leurs programmes à tous trois, reportez-vous aux documents qui doivent être arrivés dans vos boites aux lettres. Et faites-le vite : dans trois jours ils ne seront plus là, et il nous faudra attendre cinq ans avant de les revoir. Peut-être…

 

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fleche4 avril 2022: Election 4, Mélenchon, la vieille dame indigne

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Ayant logiquement décidé de réserver pour la campagne du second tour les deux finalistes, il me fallait ici faire un choix, prendre un risque,  ou plutôt un pari. Au risque de le perdre, je traiterai donc de Mélenchon, que je ne vois pas au second tour, et je saurai la semaine prochaine si j’avais tort.

D’abord membre de l’organisation trotskyste la plus sectaire (l’Organisation Communiste Internationale), il adhère ensuite au parti socialiste où il aura une carrière d’apparatchik: directeur de cabinet du maire de Massy, secrétaire de fédération,  conseiller municipal, conseiller régional, sénateur, il se présente en 1997, contre François Hollande, au poste de premier secrétaire du PS (il obtiendra 8,81 % des voix). Puis il sera ministre délégué à l’enseignement professionnel dans le gouvernement Jospin, mais il décide en 2008,  à 57 ans, de changer de vie, comme la vieille indigne de Brecht, portée à l’écran par René Allio.

La nouvelle vie de Mélenchon commence vraiment en 2012, lorsqu’il est candidat à l’élection présidentielle, terminant à la quatrième position, derrière Sarkozy, Hollande et Le Pen avec 11% des voix. Rebelote en 2017, il termine toujours quatrième mais cette fois avec 19,58% des voix. Faisant tout pour faire oublier son passé socialiste,  il décide alors de se moderniser, se multipliant sous forme d’hologrammes en 2017, puis pour sa troisième candidature, faisant un « meeting immersif »  avec paysages et odeurs… Bref la vieille dame indigne tente de se donner une nouvelle jeunesse. Pourtant Mélenchon n’arrête pas de se tirer des balles dans le pied. On se souvient de son comportement lors d’une perquisition dans les locaux de son parti « mon corps est sacré, je suis la République », etc. , se donnant en spectacle comme un irresponsable incapable de se contrôler.

Car cet orateur brillant et cultivé fait parfois preuve d’une grande bêtise. A un journaliste lui demandant s’il parle anglais, il répond en substance « mal, d’autant plus mal que je suis anti américain », avant d’ajouter fièrement qu’il parle couramment l’espagnol. Son plus grand problème est en effet sa confusion géopolitique (en fait j’ai hésité ici entre plusieurs mots à la place de confusion, je vous en propose donc d’autres : flottement, indétermination, oscillation, irrésolution, imprécision, indécision, incertitude…). Le 6 mars, dans un meeting à Lyon, il croit trouver la réplique à ceux qui lui rappelle ses tendances pro-russe, ses complaisances envers Poutine : le non-alignement. Il y revient dans le JDD du 13 mars : « j’ai toujours été non aligné », ce qui semble cocasse quand on se souvient qu’en 2017 il voulait que la France adhère à l’Union Bolivarienne de Chavez. On peut faire mieux dans le non-alignement.

 Mais la vieille dame indigne croit à sa nouvelle vie. Décalquant une fable de La Fontaine, Mélenchon se considère comme une « tortue sagace » : « J’avance doucement et j’épuise les lièvres » explique-t-il dans un tweet. Mais il a peut-être oublié que, parfois, le tort tue…

 

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Mars 2022




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fleche29 mars 2022: Election 3, les absents

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A côté des douze candidats entre lesquels nous aurons à choisir, il y a ceux qui n’auront pas pu se présenter, les absents qui, à part Montebourg, qui a abandonné en cours de route, n’ont pas obtenu leur 500 soutiens. C’est dommage pour Montebourg, je le regretterai, non pas en tant que citoyen mais en tant que linguiste. Député de Saône-et-Loire, il avait la particularité de parler à Paris un français standard et de prendre comme sur commande dans sa circonscription, en particulier sur les marchés, un accent morvandiau pour s’adresser à ses électeurs. J’aurais aimé voir si ce caméléon phonétique aurait pris, dans une campagne présidentielle, tous les accents locaux, au gré de ses déplacements. Mais bon, tant pis, on s’en passera.

Et puis il y a les autres. Nous n’aurons donc pas François Asselineau (inspecteur général des finances), Kazib Anasse (trotskiste et syndicaliste à SUD rail), Hélène Thouy (Parti Animaliste), Arnaud Chiche (médecin anesthésiste) , Gaspard Koenig (essayiste), Rafik Smati (entrepreneur) et plusieurs autres. C’est dommage ! Imaginez le portrait-robot d’un président que nous pourrions tracer avec leurs qualifications diverses. En les mettant dans un shaker et en secouant bien fort nous aurions un cocktail intéressant. Appelons-le cocktail présidentiel, ou cocktail des exclus. Un verre  d’inspecteur général des finances, un zeste de trotskiste et  de syndicaliste, un pincée de médecin anesthésiste et d’entrepreneur, puis saupoudrer d’un peu d’essayiste, et servez avec un glaçon de candidat aimant les animaux (il y a toujours un chien à l’Elysée). Avec un tel homme, ou une telle femme, la France aurait été présidée par quelqu’un ayant une remarquable multiplicité de talent.

J’allais oublier Christiane Taubira, que nous n’aurons pas non plus. Elle n’avait que 274 signatures, et voilà : trois p’tits tours et puis s’en va ! Depuis le début de son opération ratée, je me suis demandé ce que pouvaient bien lui trouver les électeurs de gauche. A part son  lyrisme, indéniable, quoi ? Un petit coup d’œil sur sa carrière politique peut nous aider à tirer son portrait. Elue députée de Guyane en 1993, elle vote l’investiture du gouvernement Balladur. Dans le genre « de gauche » on fait mieux. En 2002 elle est candidate à la présidentielle. Petit rappel des résultats du premier tour : Chirac 19,88%, Le Pen 16,86 %, Jospin 16, 18%. Et, loin derrière, Chevènement 5,33%, Taubira 2,3%. Faites vos comptes : le verdict est sans appel. Autre rappel : Jospin était donné par les sondages vainqueur au second tour face à Chirac.

Et voilà qu’en 2022 elle tente une nouvelle opération dont je ne comprends pas si elle était d’union ou dé désunion… Il y a cependant un petit indice pouvant nous aider à la comprendre.  En 1998 elle est candidate dans une élection régionale en Guyane. Et elle a la douloureuse surprise de voir son mari (dont elle se séparera ensuite) se dresser contre elle, à la tête d’un liste concurrente.  On se souvient de César lançant à Brutus tu quoque fili mi, elle aurait pu  s’exclamer tu quoque vir meus ! Et garder de cette trahison un désir de vengeance. Allez savoir…

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fleche23 mars 2022: паляниця

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Laissons pour un temps la campagne présidentielle française pour faire un tour vers l’Ukraine, en passant par la Bible. Selon elle en effet , après la guerre entre les tribus de Galaad et d’Ephraïm, les vainqueurs utilisèrent une technique très particulière pour reconnaître les vaincus qui cherchaient à passer le Jourdain à gué. Ils leur demandaient de dire un simple mot, schibboleth, c’est-à-dire « épi » en hébreu. Or, les gens de la tribu d’Ephraïm le prononçaient avec une sifflante à l’initiale (sibboleth), tandis que ceux de la tribu de Galaad y mettaient une chuintante (schibboleth), et cette petite différence permettait de les reconnaître et … de les massacrer.

Depuis lors, le mot schibboleth a pris le sens de « piège linguistique », et on en trouve de nombreux exemples au cours de l’histoire. Ainsi, en mars 1282, le mardi de Pâques, la population sicilienne se souleva contre la domination angevine et massacra les Français au cours de ce qu’on appelle les «Vêpres siciliennes ». Là aussi on utilisa un piège linguistique pour reconnaître l’ennemi, en lui demandant de prononcer ciciri qui, en sicilien, signifie « pois chiches ». À l’époque les Français ne savaient pas prononcer la chuintante initiale, qu’ils réalisaient comme une sifflante. Le chanteur italien Benito Merlino en fit une chanson dont le refrain, dans sa brièveté, fait froid dans le dos : Di ciciri ! Sisiri ! A morti  (Dis ciciri ! Sisiri. A mort ! ».

On raconte aussi que, durant la Première Guerre mondiale, des prisonniers allemands tentaient de se faire passer pour des Alsaciens, et que ceux-ci imaginèrent une façon de les confondre en leur montrant  un parapluie et en leur demandant ce que c’était. Les uns répondaient schirm, les autres regenschirm alors que les Alsaciens disaient pour leur part barabli….

Les Ukrainiens viennent de trouver et d’utiliser un piège linguistique semblable pour vérifier que les suspects qu’ils arrêtent sont bien ukrainiens : ils leur demandent de prononcer un mot  typiquement ukrainien qui désigne un pain spécial, паляниця ( palyanitsya), mot dans lequel les Russes n’arrivent pas à réaliser la suite ля (lya). Ce qui montre que les langues jouent parfois jouer un rôle dans la guerre, permettant de distinguer les amis des ennemis. Même si la situation linguistique de l’Ukraine est plus compliquée, que beaucoup sont bilingues et peuvent tromper l’ennemi…

 

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fleche21 mars 2022: Election 2,
Valérie Détresse : Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?

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Commençons par elle, puisqu’elle est la première au nombre de parrainages. Mon frère, qui a le sens de la formule, l’appelle, depuis qu’elle est sur la scène politique, Valérie Tristesse. Il est vrai qu’elle semble toujours faire la gueule. Les choses se sont d’ailleurs aggravées depuis quelques semaines. Son visage, inexpressif, un peu gonflé, fait irrésistiblement penser à celui de Poutine, comme si tous deux avaient abusé du botox.

Son parcours est typique d’une fille de la bourgeoisie. Née dans les beaux quartiers, à Neuilly sur Seine, élève d’une école privée (Sainte-Marie de Neuilly), elle fait ensuite HEC puis l’ENA. Depuis peu, la bourgeoise tente cependant parfois de s’encanailler en risquant quelques formules plus populaires, comme « Macron a cramé la caisse ». Un conseiller en communication a dû la convaincre de la puissance de l’effet de miroir consonantique,  macron cramé. 

Mais elle semble, dans sa campagne,  à contre-emploi, Une marionnette dont les fils seraient tirés dans des sens différents par Ciotti, Bertrand ou Barnier. Et, comme certains veulent péter plus haut que leur cul, elle veut sans y parvenir parler plus haut que sa voix.  A contre-emploi, à contre voix, sans trouver sa voie. Quand on lui pose des questions, dans les conférences de presse ou les émissions de télé, elle a l’air de souffrir, comme en détresse. Elle a l’air de se dire sans cesse: quand cela va-t-il finir ? N’en déplaise à mon frère, Valérie tristesse est devenue Valérie détresse

Elle a fondé en 2017 son mouvement, Soyons libres, ce qui laisse à penser qu’elle croit en la fonction performative du langage, mais, libre ou pas, elle est allé en février 2020 chez Sarkozy mendier son soutien  à sa candidature. Pour l’instant en vain.  Valérie Pécresse a un second prénom, Anne. Et peut-être se parle-t-elle à elle-même en fredonnant  « Anne ma sœur Anne ne vois-tu rien venir ? »  Mais elle ne voit que le soleil qui poudroie… et pas de Sarkozy.

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fleche20 mars 2022: Election 1

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Il y a des décennies que je parcours le monde en tous sens et, de l’Asie à l’Afrique en passant par l’Europe de l’Est ou l’Amérique du Sud, je connais bien des pays dont les citoyens aimeraient bien avoir des élections présidentielles non truquées ou pouvoir choisir entre trois ou quatre candidats. La France détient le record du monde absolu : nous aurons cette année 12 candidats au premier tour de l’élection présidentielle ! Et nous avons échappé au pire : 64 personnes ont obtenu au moins 1 parrainage. Parmi elles, certaines n’étaient d’ailleurs même pas candidates, du moins à ma connaissance, comme Raphaël Glucksmann, François Hollande, Thomas Pesquet, Edouard Philippe ou François Ruffin qui ont pourtant eu chacun 1 parrainage..

Il y aura donc beaucoup d’absents. Voici tout d’abord le nombre de parrainages obtenus par les rescapés, avec entre parenthèses le score qu’ils atteindraient au premier tour selon le dernier sondage Ipsos du 18 mars :

Valérie Pécresse 2636  (10,5%)

Emmanuel Macron 2098 (29%)

Anne Hidalgo 1440 (2,5%)

Jean-Luc Mélenchon 906 (12%)

Eric Zemmour 741 (13%)

Yannick Jadot 712 (7%)

Jean Lassalle 642 (2%)

Fabien Roussel 626 (4%)

Marine Le Pen 622 (16%)

Nicolas Dupont-Aignan 600

Philippe Poutou 596 (1,5%)

Nathalie Arthaud 576 (0,5%)

Cette liste appelle quelques commentaires, dont le premier est incontestable : il n’y a aucun lien entre le nombre de parrainages obtenus par les candidats et les voix que leur prédit ce sondage. On voit en outre que ceux qui allaient criant qu’ils craignaient  ne pas avoir leur 500 signatures (Mélenchon, Zemmour, Le Pen, Poutou) soit se foutaient de nous soit ont profité de la charité faite par certains élus à l’appel du maire de Pau, François Bayrou. Enfin, on peut se demander à quoi sert de gaspiller de l’argent, le temps des militants, l’attention des media parfois et en tout cas du temps d’antenne, alors qu’on sait ne pas pouvoir dépasser 2% des voix.

Mais, je le répète, on aimerait dans beaucoup de pays avoir beaucoup de candidats  (mais peut-être pas autant…)

Tout ceci n’est qu’une mise en bouche. Dans les semaines qui suivent et jusqu’au premier tout, je ferai ici quelques portraits de candidats, au gré de mes inspirations. A suivre, donc.

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fleche9 mars 2022: Pour rire un peu

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"Lorsque vous recevez tous les jours des appels vous expliquant que l'on souhaite bombarder votre lieu de travail ou bien casser des vitrines, cela joue sur votre moral. Ces appels stressent nos équipes et les empêchent de travailler sereinement". Ces mots viennent du directeur d’un restaurant parisien, qui reçoit quotidiennement des appels téléphoniques menaçants. Mais pourquoi ces menaces ?

Ceux qui sont allés au Québec connaissent sans doute ce que je considère comme une insulte à la gastronomie et que d’autres présentent comme un phare de la gastronomie québécoise. La recette en est simple : des frites sur lesquelles on met une sorte de fromage râpé  et une épaisse sauce brune chaude. C’est lourd comme une mauvaise plaisanterie, une agression pour l’estomac. Ca se vend en général dans les rues, street food, ou fast food, je dirais plutôt shit food ou néfaste food, et c’est donc arrivé à Paris. Je devine vos interrogations : pourquoi menacer un restaurant qui vend un plat québécois ? Par nationalisme ? Vous n’y êtes pas. Ce « plat » s’appelle la poutine, mot dont l’origine est discutée : déformation de pudding ou mot québécois signifiant « bazar ».

Ce qui compte c’est que le restaurant parisien s’appelle La maison de la poutine. Plaisantins ou défenseurs de l’Ukraine, certains y ont vu une allusion au dictateur russe Vladimir Poutine. D’où leurs réactions. D’autres auraient pu s’offusquer du fait que l’on considère Poutine comme une femme.

A propos, puisque je viens de parler de l’étymologie de la « poutine », arrêtons-nous sur le prénom de Poutine, Vladimir, en russe владимир. Il se décompose en влади, « maître » et мир. On trouve par exemple le même влади dans le nom d’un port russe, Vladivostok, « qui domine l’Est », ou « l’Orient ». Et мир ? C’est là où commencent les difficultés, ou la plaisanterie. Ce mot a en russe deux sens, « paix » et « monde ». Vladimir est donc le maître du monde, ou le maître de la paix. Dans les circonstances actuelles, c’est assez marrant, non ?

Pour finir, revenons au restaurant, La maison de la poutine. Il vient de préciser dans un tweet que son nom n’avait aucun lien avec le nom du président russe, en ajoutant un émoji représentant un cœur en y ajoutant le drapeau ukrainien.

Tout est bien qui finit bien…

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fleche7 mars 2022: Informations mensongères

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Vendredi dernier la Douma (chambre basse du parlement russe) a voté à l’unanimité une loi prévoyant jusqu’à quinze ans de prison pour la diffusion d’ « informations mensongères » concernant la guerre d’Ukraine et l’armée russe, loi que Poutine a immédiatement signée et qui est entrée en vigueur le lendemain. La loi s’applique à tous les media russes et à tous les particuliers, ainsi qu’aux journalistes étrangers. Dans la foulée Facebook a été bloqué, et l’accès à Twitter limité.

Enfin ! Nous vivons sous le règne des « fake news » et aucun Etat n’a jusqu’ici réagi. La démocratie russe a, elle, pris la seule décision qui s’imposait : halte aux « informations mensongères ». Dorénavant les citoyens russes, les veinards, n’auront accès qu’à la vérité. La vérité ! J’écrivais ici il y a quelques mois que la vérité était le mensonge qui nous convenait le mieux. Les citoyens russes n’auront donc accès qu’aux mensonges qui conviennent le mieux à Poutine.

Nous vivons une époque moderne !


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fleche2 mars 2022: Province, Xinjiang, Ukraine

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 En latin,  provincia était un terme juridique, désignant le domaine dans lequel s’exerçait légalement la charge d’un magistrat, ou le territoire gouverné par un proconsul. Plus largement il désignera un territoire conquis, et Provincia avec une majuscule désignait la Provence, première conquête de la Gaule transalpine. Le mot ne sera emprunté en français que tardivement, vers le XV° siècle, d’abord avec le sens de circonscription d’un évêque. Puis il prendra un sens féodal, connotant la centralisation royale et désignant ce qui n’est pas la capitale, ce qui en dépend.  Cet éloignement de la capitale lui donnera ensuite un sens péjoratif (voir les connotations de l’adjectif provincial), ce qui mènera d’ailleurs au fait qu’on préfère aujourd’hui parler de régions et non plus de provinces.

Changeons de pays. En Chine, beaucoup de région portent dans leur nom une indication géographique (comme d’ailleurs en français le Nord, le Sud-Est, etc.) : Le Hebei, 河 北, « au nord du Fleuve Jaune », le Henan, 河 南, « au sud du lac », le Shandong, 山 東, « à l’est de la montagne », le Shanxi, 山 西, « à l’ouest de la montagne », le Jiangxi, 江 西, « à l’ouest du fleuve », le Yunnan, 云 南, « au sud des nuages », etc. Les choses deviennent plus intéressantes lorsque ces appellations ont également une connotation impériale, rappelant une époque de conquêtes. Ainsi le Guangdong 廣 東, dont le nom originel, 廣 南東路, signifiait « région orientale d’expansion vers le sud ». Le cas du Tibet,  西 藏, « trésor de l’ouest », est également significatif. La plupart des grands fleuves d’Asie y prennent leur source : l’Indus, le Mékong, et pour ce qui concerne la Chine le Fleuve Jaune et le Yang-tsé. Autrement dit, contrôler le Tibet c’est contrôler l’eau… Tout cela pour en venir au Xinjiang, conquis par l’empire Qing au milieu du 18ème siècle et dont le nom, 新 疆, signifie « nouvelle frontière »  ou « nouveau territoire ». Territoire conquis, donc, ou annexé…

Reste l'Ukraine, dont le nom russe, украинка,  est forgé sur une racine slave, край, désignant la limite, la province, la frontière.

Je vous laisse tirer les conclusion de tout cela...

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Février 2022


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fleche27 février 2022: Ukraine, bis

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Après le texte de Patrick Sériot, voici une lettre ouverte de Raphaël Glucksmann

« C’est peut-être la dernière fois que vous me voyez vivant »

Ces mots sont ceux de Volodymyr Zelensky, le Président ukrainien, aux dirigeants européens réunis en conseil extraordinaire. Implorant notre aide et des sanctions bien plus fortes contre la Russie, il a ensuite tenu un discours bouleversant à son peuple. 

Nous paierons très cher l’abandon de la démocratie ukrainienne. Chaque dirigeant européen, allemand et italien en tête, qui cherche à édulcorer les sanctions ou refuse d’aider la résistance ukrainienne aura à répondre devant l’Histoire de son attitude dans ces heures décisives.

Pourquoi il faut arrêter Poutine en Ukraine?

Pour sauver la démocratie ukrainienne et protéger les ukrainiens. D’abord et avant tout. Mais pas seulement. 

Pour défendre la sécurité européenne et éviter les guerres suivantes. Si Poutine paie un prix trop bas, l’Ukraine n’aura été qu’une étape.

Les services de sécurité en Europe travaillent déjà sur les suites possibles: Interventions russes en République Serbe de Bosnie ou opérations menées sur le territoire de l’OTAN (via des manipulations en Lettonie par exemple).

La paix et la sécurité de notre continent à long terme se jouent maintenant.

Voilà pourquoi les sanctions doivent être bien plus massives. Voilà pourquoi il faut immédiatement exclure la Russie du système bancaire international SWIFT malgré l’opposition honteuse de l’Italie et de l’Allemagne au Conseil européen. 

Voilà pourquoi il faut saisir les biens et les comptes en banque des oligarques russes partout en Europe.

Voilà pourquoi il faut aider les Ukrainiens à se défendre sur le terrain en leur fournissant les équipements qu’ils demandent. 

Voilà pourquoi toute faiblesse, dans ces heures tragiques, est criminelle.

Nous le devons à un peuple dont le seul crime est de vouloir vivre libre ET nous le devons à nous-mêmes. Il en va de la survie d’une nation. 

ET de notre avenir à toutes et tous en Europe.


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fleche26 février 2022: Ukraine

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Ci-dessous un article publié dans le quotidien genevois Le temps  par Patrick Sériot, linguiste spécialiste des langues slaves.

La logique des mots

Que vient faire la langue dans la géopolitique ? Comprendre la vision du monde de V. Poutine suppose qu’on s’intéresse de près à cette question, qui attire peu l’attention en Europe occidentale, à l’exception de la Catalogne. 

Le russe et l’ukrainien sont des langues différentes mais proches, comme sont proches l’espagnol et l’italien, mais moins que le tchèque et le slovaque, langues officielles de deux États différents, moins encore que le serbe et le croate, pratiquement identiques.

Après des siècles d’interdiction et de répression de la langue ukrainienne dans la Russie tsariste, puis de russification des normes de l’ukrainien sous Staline, l’immense majorité des citoyens ukrainiens sont bilingues, ou du moins comprennent parfaitement l’autre langue. Beaucoup d’entre eux parlent un mélange des deux langues, appelé le surzhyk, ou passent d’une langue à l’autre en fonction des interlocuteurs ou de la situation. Il est donc impossible de faire des statistiques fiables sur la répartition des langues, même si la question de la langue fait partie des recensements de population. Le gouvernement ukrainien a peut-être été maladroit d’imposer l’ukrainien comme seule langue officielle et de transformer le russe en langue étrangère au même titre que l’anglais, ce qui a profité à la démagogie poutinienne qui a argumenté sur la «répression» dont seraient victimes les «Russes» en Ukraine. Or «les Russes» en Ukraine ne sont pas «des Russes». Une nuance sémantique fondamentale doit être prise en compte : en Europe orientale certains pays font une différence entre «nationalité» et «citoyenneté». La citoyenneté est l’appartenance à un État (définition politique, non essentielle), la nationalité est une identité ethnique (essentielle, inaliénable). La nationalité se définit, entre autres, par la langue. Sur les papiers d’identité soviétiques était inscrite la «nationalité» : russe, ouzbèque, lettone, juive, ukrainienne… En 1975 A. Solzhenitsyne a été privé de sa citoyenneté soviétique, mais les sbires du KGB n’auraient jamais eu l’idée de le priver de sa nationalité russe, idée dénuée de sens. Cette double appartenance subsiste dans la Russie post-soviétique (même si elle n’est plus mentionnée sur les papiers d’identité), mais pas en Ukraine, où tous les citoyens sont ukrainiens au même titre que ceux dont la langue maternelle est le hongrois ou le roumain. 

Dans cette logique du point de vue russe, les Suisses romands, parce qu’ils sont francophones, sont des citoyens helvétiques de nationalité française, qui rêveraient de réintégrer un jour la mère-patrie, comme les Tessinois des citoyens helvétiques de nationalité italienne, injustement séparés de la mère-patrie, logique irrédentiste. A l’inverse, les Bretons, les Basques et les Alsaciens sont, toujours de ce point de vue, des citoyens français, de nationalité bretonne, basque ou alsacienne.

Cette définition de l’identité, ou appartenance d’un individu à un groupe remonte à l’opposition entre la définition française jacobine, politique, de la nation, et la définition allemande, romantique, culturelle, d’où la différence entre Gemeinschaft (essentielle, naturelle) et Gesellschaft (superficielle, non essentielle) (un thème récurrent de l’idéologie völkisch au début du XXe siècle).

Toute comparaison doit être maniée avec précaution, mais une s’impose : en 1938 pour Hitler les citoyens tchécoslovaques de langue allemande étaient «des Allemands», dont le territoire (les Sudètes) devait revenir dans le giron de la nation. Pour Poutine, les citoyens ukrainiens de langue maternelle (ou principale) russe sont «des Russes» avant d’être des citoyens ukrainiens. Il est donc logique, dans cette idéologie déterministe, que le territoire où ils sont en majorité revienne à la mère-patrie, dont ils n’auraient jamais dû être séparés. Mais cette logique a un prix : le mépris total de tout choix démocratique, de toute auto-détermination, puisque, dans ces conditions, l’individu n’existe pas en dehors du groupe auquel il est censé appartenir : la «nation» au sens ethnique. 

Le discours de Poutine n’est pas raciste (au sens biologique), mais ethniciste. Or, au final, la différence n’est pas grande, puisque pour lui la démocratie n’est qu’une faiblesse décadente, un facteur de division, et que seul compte le déterminisme ethnique. Chauvinisme, xénophobie et mépris du droit en sont l’expression la plus manifeste.

Quant Poutine prétend défendre ce qu’il appelle «nos concitoyens» ou «nos compatriotes» opprimés en Ukraine, il est indispensable de décoder ces mots démagogiques dont le sens premier a été détourné. Considérer que l’appartenance ethnique prime sur l’appartenance citoyenne est une idéologie politique dangereuse, qui repose sur l’idée de pseudo-naturalisme, à savoir que tout russophone, quelle que soit sa citoyenneté, est en même temps redevable de son être profond à l’État russe.

La Lettonie (membre de l’UE), où réside une importante minorité russophone, sera-t-elle la prochaine cible de la reconstitution de l’Empire soviétique ? La fragile Moldavie, presque bilingue, n’est-elle pas encore plus en danger ?

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fleche25 février 2022: Lapsus

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Il y avait dans le numéro de Libération de mercredi une longue enquête sur les conditions dans lesquelles s’est tenu le choix de la candidate du parti républicain à l’élection présidentielle. Inscriptions en masse de nouveaux adhérents, dont certains ne parlaient pas français, ne savaient pas pour dit ils avaient voté ou disant nettement qu’on avait voté pour eux, d’autres étaient morts depuis plusieurs années, et dans d’autre cas encore on trouvait sur les listes plusieurs personnes ayant la même adresse et surtout le même numéro de téléphone (les électeurs devaient recevoir pour voter un code par SMS). Il y avait même un petit malin qui avait inscrit son chien sur la liste électorale, sans doute pour s'amuser…

Bien sûr le PR a nié, accusant le journal de mauvaise foi ou de partialité, affirmant qu’il était impossible de truquer ainsi le scrutin, etc. Mais mon problème n’est pas là. La principale intéressée, Valérie Pécresse, a passé la journée à démentir sur tous les media. Et elle a fermement affirmé sur BFMTV : « Il y a moins de gens qui étaient inscrits que de gens qui ont pu voter ». Comme il est peu probable qu’elle ait voulu vendre la mèche en dénonçant un truquage, elle a sans doute voulu dire exactement le contraire. Mais tout de même, dans le genre lapsus, on fait rarement mieux !

 

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fleche19 février 2022: A la soupe

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Après l’élection présidentielle de 2007, Ségolène Royal a longtemps essayé de faire fructifier son score du deuxième tour (près de 47% des suffrages), argumentant qu’elle « pesait » plus de 16 millions de voix. Par la suite elle a tenté de se placer un peu partout. En 2008 elle postule à la direction du Parti Socialiste mais sera battue sur le fil par Martine Aubry. En 2012 elle est battue aux élection législative en Charente-Maritime, en partie à cause d’une intervention peu élégante de Valérie Trierweiler. Elle sera ministre des gouvernements Valls et Cazeneuve puis candidate, mais en vain, à un poste au PNUD. Une fois Macron élu président, elle se rapproche de lui, espérant sans doute un poste ministériel.  Un temps « ambassadrice aux pôles », elle tente en 2018 d’être sur la liste Europe Ecologie Les Verts pour les élections européennes, mais sera refusée par ce parti. Puis, en 2021, elle essaie de se faire élire sénatrice des français à l’étranger. Encore un échec. Et voici qu’elle vient de déclarer que pour l’élection présidentielle de 2020, le vote pour Mélenchon était le seul utile pour la gauche.

Tout cela donne un peu le tournis. PS, EELV, Macron, Mélenchon, il est difficile de trouver une cohérence à ces fluctuations (ou à ces caprices ?). Ce parcours erratique, ces grands écarts, outre qu’ils doivent être douloureux pour les muscles abducteurs (ouille !!!), ne sont guère à son honneur, ni à celui de la vie politique de façon générale. Et l’on comprend parfois le désintérêt croissant d’une partie de la population pour la vie politique.

Nous assistons depuis quelques semaines à toute une série de reniements, de passages du Rassemblement National ou du Parti Républicain vers Eric Zemmour. Cela s’appelle « aller à la soupe », même s’il y a sans doute derrière ces ralliements une façon de préparer l’après présidentielle. Mais, Mélenchon n‘ayant aucune chance d’être élu, on se demande ce que cherche Royal. Se venger du PS ? Se venger d’Aubry à travers Hidalgo ? Chercher un siège aux prochaines législatives ? Bref elle va à la soupe, mais elle a peut-être choisi la mauvais gargote. La soupe risque en effet d’être froide, ou trop salée, ou à la grimace. Ce qui est sûr c’est qu’à bientôt soixante-dix ans, énarque, ancienne juge au tribunal administratif de Paris, ancienne avocate, ancienne députée, ancienne présidente de conseil régional, ancienne ministre, elle ne risque pas d’aller à la soupe populaire. Nous sommes rassurés pour elle.

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fleche14 février 2022: Cercle vicieux

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Depuis une soixantaine d’années, en gros depuis la déstalinisation et la perte du modèle soviétique, la gauche française semble avoir toujours cherché ses modèles à l’étranger. Ce fut l’Italie du PCI, Cuba, Castro et Guevara, la Chine de Mao, voire même pour certains l’Albanie. Le dernier avatar de cette attraction vers le socialisme exotique fut Mélenchon qui, en 2017, se proposait (au chapitre 62 de son programme présidentiel) de faire adhérer la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe à l’Alba (Alliance Bolivarienne pour les Amériques) crée par Chavez… Sans idées endogènes, cette gauche cherchait désespérément son inspiration ailleurs.

Puis des gens (je ne sais plus s’il faut dire « de gauche », ou « communautaristes », ou autre chose) ont commencé à importer des modèles nord-américains qu’il faudrait évaluer épistémologiquement mais qui alimentent les communautarismes: décolonialisme, « gender studies », etc. Et voici que la dernière importation nous vient du Canada : « liberty convoy », c’est-à-dire des convois de camions bloquant Ottawa ou le pont Ambassador reliant le Canada aux USA. Le mot « liberté » a connu du même coup une évolution sémantique originale, prenant chez les antivax le sens d’égoïsme social. Mais les convois de voitures qui ont tenté de pénétrer dans Paris et tentent aujourd’hui de pénétrer dans Bruxelles sont plus composites. D’un côté les antivax donc, eux-mêmes extrêmement variés (naturopathes, complotistes, adeptes des médecines douces ou pratiquant une délire pseudo-scientifique), de l’autre des gens protestant contre la hausse des prix, en particulier celle des carburants.

Et c’est ici que, si l’on cherche une solution, on se trouve face à une série de cercle vicieux. Prenons l’exemple du prix de l’essence, alourdi par des taxes qui constituent un impôt injuste puisque payé de la même façon par les riches et par les pauvres. Mais la suppression de ces taxes serait une façon de pousser à la consommation d’essence et irait contre la volonté affirmée par tous de réduire les émissions de CO2.  Un autre exemple : les producteurs d’œufs réclament une augmentation de 2 à 5 centimes (selon qu’il s’agit d’œufs bio on non) et ils ont des arguments recevables. Mais, du même coup, s’ils obtenaient satisfaction, cela participerait à l’augmentation du coût de la vie. Dernier exemple, celui du nucléaire, dangereux comme on sait en cas d’accident, mais source d’énergie plus sûre et moins polluante que le gaz ou le pétrole, et plus efficace pour l’instant que les panneaux solaires ou les éoliennes. Comment le discours écologique peut-il sortir de ce cercle vicieux ?

Bref nous assistons à l’émergence conjointe de revendications de type communautariste (chacun avançant son propre problème, sans aucun recul) et d’une vacuité de la pensée politique, incapable de proposer des solutions globales de progrès. Cercle vieux donc. Et on sait que plus on caresse un cercle vicieux et plus il devient vicieux.


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fleche13 février 2022: O.T.A.N

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En octobre dernier, l’hebdomadaire britannique The Economist consacrait un article à la « passion » française pour les sigles, que l’on trouve partout : dans les trains (TGV, RER, SNCF), dans le nom des partis politiques ou des syndicats, dans la finances, etc. Et il terminait en disant que seule la gastronomie échappait à cette mode : la blanquette de veau n’est pas devenue BDV ni le confit de canard CDC.

Cela m’a rappelé  un passage d’un livre d’Hébert Marcuse, L’homme unidimensionnel, qui m’avait frappé lorsque je l’ai lu, au début des années 1960, et qui explique peut-être que j’ai fait ma première thèse sur le système de sigles. Il se demandait s’il n’y avait pas dans les sigles « une ruse de la raison », la siglaison permettant d’opacifier derrière des initiales le sens d’une suite de mots. Ainsi il signalait que dans URSS il y avait « Socialiste » et « Soviet », que dans DDR il y avait « Démocratique », alors que ces pays n’étaient ni socialistes ni démocratiques. Et il écrivait « le sens est fixé, truqué, alourdi…. Une fois devenu vocable officiel…il a perdu tout valeur cognitive ».

Mais surtout il prenait l’exemple d’OTAN (NATO en anglais), dans lequel on ne voyait plus « Atlantique Nord », ce qui empêchait de se demander ce qu’y faisaient des pays méditerranéens comme la Grèce et la Turquie. Bien sûr, Marcuse ne pouvait pas savoir que des pays comme l’Espagne, la Roumanie, la Hongrie, la Bulgarie, la Slovénie, l’Albanie, la Croatie, la Macédoine allaient rejoindre l’OTAN, et que nous sommes très loin de cet Atlantique Nord que la siglaison nous fait oublier. En outre, la disparition des points (OTAN et non plus O.T.A.N.)  transforme les sigles en mots à part entière. On parle par exemple de l'Unesco sans pouvoir décomposer ces lettres en organisation des nationas unies pour l'éducation, la science et la culture, sans parfois même savoir qu'il s'agit d'un sigle. Bien sûr, ces sigles constituent une économie. SFIO par exemple est plus bref que section française de l’internationale ouvrières, CGT remplace avantageusement les onze syllabes de confédération générale du travail, mais en même temps  ils sont effectivement des tueurs de valeur cognitive, et SDF fait oublier que ces trois initiales cachent des sans domicile fixe.

Reste que si Poutine ou ses conseillers avaient un minimum de culture, ils trouveraient là une forme d’argument : que l’OTAN reste donc dans l’Atlantique Nord, comme le dit son nom. Mais la culture n’est pas la caractéristique dominante du dictateur russe, qui préfère le langage de la violence et la menace des armes…

 

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fleche8 février 2022: anti-Thomas

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Tout le monde a noté le lapsus de Zemmour, déclarant le 2 février « Moi je vois ce que je crois ». On pense immédiatement à l’apôtre Thomas, symbole de l’incrédulité puisque, selon l’évangile de Jean, il n’aurait pas cru à la résurrection du Christ avant de voir sur ses mains les traces des clous de la crucifixion. « Je ne crois que ce que je vois », donc. Inversant la formule, Zemmour a certes fait un lapsus, mais un lapsus qu’il faut soupeser et qui le dépasse largement.

Voir ce que l’on croit, c’est chercher dans les données ce qui confirme nos croyances, notre idéologie, c’est choisir, faire le tri, pour ne retenir que ce qui nous arrange. Dans le domaine scientifique, on a parfois parlé de « principe de la cafétéria ». De la même façon que dans une cafétéria on met sur son plateau les plats que l’on veut pour constituer son menu, certains retiennent ce qui arrange leur théorie et sont aveugles à ce qui la contredit. C’est par exemple le cas du linguiste Chomsky qui utilisait systématiquement des exemples improbables, des phrases un peu fabriquées, pour illustrer les analyses qu’il plaquait sur les langues.

Ces « anti-Thomas » sont d’ailleurs assez nombreux et parasitent parfois les sciences sociales, subordonnant la recherche scientifique à leurs choix idéologiques ou politiques. Et cela crée parfois des situations assez cocasses. Je n’en donnerai qu’un exemple récent, celui d’une personne (dont je tairai le nom : on ne tire pas sur les ambulances) qui, défendant l’écriture inclusive dans une tribune du Monde expliquait doctement que ne pas l’appliquer impliquait que l’on jette des millions de cartes d’identité sur lesquelles on lisait « né(e) le »… L’ennui était que sur les nouvelles cartes d’identité (souvent critiquées d’ailleurs, parce que bilingues) on lit « date de naissance ». S’il existait un prix « anti-Thomas », cette personne le mériterait…


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Janvier 2022


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fleche30  janvier 2022 : Le chiffre du jour

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Il fut un temps, au 17ème siècle,  où les chanteurs du Pont-Neuf se faisaient l’écho de tous les potins visant le pouvoir, en particulier Mazarin. Tout au long du 20ème siècle,  les mégaphones des meetings, les slogans, les pancartes jouèrent ce rôle. Aujourd’hui il est rempli par les réseaux sociaux. Lieux de liberté, de foisonnement d’informations, de bouillonnement d’opinions disent certains.

Or un récent rapport de l’ONG américaines Center for Countering Digital Hate nous donne une autre image de ce «bouillonnement d’opinions ». On y apprend qu’aux USA  12 personnes sont à l’origine, essentiellement  sur Facebook et Twitter, de 65% des fausses informations sur le Covid 19 et les vaccins. Leurs noms sont connus, vous les trouverez aisément sur Internet, et je n’en citerai qu’un. Celui de Robert Kennedy Jr., le neveu de John Kennedy. Il avait minimisé l'impact du virus sur la mortalité tout en prétendant que les mesures de confinement avaient été mises en place afin d'installer la 5G pour que Bill Gates, Zuckerberg, Bezos et d'autres milliardaires puissent surveiller et collecter nos données….

Ces  12 comptes sont suivis par 59 millions de personnes. Vous m’avez bien lu : douze désinformateurs de la sphère antivaccin américaine influencent 59 millions de « followers ». J’ai titré ce billet « le chiffre du jour », mais ce chiffre risquerait bien de croître en importance et en longévité pour devenir le chiffre de la décennie, voire du siècle, avec à terme deux ou trois influenceurs qui seraient suivis par des milliards de personnes. Eh oui, nous vivons une époque moderne.


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fleche24  janvier 2022 : Politique affective... ou hystérique?

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« Je hais Macron », « Je déteste Mélenchon », « J’adore Le Pen », « Je déteste Blanquer », « J’aime Mélenchon », « Je vomis Zemmour », « J’aime bien Taubira », « Je trouve Rousel sympa », "J'admire Mélenchon", etc.  Depuis quelques semaines, en écoutant les gens (et j’aime bien « les gens », même si cette notion est floue ), je n’entends que des déclarations de ce type. La politique ? Personne n’en parle vraiment.  Ou du moins la politique a pris des allures affectives. Le mouvement des « gilets jaunes » en a été une préfiguration : inaudible sur le plan politique, détruisant immédiatement tous ceux qui tentaient de le représenter, il inaugurait l’ère des coups de gueule, voire des coups. L’héritier immédiat de ces « gilets jaunes » est sans doute aujourd’hui l’ensemble flou constitué aujourd’hui par les « antivax ». Même absence d’arguments politiques ou théoriques, même tendance à l’injure ou à la violence. Et l’on risque de passer de cette politique affective à une politique hystérique.

Nous pouvons espérer, du côté des candidats un retour vers des arguments politiques novateurs, mais nous risquons d’être déçu. Pour l’instant nous assistons simplement à un bal des egos. Cela nous prépare une campagne électorale inédite. Nous vivons une époque moderne…

 


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fleche14 janvier 2022: Le gourou a encore frappé

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 On trouve parfois des traces d’humour là où on en attend le moins. Faisant allusion aux  positions assez semblables du Rassemblement National et de la France Insoumise sur la question du passe vaccinal ou de la vaccination obligatoire, un sénateur a parlé de « pacte germano-soviétique…

Je ne sais pas où placer Didier Raoult dans cet éventail assez large mais, pour avoir parfois tenter de discuter avec des opposants au vaccin, j’ai pu constater que leur discours n’a aucune rationalité, aucun argument sérieux, en bref qu’il s’agit d’une bande de bornés incurables. Lorsqu’on écoute aujourd’hui les déclarations des deux frères Bogdanov, tous deux non vaccinés, tous deux morts du Covid, et qui voyaient en Raoult la réponse à tout, on se dit que la meilleure façon de caractériser les antivax est qu’il n’ont pas la lumière à tous les étages (je ne parle pas de leur logement mais de leur cerveau). Et ils ont trouvé dans le chercheur marseillais le gourou qu’il leur fallait, qui leur fournissait les « arguments » qui leur manquent.

On le croyait retraité, retiré, mais voici que le gourou a encore frappé. Selon lui, « les vaccins ont augmenté l’épidémie ». Sa technique est simple : affirmer sans rien prouver. Extraits :

« Regardez l’Australie : pendant longtemps ils n’ont presque pas eu de cas, ils avaient enfermé leurs citoyens pendant 200 jours. Puis ils ont fait une campagne vaccinale massive. Et depuis un mois ils ont eu 800.000 cas. En d’autres mots, 80% des cas qu’ils ont eus, ils les ont eus en l’espace de 28 jours. Regardez Israël aussi. Ce qui se passe, on le voit très bien, il suffit de regarder ».

Ou encore

« On sait désormais que la vaccination ne contrôle pas l’épidémie. La question, c’est : comment se fait-il que dans le pays le plus vacciné on a le plus de cas ? C’est une question scientifique extrêmement intéressante sur laquelle on travaille".

Et le jour est joué : plus on vaccine plus il y a de cas, c’est intéressant, on y travaille… Où sont les données ? Il ne le dit pas. Mais  « Regardez Israël aussi. Ce qui se passe, on le voit très bien, il suffit de regarder ».

Il suffit de regarder. Voilà comment on alimente les cerveaux qui n’ont pas la lumière à tous les étages.

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fleche7 janvier 2022 : De la mer à la mère

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En avril 2020 j’essayais de suivre dans le lexique les traces quotidiennes que laissait le coronavirus. J’écrivais que des expressions  « à la mode » comme coronadettes  pour les dettes que les états étaient amenés à contracter, coronapéro pour les apéros entre amis, d’un balcon à l’autre, par vidéo ou coronabonds pour les emprunts à l’échelle européenne étaient sans doute destinés à disparaître très vite, ce qui s’est avéré. Et je décrivais le vocabulaire guerrier qui se mettait en place : nous sommes en guerre,  bataille contre le virus, le vaincre, soldats du quotidien, héros en première ligneennemi invisibleréservistes, etc.

Depuis lors, peut-être parce que les courbes établies par les statisticiens montraient des avancées puis des reculs cycliques du virus, on s’est mis (par analogie avec la marée ?) à parler de vagues. Nous en sommes à la cinquième., et le président Macron comme le ministre Véran ont décliné récemment ce paradigme : après la vague la lame de fond, puis le raz de marée, il ne manque que le Tsunami.

Ces métaphores marines sont loin de La Mer que chantait Charles Trenet, celle qu’on voit danser le long des golfes clairs, avec des reflets changeants, celle qui confond ses blancs moutons avec des anges si purs.  Il ‘agirait plutôt  d’une mer menaçante,  d’une vague comparable à celle du peintre japonais Hokusai.  Vous pouvez la visualiser? Elle est au premier plan, énorme, et laisse voir au loin le sommet enneigé du mont Fuji. Mais peu de gens distinguent que dans son creux se trouvent trois embarcations en danger.

En fait, je ne crois pas que ce soit là l’origine des métaphores aqueuses que le pouvoir semble apprécier. Cette classe politique qui est arrivée avec l’élection de Macron est tellement immature, amatrice, infantile parfois, qu’on penserait plutôt à  des métaphores amniotiques, une sorte de retour vers le ventre maternel, vers l’amnios. De la mer à la mère en quelque sorte.

Seul le premier ministre a puisé des images dans un autre domaine, chevalin celui-ci : « le virus galope ». Et aux USA les autorité, confrontées au même emballement du virus, ont déclaré que ce n’était « plus une courbe mais une montée en  flèche ». Autre métaphore. Pour rentre enfin hommage aux indiens ?

 

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