Archives des Posts 2020

Les archives : tous les "posts" d'hier
2025 2020 2015 2010
2024 2019 2014 2009
2023 2018 2013 2008
2022 2017 2012 2007
2021 2016 2011 2006

 

Décembre 2020 Novembre 2020 Octobre 2020 Septembre 2020
Aout 2020 Juillet 2020 Juin 2020 Mai 2020
Avril 2020 Mars 2020 Février 2020 Janvier 2020

 

Haut de page

Décembre 2020


barre

 fleche30 décembre 2020 : Les gauches, la laïcité, les idées

barre

Une division traverse la gauche (ou les gauches) : quelle conception de la laïcité devons-nous défendre ? Et, pourquoi le cacher, cette question est posée, ou nous est imposée, par l’islam. L’usage de ce dernier mot est d’ailleurs une partie du problème. On nous rabâche sans cesse  qu’il ne faut pas confondre islam et islamisme, ou musulmans et intégristes, air connu qui semble frappé au coin du bon sens, mais qui découle peut-être, justement, de la notion de laïcité elle-même. Elle est à dimensions variables, et on le voit dans les pratiques de certains responsables politiques. Certains, par calcul ou par naïveté, font des concessions, passent des accords, par exemples sur des horaires de piscine réservés aux femmes, ou sur le port du voile, en espérant y gagner des voix, là où d’autres sont intraitables. Certains, par calcul ou par aveuglement, participent à des manifestations dans lesquelles on scande Allah akbar là où d’autres s’y refusent. Certains croient voir dans l’islam la religion des nouveaux damnés de la terre là où d’autres y voient une forme de fascisme.

Mais, semble-t-il, bien peu s’interrogent sur ce qui se passe en face. A la mi-novembre, le Président de la république avait réuni 8 des 9 fédérations membres du Conseil français du culte musulman (CFCM), qui toutes d’étaient engagées à rédiger une « charte des valeurs » affirmant leur respect des principes et des lois de la République. Depuis lors, rien n’est venu. En fait, 3 des fédérations, en particulier celle qui est contrôlé par la Turquie, ont refusé un passage du texte qui avait été élaboré par le président du CFCM. Ce passage, le voici :

Par islam politique, la présente charte désigne les courants politiques et/ou idéologiques appelés communément : wahhabisme, salafisme, doctrine des frères musulmans, et plus généralement  toute mouvance locale, transnationale ou internationale qui vise à utiliser l’islam afin d’asseoir une doctrine politique, notamment parmi celles qui fustigent la démocratie, la laïcité, l’égalité entre les femmes et les hommes ou qui fait la promotion de l’homophobie, de la misogynie, de l’antisémitisme, de la haine religieuse et plus généralement toute idée ou pensée qui contesterait, directement ou indirectement, les principes fondamentaux énoncés dans la Déclaration universelle  des droits de l’homme.

Je sais, ce passage est un peu long, mais relisez-le tout de même avec soin car il constitue un portrait en creux de ce que pensent certains représentants des musulmans. D’autres passages ont d’ailleurs été refusés, l’un qui affirmait « ne pas qualifier l’apostasie de crime ni stigmatiser celles ou ceux qui renoncent à une religion », l’autre qui soulignait « l’importance de l’école laïque publique » et disait qu’ « aucune autorité religieuse ne peut remettre en question des méthodes pédagogiques». 

La gauche est donc divisée sur la laïcité, mais on aimerait bien savoir ce que ses différents courants pense de cette « contre-laïcité » qui s’affirme dans le refus des passages ci-dessus. En fait, je n’ai jamais entendu le moindre écho de discussions sur ce point. Ce qui pourrait laisser penser que les différents courants de la gauche n’ont pas d’idées sur ces points, ou en ont mais ne veulent pas en discuter.

En fait le problème n’est pas que la gauche soit divisée mais plutôt qu’elle n’a pas d’idées, sur ce point comme sur beaucoup d’autres. Soyons juste, la droite de son côté n’en a guère. Quant aux macronnistes, ils les  ont toutes à la fois, c’est-à-dire qu’ils n’en ont pas non plus. Nous voilà bien partis…

barre

fleche26 décembre 2020 : Parité

barre

Je suis peut-être mal informé, mais j’ai l’impression que, parmi les différents mouvements féministes qui, à juste titre, luttent pour la parité ou, de façon plus discutable, pour des quota, négligent un domaine dans lequel les hommes sont largement majoritaires. Selon un rapport de l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale, sur 100 personnes mises en cause pour un délit ou pour un crime, il n’y a que 14 femmes, et celles-ci ne représentent que 3,6%  de la population carcérale en France alors qu’elles constituent  la moitié de la population.

Injustice ? Il y a bien sûr plusieurs interprétations possibles à ces chiffres. La première serait que les femmes respectent plus la loi que les hommes, qu’il y a plus de voleurs que de voleuses, de griveleurs que de griveleuses, de maquereaux que de maquerelles, etc. . La deuxième serait que la police soupçonne plus facilement les hommes, ce qui serait une forme de discrimination. Mais pourquoi s’il y a 14% de femmes mise en cause, seulement 3,6% se retrouvent en prison ? La troisième interprétation serait alors que les tribunaux seraient plus cléments envers les femmes, ce qui serait une autre forme de discrimination. N’est-il pas temps de se lever contre ce scandale?

D’autant plus que ces questions ont également des retombées sur un autre domaine de lutte, celui de la féminisation des noms de métiers. Pourquoi, par exemple, n’y a-t-il pas de  féminin pour escroc ou assassin? Pourquoi tortionnaire et exhibitionniste sont-ils épicène ? Les femmes ne mériteraient-elles leurs propres appellations ?

Si je parle de tout cela, c’est que la presse locale s’est étonnée d’un fait récent : on a arrêté une jeune fille qui vendait de la drogue  (ecstasy, cannabis, kétamine…) devant un lycée d’Aix-en-Provence. Le titre de La Provence est d’ailleurs révélateur : Stupéfiants : le dealer était une femme. Pourquoi ne pas l’appeler dealeuse ? N’est-il pas scandaleux de lui imposer un nom de métier masculin ? Bref, encore une fois, les hommes dictent leur loi.

Il est cependant une autre façon, plus positive,  de voir les choses.  « L’avenir de l’homme est la femme », a écrit Aragon, vers que Jean Ferrat a transformé en « la femme est l’avenir de l’homme ». Dans les deux cas le poète, qui a toujours raison, nous offre peut-être une solution au problème de la surpopulation carcérale. Rétablir la parité. A condition de ne pas raisonner en pourcentage mais en chiffres absolus : ramener le nombre d’hommes emprisonnés au niveau de celui des femmes. Voilà une idée qu’elle est bonne… Je ne suis pas sûr, cependant, qu’elle plaise à tout le monde. La parité dans tous les domaines ? Les hommes aimeraient-il la parité chez les femmes de ménage ? Et les femmes chez les balayeurs de rues ou les ramasseurs de poubelles ?

Pour finir, on prête à Pierre Desproges cette formule : « on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui ». J’ajouterais volontiers : « pas avec ceux (ou celles ?) qui n’ont pas le sens de l’humour »…

 

barre

fleche22 décembre 2020 : Alertez les parents!

barre

Lorsque j’étais gamin j’avais l’habitude de m’asseoir par terre derrière le comptoir de la librairie de mes grands-parents, et de puiser dans les piles de journaux qui étaient là en réserve. Je lisais de tout, Spirou, Tintin, le Corriere dei Piccoli en italien, une revue américaine que je trouvais luxueuse, Life, parfois, lorsque les vendeuses ne me regardaient pas, Paris-Hollywood, un journal un peu porno qui fournissait des lunettes spéciales pour voir en relief les rondeurs féminines en photos, bref, je n’avais aucune censure. Enfin presque… Je n’avais pas le droit de lire Vaillant, qui était pourtant un hebdomadaire pour enfant, oui, mais un hebdomadaire communiste. D’ailleurs il me semble que mes grands-parents ne vendaient pas le journal L’Humanité qui, sitôt arrivé, partait vers les invendus. Censure politique.

Dans Vaillant il y avait les aventures de Pif le chien, qui était né en 1948 dans L’Humanité, avait ensuite migré vers Vaillant  et l’avait finalement piraté : le journal s’appellera Pif Gadget.

Mais les lecteurs de la presse du PC, même celle pour enfants, auront la même destinée que ses électeurs. Pif Gadget disparaîtra lentement des kiosques.

Et voilà-ty-pas qu’il reparaît !

Le sauveur s’appelle Frédéric Lefèvre. Ca vous dire quelque chose ? Souvenez-vous. Ce proche de Nicolas Sarkozy, qui fut sous-ministre de je ne sais plus quoi mais surtout porte-parole de l’UMP, avait été baptisé par un journaliste « l’aboyeur de Sarkozy », par d’autres « le sniper de l’UMP ». Il était spécialisé dans le mensonge, les approximations sélantiques et la bêtise. Côté mensonge il avait expliqué que des collectifs d’aide aux étrangers étaient responsables de l’incendie d’un centre de rétention. Côté intoxication, il avait proposé une distinction entre dénonciation (des passeurs de migrants) et délation. Côté bêtise enfin, il avait répondu à une enquête sur la lecture que son livre préféré était Zadig et Voltaire….

Bref, ce Frédéric Lefèvre là, oui, c’est le même, relance Pif Gadget en version  trimestrielle. Il semblerait que le gadget du premier numéro soit un pied de sapin, à planter, bien sûr. Mais, farceur comme il est, Frédéric Lefèvre est capable d’y mettre en fait un plant de cannabis ! Ou encore, pervers comme il est, il est capable de faire de la publicité pour des marques de fringues (les gamins adorent) en feignant de parler de littérature ! Il y a urgence : alertez les parents !

barre

fleche12 décembre 2020 : Quelques arguments pour les imbéciles...

barre

Nous sommes de plus en plus cernés par des discours sectaires, complotistes, qui reposent à la fois sur la négation de ce que la science a démontré et sur la mise en doute de tout ou rien, le darwinisme, la gravitation et j’en passe. Cela repose sur des démonstrations mal foutues et, surtout, sur l’unanimiste. Des cultes évangéliques dans lesquels on écoute, en transe, les paroles du prédicateur aux conseils d’administration des grandes sociétés dans lesquels personne ne conteste les dires du patron en passant par les comités de rédaction de certaines revues dans lesquels celui ou celle qui a la plus grande pulsion de pouvoir fait passer ses décisions  en faisant croire que tout le monde est d’accord et maître absolu de ses décisions, on impose des positions ou des croyances.

J’ai longtemps considéré tout cela de façon ironique, mais la brebis égarée que j’étais a enfin vu la lumière. Ils ont raison, tous ceux que je considérais comme des charlatans, mais se défendent bien mal. C’est pourquoi j’ai décidé de voler à leur secours.

Tout commence par Descartes  (1596-1650) : on lui attribue la fameuse formule, cogito ergo sum . Et c’est ici que commence une énorme conspiration. Descartes, en effet, a écrit son Discours de la méthode (1637) en français et non pas en latin, à une époque où l’orthographe n’était pas fixée, et on a lu « je pense donc je suis » alors qu’il avait voulu dire « je panse donc je suis ». Il visait les médecins du temps, pseudo scientifiques qui, parce qu’ils posaient des pansements (je panse), considéraient qu’il fallait les suivre dans leurs délires : ceux qui pansent sont des suivistes. C’est à la lumière de cette forte pensée qu’il faut analyser les discours qu’on nous tiennent sur la pandémie, la nécessité de porter un masque, etc…, des médecins (des « panseurs ») de tous bords.

Autre thème bien mal argumenté, celui qui consiste à dire que la terre n’est pas ronde mais plate. On nie les photos de la terre prise par les astronautes, on dit qu’elle sont truquées, mais la langue française, dans sa grande précision, nous donne la meilleure démonstration possible. Non seulement la terre n’est pas ronde mais plate, mais en outre elle est carrée. La preuve : on va aux quatre coins du monde.

Enfin, la lune, où certains prétendent être allés. Ici encore la langue française nous apporte la vérité. On dit «prendre la lune entre ses dents  et, mieux encore, décrocher la lune. La lune est un décor, que l’on peut donc décrocher, et nul besoin de fusées interplanétaires pour s’y rendre, il suffirait d’une très longue échelle pour la décrocher.

Puis finir, une citation réelle celle-ci,  de Frédéric Dard, créateur de l’inoubliable San Antonio : « ne cherche pas à décrocher la une pour l’offrir à une femme, va plutôt chez Cartier ».

 

On dit merci qui ?

barre

fleche8 décembre 2020 : Souvenirs, souvenirs...

barre

Il y a quarante ans, je me  trouvais à Brazzaville, au Congo où pendant un mois je donnais des cours et dirigeais des enquêtes sur les langues utilisées sur les différents marchés de la ville. J’ai particulièrement privé d’informations : pas de journaux autres que locaux et, à la télévision, une chaîne locale et l’autre du pays voisin, le Zaïre, où l’on ne voyait pratiquement que Mobutu. Et un matin, en sortant de ma chambre, je vis  sur un chariot plusieurs journaux français que l’occupant de la chambre d’à côté, sans doute arrivé de France la veille où l’avant-veille, avait mis à la poubelle. Je dérobai le tout et descendis, muni de lecture, prendre mon petit-déjeuner.

Et alors ? Et alors, si je me souviens de ce détail, c’est qu’il y avait d’une part à la une du Monde un article que j’avais signé sur le Dictionnaire de français non conventionnel de Jacques Cellard et Alain Rey et, dans le même journal ou un dans autre, je ne sais plus, l’annonce de la mort de John Lennon.

Tous les media en parlent aujourd’hui, et passent en général Imagine, une de ses grandes chansons. Il en est une autre, que je vous conseille d’écouter ou de réécouter. Et si vous ne la connaissez pas en voici, vous vous appâter, le début :

As soon as you're born they make you feel small
By giving you no time instead of it all
Till the pain is so big you feel nothing at all
A working class hero is something to be
A working class hero is something to be

They hurt you at home and they hit you at school
They hate you if you're clever and they despise a fool
Till you're so fucking crazy you can't follow their rules
A working class hero is something to be
A working class hero is something to be

barre

fleche1er décembre 2020 : Anne Sylvestre, les gens qui doutent

barre

J’ai, comme tous les gens de ma génération, découvert Anne Sylvestre  à la fin des années 1950 (Les Cathédrales) et au tout début des années 1960 (Mon mari est parti). Puis, en 1964, alors qu’à Nice je m’occupais des activités culturelles de l’UNEF, j’avais organisé un spectacle dont elle était la vedette, avec en première partie Romain Bouteille. Elle chantait alors surtout dans les cabarets parisiens, puis sa carrière prit de l’ampleur, avec d’autres petites merveilles, Comment je m’appelle, La femme du vent, Mon mari est parti, Eléonore…  Je la voyais souvent, avec plaisir, d’autant plus qu’elle était très amie avec la chanteuse québécoise Pauline Julien, sur laquelle j’avais écrit un petit livre. Elle chantait alors des textes « féministes » (elle avait été féministe bien avant l’’apparition des mouvements du même nom), sur l’avortement (Non, tu n’as pas de nom), la dénonciation du viol (Douce maison), l’amitié entre femmes (Frangines), le droit de vieillir (Marie-géographie). Son malheur fut peut-être alors le succès de ses Fabulettes, des chansons pour enfants, qui éclipsèrent  un peu le reste de son œuvre. Mais elle continuait à enregistrer, à se produire sur scène, un peu oubliée par les média.

Anne Sylvestre est morte hier. La plus belle de ses chansons, ou la plus caractéristique, est pourmoi Les gens qui doutent : J’aime les gens qui doutent, les gens qui trop écoutent leur cœur se balancer, J'aime les gens qui disent et qui se contredisent et sans se dénoncer,  J'aime les gens qui tremblent, que parfois ils ne semblent capables de juger, J'aime les gens qui passent moitié dans leurs godasses et moitié à côté, J'aime leur petite chanson, Même s'ils passent pour des cons...

On peut l’écouter sur un disque intitulé Favourite songs, enregistré en 2OO7,  interprétée par Vincent Delerm, Jeanne Cherhal et Albin  de la Simone. Elle est d’ailleurs en bonne compagnie, entre Votre fille a vingt ans (Moustaki) Les cerfs-volants (Benjamin Biolay), Au pays de merveilles de Juliet (Yves Simon) ou Y’a d’la rumba dans l’air (Alain Souchon). En famille, en quelque sorte.


Haut de page

Novembre 2020

barre

fleche28 novembre 2020 : Corporatismes

barre

La France, pays des droits de l’homme. Le France dont le président donne des leçons à la Hongrie, à la Pologne, à la Chine, à la Corée du Nord, à je ne sais qui encore… Et sa police se comporte de la même façon que celle de ces pays. En quelques jours, sur la place de la République et dans un studio d’enregistrement dans le 17ème arrondissement de Paris, elle nous donne une image de ses pratiques à faire vomi. Inutile d’insister sur ce que ces images ont d’insupportable, toute la presse, même celle de droite, s’y emploie. Cela tombe bien mal pour le gouvernement en général et le ministre de l’intérieur en particulier, qui défendent une loi tendant à interdire de filmer la police en action. Son aspect liberticide est évident, plus encore lorsqu’on se rend compte que sans la caméra de surveillance du studio, les caméras des journalistes ou les téléphone portables des voisins, nous n’aurions aucune image de ces deux évènements. Le ministre de l’intérieur, dont j’ai récemment écrit qu’il était un clone de Sarkozy, se comporte comme ceux qui l’ont précédé. Passons sur la vulgarité populiste de Darmanin (des policiers qui « déconnent ») pour souligner le principal : selon lui la police est propre, elle ne comporte que quelques rares mauvais éléments. Donc inutile de réfléchir sur ses problèmes structurels, sur la formation de ses membres, sur la compétence de ses chefs. Et lui-même se comporte  comme la majorité des ministres de l’intérieur qui l’ont précédé. J’écrivais il y a quelques mois, ici même, à propos de Castaner, que le ministre de l’intérieur est le ministre de tutelle de la police, qu’il  doit la contrôler, exercer sur elle son autorité, qu’il n’est pas « le premier des flics » ni leur soutien, mais un homme politique qui doit leur imposer le respect de la loi, faire prévaloir l’intérêt public. Nous savions, depuis la démission fracassante de Nicolas Hulot, que les lobbyistes étaient comme chez eux dans les couloirs de l’Elysée. Les policiers, ou leurs syndicats, n’ont pas besoin de se chercher des lobbyistes, ils en ont un, le ministre de l’intérieur. En fait, il réagit de façon corporatiste, défendant par principe ceux qu’il devrait contrôler.

A propos de corporatisme, il vient de se passer quelque chose de peu banal. Le président de la république a mis en place il y a un an et demi une commission chargée de faire un rapport sur ce qui s’est passé au Rwanda au début des années 1990, lors du massacre des Tutsis. Parmi les membres de la commission, une certaine Julie d’Andurain, historienne, professeure d’Université depuis trois ans, dont on vient de se rendre compte qu’elle avait des liens très forts avec l’armée, qu’elle avait enseigné à l’école de guerre et, surtout, qu’elle avait publié en 2018 dans un Dictionnaire des opérations extérieures de l’armée française un article blanchissant totalement la dite armée, sans beaucoup de discernement ni, semble-t-il, de respect des sources. Sa thèse : il y a e un massacre entre Tutsis et Hutusi, et un seul génocidaire, l’actuel président du Rwanda, Kagamé, l’armée française n’y a joué aucun rôle. En bref, des propos que beaucoup considèrent comme « négationnistes ». C’est le Canard enchaîné qui, fin octobre, a levé le lièvre.  Aussitôt madame d’Andurain crie au lynchage médiatique et obtient le soutien de quatre organisations d’historiens (parmi lesquelles la Société Française d’histoire des outre-mers et l’Association des historiens de l’enseignement supérieur et de la recherche) qui fustigent une «campagne calomnieuse » dont elle est victime. Trois d’entre elles se sont, depuis, désolidarisées et ont retiré leur soutien à leur collègue. Mais il demeure que ces « honorables » associations l’ont d’abord défendue, sans prendre connaissance du dossier. Ce qui est tout de même étonnant chez des universitaires chercheurs et historiens. Mais, contrairement à Darmanin, aucun d'entre eux na dit que l'historienne déconnait.

Ce corporatisme universitaire me mène à cette question à mille euros : y a-t-il des différences entre le corporatisme de la police, porté par le ministre de l’intérieur, et le corporatisme de certains universitaires, porté par des sociétés savantes ?

 

barre

fleche27 novembre 2020 : Dis-moi quelles langues tu parles et je te dirai...

barre

Ce matin sur France Inter, comme tous les derniers vendredis de chaque mois, « le rendez-vous de la médiatrice ». Des auditeurs téléphonent, formulent en général des critiques, et on leur répond. Aujourd’hui, le premier  sujet était les élections américaines : Pourquoi l’élection américaine a-t-elle eue une telle couverture médiatique ?Pourquoi en parler tant ? Américanolâtrie ? Et surtout : trop de commentaires pro Joe Biden, France Inter est-elle la succursale du parti démocrate ? Les journalistes ont-ils oublié d’être neutres ?

Le journaliste Franck Mathevon explique que « ce qui se joue aux EU nous concerne tous », que la chaîne a abordé ces élections de différents points de vue, interrogé différentes tendances politiques, des gens des deux camps, puis il ajoute que, pour ce qui concerne les invités,  les universitaires américains sont en général plutôt démocrates et que, de façon générale les spécialiste américains qui parlent français sont plutôt démocrates.

Il est vrai qu’inviter quelqu’un qui parle français et plus commode que d’avoir recours à un interprète. Mais ce que dit Mathevon pose une autre question : y a-t-il une corrélation entre le fait de parler français et celui d’être démocrate ? Bien sûr que non, et je suppose que les chaînes espagnoles ont sans doute cherché des gens parlant espagnol, que les chaînes allemandes ont cherché des gens parlant allemand, etc. Je me souviens qu’en janvier 2O15, devant le siège de Charlie Hebdo, un cameraman m’avait bousculé, s’était excusé en espagnol et que, m’entendant lui répondre dans la même langue, la journaliste m’avait interviewé en espagnol. Mais revenons aux EU. Le fait de parler une autre langue que l’anglais, si l’on met à part les émigrés récents, est relativement rare dans la population générale américaine, et peut même être mal vu. Par exemple, un ministre français, reçu au début des années 1990 par le président Bush sénior, s’était rendu compte qu’il parlait parfaitement le français. Mais les conseils en communication du président lui avaient conseillé de ne pas en faire état… Certes, il n’était pas pour autant démocrate, loin s’en faut. Mais on se souvient qu’en 2003, lorsque la France s’était opposée à l’intervention américaine en Irak, les French fries (les « frites frajçaises», en fait leur origine est belge) avaient été rebaptisées Liberty fries ou Freedom fries. Si, à la même époque, c’était l’Allemagne qui avait pris la même position, peut-être les hamburgers seraient-il devenus new yorkers. Encore eût-il fallu  qu’ils soient conscients de l’étymologie de hamburger (Hambourg), ce qui est douteux puisqu’on parle aussi de cheeseburger, le fromage remplaçant le jambon (ham) que l’on croit entendre dans hamburger. Le rapport aux langues, les représentations linguistiques, ne sont pas innocents.

Il serait donc intéressait d’introduire parfois, dans les sondages politiques, une question sur les langues parlées par les sondés et, pour ce qui concerne la France, les langues régionales et les langues étrangères (de migrants ou pas). Avis aux amateurs.

barre

fleche23 novembre 2020 : Coq ou phénix

barre

Dans ses Mémoires qui viennent de sortir, Barak Obama n’est pas tendre avec Nicolas Sarkozy. Interrogé sur France 2 par François Busnel, qui lui demande pourquoi il le compare Sarkozy à un "coq nain qui bombe le torse", il répond de façon plus diplomatique "j’ai en fait trouvé que le président Sarkozy était un partenaire important au côté d’Angela Merkel à l’époque où nous traitions beaucoup de questions difficiles et comme je l’ai décrit, Nicolas,c’était quelqu’un qui était constamment en mouvement, qui parlait constamment, qui aimait qu’on fasse attention à lui. Cette énergie et ce charme lorsqu’il était associé à Angela Merkel qui était une personne beaucoup plus sobre, réfléchie, ont fini par composer une bonne combinaison". Qu’en termes choisis cela est dit. Mais peu de gens ont réagi à cette description aviaire, sauf quelques « inconditionnels de chez inconditionnel » comme Brice  Hortefeux ou Nadine Morano. Et d’ailleurs Sarkozy a d’autres problèmes. Aujourd’hui commence normalement un de ses procès, pour corruption et trafic d’influence celui-ci, ce qui n’est pas rien, en attendant celui sur l’affaire Bygmalion.

Depuis des années, Sarkozy ne cesse de critiquer la justice (lorsqu’il était président il avait d’ailleurs comparé les juges à des petits pois rangés les uns à côté des autres dans une boite de conserve), et plus encore aujourd’hui. Alors, face à ces procédures, il joue la montre (comme l’a longuement fait avant lui  son ami Balkany) et pratique ce qu’on a appelé l’envoi cyclique de "cartes postales" : des livres, des déclarations, un réseau de fidèles qui reçoit régulièrement. Certains, à droite, voient en lui le seul homme capable de les sauver et pouvant éventuellement les représenter lors de l’élection présidentielle à venir en 2022.

Nul ne sait bien sûr s’il sera condamné ou si, comme un phénix, cet oiseau mythique, il renaîtra de ses cendres. Mais la droite ne devrait pas s’en inquiéter car elle dispose d’un clone (du coq, du phénix ou des deux, comme vous voudrez) en la personne de l’actuel ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin. Dans la fonction qu’il occupe actuellement, il rappelle furieusement celui qui l’occupa de 2005 à 2007. Après avoir trahi Chirac pour Balladur, puis être revenu vers Chirac, Sarkozy avait occupé ce poste ministériel pour préparer sa candidature à la présidence. Ralliement, trahison, candidature, les voie est tracée…

 barre

fleche21 novembre 2020 : Histoire de bonhomme de neige (ou histoire de cons)

barre

Mon ami Samir Marzouki vient de mettre en ligne un texte de Jean Charroing, et je ne résiste pas au plaisir de le faire circuler :

Les cons sont partout ! Il neige ! Restons prudemment confinés au lit ! Il a neigé toute la nuit. Ce matin je décide de faire un bonhomme de neige sur le trottoir devant ma maison.

9h 00 , mon bonhomme de neige est terminé. Il a fière allure.

9h 05 : une féministe passe et me demande pourquoi je n’ai pas fait une bonne femme de neige ! Bon !Je fais donc aussi une bonne femme de neige

9h 10 : la femme de ménage du voisin est scandalisée et me traite d’obsédé sexuel, parce que je lui ai fait des seins trop volumineux

9h 15 : au nom de la loi sur l’interdiction de fumer et la lutte contre le tabagisme, on me reproche d’avoir mis une pipe dans la bouche de mon bonhomme de neige. C’est un très mauvais exemple pour les jeunes.

9h 20 : un couple gay me fait remarquer que j’aurais pu faire deux bonhommes de neige

9h 25 : une végétarienne me reproche d’avoir utilisé une carotte pour faire le nez de mon bonhomme ! On ne gaspille pas la nourriture. Et pourquoi des morceaux de charbon pour faire les yeux et les boutons alors qu’il y a des gens qui n’ont pas les moyens de se chauffer.

9h 30 : deux lesbiennes du quartier me demandent pourquoi je n’ai pas fait deux bonnes femmes de neige

9h 35 : on me traite de raciste parce que mon bonhomme et ma bonne femme sont blancs

9h 40 : des Islamistes exigent que je mette un voile à la bonne femme de neige

9h 45 : le voisin rouspète parce que la bonne femme de neige empiète sur son trottoir ! « A Pfulgriesheim les trottoirs sont faits pour le stationnement des voitures et pas pour les piétons ; vous prenez la place de stationnement d’un client potentiel des restaurants ! »

9h 50 : un gauchiste me reproche d’avoir mis un chapeau haut de forme sur la tête du bonhomme ! Le chapeau haut de forme est le symbole de l’aristocratie et du capitalisme

9h 55 : un groupe de Gilets Jaunes veut que je lui mette un gilet jaune. De peur qu’ils cassent tout, je cherche le gilet jaune dans ma voiture et le lui enfile.

10h 00: des collégiens de passage essaient de mettre le feu à mon bonhomme avec leurs briquets : ils ne savent pas que la neige ne brûle pas

10h 05 : le temps de rentrer pour me réchauffer un peu , voilà que mes œuvres de neige se voient taguées avec une couleur verte , sans doute par un écolo du village: NON au GCO (=Contournement Ouest de Strasbourg) ! Je suis plutôt content que mon couple serve de support à ce message.

10h 05 : la Pasteure me fait gentiment remarquer que j’aurais pu faire don à Emaüs du cache-nez en laine que j’ai mis au cou de ma bonne femme de neige. Il y a tant de personnes qui meurent de froid.

11h 00: Les gendarmes de passage exigent que j’enlève le balai des bras du bonhomme. Le manche du balai pourrait servir d’arme.

11h 05 : Le ton monte sérieusement quand je leur réponds qu’ils peuvent se mettre le manche du balai là où je pense

11h 10 : les flics me menottent et me conduisent au commissariat

11h 15 : une équipe de la télé FR3, alertée par je ne sais qui, filme toute la scène qui passe le soir aux infos régionales ! Je suis présenté comme un dangereux terroriste ! Un peu plus tard, sur Facebook, des Djihadistes revendiquent l’opération.

vers 19h 00 , on me relâche avec une convocation chez le juge dans 5 jours.

Tous les chiens du village ont pissé contre mon bonhomme et ma bonne femme de neige qui sont tout jaunes. (comme les gilets)

La morale de cette histoire : il n’y en a pas.

C’est le reflet du monde dans lequel nous vivons.

La prochaine fois qu’il neigera, je reste au lit !

 

 barre

fleche13 novembre 2020 : Citizen Trump

barre

J’ai toujours eu une grande admiration pour Citizen Kane, à mon avis le meilleur film d’Orson Welles, au montage éblouissant, qui raconte la vie d’un homme d’affaire hors normes, Charles Forster Kane, patron de presse qui tenta mais en vain une carrière politique. Mais il m’avait échappé ce que je lis dans Le Canard enchaîné de cette semaine : Donald Trump aurait souvent déclaré que Citizen Kane était son film préféré.  Vous allez comprendre pourquoi.

Je me souvenais, bien sûr, de la mystérieuse phrase, rosebud, et de Xanadu, le manoir que Charles Kane s’était construit sans parvenir à l’achever. Mais j’avais complètement oublié un « détail ». Lorsque Kane se présente au poste de gouverneur de New York, sa presse le soutient, bien sûr. Et, le jour de l’élection (qu’il perdra) son quotidien, The Inquirer, avait préparé deux « unes ». L’une proclamait Kane élu ! et l’autre Kane battu, fraude aux urnes.

Ce film, qui date de 1940, apparaît rétrospectivement comme le scénario de ce que les Américains vivent aujourd’hui : « je gagnerai, et si je perds c’est qu’ils ont triché ». Trump n’a pas beaucoup d’imagination, mais il a de la mémoire.

 

 barre

fleche10 novembre 2020 : Varia

barre

Pendant ces derniers jours les média français ont vécu à l’heure de Washington et, en regardant diverses chaînes de télé on a pu recueillir différents slogans, ou des formules portées à bout de bras par des manifestants, We di dit, You are fired, Trump is over… Mais ce qui me frappe le plus c’est que  les soutiens de Trump ont subitement changé » de discours. Ils réclamaient à grands cris qu’on arrête de compter les bulletins, puisque qu’il avait gagné et que selon eux poursuivre le dépouillement était de la triche. Et subitement, ils font un virage à 180 degrés : « Ce n’est pas fini, on n’a pas compté tous les votes », voire Trump votes matter, parodie d’un slogan connu, Black lives matter. Il faudrait savoir ce qu’ils veulent.

Mais bref, en France on commence à passer à autre chose. Mélenchon en profite pour annoncer sa candidature à la prochaine élection présidentielle, ce qui ne surprendra personne, avec cependant « un mais », dit-il. A condition que 150.000 personnes lui donnent leur soutien. 150.000, ce n’est pas beaucoup : au premier tour, en 2017, il avait recueilli plus de sept millions de voix. C’est un mini mini « mais » pour un maxi maxi « moi ».

Enfin, pour le cinquantième anniversaire de sa mort, nous assistons à un phénomène gérontocratique, amnésique ou hémiplégique : tout le monde ou presque se met à honorer la mémoire du général de Gaulle. « Les  morts sont tous des braves type », chantait Brassens. Mais tout de même ! Encenser aujourd’hui celui que nous combattions à l’époque, celui qui manipulait en 1958 pour prendre le pouvoir, dont le pouvoir s’appuya ensuite sur les barbouzes de Service d’Action Civique. Cela manque un peu de pudeur… On a revu l’annonce de sa mort par Pompidou le 9 novembre 1970. J’avais oublié la formule qu’il avait utilisée : « la France est veuve ». La France était donc une femme, et de Gaulle son mari ? Aujourd’hui on dirait plutôt « la France est orpheline », ou « en deuil ». Certaines formules datent, ou porte leur âge. Et un jour, sans doute, « Crève salope » sera également démodé.

 

  barre

fleche8 novembre 2020 : Feuilleton, suite

barre

Tout d’abord, une autocritique : J’ai été un peu gourmand hier en écrivant que Biden aurait dix millions de voix d’avance… Et les derniers résultats montrent qu’il a regagné des états à domination ouvrière, dans la rust belt.  J’étais trop pessimiste cette-fois.

Ceci dit, le feuilleton n’est pas terminé, il porte maintenant sur l’attitude de Trump.  Enfermé dans son bunker comme un enfant boudeur dans sa chambre, il est capable de tout. D’autant que lui et sa famille pourraient avoir certains ennuis, une fois terminée l’immunité présidentielle : le procureur Cyrus Vance a en effet ouvert contre eux quelques informations judiciaires…

Le feuilleton se poursuit donc. Une armée d’avocats surpayés vont tout tenter pour… pour quoi ? Pour donner un peu d’espoir à Trump afin d’en tirer plus de dollars ? Pour le consoler comme un gros bébé en pleurs ? Nous verrons, mais les analystes s’accordent à dire qu’il n’y a que très peu de chance pour que le président battu obtienne quoi que ce soit. Donc Biden sera président. Bon courage car Trump a déjà fait beaucoup de dégâts et ne manquera pas de lui laisser des bananes sous le pied à tous les coins de couloirs.

Pour finir, j’ai reçu d’un ami ce plaisant texte :

« Ils sont lents ces Américains. A quoi sert leur technologie ? En Afrique les résultats sortent avant même l’élection ».

Mais c’est faux : Trump avait annoncé les résultats bien avant la fin du dépouillement. Il avait même annoncé deux résultats : je vais gagner, ou les démocrates vont truquer les élections.

Seulement, il s’est trumpé, pardon, trompé.

 

  barre

fleche7 novembre 2020 : Feuilleton américain

barre

Le feuilleton continue donc aux USA. Biden aura sans doute dix millions de voix de plus que Trump et on mégote toujours pour savoir qui sera le président élu : paradoxe d’un système électoral dont j’ai déjà parlé. Mais il est intéressant d’analyser les cartes présentant la situation au fur et à mesure qu’elle se précise. Des parties bleues (pour les démocrates) à l’Ouest (Californie, Oregon…) et au Nord-Ouest (Maine, Massachusetts, New-York, Connecticut, Virginie…) et entre les deux une énorme partie centrale, allant du Montana à la Floride en passant par le Wyoming, le Kansas, le Texas, l’Arkansas… D’un côté des zones urbaines rapportant par leur densité démographique de nombreux grands électeurs et de l’autre des territoires qui, à l’exception de la Floride et du Texas, en rapportent peu et sont surtout agricoles.

Il ressort de tout cela  une situation sociale que nous n'aurions pas imaginée il y a trente ou quarante ans. Du côté républicain une classe paysanne réac et raciste, voire d'extrême droite et surtout une classe ouvrière désyndicalisée, également réac,  de l‘autre des urbains et intellectuels de "gauche". S'y ajoute le vote des migrants, prévisible pour les Cubains mais nouveau pour les autres latinos: en gros, dès qu'ils sont entrés et intégrés dans le pays, ils ferment la porte pour empêcher les autres d'en profiter.

Cette répartition peut surprendre, mais elle nous montre bien un pays divisé dans lequel Biden va finir par être reconnu  comme vainqueur, mais dans lequel la marque de Trump restera profonde. On dit que les modes nous viennent souvent des USA et l’on peut se demander si cette situation ne sera pas, horror referens (je sais, cette expression latine fait un peu pédant : « je frémis en le rapportant ») bientôt la nôtre. Nous y sommes d’ailleurs presque : aux dernières élections européennes, le Nord ouvrier et les quartiers périphériques ont beaucoup voté pour le Rassemblement National, les grandes ville et les quartiers dans lesquels la population est la plus riche et la plus diplômée beaucoup moins.

 Le populisme galopant ferait-il que la gauche perde le peuple ?

 barre

fleche1er novembre 2020 : Trump au zoo?

barre

Je suis bien entendu incapable de pronostiquer la moindre chose concernant l’élection présidentielle américaine. Ce pays a d’une part  un système électoral si étrange qu’il y est possible  d’être élu tout en ayant deux ou trois millions de voix de moins que le battu. D’autre part, le pays qui a vu naître Google, Apple et quelques autres géants de l’informatique n’est ni capable de garantir que les votes par correspondance seront acheminés à temps, ni d’assurer un dépouillement efficace des bulletins. Souvenons-nous que Bush junior  fut élu face à Gore grâce au bordel total du compte des voix en Floride, alors que nous savons aujourd’hui que Gore y avait en fait gagné.  Mais peu importe : les électeur états-uniens ont le système électoral qu’ils veulent.

La question que je me pose est autre : ont-ils actuellement le président qu’ils méritent ? Ils ont élu il y a quatre ans, grâce au système étrange que je viens d’évoquer mais qui est après tout leur système, ils ont élu donc un clown égocentrique et paranoïaque, qui ne cesse de mentir, qui ne fait pas grand-chose (il passerait selon de nombreux témoignages la moitié de ses journées devant la télévision) qui raconte tout et son contraire et qui, dans le domaine international, fait preuve d‘un engouement manifeste pour les dirigeants populistes ou totalitaires : Poutine, Erdogan, Kim Jong-un… Bref cet homme a tout pour déplaire, voire à dégoûter, il a fait par ailleurs face à la pandémie la preuve de son incompétence, et pourtant un peu plus de 40% des électeurs l’adulent. Il s’appuie sur tout ce qui peut nous paraître haïssable : des milices armées, les vendeurs de fake news de Qanon et, surtout, la religion évangéliste

Nous défendons en France, les principes de la laïcité, les Etats-uniens, eux, ne pensent majoritairement qu’à travers la religion. Et, si nous prenons un peu de recul, il n’y a pas beaucoup de différences entre les décervelés armés se réclamant d’une religion, qu’il s’agisse de l’islam, de l’évangélisme ou d’une autre.

Bref, Trump a-t-il mis son pays dans un état lamentable, ou est-il tout simplement le reflet de ce pays ? Ce qui est sûr, c’est que le fat que certains se demandent si, en cas de défaite, il acceptera de passer la main, de quitter la maison blanche, montre que la démocratie américaine  souffre d’une grande maladie.

Mais bon, changeons un peu de point de vue. En 1965, dans ses Elucubrations, le chanteur Antoine lançait :

« Les choses devraient changer tout le temps

Le monde serait plus amusant

On verrait des avions dans les couloirs du métro

Et Johnny Hallyday en cage à Médrano »

Piqué au vif, Hallyday répliquait par une autre chanson, Cheveux longs et idées courtes. Les démocrates auraient pu lancer une chanson sur Trump, du genre Cheveux teints et idées courtes… Mais la gauche, aux Etats Unis comme en France, a peut-être aussi les idées courtes. Elle pourrait aussi proposer d'envoyer Trump dans un zoo. Ce qui est sûr, c’est que Trump, s’il est battu, ne pourra pas, s’inspirant d’une couverture de Charlie Hebdo montrant Mahomet se tenant la tête dans les mains et se lamentant : « c’est dur d’être aimé par des cons », lancer « c’est dur d’être lâché par des cons ». Il paraît en effet qu’il a le sens de la famille et ne critique pas les siens.


Haut de page

Octobre 2020

 barre

fleche30 octobre 2020 : Les oiseaux

barre

Dans Le Monde daté d’hier un long article de Jean Birnbaum, « Rushdie, « Charlie », Paty, victimes d’une même offensive planétaire », se termine par le rappel d’un entretien avec Salman Rushdie qui, en 2012, déclarait :

En 1989 il était trop tôt pour comprendre de quoi il s’agissait. Personne n’a vu la fatwa comme le début d’un conflit plus large, on y percevait une anomalie farfelue. C’est comme dans Les Oiseaux, d’Hitchcock. Il y a d’abord un oiseau qui apparaît, et vous vous dîtes : « C’est juste un oiseau ! » C’est seulement plus tard, quand le ciel est rempli d’oiseaux furieux, que vous pensez : « Ah, oui, cet oiseau annonçait quelque chose, il n’était que le premier ».

Et le journaliste rappelle qu’en 2011, alors que les locaux de Charlie hebdo avaient été incendiés, certaines figures se réclamant de la « gauche radicale » ou « postcoloniale » comme Christine Delphy, sociologue,  Rokhala Diallo, journaliste, Houria Bouteldja, porte-parole des Indigènes de la république, signaient une tribune affirmant :

« qu’il n’y a pas lieu de s’apitoyer sur les journalistes de Charlie Hebdo, que les dégâts matériels seront pris en charge par leur assurance, que le buzz médiatique et l’islamophobie ambiante assureront certainement à l’hebdomadaire, au moins ponctuellement, des ventes décuplées, comme cela s’était produit à l’occasion de la première « affaire des caricatures » - bref : que ce fameux cocktail Molotov risque plutôt de relancer pour un tour un hebdomadaire qui, ces derniers temps, s’enlisait en silence dans la mévente et les difficultés financières ».

Je n’avais pas lu l’entretien de Rushdie en 2012, mais la tribune de 2011 m’avait scandalisé par son absence de solidarité et ses basses insinuations. Et tout le monde se souvient que quatre ans plus tard  les frères Kouachi massacraient la rédaction de Charlie Hebdo.  Sans doute les signataires de cette tribune, comme les spectateurs du film d’Hitchcock, n’avaient-ils pas vu, ou pas voulu voir, les premiers oiseaux terroristes, ou pensaient-ils qu’un corbeau ne fait pas l’hiver noir. J’ai longtemps reçu, je ne sais pas pourquoi, des mails des Indigènes de la république. On y parle beaucoup, et depuis longtemps, de l’islamophobie, avec une confusion volontaire entre critique de l’islam politique terroriste et attaque contre les musulmans dans leur ensemble. Et, en mars 2020 on y appelait à voter aux  municipales pour des « listes autonomes communautaires ». Notons également que Christine Delphy et Houria Bouteldja ont également signé avec une cinquantaine d’autres personnes en février 2018, sur le site de Médiapart, une tribune réclamant « une justice impartiale et égalitaire » pour Tarik Ramadan. Fallait-il en conclure que ces signataires pensaient que la justice puisse être partiale et inégalitaire ? Ou que Tarik Ramadan, mis en examen pour viols.  méritait un traitement spécial ?

Bref, tout ceci n’est qu’un modeste apport à un débat qui tourne aujourd’hui autour de la notion d’islamo-gauchiste…

barre

fleche22 octobre 2020 : Suite...

barre

Je parlais dans mon billet d’avant-hier des « ambiguïtés de certains, comme la ligue des droits de l’homme». Or, le 16 octobre, elle publiait un texte contre le projet de loi sur le séparatisme, qu’elle avait fait signer par la CGT, le MRAP et le syndicat de la magistrature. Le texte protestait  entre autres choses contre le risque de faire « d’une partie de la population, celle de culture ou de confession musulmane ou perçue contre elle, les potentiels porteurs des pires dérives allant jusqu’aux plus mortifères d’entre elles ». Le jour même on apprenait la décapitation du professeur d’histoire et géographie, Samuel Paty. Le soir même, selon Le Canard enchaîné, la pétition disparaissait des écrans…

 

barre

fleche20 octobre 2020 : On va à la messe et puis on rentre chez soi

barre

Tout le monde est désormais au courant de l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie qui essayait d’enseigner à ses élèves la tolérance, la liberté de pensée et d’expression, la laïcité, bref, les bases  de notre système français.

Dimanche, manifestations dans diverses villes du pays. Il y a longtemps que je pense qu’on va aux manifestations comme d’autres vont à la messe. On y fait acte de présence, on y prend l’air de componction qui convient, ou on y exprime sa colère, c’est selon, et puis, hop, la messe est dite, on passe à autre chose, jusqu’à la prochaine manif ou la prochaine messe.

Dans le cas présent, cet aspect rituel est particulièrement frappant car il s’inscrit dans un contexte de mollesse, de naïveté ou de lâcheté d’une partie de la gauche, ou de compromission d’une partie de l’extrême gauche, face à l’islamisme..

Mollesse ou lâcheté de certains maires qui, pour se garantir une sorte de paix sociale, ou gagner des voix aux élections, font des compromis avec des éléments salafistes (en bon français : fondamentalistes) de leurs administrés: on accepte des heures réservées aux femmes dans certaines piscines, on ferme les yeux sur des pratiques religieuses dans l’espace de travail ou sur la discrimination  des femmes par certains hommes, on cède devant plusieurs exigences des musulmans radicaux… On peut aussi penser ici aux ambiguïtés de certains, comme la ligue des droits de l’homme, sur la question du voile, à une sorte d’aveuglement volontaire sur tout cela, par peur d’être traités d’islamophobes, j’y reviendrai.

 Naïveté d’une certaine gauche qui, face à l’insécurité, à la montée de l’islamisme politique ou à la violence,  se contente d’explications sociologisantes, pas fausses pour autant, insiste sur la ghettoïsation de certains quartiers en passant à côté (volontairement ? par lâcheté ?) d’un autre pan de la réalité, celui de la volonté politique d’une partie de l’islam d’imposer ses règles à la société.

Compromission d’une partie de l’extrême gauche aveuglée par des analyses selon lesquelles l’islam serait la religion des pauvres, des opprimés, de ceux dont viendraient la révolte et qu’il faudrait  soutenir. Ici, le flirt de la France Insoumise avec les Indigènes de la République, la présence en novembre 2019 de Mélenchon à une manifestation contre l’islamophobie organisée par le CCIF (collectif contre l’islamophobie en France) et au cours de laquelle les organisateurs firent scander par une partie de la foule Allahou akbar, les ambiguïtés à une certaine époque de Médiapart face à Tariq Ramadan, tout cela a d’abord intrigué, puis inquiété.

La lutte contre l’islamophobie, ou la peur d’être considérés comme islamophobes est à la base de ces renoncements, de ces ambiguïtés ou de ces lâchetés. Islamophobie : un mot fourre-tout au sémantisme flou, connotant le « racisme », racisme anti-arabe ou antimusulmans, la « haine des musulmans », et confondant par un tour de passe-passe la lutte contre les dérives islamistes et la haine de l’Islam . Il y a longtemps que le catholicisme ne massacre plus (il s’est particulièrement illustré en ce domaine) et qu’il ne fait plus la loi. Or une certaine forme d’islam politique massacre et veut imposer sa loi, et s’y opposer n’est ni de l’islamophobie ni du racisme. C’est lutter pour la liberté de pensée. Et il n’y a pas d’accommodements possibles contre ceux qui s’opposent aux libertés ou à la laïcité.

Un professeur a été assassiné pour avoir fait son métier. Médiapart  commente ainsi cette horreur : « La portée symbolique de cette décapitation est immense et l’émotion s’empare du pays. Malheureusement, deux jours après le drame, force est de constater que le traitement médiatique de cette affaire reste partial. Une fois de plus, il semble que l’étiquette “attentat terroriste” dispense les journalistes de tout effort réflexif. Les titres sensationnalistes s’accumulent et créent une chambre aux échos très favorable aux rhétoriques d’extrême-droite ». Et, sans doute au nom de ce nécessaire « effort réflexif » Médiapart titre :  « Exécution sommaire du suspect: nouvelle norme en matière de terrorisme? » Comme si cela n’était pas un « titre sensationnaliste ». Et comme si la décapitation de l’enseignant n’était pas une exécution. Du côté de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon et Eric Coquerel tombent dans une forme de racisme anti-Tchétchènes : « On a accueilli des Tchétchènes qui sont les partisans d’une guerre civile sur fond de religion ». Faisant ainsi d’une pierre deux coups : faire plaisir à Poutine et ne pas passer pour arabophobe. Comme si pointer la communauté tchétchène n’était pas du racisme.

Ce grand désordre théorique peut faire rire, mais il est affligeant. En ce domaine comme dans bien d’autres, la gauche ne pense plus, ou plutôt elle ne pense qu’à protéger ses structures et à sauver ses sièges aux élections.

Mais laissons la gauche de côté, car il n’y a pas que ces renoncements, ces lâchetés ou ces compromissions, il y a aussi, en d’autres lieux de pouvoir, une grande impuissance. Les réseaux sociaux ont d’abord servi à des communications anodines, puis ils ont créé, en particulier facebook, une sorte de striptease médiatique envahissant et infantile, ils sont ensuite devenus une tribune pour les fausses nouvelles, l’intoxication et les complotistes. Ils servent maintenant  à la diffusion des appels à la haine et au crime. Le problème est que l’on dispose de bien peu de moyens pour lutter contre tout cela. Si, dans la presse écrite, radiophonique ou télévisuelle, sont diffusées ce genre de choses il y a toujours des responsables de la rédaction auxquels la justice peut demander des comptes. Sur les réseaux sociaux règne de plus en plus l’anonymat, en outre leurs responsables ne sont pas en ici mais plutôt aux USA, ils ne se contentent pas de payer le minimum d’impôts, ils échappent à la loi française. Et, bien sûr, l’islamisme fondamentaliste en profite.

Il m’est difficile de trouver une fin amusante ou ironique pour ce billet. Je crains que l’extrême droite profite de cette confusion généralisée et que bientôt des tarés armés se mettent à  tirer dans les rues sur tout ce qui ressemble à un arabe. Je crains que les jeunes décervelés égorgeurs se multiplient. Je crains… Je ne sais pas. Peut-être qu’aller manifester devienne une sorte d’alibi ou de diversion. On va à la messe et puis on rentre chez soi.

 

barre

fleche17 octobre 2020 : En vrac

barre

Commençons par une petite histoire. Cherchant la référence d’un article d’une collègue argentine dont je n’avais pas le mail, j’ai écrit à un de ses collègues qui m’a renseigné et a ajouté : « Elvira no te escribe directamente porque apenas tiene tiempo de respirar; en su departamento está viviendo uno de sus hijos con una hija de cinco años ». Intrigué par un mot, départamento, je l’interrogeai : «supongo que departamento es un argentismo por apartamento ? » (je suppose que departamento est un argentisme pour apartamento) et voici sa réponse : « Sí, sí, apartamento es un españolismo por departamento ». C’est comme si je demandais à un belge si pistolet était un belgicisme pour petit pain et qu’il me répondait que petit pain était un gallicisme pour pistolet. L’humour, par les temps qui courent, ne peut que nous faire du bien, mais surtout l’échange en espagnol ci-dessus a le mérite de nous rappeler que le point de vue créé l’objet et, qu’en matière de langue comme ailleurs, il ne faut être ni jacobin ni nationaliste…

Et puisque nous parlons de mots. J’avais noté que Macron, dans son intervention du 16 mars, n’avait pas prononcé le mot confinement pour annoncer… le confinement. Le gouvernement a d’ailleurs des problèmes avec le vocabulaire, depuis la malvenue distanciation sociale dont j’avais parlé en son temps jusqu’au séparatisme en passant par divers autres exemples. On s’attendait à ce que le président  annonce cette semaine un couvre-feu mais les journalistes susurraient qu’il parlerait plutôt, pour éviter de semer la panique, de confinement nocturne. Et bien non, il a prononcé le mot tabou.

Et c’est en partie autour de ce couvre-feu que tournait jeudi soir l’émission d’Antenne 2 « Vous avez la parole ». Les journalistes Léa Salamé et Thomas Sotto, en direct de Marseille, avaient invité le ministre de la santé, Olivier Véran, qui réagissait aux questions d’un médecin, d’un infirmière, d’une propriétaire de restaurant, d’un architecte, d’artistes, etc. Il paraissait à la fois empathique et compétent, l’émission suivait son cours mais il y eut quelques moments particuliers. Tout d’abord l’architecte Rudy Ricciotti, sur le plateau, et Bernard Henri Levy, depuis Paris, firent des déclarations auxquelles on ne comprenait pas grand-chose.. Ensuite vint le tour de Michèle Rubirola, maire de Marseille, qui n’était pas sur le plateau mais en direct de son bureau. Très mal à l’aise, paraissant au bord des larmes, elle donnait l’impression de lire un texte, ce qui est  d’ailleurs bien possible : peut-être était-elle en trains de verbaliser le produit des discussions âpres entre les membres de sa majorité. Surtout, elle ne répondit pas vraiment à la question assez simple des journalistes : « allez-vous faciliter la tenue de ce couvre-feu ? ».

Puis, sur le coup de 22 heures, l’un des journalistes, montrant un fauteuil vide, expliqua qu’à ce moment-là Jean-Luc Mélenchon, député de Marseille, aurait dû intervenir, qu’il avait pris le train, n’était pas très loin, mais qu’il venait de faire savoir qu’il ne viendrait sur la plateau que si le ministre le quittait. Le journaliste  indiqua que c’était eux qui décidaient de qui devait être là, et on passa à la suite, sans Mélenchon. Je dois dire que j’ai trouvé assez stupéfiante l’exigence du leader de la France insoumise. Si cet incident est réel, et il n’y a pas de raison d’en douter, cet homme exhibe de plus en plus des pulsions dictatoriales qui inquiètent.

Ce matin, dans le journal local La Provence, j’ai lu qu’un Marseillais avait tweeté sobrement Marseille 0 – Paris 2, traduisant en termes journalistiques les prestations de Rubirola et Mélenchon. Encore une fois un peu d’humour, qui ne peut nous faire que du bien.

barre

fleche12 octobre 2020 : Leçon de français

barre

Après l’attaque du commissariat de police de Champigny sur Marne par une bande de jeunes, Gérard Darmanin, ministre de l’intérieur, s’est rendu sur place et a affirmé sa détermination. Voici un extrait de sa déclaration, que j’ai écoutée plusieurs fois pour être sûr de ne pas me tromper :

« Il s’en sont pris par des mortiers aux policiers (…) Je souhaite que  dans la prochain  le prochain texte de lois (…) nous puissions définir comme une arme à destination ces feux d’artifice, ces mortiers  (…)  il faut aujourd’hui que nous arrêtons cette vente sur Internet… »

Passons sur son hésitation concernant le genre de texte de loi. Il craint peut-être de faire une erreur qui lui attirerait les critiques des féministes, dont il n’a pas vraiment besoin en ce moment. Mais, étant données ses fonctions, il ne devrait pas ignorer qu’une une arme par destination n’est pas une arme à destination (qui devrait être suivi d’un complément : à destination de qui ?) . Quant à son maniement de la conjugaison (je souhaite que nous puissions puis il faut que nous arrêtons), il pose quelques questions. Notre ministre a étudié dans un lycée catholique de Paris puis à l’Institut d’études politiques de Lille, dans lesquels je suppose que les élèves doivent parler français. Darmanin aurait-il eu de mauvais professeurs ? Ou serait-il un militant du changement linguistique ? Après tout, les langues appartiennent à ceux qui les parlent et qui sont le moteur de leurs changements. Dans ce cas, si sa carrière politique ne suivait pas le cours qu’il souhaite, il pourrait devenir enseignant de linguistique…

 barre

fleche11 octobre 2020 : Encore l'arabe

barre

Il s’appelle Nabil Wakim, il est né au Liban, à Beyrouth en 1981, est arrivé en France en 1985, et il est aujourd’hui journaliste au quotidien Le Monde, parle, outre le français, l’anglais et l’espagnol  Jusque-là, rien de très stressant, mais… Mais écrit-il dans un livre qui vient de paraître, « j’ai honte de mon arabe haché, de mon accent ridicule, de mon vocabulaire qui ne dépasse pas la liste des courses ». L’arabe est pourtant ce qu’on appelle sa « langue maternelle », celle dans laquelle ses parents lui parlaient, celle qui parlait et chantait, dans laquelle il communiquait pendant ses années libanaises. Aujourd’hui il ne peut plus communiquer avec sa grand-mère, il a perdu l’arabe en cours de route, sans comprendre ni comment ni pourquoi.

Il en tire un livre à la fois drôle et émouvant, parfois naïf et frôlant parfois la mauvaise foi. Drôle lorsqu’il décrit la rencontre annuelle des musulmans de France comme « une sorte de fête de l’Huma halal », touchant lorsqu’il parle de sa fille, à laquelle il ne peut pas transmettre l’arabe, et qui cependant prononce quotidiennement le mot zaatar, un mélange d’épices à base de thym, qu’elle met jusque dans son yoghourt, émouvant lorsqu’il raconte ses différentes tentatives, les cours d’arabe qu’il suit dans une université américaine,ou  à Paris, ou encore par skype avec une amie vivant à Bruxelles, tout ça en vain. Un peu de mauvaise fois lorsqu’il voit l’origine de son incapacité à parler « sa » langue dans la façon dont on l’enseigne en France, ou dans un racisme anti-arabe. Naïf lorsqu’il raconte les différentes personnes qu’il a interrogées, psycholinguistiques, spécialistes de l’enseignement ou de l’histoire des langues, etc., comme si elles pouvaient du haut de leur science résoudre un problème qui est d’abord un problème de transmission familiale.  Mais toujours intéressant car, derrière cette quête individuelle de ses origines, il y en a des milliers d’autres.

Dans un de ses chapitres, intitulé l’arabe est-il la langue du Coran il met le doigt sur un vrai problème, d’autant plus frappant qu’il est lui-même issue d’une famille libanaise chrétienne, soulignant que bien souvent les familles françaises arabophones, parlant un arabe national (ou « dialectal »), tunisien, libanais ou marocain, veulent surtout que leurs rejetons apprennent à réciter quelques sourates.

Bref, un livre agréable à lire et qui fait réfléchir.

Un dernier point. Je ne sais pas qui a choisi son titre, L’arabe pour tous (sous-titré « pourquoi ma langue est taboue en France », aux éditions du Seuil), mais il ne donne aucune idée de ce qu’il contient. Je l’ai cherché longuement chez mon libraire, parce qu’un entrefilet dans un journal m’avait donné envie de le lire,  il était au rayon « langues », entre des grammaires scolaires du français, des dictionnaires, des livres pour enfants, des abécédaires, etc., alors qu’il s’agit d’une forme d’autobiographie  linguistique que je m’attendais à trouver avec les romans, sur les tables des nouveautés. Comme quoi l’habit (ici la couverture) ne fait pas le moine…ou l’imam.

 

barre

fleche7 octobre 2020 : Autour du Coran

barre

Le Coran est un texte. Cette affirmation peut être vue comme une tautologie, puisqu’on le lit ou qu’on le récite, et qu’il existe même une discipline ou un art de cette récitation, le tajwid. Mais ce texte, selon la tradition, a d’abord été transmis oralement, puis transcrit. Or la graphie utilisée dans les premières versions n’en rend pas la lecture  facile puisqu’il n’utilise ni les points diacritiques (qui permettent de distinguer entre différentes consonnes, comme le B, le T et le N, ou le F et le Q) ni la longueur des voyelles. A ce titre, il est soit  illisible soit soumis à interprétation, et c’est d’ailleurs ce qui s’est passé puisqu’autour au 10ème siècle on canonise sept lectures différentes. On voit que nous sommes là au cœur d’une question que les linguistes connaissent bien, celle des relations entre l’oral et l’écrit. Alors, oral ou écrit, le Coran ? La réponse traditionnelle est qu’il est la transcription d’un oral, celui des prédications de Mohamed. Et comme, l’oral précède l’écrit, le linguiste est amené à s’interroger sur la nature de cet oral. C’est ce que fait Pierre Larcher dans un livre qui vient de paraître (Sur le Coran, nouvelles approches linguistiques, ed. Lambert-Lucas, 2020). Livre passionnant et à la fois très technique et très savant, ce qui risque de  limiter le nombre de ses lecteurs. La présentation que je vais en donner, à mes risques et périls, sera donc simplificatrice et peut-être parfois erronée. Mais mon ami Pierre Larcher pourra, s’il le désire, rectifier le tir en ce même lieu, dans un autre billet

Le Coran est donc pris comme l’objet d’une analyse linguistique, et Larcher divise son livre en cinq partie : texte, langue, lexique et discours d’abord, thèmes linguistiques classiques, et une cinquième partie au titre plus complexe, Koranophilologie médiévale. Il cite par exemple un mot qui apparaît dans le Coran avec deux orthographes différentes, l’une avec un S et l’autre avec un S emphatique, ce qui pose une question à laquelle il n’y a que deux réponses possibles: ou bien la langue du texte est hétérogène, ce qui mène au problème de la constitution du texte, ou bien, ce que fait la tradition musulmane, on homogénéise le texte, sans se poser de questions. C’est d’ailleurs ce qui se passe à l’oral, lorsqu’on lit ou récite le texte : on gomme les différences. Mais demeurent la question de l’histoire de ce texte et celle que pose le linguiste (Larcher): qu’est-ce que l’arabe du Coran ? Sa réponse est toute en finesse : « si je ne sais pas ce qu’il est, je sais déjà ce qu’il n’est pas. En fait il n’est pas (peut-être :pas encore) l’arabe classique ». Et il montre ensuite que le Coran n’a pas influencé l’arabe classique mais que plutôt la grammaire de l’arabe classique  a eu une influence sur l’évolution de la langue coranique.

Cette présentation (la mienne), qui laisse de côté toutes les démonstrations fouillées et tous les exemples précis de l’auteur, est bien sûr réductrice. Ce qui importe est que, pour Larcher, il y a une série de mythes musulmans résultant de la confusion entre linguistique et théologie d’abord, puis entre linguistique et nationalisme ensuite. En fait Larcher milite pour une islamologie moderne, une approche historico-critique fondée en particulier sur la philologie et non plus théologique, ce que les études bibliques par exemple par exemple ont entamé il y a plus d’un siècle. De ce point de vue, il tend une perche aux chercheurs arabisants et islamologues à la fois. Mais sauront-ils ou pourront-ils la saisir ?

 

barre

fleche2 octobre 2020 : Positif

barre

Jair Bolsonaro, Boris Johnson, Donald Trump : tous trois ont d’abord nié l’existence du virus, puis l’ont minimisé (une grippette…) puis finalement atttrapé. Une belle leçon de choses, une réalité qui s’impose et qu’on aurait du mal à situer dans la logique préhistorique  de Trump (fake news, vérité alternative et autres fariboles.Les virus, comme les faits, ont la vie dure. Il y a à peine quelques jours le président américain se moquait du masque porté par Biden, alors que ce dernier lui donnait un conseil salutaire : shut up. Il aurait pourtant dû le savoir, Trump, que le virus s’attrapait par la bouche.

Je sais, je sais, je suis très méchant et ne devrais pas tirer sur une ambulance ! Mais que voulez-vous : pour une fois que Trump a quelque chose de positif.

 

barre

fleche1er octobre 2020 : Initiation au titrage

barre

Commençons par un rappel historique d’un événement que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître. Le 1er novembre 1970, dans un dancing situé à Saint-Laurent en Isère, le 5-7, un incendie faisait 146 victimes. Bal tragique à Saint-Laurent-du-Pont, 146 morts titrait la presse. Quelques jours plus tard le général de Gaulle mourait dans sa résidence de Colombey-les-deux-Eglises et l’hebdomadaire Hara Kiri titrait : Bal tragique à Colombey, un mort. Scandale, interdiction, et création d’un nouveau journal, Charlie hebdo, qui fête avec un peu d’avance ses 5O ans aujourd’hui. Une occasion de s’initier à la conception de titres journalistiques un peu provocateurs. En voici quelques-uns, à vous d’en imaginer d’autres.

Communiqué du Vatican : Dieu n’existe pas

Ricard lance un nouveau produit : le pastis à l’eau bénite

Crise pétrolière : l’Arabie Saoudite, en difficulté financière, veut transformer la Mecque en ville de casinos, concurrente directe de Las Vegas.

Un groupe d’intellectuels demande les transfert des cendres de Serge  Gainsbourg au Panthéon.

Les viticulteurs français demandent les transfert des cendres du foie de Serge Gainsbourg au Panthéon, pour services rendus à l’alcool français.

Selon la faculté de médecine, la fumée d’encens donne le cancer.

Sous le titre hallal-kascher même combat, le syndicat des éleveurs de porcs lance une pétition demandant à la communauté internationale de boycotter les pays musulmans et Israël.

A pékin, le président Xi Jinping déclare :我不是查理,我 是独裁者 

(Wǒ bùshì chálǐ, wǒ shì dúcái zhě, « je ne suis pas Charlie, je suis dictateur »).

Exclusif : Mohamed était une femme.

Voilà, j’en ai rédigé une dizaine, à vous de jouer.


 

Haut de page

Septembre 2020

 barre

fleche29 septembre 2020 : Nouvelles du front

barre

Il se passe des choses intéressantes dans les débats  des sociolinguistes francophones. La tribune dont je parlais ici dans mon dernier billet a quelques problèmes sur le web. Voici les messages  de deux signataires. L'un vient de France et le second du Québec :

"Le texte de la tribune semble être hacké sur le site de Marianne. Il en reste deux paragraphes, les signatures n'y sont plus".

"Chez moi, au Québec, le texte est tronqué, les signatures ont disparu. C'était déjà le cas il y a quelques jours puis tout est réapparu normalement avant de redisparaître aujourd'hui".

En voilà une façon démocratique de mener le débat. Ceci dit, il est possible qu’il ne s’agisse que d’un accident. A suivre, je vous tiendrai au courant .

 

  barre

fleche27 septembre 2020 : Lire et démolir

barre

Le semaine dernière j’ai participé à un jury de thèse. L’impétrante comme on dit, une jeune femme, avait l’air terrorisée, alors qu’une soutenance de thèse n’est qu’un rite de passage, terrorisée au point qu’elle fit d’entrée de jeu un énorme lapsus. Elle avait rédigé le texte de présentation qu’elle lut en ouverture, mais dérapa sans s’en rendre compte. Voulant remercier les membres du jury d’avoir accepté de lire et d’évaluer son travail, elle dit « lire et démolir mon travail ». Joli lapsus, mais qui va me servir à présenter tout autre chose.

 Le 18 septembre était publiée dans l’hebdomadaire Marianne un tribune intitulée Une "écriture excluante" qui "s’impose par la propagande" : 32 linguistes listent les défauts de l’écriture inclusive (https://www.marianne.net/debattons/tribunes/une-ecriture-excluante-qui-s-impose-par-la-propagande-32-linguistes-listent-les?fbclid=IwAR3xhzDdPL6-NQwFk87JTD3OGDtqXNIu0ZnoDjL9wqxSiBlUAyUHf1yJsfc) qui ouvrit une semaine que je ne saurais qualifier de débats. Dans les jours qui suivirent, en effet, se  déclenchait une offensive contre les initiateurs de ce texte. En fait il avait été rédigé par quatre personnes et signé par 28 autres linguistes, et l’argument qui fut d’abord avancé (dans des mails privés et des coups de téléphones que j’ai reçus) était que deux des quatre rédacteurs étaient réactionnaires et sionistes. Vérification faite, c’était vrai. Et alors ? Si des réacs et des sionistes disent que le ciel est bleu, faut-il dire le contraire ? Pour ma part, j’avais signé ce texte en tant que linguiste et pour des raisons très simples, qui concernent la dialectique des rapports entre l’oral et l’écrit. En gros une écriture  doit pouvoir être oralisée (lue, prononcée) et l’oral doit pouvoir être transcrit. Or l’écriture inclusive est imprononçable et poserait pas mal de difficultés chez les lecteurs débutants, par exemple chez les migrants apprenant le français. Ce seul argument, simple, suffit à mes yeux à la discréditer. Je considère que la féminisation des noms de métiers, lorsqu’elle n’aboutit pas à des résultats ridicules, est une chose nécessaire. Mais l’écriture inclusive me paraît plutôt être un boulet.

Après cette publication vinrent d’abord  des attaques ad personam, certains des signataires étant nommément cités et critiqués. Je vous donne quelques exemples des arguments utilisés, sans donner aucun pour ne pas tomber dans la délation ambiante:

« Trois quarts de retraité·es, ces gens remâchent leur rage depuis des mois, Quant à la tribune, on y retrouve les sottises ordinaires, que je vous laisse reconnaitre: toutes les cases attendues sont à cocher »

« Et ce que je remarque surtout sur cette liste, ce n'est pas la répartition homme- femmes, mais l'âge des signataires! »

« Donc, des linguistes réagissent. 32, dont 31 non spécialistes du domaine »

«  La digue est ouverte et la parole raciste, sexiste et sectaire a désormais pignon sur rue. On a ici affaire à une offensive qui n’est qu’une couche de plus dans une série d’offensives idéologiques générales, dans le cadre de face à faces exacerbés pas un épuisement des ressources et une volonté accrue d’une petite minorité d’humains d’accentuer son entreprise de prédation (autrement appelée néolibéralisme »

Tout y est : des vieux, des retraités, des sots, des incompétents, etc. En outre le dernier exemple est intéressant, en qu’il utilise  un procédé typiquement stalinien consistant à ne pas argumenter sur le fond  mais à vouloir disqualifier l’ « adversaire » : raciste, sexiste, sectaire, prédateur, néolibéral. Bigre ! Je ne crois être rien de tout cela, mais je vois mal dans cette suite d’injures le rapport avec la linguistique !

Finalement, le 25 septembre, une contre-tribune fut publiée ( https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/250920/au-dela-de-l-e-criture-inclusive-un-programme-de-travail-pour-la-linguistique-d-aujour )) avec des arguments un peu plus scientifiques. Vous avez donc le lien de ces deux tribunes et pouvez, si cela vous intéresse, aller y voir.

Toute cette polémique s’est essentiellement exprimée sur le RFS, «réseau de sociolinguistique francophone », et les intervenants y étaient très majoritairement français, ou de la « francophonie du Nord. Deux collègues « du Sud » sont cependant intervenus. Le premier était bref (« Je pense que l'écriture inclusive crée plus de problèmes qu'elle n’en résout! ») et le second plus long, et son texte me paraît devoir être médité:

« Quand monsieur X dit "ils sont nombreux à être infiniment plus importants", les sujets de débat, il me donne l'occasion de mettre mon grain de sel dans cette discussion qui n'en manque pas. Je rappelle que si "la langue appartient à tout le monde" l'écriture pas du tout! Le rappel de cette évidence pour dire ceci: si toute la passion et l'énergie déployée autour de l'écriture inclusive était mise au profit de l'alphabétisation et de la scolarisation de millions de femmes de l'espace francophone, la cause des femmes n'en serait-elle pas un peu plus avancée? L'abolition de la domination masculine n'en serait-elle pas un peu plus avancée? Libre à chacun de choisir ses combats -idéologiques et scientifiques- mais enfin voir qu'il y a autant de passions et de réactions sur ce sujet et rien sur d'autres en dit beaucoup sur la francophonie, quelqu'un d'autre aurait dit "francofollie" mais je me permettrais pas cette désinvolture. 

Bonne fin de semaine à toutes et à tous!

P-S: avant de retourner à mon silence, on est combien au juste à tout lire des discussions et des textes qui circulent ici, sans jamais réagir? « 

Ce qui me frappe le plus dans ces réactions, c’est que l’idéologie passe avant la  science, ou que la frontière entre science et idéologie est de plus en plus poreuse, que le débat scientifique semble préférer la passion à la raison. Tout cela, bien sûr, est assez consternant. Est-ce un signe des temps ? On ne peut pas ne pas penser à la polémique qu’a entretenue pendant des mois un médecin marseillais, le professeur Raoult, traitant ceux qui soulignaient que rien ne prouvait l’efficacité de la chloroquine contre le coronavirus d’imbéciles ou d’incompétents.

Mais revenons au lapsus de la doctorante que j’ai citée au début de ce billet, « lire et démolir ». Elle présentait une thèse de sociolinguistique et l’on peut supposer qu’elle avait suivi cette polémique sur le réseau francophone de sociolinguistique. Dès lors, peut-on en voir, dans son lapsus,  un écho ?  Si cela était le cas, j’aurais une autre formulation : ne pas lire et démolir…

barre

fleche19 septembre 2020 : Changer la vie

barre

On m’a demandé des précisions sur ce que j’écrivais hier :  « le slogan « changer la vie » viendrait de Rimbaud (ce qui est un détournement de sens que je n’ai pas le temps de développer ici) ».

Voici donc tout d’abord le passage de la pétition qui traite des raisons politiques de faire entrer les deux hommes au Panthéon :

« C’est dans l’œuvre de Verlaine que l’on a puisé en 1944 le message annonçant le débarquement en Normandie à l’intention de la résistance intérieure – le vers célèbre « Les sanglots longs des violons de l’automne/ Bercent mon cœur d’une langueur monotone ». C’est vers la figure emblématique de Rimbaud que l’on se tourne dès qu’une révolte éclate, surréaliste ou étudiante, comme en mai 68, ou lorsqu’il est question de « Changer la vie », le slogan de la gauche des années 1970 ».

Et voici le seul passage de Rimbaud où apparaît l’expression changer la vie  (Dans Une saisons en enfer) :

« Il a peut-être des secrets pour changer la vie ? Non, il ne fait qu’en chercher, me répliquais-je ».

On conviendra que c’est un peu bref et que dans les deux cas, Verlaine comme Rimbaud, l’argument « politique » est léger, voire spécieux. Parmi les nombreux messages codés de l’émission Les français parlent aux Français de Radio Londres on trouve « Les carottes sont cuites », la lune est pleine d’éléphants verts », « la girafe a un longs cou », etc. Faudrait-il en déduire que les carottes sont politiques, tout comme l’usage de stupéfiants (« éléphants verts ») ou la masturbation (le long cou de la girafe renvoyant à « peigner la girafe ») ? Quant à Rimbaud, qui avait gravé « merde à Dieu » sur son banc d’école à Charleville, est-il le précurseur de Charlie Hebdo ? Tout cela n’est pas sérieux, et il serait plus honnête de dire que l’on veut faire entrer au Panthéon un couple (très brièvement) homosexuel, ce qui aurait le mérite de poser les bases d’une discussion claire.

 

barre

fleche18 septembre 2020 : Cette cave où il n'y a pas de vin

barre

Une pétition « pour l’entrée au Panthéon d’Arthur Rimbaud et Paul Verlaine » fait ces derniers jours parler d’elle. Elle s’appuie sur « quatre raisons principales ». Une raison  littéraire d’abord car ces « deux poètes ont nourri depuis plus d’un siècle notre imaginaire ». Une raison politique une peu tirée par les cheveux : d’une part radio Londres avait annoncé le débarquement en Normandie par deux vers de Verlaine (« les sanglots longs des violons de l’automne…. »), d’autre part le slogan « changer la vie » viendrait de Rimbaud (ce qui est un détournement de sens que je n’ai pas le temps de développer ici). Puis une leçon morale : les deux poètes sont enterrés dans leurs caveaux familiaux, sans prestige. Et enfin une raison judiciaire : Verlaine a été condamné à deux ans de prison parce que, selon les signataires, il était favorable à la Commune de Paris et homosexuel. Car, et c’est l’exergue du texte, « ils durent endurer l’homophobie implacable de leur époque ».

Fort bien. Mais personne ne semble se demander ce qu’en auraient pensé les deux poètes. L’œuvre brève de Rimbaud est traversé par une rébellion fulgurante, un rejet de la société, qui laisse penser que cette initiative l’aurait révolté. Quant à Verlaine, il avait exprimé son opinion avec netteté. Dans le chapitre XXXII de ses Mémoires d’un veuf  intitulé Panthéonades  il écrivait à propos de Victor Hugo:

« L’auteur exquis de si jolies choses, Sara la Baigneuse, Gastibelza-l’homme-à-la-Carabine, Comment disaient-ils, En partant du golfe d’Otrante. Me voici, je suis un éphèbe. Dormez (bis), ma belle, Par saint Gilles, viens nous-en et cœtera, ils l’ont fourré dans cette cave où il n’y a pas de vin ! »

Et puis loin il s’interrogeait sur « ce que peut signifier pour les grands hommes qui nous gouvernent le mot Panthéon, puisqu’il n y a plus ni dieux, ni Dieu ». 

Tout est dit, non ? Alors laissons-les tranquilles, plutôt que les fourrer dans une cave sans vin.

 

barre

fleche15 septembre 2020 : Conspiration des imbéciles?

barre

Le maire écologiste de Bordeaux, Pierre Humic, a déclaré la semaine dernière :  « nous ne mettrons pas d’arbres morts sur les places de la ville …ce n’est pas du tout  notre conception de la végétalisation». Traduisez : il n’y aura pas de sapin de Noël dans les rues de la ville. Il a raison, le maire, même si certains rétorqueront que dans le Morvan par exemple on n’arrête pas de planter des arbres que l’on vend à Noël, et qu’ils participent à la lutte contre le CO2. Il a raison, mais je le trouve un peu mou. Il devrait aussi fermer tous les fleuristes de la ville, qui vendent de futurs cadavres, des fleurs qui vont mourir dans des vases. Et ces vases, d’ailleurs, sont en général posés sur une table,  ou un guéridon, en bois. Je regarde autour de moi. Dans mon salon il y a une table ronde en teck, une armoire chinoise en bois laqué, un escalier en pin qui monte vers une mezzanine et, pour couronner le tout, des fauteuils en cuir. Honte sur moi ! Je vais remplacer tout cela par du plastique.

 Le maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet, a de son côté traité le tour de France de « machiste et polluant », ajoutant qu’il « n’est pas «écoresponsable ». Là, je l’avoue, j’ai du mal à comprendre sa logique profonde. Je croyais naïvement que le vélo était écolo, que c’était une alternative écoresponsable aux véhicules polluant. Et que le tour de France pouvait attirer les gens vers le vélo. Mais il est écologiste, le maire, donc il doit avoir raison.

Ceci dit, moi qui me fout comme de l’an quarante des fêtes de Noël et du tour de France, je me demande pourquoi ces écolos nouvellement élus ne trouvent rien de mieux à faire que de donner une image répressive, punitive, de l’écologie. Ne risquent-ils pas de ne parvenir qu’à une chose, se faire détester. ?

 De son côté le désormais célèbre docteur Raoult, après avoir pendant six mois fait des déclarations contradictoires et contredites par les faits  vient de dire : « incontestablement il y a plus de morts associés au Covid19 depuis 10 jours que ce qu’il y avait dans les deux mois antérieurs ». Ah bon ! Selon une de ses déclarations, il n’y aurait pas de seconde vague…

 Tout cela me fait penser au titre d’un roman hilarant de John Kennedy Toole, La conspiration des imbéciles. Selon certain, il aurait été  inspiré par une phrase de Jonathan Swift: « Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on peut le reconnaître à ce signe que les imbéciles  sont tous ligués contre lui ». Les maires écolos suscités viennent contredire cette pensée : l’imbécillité semble plutôt être de leur côté. Quant à Raoult, elle devrait lui plaire, puisqu’une grande majorité des scientifiques étaient ligués contre lui. Alors, pourquoi s’est-il tant de fois contredit ? Parce qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, bien sûr, et qu’il garantit ainsi son statut de vrai génie…

 

 barre

fleche13 septembre 2020 : Les singes de la sagesse et l'inconscient de Sarkozy

barre

Le moins qu’on puisse dire est que je ne suis guère défenseur des différents discours politiquement corrects, dans lesquels je vois l’annonce de nouveaux discours totalitaires. Mais le numéro auquel s’est récemment livré Nicolas Sarkozy laisse rêveur. Il y a quelques jours, sur une chaîne de télévision (TMC) il a fait une déclaration dont je vous donne l’intégralité :

« Cette volonté des élites qui se pincent le nez, qui sont comme les singes, qui n'écoutent personne… Je ne sais pas si… On a le droit de dire singe ? (rires) On n'a plus le droit de dire… On dit quoi ? Les dix petits soldats, maintenant, c'est ça ? Elle progresse la société. Vous voyez le livre ? D'Agatha Christie. On n'a plus le droit maintenant. On a peut-être le droit de dire singe sans insulter personne».

Ce texte un peu confus mérite une analyse. On croit comprendre qu’il veut attaquer le politiquement correct, mais qui sont ces singes qui n’écoutent personne ?  L’ex président veut faire référence (mais le fait bien mal) aux « singes de la sagesse », l’un qui se cache les yeux, l’autre qui se ferme la bouche et le troisième qui se bouche les oreilles, dont l’interprétation n’est pas évidente. En Chine on fait remonter cette métaphore à Confucius, en lui donnant comme sens « ne pas voir, ne pas dire, ne pas entendre le mal ». Les Japonais ont baptisés ces singes : l’aveugle, le sourd, le muet. Et l’on dit que Gandhi avait toujours sur lui la statuette de ces trois singes. Ce qui leur donne un sens assez peu agressif. Cette utilisation des trois singes est donc assez confuse.

 Puis Sarkozy veut faire référence au roman d’Agatha Christie Ten little niggers, dont on vient de transformer en français le titre en Ils étaient dix et dont le titre, d’ailleurs décalqué sur une comptine américaine (Ten little Indians ), est très vite devenu en anglais And then there were none. Et là… Et là tout dérape. Dans le paradigme que je viens de résumer, Indiens(Ten little Indians), Nègres (Ten little niggers), Ils (Ils étaient dix), Sarkozy introduit  un élément extérieur, les singes. Et du coup pose une égalité : singes = nègres. Unbewusste disait Freud, « inconscient », dont Lacan a expliqué qu’il était structuré comme un langage.  La longue citation ci-dessus nous montre que le langage de Sarkozy est plutôt foutraque, mal structuré. Comme son inconscient ? On croit savoir qu’il ne boit pas, ce qui exclue l’hypothèse d’un discours balbutiant d’ivrogne (ça y ressemble pourtant beaucoup), il ne semble pas être déjà atteint d’Alzheimer, et il ne reste donc qu’une explication, celle du contenu refoulé, de l’inconscient qui débarque et s’affiche. Certains supporters du PSG se mettent à pousser des cris de singes face aux joueurs noirs des équipes adverses. Sarkozy assiste à tous les matches de cette équipe parisienne. Mais ni lui ni ces supporters ne semblent vraiment connaître les trois singes de la sagesse.


barre

fleche8 septembre 2020 : Words, words, words

barre

Dans la pièce de Shakespeare Hamlet (acte II scène 2),  Polonius demande à Hamlet ce qu’il lit et celui-ci lui répond « words, words, words », des mots, des mots, des mots, c’est-à-dire des choses sans intérêts. Mais lorsque Victor Klemperer, à la fin de son livre sur le langage du troisième Reich, se demande pourquoi il s’est pendant des années levé avant l’aube pour rédiger son journal avant d’aller travailler à l’usine, il raconte une discussion qu’il a eu avec une militante communiste qui avait passé un an en prison :

« Pourquoi étiez-vous donc en taule ? demandai-je. -Ben, j’ai dit des mots qui n’ont pas plu. (elle avait offensé le Führer, les symboles et les institutions du troisième Reich). Ce fut l’illumination pour moi. En entendant sa réponse je vis clair. Pour des mots », j’entreprendrais le travail sur mon journal ».

« Pour des mots ». Une des façons la plus fréquente de critiquer l’autre, dans la politique politicienne, est de l’accuser de ne pas faire ce qu’il annonce vouloir faire : « ce ne sont que des mots ». Mais cette distinction entre les mots et les actes laisse de côté l’efficacité des mots, leurs connotations, et la façon dont on les reçoit, les décrypte, les interprète. Or, depuis quelques jours un mot, ensauvagement, est au centre du débat politique français. Il saute aux yeux qu’il dérive de sauvage, bien sûr, terme qui lui-même remonte au latin silvaticus, « celui qui vit dans la forêt », et il a eu une large utilisation à l’époque coloniale (société sauvage, tribus sauvages, pensée sauvage…). Et puis, il n’y a guère (depuis six ou sept ans), ce terme un peu oublié à été utilisé par Marine Le Pen dans ses discours sur l’insécurité. Aussi, lorsque le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a lancé fin juillet « il faut stopper l’ensauvagement d’une partie de la société » le milieu politique s’est agité. Au gouvernement, certains ont pris leurs distances avec le ministre de l’intérieur, mais l’extrême droite s’est réjouie de la diffusion de sa « pensée ». Darmanin, bien sûr, se défend de cette influence et persiste à utiliser le mot.

« Tout ce débat pour un mot! » diront certains. Eh oui ! Car, comme pourrait le dire un proverbe populaire (disons un proverbe tunisien, que je viens d’inventer) : « Qui se ressemble se rassemble autour des mêmes mots ». Il y en a un qui doit râler, c’est Nicolas Sarkozy. Lui n’avait trouvé que le mot racaille, bien mal choisi puisque les jeunes qu’il visait l’utilisaient déjà sous sa forme verlanisée (caillera)pour se désigner eux-mêmes.


Haut de page

Août 2020


barre

fleche31 août 2020 : En eau de boudin

barre

J’ai reçu un message, à propos de mon billet d’hier et de l’ultracrépidarianisme, me posant cette question : « finalement, est-ce que les gens qu’on peut qualifier de ton nom savant ne seraient pas ceux dont mon père disaient qu’ils « veulent péter plus haut que leur cul » ? Péter : le mot peut sembler trivial mais les dictionnaires se débrouillent en général pour en donner une définition distinguée : « lâcher bruyamment des vents » ou « des gaz intestinaux ». Quant à vouloir péter plus haut que son cul,  jamais une expression n’a reposé sur une telle précision anatomique. Au-dessus de l’anus, c’est évident, il n’y a pas de trou par lequel expulser ces gaz en général malodorants, et comme il est impossible de se faire plus haut un trou dans le dos, vouloir péter plus haut que son cul désigne une entreprise inaccessible. C’est donc la marque des prétentieux, des crâneurs, des fats, des pédants, des blancs-becs, etc. Mais l’ultracrépidarianisme dont je parlais hier est une chose légèrement différente. Pendant la pandémie et le confinement est apparue une cohorte de gens parfois cultivés, parfois formés à des disciplines médicales, parfois spécialistes d’autres choses, sollicités par les media et donnant avec autorité des avis ne reposant sur aucun argument scientifique. Ce sont eux, à mon avis, les ultracrépidarianistes.

Prenons un exemple auquel tout le monde pense, celui de Didier Raoult. La compétence de cet homme dans le domaine des maladies infectieuses est indiscutable. Mais, dès le mois de janvier 2020, il a commencé à dire tout et son contraire, sans respect pour les procédures scientifiques. Ce fut le premier des ultracrépidarianistes. A partir de là il faut considérer deux populations différentes. D’une part un petit groupe de chercheurs qui ont pris sa défense contre vents et marées, et d’autre part une multitude de gens qui pour des raisons diverses, en général antisystèmes, les ont suivis. Ces derniers voulaient péter plus haut que leur cul. Mais les premiers, pour rester dans la métaphore anatomique, pétaient à côté de leur cul. Et, en général, ils pètent plutôt dans la soie.

Et, pour finir dans le même registre, je dirais que les affirmations des ultracrépidarianistes sont parties en eau de boudin. Certains voient dans cette expression la déformation de en aune de boudin. Mais la véritable origine est sans doute ailleurs: l'eau de boudin, c'est plutôt la colique..

barre

fleche30 août 2020 : Sutor, ne supra crepidam

barre

Vous n’êtes pas venus pour rien aujourd’hui : je vais vous rappeler (ou vous apprendre) un mot bien utile par les temps qui courent. L’expression latine qui sert de titre à ce billet, Sutor, ne supra crepidam, se traduit mot-à-mot « cordonnier, pas plus haut que la sandale » mais signifie en fait « ne prétends pas savoir faire ce que tu ne sais pas faire », « contentes-toi de faire ce que tu sais faire »  ou, de façon plus large, « ne parles pas de ce que tu ne connais pas ». D’où le mot ultracrépidarianisme, qui serait apparu en anglais en 1819, puis passé en français. Mais je vous accorde qu’il n’est guère employé. Pourtant, depuis le coronavirus, une foule d’ultracrépidarianistes s’est répandue dans les media et, surtout, sur les réseaux sociaux et dans les milieux conspirationnistes. Des gens qui veulent absolument donner leur avis, qui croient tout savoir  mieux que les autres, et auxquels on tend d’ailleurs sans cesse le micro. Nous pourrions les appeler plus simplement des  toutologues, mais ce mot ne recouvrent qu’une partie des ultracrépidarianistes, celle qui est composée de conspirationnistes et de gens ne sachant rien mais prétendant tout savoir, en bref d’imbéciles. L’autre partie, la plus importante, est composée de gens ayant un certain savoir et croyant que cela les autorise à donner leur avis sur tout : les hommes politiques défendant bec et ongles la chloroquine (de Trump ou Bolsonaro à Cristian Estrosi ou Bruno Retailleau), les journalistes critiquant le port du masque, bref tous ceux qui très sûrs d’eux assènent des affirmations qu’ils sont bien incapables de démontrer, ou font des choix entre des choses que la sciences n'a pas encore prouvées.

Quoiqu’il en soit, si vous voulez faire de l’effet en société, vous pouvez opposer aux affirmations qui vous semblent fantaisistes : ultracrépidarianisme ! L’ultracrépidarianiste visé sera probablement bien en peine de vous comprendre.

 

barre

fleche28 août2020 : Métaphores footballistiques

barre

Hier, grande agitation à Marseille. Michèle Rubirola, la nouvelle maire, son ennemie politique Martine Vassal, et le médecin Didier Raoult, bref un trio d’enfer, se sont unis pour protester contre la façon dont le ministre de la santé, Olivier Véran, avait imposé des mesures sanitaires à Marseille (en fait la décision a été prise par le préfet…). A la une de La Provence un titre guerrier : Marseille fait front. Mais dès le titre de l’éditorial (Clasico) on se trouve en pleine métaphore footballistique : « match à distance », « coup d’envoi ». Et cela continue en pages 2 et 3 avec un tire énorme, un match Marseille-Paris en pleine crise du Covid, et des titres intermédiaires, « Paris-Marseille, balle au centre ». Et ces métaphores se renouvellent dans le cours des articles « Le microbiologiste allait-il dribbler le gouvernement ? », « ça s’annonçait sanglant, mais sur le terrain, Raoult est resté sur la touche », « Martine Vassal… n’a pas poussé plus loin le ballon. Bien qu’encouragé…à tirer au but, l’équipe marseillaise n’a pas tenté le pénalty », etc. Tout cela, encore une fois, avec en toile de fond l’opposition entre deux équipes, l’OM et le PSG et entre deux villes. Et ces métaphores footballistiques peuvent paraître bien déplacées face à un problème sanitaire grave.

Mais s’il n’a pas tiré de pénalty, Didier Raoult s’est un peu embrouillé dans les chiffres, lançant que « depuis le 15 juin à Marseille la mortalité est deux fois plus faible qu’à Paris », sans se rendre compte qu’il se tirait une balle dans le pied. En effet il avait déjà déclaré, le 27 mai , « la mortalité de Paris est plus de cinq fois supérieure à celle de Marseille » (mais il n’avait pas répondu aux question de Libération lui demandant d’où il tirait ces chiffres et comment il faisait ses calculs). Si l’on prend cependant  ses chiffres au sérieux, cela signifierait que la différence entre Paris et Marseille aurait beaucoup évolué : en passant de cinq fois moins qu’à Paris a deux fois moins, la proportion relative de morts à Marseille aurait fortement augmenté. Bref, tout cela ressemble à des chicanes de cour de récréation. Mais il y a longtemps que le ridicule ne tue plus.

Le Brésil, pays où le football est roi, nous donne un autre point de vue sur le problème. Dans le dernier numéro de L’Obs, je lis une longue interview de Marcia Barbosa, directrice de l’académie des sciences du Brésil, qui parle de la situation désastreuse, des mensonges et de la folie de Jair Bossonaro, etc. Mais elle livre en même temps une information intéressante. Elle rappelle qu’alors « qu’un consensus se dégage pour écarter la chloroquine comme possible traitement, le ministère de la justice poursuit une équipe qui a publié une étude sur ses effets secondaires », que « les chercheurs sont harcelés, sommés de justifier la façon dont ils ont conçu leur étude »… Mais surtout elle lâche tranquillement le morceau : « Bolsonaro voudrait que tous les Brésiliens en prennent pour écouler les importants stocks produits par nos laboratoires militaires ». D’un côté, donc, un problème d’égo, de l’autre un problème de fric. Comme au football, finalement.

 barre

fleche26 août 2020 : Histoires de ponts

barre

Vous connaissez sans doute le Tower Bridge de Londres, un pont construit à la fin du 19ème siècle qui a la particularité (en fait la nécessité) de pouvoir être levé pour laisser passer les bateaux, se refermant ensuite pour laisser passer les voitures. C’est-à-dire qui permet à la fois la circulation fluviale et automobile, effectuant cette opération environ 800 fois par an. Or, il y a trois jours, il s’est bloqué ouvert. Problème technique, ont déclaré les responsables. Et, pendant quelques heures, des centaines de voitures furent bloquées sur les deux rives de la Tamise. « Il suffit de passer le pont, c’est tout de suite l’aventure » chantait Brassens. Ne pas pouvoir le passer est une autre forme d’aventure.

Encore le Covid : devant la situation dans notre pays, en particulier dans la région parisienne et dans le Sud-Est, les autorités allemandes déconseillent fortement à leurs citoyens de se rendre dans ces régions. Le Covid vient bien tard : s’il était arrivé en 1940, cela aurait évité aux Allemands de passer un certain ombre de ponts…

 barre

fleche24 août 2020 : Encore les supporters

barre

Je m’amusais avant-hier à imaginer une chasse aux supporter intelligents. On ne peut pas dire qu’elle ait été fructueuse. Le PSG, comme on sait, a perdu hier à Lisbonne son match en finale de la ligue des champions. Immédiatement, à Paris, des supporters ont mis le feu à des voitures et défoncé des vitrines. Ce matin, dans mon bistro préféré, j’entendais les commentaires du garçon : « ils ont perdu, ils étaient mécontents, ils ont cassé, mais ils auraient gagné, ils auraient été contents, ils auraient aussi cassé, mais dans la joie ». Les analyses de René, c’est son nom, sont parfois judicieuses.

A Marseille, toujours hier soir, c’était la joie : l’ennemi parisien avait perdu. J’avoue que ces conneries me fatiguent, et que je n’ai même plus envie de les commenter. Mais ce matin, dans le quotidien local (le seul que la CGT, avec son goût prononcé pour l’information libre, nous permette de lire, mais cela est une autre histoire), dans La Provence donc, un long article relatait le match, mais un énorme titre, sur toute la largeur de la page et en gras, proclamait : Toujours seul en Europe. Traduisez : l’Olympique de Marseille est toujours le seul club français à avoir gagné cette compétition. C’était en 1993… Pas une ligne dans l’article sur ce point, mais le titre disait tout. C’est ce qu’on appelle de l’information impartiale. Bref, ils sont contents que les Parisiens perdent, les supporters Marseillais. On exprime sa connerie comme on peut.

Il y a cependant un point sur lequel on ne les entend plus guère, celui du professeur Raoult. Vous vous souvenez ? C’est lui qui à propos du virus avait parlé d’abord de « grippette », puis qui avait affirmé avoir le remède miracle, la chloroquine, puis qu’il n’y aurait pas de deuxième vague de cette épidémie, puis que Marseille (grâce à lui sans doute) avait eu beaucoup moins de cas que Paris (encore l’opposition OM/PSG). Et voilà que la seconde phase est à nos portes, qu’elle frappe bien plus à Marseille qu’à Paris, que personne n’a démontré l’efficacité de la chloroquine, et qu’on n’entend plus le professeur Raoult ni ses supporters. Ah oui, j’en ai entendu une. Elle n’est pas marseillaise, loin s’en faut, mais son amoureux l’est, lui. Et, alors que je plaisantais comme je viens de le faire, elle m’a intimé l’ordre de ne pas parler des sujets qui fâchent, expliquant que Raoult avait raison, mais que ce n’était pas de sa faute car c’étaient les touristes qui avaient amené le virus dans la région. Encore les Parisiens, sans doute…

 barre

fleche21 août 2020 : Enchaînements

barre

Croyez-le ou pas, les vols de chiens se multiplient de façon étonnante en Grande-Bretagne. Non, il ne s’agit pas de l’apparition d’une génération de chiens aviateurs, mais de chiens que l’on dérobe à leurs légitimes propriétaires. Cela, selon les « experts », s’explique aisément par un enchaînement de faits. Tout d’abord le confinement : les gens enfermés chez eux ont ressenti le besoin d’une compagnie, et le chien est le meilleur des compagnons dans la catégorie animale. Résultat prévisible : les solitaires se sont précipités dans les animaleries pour y acquérir un chien. Deuxième résultat : la marchandise a commencé à manquer. Troisième résultat, classique sur tous les marchés capitalistes : ce qui est rare et cher, et le prix des canins a monté en flèche. Enfin, quatrième résultat, tout aussi classique : pour se procurer cette marchandise devenue rare, on s’est mis à la voler. Enchaînement d’une logique implacable, donc. Mais, quand même, nous visons une époque moderne.

Autre enchaînement, un peu imaginaire comme on verra. Je viens d’entendre à la radio que toute la France était, comme un seul homme, derrière le club parisien, le PSG, qui doit dimanche affronter le Bayern de Munich en finale de la ligue des champions (il s’agit de football). Toute la France ? J’ai entendu hier au bistro des gens, sans doute supporters de l’Olympique de Marseille, exprimer à haute voix leurs vœux : « s’ils pouvaient prendre 5 à zéro ! ». « Ils », bien sûr, c’étaient les Parisiens. Et à Marseille, justement, le préfet vient d’interdire le port du maillot du PSG dans les rues, pour éviter les bagarres avec les supporters de l’OM. C’est beau, l’intelligence des supporters. Imaginons que vous cherchiez des supporters intelligents. Cette marchandise étant rare, son prix va monter. Certains petits malins vont les voler, pour les vendre sur le marché noir. Si leur prix monte vraiment très haut, les voleurs de chiens britanniques vont changer de commerce. On peut même imaginer un système de troc : trois chiens de race contre un supporter intelligent, non quatre, cinq chiens… La dévaluation des chiens rassurera leurs propriétaires : on ne les volera plus. Et, on peut rêver, les supporters pourraient commencer à réfléchir, à devenir intelligents. Mais il ne faut pas trop demander à la loi du marché…

 barre

fleche20 août 2020 : Délai raisonnable...

barre

Cela fait plus de 50 ans que je vais régulièrement au Mali. La première fois, en 1969, Modibo Keita venait d’être renversé  par un coup d’état militaire.  Premier président de cette jeune république, militant tiers-mondiste et panafricaniste, il devait finir sa vie en prison. J’étais à Bamako en mai 1977, lors de sa mort (son empoisonnement ?) et j’assistais à son enterrement, suivi par une foule énorme scandant « Modibo notre père ». Depuis lors, le seul président, deux fois élu (en 1992 et 2002), qui a terminé ses mandats a été Alpha Oumar Traoré. Tous les autres ont été, d’une façon ou d’une autre, victimes  d’un putsch. Le dernier en date survient au pire moment de l’histoire du pays. Il va sans doute se passer dans les rues de Bamako ce que j’ai vu des dizaines de fois dans les pays africains : une foule qui scandait la veille « Vive X » et le lendemain, X chassé par Y, scandait avec la même conviction « Vive Y ». Ce qui est sûr, c’est que Bamako, tout à fait au Sud du pays, est loin du théâtre des opérations où, du Mali au Burkina Faso et au Niger, des djihadistes de tous bords menacent les régimes en place. Il pourrait d’ailleurs se passer la même chose à Niamey et à Ouagadougou qu’à Bamako. Ajoutons à cela les frontières poreuses avec l’Algérie et la Libye, l’uranium du Niger qui pourrait intéresser les poètes de la Kalachnikov qui rêvent peut-être de bombe atomique : la situation est catastrophique. Ajoutons-y encore les velléités indépendantistes de certains mouvements de Tamasheks, et nous avons un tableau incertain d’une situation explosive.

Je ne sais rien des positions politiques du nouvel homme fort, le colonel Assimi Goita, mais, ici comme dans les pays voisins, les armées sont traversées par des factions diverses. Et le M5, mouvement d’opposition aux contours flou, compte en son sein l’imam Mahmoud Dicko, dont les positions djihadistes ne sont pas un mystère. La CEDEAO (organisation régionale de l’Afrique de l’ouest), L’ONU, L’Union Africaine, L’Union Européenne  condamnent en chœur le coup d’état ou disent leur inquiétude, tandis que les putschistes  annoncent des élections « dans un délai raisonnable ». En attendant, il est impossible de savoir ce qui va se passer là où l’armée malienne, aidée par l’armée française et les casques bleus de l’ONU, lutte contre les différents groupes islamistes

Un jour, peut-être, quelqu’un écrira un petit manuel du parfait putschiste, avec la liste des phrases à prononcer, concernant les crimes du pouvoir déchu, les projets de rénovation, de démocratie, et le délai raisonnable de retour à la normalité. Mais ne figurera pas dans ce manuel la réponse à cette question toute simple : c’est quoi, un délai raisonnable ? Ou, si vous préférez : « c’est combien de temps ? ».

 barre

fleche17 août 2020 : The Times They Are a-Changin' ?

barre

En 1964 Bob Dylan, dans The Times They Are a-Changin', lançait ce qui allait devenir comme un hymne de la contestation. Quatre ans plus tard, Michel Delpech, dans son Inventaire 1966, chanson en forme d’hommage à Jacques Prévert, énumérait une série de faits plus ou moins importants, la minijupe, Courrèges, Cacharel, la guerre du Vietnam, Juanita banana, les chemises à fleurs et les cheveux longs, Un homme et une femme, le tout ponctué d’une phrase : « Et toujours le même président ». Deux points de vue, deux univers, mais la même question : ça change ou pas ? Depuis le début du confinement on a parlé, on nous a parlé, de la vie d’après, d’après le virus, d’après le confinement. Alors, ça change ou pas ?

Sur un plateau de la balance, du côté du changement, il y a surtout des annulations : des spectacles, des journaux et des repas sur les vols d’Air France, des évènements sportifs, de la fête de l’Humanité, des réunions de famille, des mariages, Poutine prétend que la Russie a trouvé un vaccin (à voir) et l’on n’entend plus parler (ouf !) du professeur Raoult… Sur l’autre plateau de la balance le masque est toujours là, de plus en plus, la Biélorussie est toujours (pour peu de temps ?) une dictature, la forêt brûle toujours en Amazonie et Bolsonaro le nie toujours, la « culture cancel » s’enfonce de plus en plus dans la délation, le changement climatique ne semble pas devoir être ralenti, Israël et les EU se moquent toujours comme de leur premier mensonge des Palestiniens, la CGT bloque toujours la distribution des journaux dans les Bouches du Rhône, les jeunes comme on dit semblent être toujours aussi inconscients face au virus, Trump est toujours (pour longtemps ?) là, et toujours le même président.

Alors, ça change ou pas ? Hélas le « nouveau monde » semble bien devoir être comme l’ancien. En pire.


Haut de page

Juillet 2020

 barre

fleche31 juillet 2020 : RTT

barre

Je m’éloigne pour quelques jours de mon ordinateur.

Retour mi-août. En attendant, un peu de lecture :  https://algeriecultures.com/actualite-culturelle/la-sociolinguistique-decrit-des-langues-mais-aussi-des-situations-sociales-louis-jean-calvet-sociolinguiste/

barre

fleche28 juillet 2020 : Les enchères sont ouvertes

barre

Une de mes amies a un téléphone portable antédiluvien, qu’elle traîne depuis plus de vingt ans et qui ne peut servir qu’à deux choses : téléphoner et envoyer des textos. Elle s’en sert d’ailleurs de façon tout à fait irresponsable: elle envoie avec dextérité des messages tout en conduisant sa voiture(ce n’est pas bien, ça, Marielle !).

Elle vient de me raconter qu’un restaurateur, voyant sa pièce de musée, lui a lancé : « ça c’est un téléphone de bandit marseillais ». Et, devant son air ahuri, il lui a expliqué : « Ce sont les seuls que la police ne peut pas localiser. Ils sont très recherchés ».

Si vous avez au fond de vos tiroirs de telles antiquités, vous savez désormais comment vous en débarasser avec profit. Vous pouvez d’ailleurs sans doute pouvoir les vendre également en Corse. Mais si, à l’inverse, vous avez besoin de ne pas être géolocalisé, je ne pense pas qu’elle soit vendeuse. Sauf si vous proposez un très bon prix. Dans ce cas, faîtes-moi signe, je servirai d’intermédiaire (en prenant bien sûr ma commission au passage). Les enchères sont ouvertes.

barre

fleche26 juillet 2020 : Y'en a marre!

barre

Je ne connais ni Christophe Girard ni Gabriel Matzneff. Je sais simplement que le premier est conseillé de Paris depuis 2001, qu’il a été adjoint de Pierre Delanoë puis d’Anne Hidalgo et qu’il a été dans les années 1980 secrétaire général de la maison Yves Saint-Laurent, qui a apporté (la maison, pas lui pour autant que je sache) une aide financière au second. Ce dernier est un personnage assez répugnant qui a longtemps bénéficié du silence, voire de la complaisance, d’une bonne partie de l’intelligentsia française et qui se trouve aujourd’hui l’objet d’une enquête judiciaire pour viols sur mineurs. Et, dans ce cadre, C. Girard a été entendu comme témoin.

Or deux élues au conseil de Paris sur la liste des Verts, Raphaëlle Rémy-Leleu et Alice Coffin (autant les nommer puisque leur nom est partout)  ont organisé un rassemblement devant la mairie pour dénoncer le « soutien » que Girard aurait apporté à Matzneff. Une pancarte proclamait même Bienvenue en Pédoland. L’adjoint au maire a démissionné de sa charge et, à la dernière réunion du Conseil il a été soutenu par une grande majorité des présents, y compris de l’opposition, qui tous l’applaudissaient debout, ce qui a poussé Alice Coffin à crier « la honte ! la honte ! ».

Voilà le résumé le plus objectif possible que je puisse faire de ce qui vient de se passer à la mairie de Paris. J’ajoute simplement qu’aux dernières nouvelles Anne Hidalgo a porté plainte pour « graves injures publiques ». Tout cela va sans doute mettre à mal la majorité municipale dans laquelle sont associés socialistes, communistes et verts. Mais là n’est pas mon propos.

Christophe Girard n’a pas été mis en cause par la justice (un témoin est un témoin, pas un accusé), et s’il était accusé ce serait le rôle de la justice de le juger. Mais il est ouvertement accusé par les deux élues des verts. Qui s’arrogent donc le droit de se substituer à la justice, qui affirment en savoir plus que les enquêteurs (qui n’ont d’ailleurs pas terminé leur travail) et au bout du compte s’autoproclament procureurs.

Tout cela pue. Pue l’inquisition, pue la chasse aux sorcières, pue l’appel au meurtre, fut-il symbolique, bref pue la fin de la démocratie et de ses règles fondamentales. N’importe qui de mal intentionné et d’un peu malin pourrait facilement, en fouillant dans la vie de mesdames Raphaëlle Rémy-Leleu et Alice Coffin, trouver matière à lancer de fausses informations dégueulasses sur elles, pourrait mobiliser les réseaux sociaux et les mettre ainsi en position d’accusées.  Ce genre d’appel à une sorte de justice populaire qui ne se préoccupe pas de la présomption d’innocence, des procédures judiciaires et de la recherche de la vérité relève du fascisme. Et le moins que l’on puisse dire est que mesdames Raphaëlle Rémy-Leleu et Alice Coffin se déshonorent, et déshonorent leur parti, les Verts, s’il ne prend pas fermement position contre leur démarche. Ces dérives du politiquement correct vers une société  de délation, d’accusation sans preuve, de jugement sommaire et de condamnation  sont à vomir. Trop c’est trop, y’en a marre !

 

barre

fleche23 juillet 2020 : Le coût énergétique du numérique

barre

Comme beaucoup de gens je suppose, je reçois chaque jour des dizaines de mails et réponds à une partie d’entre eux. Plus d’enveloppes et de timbres à acheter, les boites aux lettres de contiennent plus de lettres mais des livres, des journaux et de surtout la publicité. Bref, le progrès est merveilleux, il nous facilite la vie et le courrier est désormais gratuit.

Gratuit, vraiment ? Se pose-t-on la question du coût du numérique ? Lorsque sur les réseaux sociaux des flopées de paires de mains nous inondent d’argumentaires sur le changement climatique, la nécessité de changement de société, la décroissance, la transition écologique, les économies d’énergie, savent-ils ce que, collectivement, ils dépensent d’énergie ?

Selon une chercheuse du CNRS, Françoise Berthoud, le numérique causerait 4% des émissions de gaz à effet de serre, soit autant que l’aviation civile mondiale. Et Internet dans le monde consommerait deux fois plus d’énergie que la France.

Ajoutons à cela les « data centers », qui se trouvent le plus souvent en Islande ou dans le Montana (parce que dans ces régions  leur refroidissement y est moins énergivore)  ne sont pas en reste. Pour prendre un autre exemple, selon une recherche de l’Université de Cambridge, le système bitcoin consommerait autant d’énergie que La Suisse. 

Vous en voulez encore ? La fabrication d’un seul smartphone  (on en vend en France 24 millions par an) nécessite plus de 70 kilos de ressources naturelles, en particulier des métaux rares. Ajoutons à cela qu’on ne peut recycler que moins d’un quart des smartphones. Encore ? Un personnage virtuel d’un jeu vidéo consommerait autant d’énergie qu’un habitant du Brésil. Bref,  le numérique devrait, en 2025, consommer 20% de l’électricité mondiale. Et alors ?

Et alors j’ai le sentiment qu’on nous abreuve de discours politiquement corrects sur les nécessaires économies d’énergie, économies  qui seraient tout à fait louables,  mais que les plus grosses dépenses ne sont pas où l’on pense. On discute par exemple beaucoup sur les dangers des ondes que créent les systèmes 4G et 5G, mais pas du coût énergétique de ces sytèmes.

Faut-il en déduire que les vertueux écologistes devraient dorénavant jeter leurs téléphones portables et leurs ordinateurs, priver leurs gosses de jeux vidéos, ne plus mesurer avec leur smartphone ou leur montre connectée le nombre de pas qu’ils font par jour, etc. ? A eux de voir.

Ceci dit, je suis incapable de vous dire combien d’énergie j’ai brûlée en rédigeant de billet et en le mettant en ligne. Honte à toi, Calvet !

barre

fleche21 juillet 2020 : Euphémisme chinois

barre

Tiens, Bruno Lemaire, notre sémillant ministre, vient de sortir de sa réserve en affirmant que la pratique d’internement de près d’un million de Ouïghours était « révoltante et inacceptable, et nous la condamnons fermement », ajoutant que cela  « doit évidemment faire partie de la discussion que nous avons avec nos partenaires chinois ». Il a ainsi joint sa voix à celle de nombreuses capitales, au premier rang desquelles Washington.

Bien sûr la Chine a rétorqué que les Ouïghours en question n’étaient pas du tout enfermés, qu’ils étaient dans des centres de formation. Renseignements pris, c’est bien l’expression que l’on utilise là-bas, « en formation », à propos des gens disparus de leur domicile. « En formation » pour « en rééducation ». L’euphémisme est de façon générale typique du discours des pays totalitaires. En fait on tente de  « désislamiser » les Ouïghours puisque dans le discours  officiel il s’agit de terroristes islamistes.

Restent deux petits points. Tout d’abord, une information : le nom de la région dans laquelle vivent les Ouïghours, le Xinjiag (新 疆), signifie en chinois « nouvelle frontière », ce qui est une belle façon d’admettre que le Xinjiang n’est pas à l’origine chinois, qu’il est le produit d’une opération impérialiste. Ensuite, une question : est-il vrai que les masques chinois importés par la France seraient fabriqués dans ces camps de « formation » ? Auquel cas nous sommes rassurés. Les Ouïghours sont « internés » ou « formés » pour la bonne cause : la nôtre.


barre

fleche17 juillet 2020 : Fébrilité

barre

Lundi, le président de la république annonçait que le port du masque serait obligatoire à partir du 1er août dans les lieux publics clos. Quatre jours plus tard le premier ministre déclarait que ce serait la semaine prochaine. Précipitation? Informations nouvelles concernant la diffusion du virus ? Écho fait à la publication d’un tribune appelant au port du masque signée par des médecins de haut niveau ? Tout cela à la fois, sans doute. Bien sûr, cela fait un peu désordre et les méchantes gens ne se privent pas de souligner l’ incohérence de cette mascarade gouvernementale. Certains ont même parlé de fébrilité au cœur du pouvoir.

La fébrilité est, dans l’usage courant, une agitation extrême, injustifiée ou critiquable. Mais n’importe quel francophone peut percevoir sous le mot la même étymologie que celle de fièvre. La fièvre rend fébrile, et l’on parle d’état fébrile aussi bien pour un agité que pour un malade. Faut-il en conclure que la fièvre gagne le gouvernement ? Si ce changement de date était l’indice d’un désaccord (déjà ?) entre l’Elysée et Matignon nous pourrions, sur le modèle du film de John Struges, Règlement de compte à OK corral, parler de Règlement de compte à Matignon. Mais il s’agit plus sûrement d’une précipitation face à un danger de recrudescence de l’épidémie.  Auquel cas, sur le modèle du film de John Badmam, La fièvre du samedi soir, ça serait  pour le premier ministre La fièvre du jeudi après-midi,  ou sur le modèle de celui de Luis Buñuel La fièvre monte à el pao,  La fièvre monte à Matignon.

Quoiqu’il en soit, fébrilité ou pas, à vos masques…


barre

fleche15 juillet 2020 : Hémistiche

barre

Décidément, ce président est un bavard impénitent. On avait annoncé que son interview d’hier durerait environ 45 minutes, il a parlé une heure trente, un véritable Niagara verbal, long, très long, trop long, au point qu’on a du mal à tirer de réelles informations de cette accumulation de phrases déjà entendues, de tentatives de séduction, de rhétorique.

La rhétorique, parlons-en. A-t-il vraiment besoin de glisser au coin d’une phrase une expression latine (penser in petto) que peu de gens doivent comprendre ? Passons sur « la réforme des retraites ne peut pas se faire comme elle était emmanchée » car il y a mieux. On se frotte les yeux lorsqu’il déclare « j’ai passé l’hémistiche et je suis sur la pente descendante de mon quinquennat ». L’hémistiche comme on sait (ou ne sait pas) est la moitié d’un vers, séparée de la suivante par la césure. Bon, on voit ce qu’il voulait dire : il lui reste peu de temps, ou il passe à une autre phase. Mais entre deux hémistiches la césure est un temps de repos, et là, on ne le suis pas bien : à quel repos fait-il référence?

Il y a cependant quelque chose qui m’a frappé dans ses coquetteries lexicales, deux expressions que je cite de mémoire, « je ne sais pas vous le dire aujourd’hui » et « si nous savons produire un vaccin en 5-6 semaines ». Je ne garantis pas l’exactitude de ces phrases, mais cette utilisation du verbe savoir là où on dirait plutôt pouvoir est, du moins à mes oreilles, un belgicisme : « tu sais me passer le sel ? » par exemple ou, « tu sais me passer la brosse à reluire ? ». Je sais qu’Amiens n’est pas très loin de la Belgique, mais j’ignorais qu’on y utilise cette forme. Remarquez, Bruxelles est beaucoup plus éloignée de la ville natale du président que le capitole de la roche tarpéienne. Tiens, j’y pense, c’est peut-être à ça qu’il voulait faire référence avec son histoire d’hémistiche : à la chute. Mais c’est tout de même bien alambiqué pour dire des choses simples.


barre

fleche12 juillet 2020 : Panorama de la semaine

barre

Je me suis depuis quelques temps tenu loin de mon ordinateur. J’y reviens aujourd’hui avec un panorama de la semaine qui vient de s’écouler.

Beaucoup de gens ont noté que Jean Castex, le nouveau premier ministre, avait un accent. Remarque imbécile, bien sûr, car nous avons tous un accent. D’autres, ayant sans doute une meilleure oreille, ont précisé : « un accent du sud-ouest ». Et un journaliste de Paris Match, Bruno Jeudy, en a même dans un tweet donné une sorte de description politico-sociale qui n’engage que lui: "Le nouveau premier ministre n'est pas là pour chercher la lumière. Son accent rocailleux façon troisième mi-temps de rugby affirme bien le style terroir". Cette diversité phonétique, ou plutôt cette trace en français de langues que l’on ne parle souvent plus (basque, breton, corse, alsacien…) a  toujours été curieusement perçue. « Ce qu’il y a d’ennuyeux avec la morale, c’est que c’est toujours la morale des autres » clamait Léo Ferré. De la même façon, l’accent, c’est toujours l’accent des autres. Cela a donné naissance ici ou là à une sorte d’anti-jacobinisme, de rejet de l’accent parisien, de valorisation de l’accent local, lorsque les Marseillais par exemple se moquent de l’accent « pointu » des parisiens. Et nous avons parfois un narcissisme individuel ou collectif tendant  à valoriser son accent, à l’exagérer même, pour bien montrer qu’on est d’ici, et qu’on en est fier. Une forme un peu puérile de nationalisme local.

Quoiqu’il en est, face à ces remarques concernant l’accent du premier ministre, des linguistes ont crié à la discrimination. Discrimination ? Cette vilaine chose est heureusement définie par la loi :

« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte (….) en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français »

L’accent ne figure pas dans ce texte, mais rien ne nous empêche de l’y ajouter. Disons qu’il y  discrimination lorsqu’à compétence semblable on refuse d’embaucher quelqu’un par exemple pour sa couleur de peau, son sexe, sa nationalité ou son accent. Mais il est difficile de considérer qu’être nommé premier ministre est une discrimination… En fait il s’agirait plutôt ici du contraire,  d’une discrimination positive. Bref, Jean Castex n’a été l’objet d’aucune discrimination, il a eu au contraire une promotion. Mais la bêtise va se nicher partout, chez certains linguistes comme ailleurs.

 Le changement de gouvernement est venu illustrer la désormais célèbre formule de Macron, « en même temps ». Ses soutiens ont souvent expliqué qu’il fallait voir là un changement dans le binarisme politique, et qu’on pouvait « en même temps » être de gauche et de droite. Aujourd’hui les choses sont plus claires : le gouvernement est de droite et « en même temps » de droite. En outre, les observateurs avertis auront remarqué que plusieurs collaborateurs du président ont été placés aux côtés des nouveaux ministres, y compris le premier d’entre eux, pour s’assurer qu’ils suivraient bien les consignes venues d’en haut. Macron est donc président et « en même temps » premier ministre et « en même temps » ministre de ceci ou cela.

 Le président brésilien Bolsonaro a été testé positif au Covid19. Lui qui affirme depuis des semaines qu’il s’agissait d’une grippette, surévaluée par les media, a cette fois expliqué que le virus était comme la pluie, rien de grave. Jusqu’ici il disait qu’il ne risquait rien parce qu’il avait un « corps d’athlète », maintenant il explique qu’il se soigne à la chloroquine….  Il y a eu dans son pays plusieurs dizaines de milliers de morts victimes de cette grippette ou de cette pluie, mais que lui importe… Ce qui importe, cependant, c’est que Bolsonaro n’a pas arrêté de recevoir des dizaines de gens, de se mêler à la foule, de serrer des mains, et peut-être de les contaminer. Il a eu, selon ses dires, un peu de fièvre, une petite fatigue, il s’est fait tester, et bingo !  Trump le lui avait pourtant dit : il ne faut pas faire des tests, ça fait monter les chiffres. Bolsonaro ne l’a pas écouté, mais il doit être fier d’être un foyer potentiel d’épidémie à lui tout seul.

 Changeons de continent et allons vers la Tunisie, où nous trouverons d’ailleurs des problèmes, réels ceux-ci, de discrimination. Jusqu’à il n’y a guère, les Tunisiennes n’avaient pas le droit d’épouser des non-musulmans : il fallait que ces derniers se convertissent d’abord. La circulaire instituant cette discrimination a été annulée: les Tunisiennes peuvent désormais se marier avec qui elle veulent. Mais les lois n’engagent que ceux qui veulent bien les respecter. Fathi Laâvouni, maire de la commune du Kram, a décidé de s’en tenir à la circulaire et de ne pas marier des Tunisiennes à des non-musulmans. Le progrès est en marche…

 Un autre continent encore. A Hong Kong  la Chine s’est lancé dans une guerre aux livres, ceux qui « inculquent la haine »  dans la tête des lycéens, ceux qui critiquent le gouvernement chinois, ceux qui… Bref la censure qui pointe le bout de son nez donne, comme toujours, naissance à l’autocensure. Déjà, dans certaines bibliothèques, des ouvrages ont disparu : les responsables se protègent de façon préventive. En Chine continentale, les manuels scolaires d’histoire ont, depuis longtemps, des trous de mémoires. Les écoliers n’entendent jamais parler du 4 juin 1989 par exemple. Ceux de Hong Kong seront-ils atteints bientôt du même type d’amnésie ? C’est probable. Et il serait intéressant de savoir comment on analyse tout ça à Taiwan, république sur laquelle lorgne le régime chinois.

 

Haut de page

Juin 2020



barre

fleche30 juin 2020 : Encore la phonétique et le virus

barre

Le 30 avril je présentais et résumais, sous le tire  De l'importance de la phonétique articulatoire dans la lutte contre le virus, un texte dont j’ignorais l’auteur. Il vient de me contacter, s’appelle François Pla, et n’ai pas linguiste mais professeur de physique. Il a mis en ligne une sorte d’histoire de la diffusion virale de ce texte. Vous la trouverez ici :


https://www.plaf.org/articles/la_phonetique_du_postillon

 barre

fleche27 juin 2020 : Eléments de langage

barre

Cette expression, éléments de langage, est apparue en France il y a moins de vingt ans et s’est répandue au début du 21ème dans les sphères gouvernementales puis dans les organisations politiques ou syndicales pour tenter d’assurer une sorte de cohérence dans la communication des ministres ou des responsables. Pour dire les choses plus clairement, il s’agit d’une sorte de feuille de route argumentaire et linguistique pour leur dicter ce qu’ils doivent dire. Et l’on a vu à Marseille ces dernières semaines apparaître au centre de la campagne de Martine Vassal, l’héritière politique de Gaudin, un thème martelé de façon répétitive : « derrière la liste du «printemps marseillais il y a l’extrême gauche ». L’apothéose a été cette semaine avec un « meeting » de soutien à Vassal, des pointures nationales venant dire tout le bien qu’ils pensaient d’elle, via leur écran, coronavirus oblige : une vidéoconférence de soutien. Je n’étais pas en ligne et ce qui suit provient de la présentation qu’en a donné La Provence.

Seule Valérie Pécresse (née en 1967) est restée dans les généralités, disant que Vassal (née en 1962) était sa « grande sœur du Sud » : façon perverse de souligner qu’elle était plus jeune qu’elle ? D’autant qu’elle l ‘a bizarrement traitée de « femme des causes perdues » : autre façon perverse de prendre par avance ses distances en cas d’échec ?

Pour les autres, ils semblaient tous dire plus ou moins la même chose. Christian Jacob soulignait « le risque pour Marseille de se renfermer sur elle-même si elle était demain gérée par l’extrême gauche ». Pour  Xavier Bertrand : « C’est Martine ou les extrêmes. Bruneau Retailleau de son côté a parlé d’une « gauche archaïque » et, attisant le conflit (surtout footballistique)  entre les deux villes, a poursuivi :  « il n’y a qu’à voir ce qu’a fait Paris. Depuis quand les Marseillais veulent-ils suivre la route des Parisiens ! » Et, pour terminer, Vassal : « Marseille est exposée à un grand danger et pourrait se livrer corps et âmes à l’extrême gauche (…) Michèle Rubirola est le pantin de Mélenchon. Elle est tellement manipulée qu’elle refuse toute débat ». Le moins qu’on puisse dire, c’est que les éléments de langage ne brillent pas par leur diversité, ce qui est normal, ils sont faits pour ça. C’est beau, l’unité de parole !

 

barre

fleche19 juin 2020 : Au filtre de la situation marseillaise...

barre

Il se pourrait bien que, le soir du 28 juin, il y ait quelques surprises à Marseille. Je fais allusion au second tour des élections municipales. Vous avez sans doute entendu parler des magouilles du premier tour, de celles qui se profilent en ce moment (on a découvert que des membres de la liste de droite se livraient à ce qu’il faut bien appeler un trafic de fosses procurations), mais ce n’est pas ça qui m’intéresse ici.  En effet  une liste « d’union de la gauche », le printemps marseillais, a créé la surprise en arrivant en tête au premier tout et pourrait bien l’emporter. Menée par une femme médecin et écolo, elle regroupe des socialistes, des insoumis (ce qui qu’eut pas l’heur de plaire à Mélenchon), des communistes et a été rejointe par les Verts. Un sondage de l’IFOP vient de le confirmer : 36% d’intentions de vote pour le printemps marseillais, 29% pour la liste PR Vassal, et 22% pour le RN.

Mais, comme souvent, il faut se pencher sur les détails plus que sur ces chiffres généraux, c’est-à-dire faire ce qu’on appelle des cris croisés. Ainsi plus de femmes que d’hommes voteraient pour le printemps marseillais (37/35) alors que les hommes  seraient plus nombreux qu’elles à voter PR (31/27) ou RN (24/20). Pour ce qui concerne l’âge des électeurs, les moins de 35 ans sont plus nombreux à voter RN (26%) que l’ensemble des intentions de vote pour ce parti d’extrême droite (22%). Si nous considérons la profession des sondés, 60% des ouvriers voteraient pour le printemps marseillais, 16% pour le PR  et 14% pour le RN. Et si l’on prend en compte ce que ces sondés ont voté au premier tour de l’élection présidentielle de 2017, les électeurs de Mélenchon votent à 57% pour le printemps marseillais, 17 % pour le PR et 8% pour le RN, ceux d’Hamon 67 % pour le printemps marseillai, 21 % pour le PR et 11 % pour le RN et ceux de Macron se répartissent à 38 % pour le printemps marseillais, 32 % pour le PR et 11 % pour le RN.

Il y a dans ces chiffres matière à réflexion. Des électeurs de Mélenchon déclarant qu’ils voteront pour l’extrême droite, des électeurs de Macron votant plus pour le printemps marseillais que pour la droite, etc… On a l’impression, au filtre de la situation marseillaise,  qu’ une redistribution des cartes est en cours et, surtout, que l’union des gauches et des Verts est payante. A suivre, donc.

Cela n’a rien à voir (encore que…) : Ce matin, j’étais à la terrasse d’un bistro et, à une table voisine, se trouvaient deux hommes portant des blousons sur lesquels on lisait Mairie d’Aix, agent assermenté. Au téléphone, et parlant très fort, l’un d’entre eux était en train d’organiser une distribution de tracts, donnant des rendez-vous, répartissant des tâches. « Oui, Maryse(Joissains) sera là », « non, les jeunes, c’est des sympas, des militants, ils ne prennent rien…Y’en a d’autres, ils sont gourmands »…  Ils ont prêté serment pour quoi, les agents de la mairie d’Aix ? Pour exercer une fonction publique, au service de tous ? Ou pour assurer la réélection de la liste de droite ?


barre

fleche14 juin 2020 : Béart(s)

barre

En 1970, alors que nous préparions Cent ans de chanson française, nous étions allés avec mes deux co-auteurs, Chantal Brunswick et Jean-Claude Klein, ainsi que  ma femme Janick, interviewer Guy Béart. Il nous avait reçus en robe de chambre dans sa villa chic d’un quartier chic de l’ouest parisien. Dans sa chambre, les murs étaient constellés de bouts de papiers punaisés sur lesquels étaient écrits quelques vers, des formules, des idées de chansons. C’était, disait-il, sa façon de travailler. Il parlait, parlait, tout en lorgnant sur le décolleté  ou les jambes de Chantal et Janick, nous laissant clairement entendre que Jean-Claude et moi étions de trop. Au bout d’une heure d’entretien il nous expliqua qu’il avait un rendez-vous, qu’il fallait qu’il se prépare et il continua à nous parler en nous entraînant dans sa salle de bain où, à moitié nu, il entreprit de se raser. Je le revois encore, le visage couvert de mousse, se retournant vers nous battant la mesure avec son rasoir tout en chantant Sous le pont Mirabeau, la chanson de Ferré qu’il préférait, disait-il (dont le texte, bien sûr, est d’Apollinaire).

Un peu exhibitionniste parfois, et semblant avoir un ego surdimensionné, Béart voulait cependant que se chansons deviennent des « standards », que tout le monde fredonne en oubliant qu’il en était l’auteur, et il utilisait parfois cette formule dans sa communication publicitaire : « auteur de vingt ou trente standards ». C’est cette idée qu’ont reprise ses deux filles, Emmanuelle et Eve en faisant enregistrer vingt de ses chansons par vingt voix différentes, avec quelques duos (le coffret qui vient de sortit chez Polydor s’intitule De Béart à Béart(s)  et porte en sous-titre versions libres).

Et ces vingt interprétations sont effectivement libres, pour le meilleur mais parfois, rarement, pour le pire. J’aime beaucoup les reprises et la façon dont des interprètes entrent dans une œuvre et la mettent à leurs dimensions, comme quelqu’un qui revêtirait le vêtement d’un autre en les déformant, l’adaptant à son corps, ce qui nous en apprend beaucoup sur la chanson et sur l’interprète. C’est ce qui se passe ici avec par exemple Ismaël Lô chantant  Couleurs vous êtes des pleurs, ou Clara Luciani  interprétant Chanson pour ma vieille sur un rythme discret qui rend le texte déchirant. Mais on peut être déçu par Vianney qui, à mes oreilles, massacre Il n’y a plus d’après au point qu’il en est insupportable, donnant l’impression d’un ivrogne se levant en fin de banquet pour lancer une ritournelle.

Le plus frappant est cependant la façon dont Thomas Dutronc et Emmanuelle Béart transforment le texte de Qu’on est bien qui était, comme son auteur, clairement hétéro. Il semble ici mis au goût du jour, qu’on est bien dans les bras d’une personne du sexe qu’on a pas devenant d’une personne du genre qui nous va ou du sexe opposé devenant du sexe désiré  et à la fin  ou du même peu importe quand on s’aime. Il est vrai que la chanson de Béart pouvait être reçue comme homophobe, ou comme une défense de l’hétérosexualité, mais c’était sa chanson, marquée par son époque. Les bons sentiments ne donnent pas tous les droits. Ce débat est d’ailleurs d’actualité, si l’on pense à la retraduction du roman Autant en emporte le vent et à au film qu’on en a tiré et qui, semble-t-il, devrait ressortir avec un avertissement, comme si le plus important n’était pas de former l’esprit des gens pour qu’ils fassent eux-mêmes leur propre analyse et leur propre critique. Je me dis souvent que bien de chansons de Georges Brassens ne pourraient pas sortir aujourd’hui, mais personne n’a encore pensé à en corriger le texte. Et peut-être aurait-il été mieux de ne pas enregistrer Qu’on est bien que de la mettre à la sauce du politiquement correct, même lorsqu’il est justifié.

Un autre regret, mineur celui-là : Julien Clerc et Emmanuelle Béart en duo n’arrivent pas à faire oublier l’interprétation plus enlevée et surtout beaucoup plus malicieuse de Béart et Marie Laforêt en 1965. Mais les bonnes surprises sont  plus nombreuses que les mauvaise.  Maxime Le Forestier s’approprie De la lune qui se souvient au point qu’elle devient une de ses chansons, tout comme Vincent Delerm avec Bal chez Temporel. Et surtout, dans Vous («  ce qu’il y’a de bon en vous, c’est vous ») qui est je crois son dernier enregistrement connu, Christophe, d’une voix fragile et émouvante, fait de cette chanson une petite merveille. A lui seul ce  titre justifie l’ensemble de ce double CD, qui nous offre pourtant beaucoup d’autres perles.

barre

fleche12 juin 2020 : Suspicion avérée

barre

Christophe Castaner, ministre de l’intérieur, vient de se mettre dans une situation délicate. Sans doute parce qu’il n’est pas très malin, et que son maniement de la langue française est hésitant. Il a en effet déclaré qu’en cas de « suspicion avérée de racisme », un agent de la police serait immédiatement révoqué. Mais que signifie une suspicion avérée de racisme ? La suspicion est un soupçon et avéré signifie ce qui est reconnu vrai. Si un soupçon est reconnu vrai, ce n’est plus un soupçon mais une certitude. Dès lors c’est en cas de comportement raciste certain qu’un policier devrait être révoqué. Peut-être voulait-il dire suspicion de racisme avéré, mais là aussi, si le racisme est avéré, reconnu vrai, il n’y a plus de soupçon possible. Dans les deux cas, Castaner se baigne avec volupté dans un bain d'oxymores.  Selon son curriculum vitae, Castaner serait diplômé de la faculté de droit d’Aix-en-Provence : ils ne doivent pas être très regardant sur le maniement de la langue.

Mais le problème n’est pas là. Lorsqu’en 1906 Georges Cllémenceau est nommé ministre de l’intérieur, il déclare qu’il sera le « premier flic de France », et cette formule a eu l’heur de plaire à certains de ses successeurs, les plus proches de nous étant Pasqua, Sarkozy et Valls. Certains ont d’ailleurs ajouté qu’ils seraient toujours « derrière la police », c’est-à-dire qu’ils la défendrait toujours. Mais tout cela n’a aucun sens. Le ministre de l’intérieur est, juridiquement, le ministre de tutelle de la police, c’est-à-dire qu’il exerce sur elle son autorité, qu’il la contrôle. Il n’est ni un flic, fut-ce le premier d’entre d’eux, ni un soutien des flics, il est un politique qui doit la maintenir dans le respect de la loi et faire prévaloir l’intérêt public, pas celui de la police.

Mais peut-être ces nuances échappent-elles au ministre… et aux policiers.


barre

fleche10 juin 2020 : Liberté de l'information?

barre

J’ai discuté ce matin avec mon marchand de journaux (le nom  de sa profession est devenu un oxymore puisqu’il n’a pas de journaux à vendre en ce moment), et il m’a expliqué que tous les dépôt dépendant de la SAD (succursale de Presstalis, dont j’ai déjà parlé ici)  de Lyon ou de Marseille sont bloqués, ce que je savais déjà. Il a ajouté que les dépôts indépendants, qui continuent à diffuser la presse, ont été saccagés à Roanne, à Grenoble, à Nîmes, par des gens cagoulés. J’ai cherché sur Internet (puisque je ne peux plus acheter de journaux) et je n’ai pu vérifier qu’une seule de ces informations : cet incident s’est bien produit dans la nuit de vendredi à samedi dernier à Nîmes. Selon le gérant d’une société de distribution de presse (Log’Citanie), après une réunion de la CGT livre, 30 personnes ont forcé les portes de l’entrepôt et ont fait pour 200.000 euros de dégâts en marchandises et ordinateurs. Quoiqu’il en soit, cela fait plus d’un mois qu’il n’y a plus de journaux dans une grande partie de la France. Il paraît qu’il existe en France un ministre de la culture. On ne le voit guère, mais c’est je crois son travail, d’assurer que nous puissions lire les journaux. Il y a aussi un ministre de l’économie, un autre du travail. Et c’est leur job de régler les conflits sociaux, de faire que les kiosquiers ne ferment pas, faute de marchandise, que les problèmes de l’entreprise de distribution de la presse soient réglés. Mais il préfèrent ne rien faire et laisser les membres d’un syndicat bloquer le droit à l’information. Les forces politiques de gauche se taisent, avec leur lâcheté habituelle : surtout ne rien dire, ne rien faire, qui puisse être interprété comme une attaque contre les syndicats. Et les média ? Il y aurait une grève des transports, ou des distributeurs d’essence, on n’entendrait parler que de ça. La presse ? Ca n’a pas d’importance… Il y a des pays dans lesquels la presse est surveillée, saisie, interdite, des pays que nous dénonçons sans cesse. Chez nous, la presse est libre. Mais, sur la moitié du territoire, il n'y a pas de presse. C'est une atteinte à la liberté de l'information. Et cela dure depuis plus d’un mois.

barre

fleche2 juin 2020 : Obésité des mots

barre

Vous l'aurez peut-être déjà compris: je travaille en ce moment sur les discours des pouvoirs, qu'ils soient totalitaires ou démocrates. Et je voudrais vous faire profiter d'une lecture récente.

Le chirurgien hospitalier Stéphane Velut, dans un petit livre consacré à l’apparition d’une nouvelle forme de langage dans la gestion des hôpitaux (L’hôpital, une nouvelle industrie, la langage comme symptôme, Paris, Gallimard, collection « tracts », 2020), raconte que, légèrement assoupi dans une réunion de service, il sortit de sa torpeur lorsqu’un « jeune membre d’un cabinet de consulting » expliqua que «tout en restant dans une démarche d’excellence il fallait désormais transformer l’hôpital de stock en hôpital de flux ». En soupesant les termes de ce jargon, il comprend qu’il ne s’agit pas de « stock » d’ambulances ou de linge mais de « gens communément nommés malades ». Et il se rsouvient alors qu’il existe dans l’hôpital une « Dir’ Com’ », une direction de la communication, dont il est incapable de situer la date de création, que le langage a lentement changé, qu’on « déconnecte les mots de la chose », que « cette langue masque sous des termes tarabiscotés, constats, projets, décisions…, dont l’énonciation simple brutaliserait l’oreille.

Il a vu ainsi s’installer un « métalangage adoucisseur et embellisseur » caractérisé par une « obésité des mots », dont il donne quelques exemples : on ne parle plus de problème ou de thème mais de problématique, de thématique… Et il conclue :

« Tout cela relève de la même intention : remplacer les mots simples par des « éléments de langage » qui ornent, rassurent, ou les parent d’abstraction aux fins d’intimider. Orner, rassurer, intimider…fabriquer le consentement. Et soustraire au langage sa force expressive au profit d’un rôle anesthésiant assure de couper court à toute critique ».

Ces lignes, publiées en janvier 2020, après une longue grève des personnels hospitaliers et avant la crise à venir du coronavirus que Velut ne pouvait pas prévoir, prennent une force terrible. Pendant des mois ces personnels réclamaient plus de moyens, plus d’effectifs, plus de lits et des salaires décents, et un jeune consultant du « Leader mondial du consulting » venait conseiller une « optimisation des pratiques » en réponse à l’absence de lits, le passage d’un « hôpital de stock à un hôpital de flux », un « beau projet » selon lui. « Beau projet » impliquant une réduction de la DMS (Durée moyenne de séjour ) et donc la limitation du « stock » de gens, l’accélération de leur « flux », le consultant  montrant  fièrement le plan de ce que Velut appelle un « hôpital-aéroport ».

 

Haut de page

Mai 2020

  

barre

fleche30 mai 2020 : Les morts qu'on oublie

barre

Est-ce la situation sanitaire dans laquelle nous sommes ? J’ai l’impression que les morts de gens connus se succèdent, que ce soit ou non à cause du Covid19 : le journaliste Jean Daniel, les chanteurs Cristophe et Idir, l’acteur Michel Piccoli, l’auteur Jean-Loup Dabadie, l’acteur et humoriste Guy Bedos… Nous sommes tous touchés par l’une ou l’autre de ces disparitions. Pour ma part j’adorais Bedos. La dernière fois que nous nous sommes vus, c’était à l’enterrement de Georges Moustaki, mais j’ai heureusement des souvenirs plus drôles de lui.

Tous les média ont parlé de ces disparitions, articles élogieux, émissions émouvantes. Sauf d’une. Le 22 mai partait Albert Memmi, âgé de 99 ans, et l’on n’a n’en guère entendu parler. Pourtant cet homme était un monument. Juif tunisien dont la première langue était le judéo-arabe, issu d’une famille plus que modeste, ayant pu accéder au système scolaire francophone, il avait suivi des études de philosophie pour devenir enseignant (à Tunis d’abord puis en France) et écrivain. Il faut lire La statue de sel, le Portrait du colonisé (que Sartre avait préfacé), le Portait d’un juif et d’autres encore de ses écrits. Mais il avait aussi la plume d’un observateur, d’un mémorialiste. Dans son livre Tunis an 1 (CNRS éditions 2017), écrit en en 1955, il avait des notations savoureuses. Par exemple :

« Les Siciliens ici sont loquaces et ont la parole rapide. Les Tunisiens, également loquaces, mais ont la parole lente. Pourquoi ?

-C’est que, dit Io, ils parlent plusieurs langues, et se croient obligés, à propos de chacune d’elles, de donner toutes les expressions de toutes les langues qu’ils connaissent. Alors, pourquoi se presser ?

Autre explication : ils hésitent entre toutes ces langues et perdent leur temps, au lieu de s’en tenir à une »

Ou encore : « Taxe (il y a quelques jours) sur les couvre-chefs « à l’exception de fez et des chéchias » précise le décret. En somme dirigé exactement contre les seuls Européens ».

Bref, cela pour dire simplement qu’il y a des morts qu’on célèbre et d’autres qu’on oublie, et non des moindres.

barre

fleche29 mai 2020 : sourat kourouna

barre
سورة كورونا

Sourat kourouna, , qui en arabe, signifie « Sourate Corona »,  et qui bien sûr n’existe pas,  est le titre d’un texte qu’une jeune tunisienne a largement diffusé sur les réseaux sociaux tunisiens. En voici la traduction :

 " Covid ! Le virus exterminant ! Ils s'étonnent qu'il leur soit parvenu de la Chinelointaine ! Ceux qui n'y croient point disent que c'est une maladie tenace ! Oh que non ; c'est bien la mort certaine ! Point de différence aujourd'huientre rois et esclaves ! Point de salut en dehors de la science ; au diable les traditions ! Ne sortez plus pour acheter la semoule ! Restez chez vous carc'est une dure épreuve ! Et lavez-vous bien les mains au savon ! Le Grand Gilo dit vrai !"

Il s’agit d’une imitation du style coranique qui, vous pouvez en juger vous-même, n’a rien d’hérétique, ne fait d’ailleurs aucune référence à la religion. Pourtant Emna Chargui est poursuivie pour offense au Coran. Il semble que personne n’ait porté plainte et c’est donc l’état tunisien qui la poursuit de son propre chef.

Et puisque nous sommes en Tunisie. A Kairouan, une des villes saintes de l’Islam, il est impossible d’acheter des boissonsalcoolisées. Quelques jeunes gens ont trouvé une parade : ils ont confectionné un mélange d’alcool à 90° et d’eau de Cologne, et s’en sont régalés. L’alcool tue lentement, disent les médecins, et certains répondent "on s'en fout, on n'est pas pressé". Ces jeunes-gens sont morts très vite.

barre

fleche28 mai 2020 :  Raison et déraison

barre

Les postures de Didier Raoult ne cesserons pas de nous étonner. Vendredi dernier, la revue médicale The Lancet publiait une étude selon laquelle non seulement la chloroquine était inefficace contre le Covid19 mais encore qu’elle pouvait dans certains cas être dangereuse. Réaction de Raoult : « c’est une étude foireuse ». Puis, mardi, le ministre de la santé, Olivier Véran, après avoir consulté le Haut conseil de la santé public, a recommandé de suspendre les prescriptions de ce traitement. Le soir-même, interrogé par David Pujadas sur la chaîne LCI, Raoult a eu une réaction intéressante. Traitant d’abord le ministre comme un gamin :

"Je ne commente jamais ce que disent les gens, d'abord je ne veux pas être désagréable. Et en plus il a l'âge d'être mon fils ! Donc j'ai beaucoup d'indulgence pour lui. Je trouve qu'il est dans une situation complexe, si on m'avait proposé le même métier je ne l'aurais pas fait ! Il joue son rôle, moi je joue le mien." 

Puis avançant un argument stupéfiant :

"Vous voulez voir ce que c'est que la crédibilité ? Vous ne pouvez pas comprendre ce que je dis... Les gens pensent comme moi, vous voulez faire un sondage entre Véran et moi ? Faites les sondages, moi je les ai !"

Il aurait voulu se décridibiliser définitivement qu’il n’aurait pas fait mieux. Avançant d’abord un argument d’autorité fondé sur l’âge : « il a l’âge d’être mon fils » ! L’évaluation d’un traitement n’étant pas mon métier, j’ai cependant « beaucoup d’indulgence » pour Raoult qui, ayant dix ans de moins que moi, « a l’âge d’être mon » petit frère. Puis passant à un autre argument, encore plus stupéfiant : « Les gens pensent comme moi », ou « faites un sondage » ! Comme si, pour régler une controverse scientifique, il fallait demander « aux gens » leur avis ! Comme si la crédibilité scientifique pouvait se démontrer par référendum ! Vous imaginez : « Pensez-vous que la terre est plate ? » Ou encore : « Pensez-vous que le carré de l’hypoténuse soit égal à la somme des carrés des deux autres côté ? » La raison scientifique mise en concurrence avec l’opinion ! Délire paranoïaque ?  Ego surdimensionné ? Abus du pastis ? Je ne sais quelle défense proposer pour absoudre celui qui a l’âge d’être mon petit frère. Mais l’image de la science qu’il donne est désolante. En voulant jouer l’opinion contre la raison, on risque parfois de tomber du côté de la déraison…

 

barre

fleche26 mai 2020 :  Logique et politique linguistique

barre

Aujourd’hui un petit problème de logique, ou plus précisément de logique en politique linguistique. Permettez-moi tout d’abord de vous ramener loin en arrière, à l’époque où Dieu, outragé par la prétention des hommes voulant construire un tour s’élevant jusqu’aux cieux, sema ce que la Bible appelle la « confusion » des langues :

 « Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots. Comme ils étaient partis de l’orient, ils trouvèrent une plaine au pays de Shinar, et ils y habitèrent. Ils se dirent l’un à l’autre : Allons ! faisons des briques, et cuisons-les au feu. Et la brique leur servit de pierre, et le bitume leur servit de ciment. Ils dirent encore : Allons ! bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche au ciel, et faisons-nous un nom, afin que nous ne soyons pas dispersés sur la face de toute la terre. L’Éternel descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes. Et l’Éternel dit : Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même langue, et c’est là ce qu’ils ont entrepris ; maintenant rien ne les empêcherait de faire tout ce qu’ils auraient projeté. Allons ! descendons, et là confondons leur langage, afin qu’ils n’entendent plus la langue, les uns des autres. Et l’Éternel les dispersa loin de là sur la face de toute la terre et leur donna tous un langage différent ; et ils cessèrent de bâtir la ville. C’est pourquoi on l’appela du nom de Babel, car c’est là que l’Éternel confondit le langage de toute la terre, et c’est de là que l’Éternel les dispersa sur la face de toute la terre » (Genèse, 11, 1-9)

Il s’agit donc bien d’une politique linguistique, d’une intervention autoritaire sur une situation linguistique, consistant ici à passer du monolinguisme à un plurilinguisme, avec l’idée que, ne parlant plus la même langues, les gens ne pouvaient plus avoir d’entreprise commune. Dieu était bien sûr tout puissant : il est difficile d’imaginer aujourd’hui un régime politique dans lequel un dictateur sèmerait la « confusion des langues »  parmi ses opposants afin qu’il ne puissent plus se comprendre et donc s’opposer. Ou que le professeur Raoult sème la confusion des langues parmi tous les chercheurs en médecine du monde afin ne nul ne puisse le contredire…

 Il se trouve que nous approchons de la Pentecôte, que les Chrétiens fêtent le septième dimanche après Pâques. Quel rapport, me direz-vous ? Un rapport très simple et très direct.  La Pentecôte est en effet pour l’Eglise le point de départ de sa conquête du monde. Or on lit dans les Actes des apôtres 2, 1-4) que ce jour-là, en l’an 33, alors qu’étaient réunis des disciples et les apôtres du Christ, le Saint-Esprit lors donna le « don des langues » pour qu’ils puissent aller prêcher en différents pays : ils « furent tous remplis d’esprit saint et se mirent à parler en différentes langues ». Il est vrai qu’on imagine mal une entreprise envoyant partout dans le monde des VRP vendre ses produits alors qu’ils ne parlent pas la langue de leurs clients potentiels.

Donc, et c’est là où nous arrivons à mon problème de logique, Dieu, lors de l’épisode de Babel, ne s’est-il pas tiré une balle dans le pied, commettant à Babel une erreur qu’il a dû réparer à la Pentecôte ?  Et ne me dîtes pas que ce n’est pas Dieu mais le Saint-Esprit qui a donné  le don des langues, ô hérétiques : vous n’ignorez pas que selon la trinité Dieu est seul en trois personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

La seule chose positive, dans cette histoire, est que Dieu a su reconnaître son erreur et a redressé la barre : si tous ceux qui font de la politique linguistique (ou de la politique tout court) pouvaient aujourd'hui avoir la même clairvoyance….


barre

fleche22 mai 2020 :  Je vais me faire injurier...

barre

Oui, je vais me faire injurier, mais je crois qu’il faut parfois ouvrir sa gueule.

Depuis une dizaine de jours il est impossible de trouver dans 6.500  kiosques français le moindre quotidien, le moindre hebdomadaire. Pourquoi ? Parce qu’il y a une grève, bien sûr. Pourquoi une grève ? Parce que le diffuseur Presstalis (c’est, depuis 2009 le nouveau nom des NMPP, les nouvelles messageries de la presse parisienne) a été mis en redressement judiciaire. Pourquoi ? Là les choses deviennent plus compliquées. Lorsqu’après la dernière guerre sont créées les NMPP, le parti communiste était très puissant, on évitait de le braquer, et entre le PCF et la CGT il n’y avait pas la place pour une feuille de papier à cigarette. Le syndicat CGT du livre impose donc des conditions draconiennes. En gros les salariés étaient obligés d’être syndiqués à la CGT, ce qui était une évidente atteinte à la liberté de l’employeur, puisque c’était le syndicat qui décidait à sa place du recrutement. Les NMPP sont ainsi devenues un bastion de la CGT, un symbole de la puissance de de syndicat, qui fixait jusqu’aux salaires. Et les salaires, parlons-en. Le mois dernier, les salaires et primes des ouvriers de l’entreprise allaient de 4.200 à 5.000 euros et pour l’encadrement (au taux particulièrement élevé) ils allaient de 5.700 à 7.100 euros. Le coût salarial d’un employé de Presstalis est plus du double de celui d’une autre entreprise du même genre pour un temps de travail deux fois moindre.

Or, depuis 1947, année où la loi Bichet était votée pour faciliter la distribution de la presse quotidienne politique sur tout le territoire, le nombre de journaux n’a cessé de baisser : 203 quotidiens dont 28 nationaux à l’époque, dont il n’en restait pas grand-chose en 2018, leurs ventes baissant en outre sans cesse.  Depuis 47 ans (1973, année de la création de Libération), France soir et La Tribune ont disparu, la seule création a été celle de L’opinion, résolument à droite, mais les quotidiens gratuits profitent des facilités de distribution accordées par la loi. En revanche les magazines proliférent (la France est le pays qui en a le plus), leur tirage est énorme,  et les gains venant de leur distribution compensèrent les pertes venant de celle des quotidiens, ce qui ne convenait pas spécialement aux éditeurs de magazines.

Or, à partir de 1990, les MLP (messageries lyonnaises de presse), qui ne distribuaient jusqu’ici que des mensuels ou des bimestriels, se posèrent en concurrent des NMPP-Presstalis. Leurs prix étaient plus bas (ainsi que les salaires des employés), les grèves y étaient plus rares. Bref, des nombreux magazines (comme Marianne, Le Point ou… Charlie Hebdo) passèrent aux MLP. Ajoutez à cela la concurrence d’Internet : la presse est en mauvais forme, le nombre de journaux à distribuer baisse, mais pas les conditions de travail des employés de Presstalis. En fait, l’entreprise ne survit que grâce à l’aide de l’état : 35 millions d’euros en 2012, 90 millions en 2018. Elle a été mise en liquidation judiciaire  le 15 mai dernier, avec poursuite d’activité, et l’état a remis la main à la poche : deux fois 35 millions supplémentaires. Un open bar financier ! Ce qui n’empêche pas l’entreprise de licencier : sur 1000 employés, elle n’en garderait que 265.

De leur côté, le nombre de marchands de journaux baisse lui aussi : 40.000 en 1980, 23.000 en 2018, et la chute continue au rythme d’environ 1.000 par an. Tout cela pour dire que le paysage de la presse est en constante transformation, que la situation des quotidiens politiques et des revendeurs est fragile, et que la grève en cours s’apparente à un coup de couteau dans le dos. « On ne fait pas la grève par plaisir » me dit une amie qui est toujours prête à chevaucher toutes les chimères « sociales » pour peu qu’elles lui paraissent « d’extrême gauche ». Mais que demande la CGT ? Il est difficile de la savoir vraiment puisque cette même CGT nous empêche de lire les journaux, et que les média audiovisuels ne parlent de guère de cette grève (sans doute parce qu’elle ne touche pas la région parisienne). Mais ce qui est clair, c’est que l’histoire des NMPP-Presstalis est une énorme gabegie et que le rôle de la CGT dans cette histoire n’est pas négligeable….

barre

fleche21 mai 2020 :  Le syndrome Trump atteint le Brésil

barre

Une épidémie, si l’on en juge sur son sens grec (« sur le peuple ») ne désigne pas nécessairement une maladie mais peut renvoyer à tout ce qui se répand largement. Ainsi, de façon imagée, nous pourrions parler d’épidémie à propos de la mode, des religions, des divorces qui dit-on vont se multiplier après ces semaines de confinement, d’un feuilleton à succès, etc. Et si, étymologiquement, l’épidémie passe de peuple en peuples elle passe aussi, parfois, d’un individu à l’autre voire d’un dirigeant à l’autre.

Nous allons donc parler de l’épidémie du trumpisme, que nous voyons se répandre depuis quelques semaines face au coronavirus. Ses symptômes sont connus : d’abord nier l’existence du virus, puis dire qu’il s’agit d’une vague grippe qui va très vite disparaître, s’opposer aux mesures de précaution conseillées, ne pas porter de masque, serrer ostensiblement les mains des autres, puis encourager les citoyens à protester contre les mesures de confinement décidées par certains gouverneurs, passer ensuite à  la proposition de thérapies farfelues et dangereuses (s’injecter du désinfectant !) et enfin annoncer que l’on prend de la chloroquine.  Je n’invente rien, le brillant président américain est passé par toutes ces phases, vous en avez sûrement le souvenir. Je propose donc de baptiser tout cela le syndrome Trump.

Or, et c’est là où nous sommes face à une forme particulière d’épidémie, un autre brillant président, celui du Brésil, a présenté successivement tous ces symptômes, avec quelques jours ou quelques semaines de décalage. Bolsonaro a fait et dit exactement ce qu’a fait et dit Trump. Déni, ironie, serrages de mains, encouragement à ceux qui protestent contre le confinement, etc. , avant d’en venir lui aussi à la chloroquine.  Et les résultats sont les mêmes : une augmentation exponentielle des décès. Bolsonaro, cependant, ajoute un symptôme de plus à cette liste, que les spécialistes n’avaient pas détecté chez Trump, une touche sociologique. Il vient en effet de déclarer : « les gens de droite prennent de la chloroquine ». Il aurait pu être plus précis, dire par exemple que « les gens d’extrême droite prennent de la chloroquine », mais il a fait un bel effort. De toute façon, à ma connaissance, aucune étude scientifique n’a démontré cette affirmation (même si, en France, les hommes politiques qui ont pris publiquement la défense de la chloroquine…)

Mais face à ce syndrome Trump, la recherche scientifique ne se mobilise guère. Les laboratoires se battent pour être le premier à trouver un vaccin contre le coronavirus (et à en retirer bien sûr les bénéfices financiers), en revanche personne ne cherche un vaccin contre le syndrome Trump. Peut-être est-ce plus compliqué qu'on ne le croit.

barre

fleche18 mai 2020 :  Rembobinage

barre

Remontons un peu le cours du temps, comme on rembobine un film. Pendant de longues semaines j’ai commenté ici de façon plus ou moins humoristique les évènements que nous vivions. Sans doute vous en souvenez-vous : Macron, dans son discours du 16 mars avait répété six fois « nous sommes en guerre » et dès le lendemain les ministres et autres affidés répétaient, de bouche en bouche, lce même mot. Puis le paradigme s’est mis à produire. On a parlé ensuite de bataille contre le virus, de le vaincre, on a présenté les éboueurs comme les soldats du quotidien, les infirmières  et les infirmiers sont devenus des héros, en première ligne  contre un ennemi invisible. Puis cette contagion  belliciste s’est élargie : on a utilisé le terme  réservistes pour désigner les membres du corps médical retraités (médecins, infirmiers) qui revenaient aider leurs collègues. J’ai rappelé à ce moment que la réserve désignait dans l’armée les militaires que l’on garde disponibles à l’arrière, qu’on parlait aussi d’officiers de réserve, ceux qui ne sont pas destinés à servir sous les drapeaux, sauf en cas de besoin : Le corps médical était ainsi militarisé et la métaphore guerrière était filée continûment.

Et je m’étais même risqué, en riant, à une prédiction, écrivant le 4 avril: « Peut-être va-t-on créer une nouvelle décoration, qu’on pourra décerner aux héros de cette guerre, l’ordre du corona ». Et bien voilà, c’est fait, ou presque. A la mi-mai la porte-parole du gouvernement et des bêtises, Sibeth Ndiaye,  annonce que l’on va réactiver une « médaille de l’engagement face aux épidémies », que le premier janvier 2021 la promotion de l’ordre national du mérite et de la Légion d’honneur comprendra « une part importante de personnes ayant contribué à la lutte contre le virus à tous » et que le 14 juillet sera « une occasion supplémentaire de manifester l’hommage et la reconnaissance de la nation à tous ceux qui se sont engagés dans la lutte contre le Covid 19".   

La boucle métaphorique est ainsi bouclée, le paradigme guerrier s’est emballé  et l’on décorera les combattants. Jusqu’au jour, peut-être, où l’on célébrera le soignant inconnu. Mais on ne nous dit pas si et quand on les augmentera. Quoiqu’il en soit, il est intéressant de voir comment le discours du pouvoir se diffuse, s'étend, se ramifie et nous envahit.

barre

fleche16 mai 2020 : Couvrez ces vagins que je ne saurais voir

barre

Antoine Pol ( 1888-1971) était un étrange personnage : ingénieur des arts et métiers, capitaine d’artillerie pendant la grande guerre, directeur d’entreprise, il a également publié plusieurs recueils de poésie dont le premier, Emotions poétiques, date de 1918.  Georges Brassens, qui avait été expulsé de Sète par ses parents en 1939 après un scandale de vol de bijoux auquel il avait été mêlé, se trouve à Paris, chez sa tante, et il achète un jour aux puces cet ouvrage dans lequel un texte, « Les passantes », retient son attention. Il tentera plusieurs fois de la mettre en musique mais il mettra près de trente ans à trouver la mélodie qui lui convenait. Lorsqu’il décide de l’enregistrer, il cherche à contacter l’auteur pour lui demander son accord: les deux se trouvent mais ne se verront jamais : Pol meurt en juin 1971 et Brassens crée Les Passantes  en Bobino en 1972. Ironie du sort (ou caractéristique des multiples facettes de vieux Georges) elle coexistera sur disque avec Fernande (« que je pense à Fernande, je bande, je bande… »)

Pourquoi cet exposé historique ? Parce que circule depuis plusieurs mois sur Internet (plusieurs fois supprimée selon ma fille qui me l’a signalée), une mise en image de cette chanson par la photographe et réalisatrice Charlotte Abramow. Pourquoi aurait-on tenté d’en empêcher la diffusion ? Bonne question. Vous vous souvenez de Tartuffe : « Couvrez ce sein que je ne saurais voir… » ? Et bien nous sommes ici dans une autre tartufferie : Couvrez ces vagins, ces corps, ces règles que nous ne saurions voir…

Pour écouter et voir :  https://vimeo.com/260090111

barre

fleche13 mai 2020 : Erreur réparée

barre

Il y avait un problème avec le lien que j'ai donné hier.

Maintenant, ça marche.

barre

fleche12 mai 2020 : Changement de genre

barre

Bon, je vais arrêter cette quotidienneté d’un pseudo journal de confinement qui risque de devenir répétitif, pour reprendre un rythme plus serein. Aujourd’hui, un « spectacle » qui n’a rien à voir avec notre quotidien déconfiné.

Il y a un an, presque jour pour jour, j’avais fait un rapide aller-retour à Tunis (rapide parce que je restais au pied de ma compagne très malade) pour ce qu’on appelle là-bas une « soirée radamanesque ». Vous y trouverez une conférence de votre serviteur, et surtout une alternance de poèmes et de chansons, en français ou en arabe (en particulier les chansons sont le plus souvent des chansons françaises traduites en arabe). Petit guide de lecture : vous verrez parfois projetée sur le fond de la scène une photo : il s’agit du vieux port de ma ville natale, Bizerte, que les organisateurs avaient tenu à mettre pour me faire plaisir, ou pour ajouter une petite note de nostalgie à la soirée. Voici le lien :


    https://www.facebook.com/IFTunisie/videos/vb.159195794173874/

 

barre

fleche11 mai 2020 : Déconfinement J1  "Le monde d'après"

barre

Voilà, nous y sommes : premier jour de déconfinement. Une chose me frappe. La France est divisée en deux, rouge ou verte, nous pouvons nous déplacer dans un cercle de 100 kilomètres autour de notre domicile, nous déplacer  sans limite dans notre département, et pour ce qui concerne l’accès aux plages, les maires décideront avec l’accord du préfet. Bref, dans tout cela, c’est le mille feuilles administratif jacobin qui sort vainqueur du confinement : la municipalité, le département, la région, l’état. Ceux qui réclamaient plus de libertés locales se retournent vers l’état de crainte d’être rendus responsables d’éventuels problèmes : on veut bien d’autonomie mais pas de responsabilités. Et, surtout, tout le monde compte sur l’état pour nous protéger, nous garantir une sécurité médicale, nous donner un aide financière pour tout ou presque, chômage partiel, charges sociales, déficits, pertes, refinancement…  Ceux qui critiquaient l’état, voulait moins d’état, les partisans d’un libéralisme  débridé, se retournent filialement vers un paternalisme d’état dont ils perçoivent soudain l’intérêt.

Mais on peut prévoir un autre vague à venir. « Quoi qu’il en soit », avait dit Macron, et de fait la France a dépensé des milliards en s’endettant. Bientôt, sans doute, certains diront, « des milliards, y’en a, la preuve… », et réclameront qu’on en dépense encore, quitte à s’endetter un peu plus. Sera-ce cela, le monde d’après ? Un retour au monde d’avant avant avant ?

barre

fleche9 mai 2020 : Déconfinement J-2  "Le jour d'après"

barre

J’ai reçu hier, à  15h58 , un mail intitulé « le 8 mai RTTT ? ». Et j’ai répondu à Sébastien (oui, l’impatient s’appelle Sébastien) « non, pas en RTTT, en retard ». C’est drôle comme, dans ce confinement, nous nous sommes habitués à des petites choses régulières  (sortir pour acheter la presse, faire quelques courses, lire nos mails ou le billet de Calvet, travailler, sortir pour marcher, écouter la radio…) pour rythmer nos journées, ne pas avoir l’impression de ne rien faire.

Qu’est-ce que le déconfinement va changer à tout cela ? Sans doute pas grand-chose et j’ai peut-être eu tort de passer du compte des jours de confinement à un décompte, celui des jours qui nous reste avant de déconfinement (oh que ces répétitions de confinement et déconfinement sont lourdes !). Aujourd’hui, J-2, donc. Avez-vous remarqué que se multiplient des interventions, des questions sur le « jour d’après » ?  Le monde sera-t-il différent ? Meilleur ? Allons-nous changer ? Vont-ils changer ? Les média qui se sont mis bricoler des journaux sans que les journalistes se rencontrent, des émissions de télé avec des invités à distance, vont-ils revenir à leurs pratiques anciennes ? Ou leurs patrons vont-ils se dire qu’après tout il est possible de travailler à moindre coût ?

Je ne lis pas l’avenir dans le marc de café et suis donc incapable de répondre à ces questions.

Il en est une autre qui m’amuse. Une fois la parenthèse refermée, que nous serons dans le « monde d’après », quels souvenirs aurons-nous de celui d’avant ? Saurons-nous qui étaient Carlos Ghosn, Benjamin Griveaux, Agnès Buzyn et quelques autres ?

Il en est cependant qui aimeraient bien revenir au monde d’avant, repartir de là où nous nous sommes arrêtés : les candidats aux élections municipales. Car vous vous en souvenez sans doute, nous avons voté le 15 mars. Les maires qui ont obtenu la majorité au premier tour n’ont pas de problème, mais les autres ?  Certains souhaitent conserver les résultats du premier tour, parce qu’ils étaient bien placés. D’autres se disent que si l’on repart à zéro, ils auront peut-être plus de chance que le 15 mars. Tous calculent, font sans doute faire des sondages. Si le gouvernement décide de ne faire qu’un deuxième tour, cela devrait signifier que les listes de candidats seront les mêmes. En revanche, si nous refaisons tout, les listes pourraient changer. Et puisque j’ai parlé de Buzyn et de Griveaux, qui mènera la liste de la République en marche à PAris? Agnès Buzyn le restera-t-elle malgré sa déculottée ? Sera-t-elle remplacée et par qui ? Cédric Villani sera-t-il toujours en liste ? Nul doute que ces questions pèseront fortement sur la décision la décision que devra prendre le gouvernement. Et nous voyez que nous sommes déjà de nouveau dans le monde ancien.

barre

fleche8 mai 2020 : Déconfinement J-3  Appel au peuple

barre

La région dans laquelle je vis étant, sur la carte dressée par les médecins et les politiques qui prennent soin de nous, verte (je ne vois pas d’ailleurs comment elle pourrait être rouge, à l’aune des résultats électoraux qui mettent ici en tête la droite dure ou l’extrême droite, mais cela est une autre histoire), nous serons d’ici trois jours déconfinés, ce qui vaut toujours mieux que d’être des cons finis (je sais, c’est facile). Mais, en lisant avec attention les consignes qui nous viennent d’en haut, on peut se demander ce que cela ne va pas réellement changer. Certaines écoles vont rouvrir, mais il y a longtemps que je ne vais plus à l’école, du moins à celle-ci, certains commerces vont rouvrir, certes, mais il y aura sans doute beaucoup de monde et il faudra sans cesse observer si nous observons les gestes barrières, nous porterons un masque plus souvent qu’aujourd’hui, bref nous serons en liberté surveillée.

Ah oui, pourtant, il y aura les coiffeurs. En me regardant dans la glace, je me dis qu’il était temps. Puis que, finalement, les cheveux très longs ce n’est pas mal non plus. Puis que, vu tout ce qu’il y a à enlever, la barbier aura un geste de recul. Non, il a dû fermer plusieurs semaines et a besoin de gagner sa vie. Mais il lui faudra bricoler diverses protections et en profitera pour faire monter les prix. Bref, je me disais que, peut-être, je n’irai pas chez le Figaro, le pommadier, le merlan, le pommardin, selon l’argot que vous utilisez, et puis j’ai eu deux idées. Deux idées alternatives. Le premier était de type individualiste : lui demander un devis avant de m’asseoir dans son fauteuil, pour éviter une mauvaise surprise au moment de la douloureuse. La seconde, plutôt collective : y aller à plusieurs et demander un prix de gros. Alors je lance un appel au peuple. Si vous êtes géolocalisés (encore un mot que nous allons entendre souvent) près de chez moi, allons-y ensemble. Je me charge du marchandage, la partie tunisienne de ma vie a fait de moi un expert en la matière.

barre

fleche7 mai 2020 : Confinement J 52  Interprétation, adoption, diffusion

barre

Gestes barrières, distanciation sociale, chloroquine, nous en avons appris des mots et des expressions en quelques semaines. Après le confinement est venu le déconfinement et voici que, sur le mode « si vous n’êtes pas sages vous retournerez au piquet », certains nous menacent de reconfinement (que, comme déconfinement d’ailleurs, mon correcteur orthographique refuse).

Ce qui me frappe le plus, dans cette inflation néologique, c’est qu’il s’agit d’un vocabulaire encratique comme disait Barthes, un discours qui se développe à l’ombre du pouvoir ou qui est créé par le pouvoir. Face à lui, nous sommes en situation d’infériorité. Le vieux schéma de la communication, auquel se raccrochent encore certains linguistes, avec un émetteur et un récepteur ayant un code en commun et grâce à lui encodant d’un côté, décodant de l’autre, des messages, ne fonctionne pas ou montre ses limites. L’émetteur et le récepteur ne sont pas à égalité. Le discours encratique parle de charges sociales et nous n’avons pas beaucoup de pouvoir pour dire qu’il s’agit en fait de cotisations sociales. Il parle de plan social  alors qu’il s’agit de mettre des travailleurs au chômage. Comme si l’adjectif sociale sert de beurre sémantique pour adoucir le piment de la réalité. Naguère ce même discours parlait des évènements d’Algérie, alors qu’il s’agissait d’une guerre. Parfois nous hésitons à comprendre, nous nous interrogeons puis nous interprétons, comme pour distanciation sociale (« Ah oui ! Distance physique »). Et le signe à deux faces indissociables de Saussure prend du plomb dans l’aile. Le signifiant n’est pas consubstantiel au signifié, la construction du sens est un fait social. Nous interprétons, donc, en fonction du contexte, et parfois nous adoptons, nous répétons, nous diffusons ce discours.

J’ai cité Roland Barthes plus haut. En juillet 1942, alors qu’il était au sanatorium de Saint-Hilaire du Touvet, il  écrivait dans une lettre  à son ami Philippe Rebeyrol qu’il avait été élu au bureau de l’associations des étudiants « pratiquement sans avoir fait de campagne » et à une large majorité, expliquant que ses « actions avait monté ». S’il s’était relu plus tard et avait analysé ses lettres, peut-être  aurait-il vu dans ce vocabulaire une forme d’adhésion au système capitaliste (« mes actions »…). Et l’on pense à des expressions courantes comme capital soleil, capital vie, capital temps… Tiens, pour finir, une citation de Kafka qui va m’épargner une longue analyse : « Les parents qui attendent de la reconnaissance de leurs enfants sont comme ces usuriers qui risquent volontiers le capital pour toucher les intérêts ».

barre

fleche5 mai 2020 : Confinement J 50  Paternité, maternité....

barre

 

Ce qui suit n’a pas rien à voir avec la situation sanitaire actuelle, le confinement ou le déconfinement, mais avec une chose qui m’énerve beaucoup ces temps-ci.

Commençons par une petite histoire  que m’a racontée Georges Moustaki. Un jour Barbara lui rend visite, dans son appartement de l’Ile Saint Louis et, en marchant de long en large elle voit, sur le piano,  le texte d’une chanson, La ligne droite. Elle s’assied, pianote et se met à improviser une musique. Georges en a déjà composée une mais n’ose pas l’interrompre sur le moment et la laisse terminer. Il lui explique alors la vérité, et elle : « Ce n’est pas grave, nous chanterons chacun la nôtre, nous les enchaînerons ». Cet enchaînement, qui figure en 1972 sur deux 33 tours, l’un chez Philips pour Barbara et l’autre chez Polydor pour Moustaki, est intéressant à plus d’un titre. On y trouve bien sûr les ajustements habituels, lorsqu’une chanson est interprétée par un homme et une femme : « mes habits ont parfois des traces de poussière » devient « tes habits », ou encore « et toi mon bel amour dis-moi s’il y a des hommes » devient «Oh moi mon cher amour bien sûr j’ai eu des hommes », etc. Mais Barbara va s’approprier le texte, le plier à la loi de sa voix, de sa façon de composer et de chanter. Elle qui adore étirer les syllabes va parfois briser la structure des alexandrins, les raccourcir pour pouvoir tenir la note. Les modifications sont parfois plus profondes, touchant à la sémantique du texte : « Mais comment s’avouer toutes nos défaites » devient « Mais comment s’avouer nos superbes défaites », et « L’angoisse qui nous tient l’angoisse qui nous guette » est transformé en « nos doutes répétés nos angoisses secrètes » ou encore « Je sais que tu seras au bout de mes voyages » devient « un jour tu seras au bout de mes voyages ». Elle va même jusqu’à supprimer des vers entiers,  «nous avons  le temps mais pourquoi est-ce si long »,     « A l’aube de mes nuits blanches et solitaires »,   « Et les silences obstinés du téléphone », « et s’accroche à chaque pensée, à chaque geste », transformant des quatrains en tercets, ou encore elle répète au milieu de la chanson, comme s’il s’agissait d’un refrain, les quatre premiers vers. Le résultat est une véritable leçon de chose, une juxtaposition de deux variantes, l’une qui est, d’évidence, une chanson de Moustaki (texte carré, structure rigoureuse) et l’autre qui est tout aussi évidemment une chanson de Barbara (texte plus fluide, structure déconstruite). Et ce traitement contrasté d’un même texte de départ permet de comparer deux styles, constitue un résumé de deux univers poétiques et vocaux qui se répondent et dialoguent. Et c’est beau. Si vous trouvez l’un de ces deux disques, écoutez-le de toute urgence.

Vous vous demandez pourquoi je parle de ça ? Parce que Keren Ann et Etienne Daho ont récemment enregistré ce texte en duo. Le résultat ? Peu importe. Ce qui compte, c’est que la chanson passe très souvent en radio, présentée comme une titre de Keren Ann et Etienne Daho, et très rarement comme une chanson de Georges Moustaki interprétée par les susdits. J’ai même vu, en me promenant sur Internet, un site dont le titre a le don de m’énerver : Parole La ligne droite par Keren Ann.Paroles.net Lyrics. Je ne doute pas de l’honnêteté de K. Ann, je ne pense pas un instant qu’elle cherche à usurper la paternité (ou plutôt la maternité) d’une œuvre qui n’est pas d’elle. Mais il est dommage quand même  que les programmateurs de radio oublient, ou négligent, de signaler l’origine de ce petit chef d’œuvre. Je n'ose imaginer qu'ils l'ignorent.


barre

 fleche4 mai 2020 : Confinement J 49  Infox mode d'emploi

barre

J’ai reçu hier d’une amie qui la tenait de sa tante (oui, c’est vrai, je ne suis pas en train d’inventer un parcours) , une lettre de Madame de Sévigné à sa fille que vous trouverez ci-dessous . Mon amie est universitaire, littéraire et cultivée, et son mail avait pour titre « lecture troublante ». En effet :

Lettre de Mme de Sévigné à sa fille. 
Jeudi 30 avril 1687
« Surtout , ma chère enfant, ne  venez point à Paris! Plus personne ne sort de peur de voir ce fléau s’abattre sur nous, il se propage comme un feu de bois sec. Le roi et Mazarin nous confinent tous dans nos appartements. Monsieur Vatel, qui reçoit ses charges de marée, pourvoit à nos repas qu’il nous fait livrer.
Cela m’attriste, je me réjouissais d’assister aux prochaines représentations d’une comédie de Monsieur Corneille « Le Menteur » dont on dit le plus grand bien. Nous nous ennuyons un peu et je ne peux plus vous narrer les dernières intrigues à la cour, ni les dernières tenues à la mode.
Heureusement, je vois discrètement ma chère amie, Marie Madeleine de La Fayette, nous nous régalons avec les fables de Monsieur de La Fontaine, dont celle, très à propos, « Les animaux malades de la peste »! « Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés ».
Je vous envoie deux drôles de masques; c’est la grande mode. Tout le monde en porte à Versailles. C ‘est un joli air de propreté, qui empêche de se contaminer.
Je vous embrasse, ma bonne , ainsi que Pauline.

Cela sentait le faux à plein nez. Les masques et le verbe confiner  puaient la recherche d’un parallélisme entre « la peste » de 1687 et le virus d’aujourd’hui. Bref, je n’y croyais guère. Par acquit de conscience je me suis plongé dans les trois tomes (dans l’encyclopédie de la Pléiade) des lettres de Madame de Sévigné. D’une part il n’y a pas de lettre du 30 avril 1687 et d’autre part, selon l’index fort bien fait, Vatel n’y est cité que trois fois (j’y reviendrai) et jamais comme dans la lettre. En tirant sur un fil on déroule parfois toute une bobine (et on comprend comment on se fait embobiner). Ainsi Mazarin est mort en 1661 et on voit mal comment il aurait pu prendre une décision en 1687. En outre il n’y a jamais eu de peste à Paris en 1687, et Le Menteur de Corneille a été présenté en 1644. Bref, la lecture était bien « troublante », mais comme disait l’autre, quand il y a un flou c’est qu’il y a un loup.

Il en résulte qu’il faut toujours vérifier ses sources. Le faussaire auteur de cette lettre, mu plus par la malice que par la malveillance, est sans doute cent fois, mille fois, plus cultivé que la moyenne des utilisateurs des réseaux sociaux. Mais des milliers d’infox, ou de fake news, comme vous voudrez, circulent tous les jours, et des millions de gens y croient dur comme fer. D’où une première conclusion : quand va-t-on créer dans les collèges et lycées une formation sur l’utilisation d’Internet, sur la vérification des sources? Dans la lettre est citée une fable de La Fontaine, Les animaux malade de la peste et il faudrait peut-être nous préoccuper des internautes victimes d’une lecture trop leste, ou des naïfs qui prennent une veste…

Mais je vais finir par Vatel, dont tout le monde ou presque connaît la fin. Chargé de l’intendance chez le « grand Condé », il avait organisé pour lui une grande fête et, se sentant deshonoré parce que la « marée » (la livraison de poissons et de fruits de mer) n’était pas arrivée à temps, il se suicida. Or, sans une lettre de Mme de Sévigné racontant cette histoire, personne ne connaîtrait aujourd’hui Vatel. Ainsi certaines lettres sont-elles plus informatives que les tweets, les révélations, les murs facebook d’aujourd’hui…


barre

 fleche3 mai 2020 : Confinement J 48

barre

Comme tous les dimanches dorénavant,  je suis en RTTT (réduction du temps de travail textuel).

barre

 fleche2 mai 2020 : Confinement J 47  Pour fêter le 1er mai

barre

Pour fêter le premier mai (avec un jour de retard) ce voyage dans l’histoire, à travers des tracts, des affiches, des styles différents  et une chansons  https://www.lesauterhin.eu/ 

 

barre

 fleche1er mai 2020 : Confinement J 46  Fréquence et information

barre

 Je travaille depuis des mois sur les discours totalitaires, les uns imaginaires (la newspeak de George Orwell dans 1984), les autres réels (La langue du III° Reich décrite par Victor Klemperer ou le khmer des Khmers rouges) et je m’intéresse à la fréquence lexicale et à ce qu’elle peut nous apprendre. Je vous passe les travaux de Claude Shannon (1916-2001), ingénieur dans les laboratoires Bell et qui avait collaboré pendant la seconde guerre mondiale avec les services secrets militaires américains pour tenter de « casser » les codes secrets des ennemis, ou la loi de George Zipf (1902-1950), qui avait travaillé sur la fréquence des mots  dans Ulysse de James Joyce, vous pouvez aller lire tout cela si ça vous intéresse. Pour ma part, je travaille à partir de l’idée que l’information est une fonction inverse de la fréquence, ce qui revient à dire plus simplement que plus un élément est fréquent et moins il apporte d’information.

Prenons deux exemples. Le 17 février 1993 Michel Rocard lançait dans un meeting  qu’il faudrait un « big bang politique » (formule que lui avait soufflée le linguiste Pierre Encrevé, qui fut membre de son cabinet à Matignon). Et le 21 février 2000 Jacques Chirac, interrogé à la télévision sur des accusions concernant le financement occulte du RPR, réplique que ces accusations sont « abracadabrantesques » , terme qui lui aurait été soufflé par Dominique de Villepin (et emprunté soit à Arthur Rimbaud soit à Théophile Gautier). Mais peu importe l’origine de ces formules. Ce qui compte en effet c’est qu’elles marquèrent parce qu’elles étaient inattendues, jusque- là inexistantes dans le discours politique. Rocard pensait à une recomposition regroupant les socialistes, des centristes, des écologistes et des communistes, et Chirac cherchait un mot-couverture pour couvrir pudiquement un mensonge. Mais, dans les deux cas, les mots firent « tilt » parce qu’ils étaient rares. C’est-à-dire que l’information qu’ils portaient était forte parce que leur fréquence était quasi nulle.

Venons-en à aujourd’hui. Nous sommes environnés depuis quelques semaines par des unités lexicales récurrentes, comme gestes barrières, distanciation sociale, confinement ou déconfinement, le monde d’après, des expressions forgées par des spécialistes (le plus souvent autoproclamés) en communication dont la première apparition a fait du sens (qu’est-ce que ça veut dire ?), que l’on a assez vite comprises, acceptées,  et qui, par leur accumulation, ne veulent plus dire grand-chose : elles sont désormais dans notre paysage lexical, ainsi que le mot chloroquine qui ne vient pas, lui, du champ politique. Encore une fois l’unité rare apportait beaucoup d’information, une information qui diminuait au fur et à mesure que sa fréquence augmentait. Mais, en même temps, tout le monde, médecins, journalistes, politiques, commerçants, politiques, vous et moi, tout le monde répète dorénavant sans cesse ces mots, ces expressions. Nous employons quotidiennement des formes dont nous ignorions l’existence il y a quelques semaines encore. Ce qui semble signifier que le discours du pouvoir, la langue de bois, les éléments de communication, bref appelez-ça comme vous voudrez, que tout cela imprègne nos cerveaux dans un double mouvement : leur fréquence s’accroît et ils ont de moins en moins de sens.

 Mais mon hypothèse selon laquelle l’information est une fonction inverse de la fréquence n’est pas toujours vraie : elle ne fonctionne pas lorsque le message est porteur du code, lorsque l’on cherche à reconstruire un code à travers des messages. Tous les enfants savent que, face à un message secret dans lequel les lettres sont remplacées par des chiffres, il faut chercher le chiffre qui revient le plus souvent. La lettre la plus fréquente en français étant le E, suivie en ordre décroissant par le A, le I, le S, etc., on peut alors considérer que le chiffre le plus fréquent correspond au E, le deuxième au A, puis au I, au S, etc. Dans ce cas, donc, le message (secret) est porteur du code. Tel chiffre représente telle lettre, et nous pouvons au sens propre du terme déchiffrer le code et à travers lui le message. Ce qui nous mène à une nouvelle question : que nous apprennent les messages sur ceux qui les émettent ? Disons qu’ils sont une forme de signature, mais une signature de quoi ou de qui? Nous en resterons là pour aujourd’hui : c’est le premier mai et nous ne sommes pas supposés faire travailler nos cellules grises.

 

Haut de page

Avril 2020


barre

 fleche30 avril 2020 : Confinement J 45  De l'importance de la phonétique articulatoire dans la luttre contre le virus

barre

Vous savez peut-être que certains chanteurs ont des problèmes avec leurs consonnes, en particulier les occlusives (qu’on appelle aussi des plosives), dont la prononciation implique un blocage puis une ouverture. Ainsi les occlusives de Gilbert Bécaud étaient si fortes qu’elles faisaient un bruit désagréable et qu’il avait dû apprendre à se tenir loin du micro. Et, dans les studios, on met souvent un filtre entre le micro et la bouche de l’artiste, pour éviter que l’explosion de ses occlusives ne s’entendent sur l’enregistrement. Pour votre gouverne, sachez que les consonnes occlusives du français sont p, t, k, b, d, et g. Mais vous vous demandez sans doute où je veux en venir.

J’ai reçu hier un document intitulé « information coronavirus 2019 n-Cov » portant en haut et à gauche un drapeau tricolore avec en blanc la tête de Marianne et la mention « République Française ». Il s’agit bien sûr d’un faux, mais pas d’un faux malveillant, comme souvent, d’un faux amusant et presque scientifique. J’ai demandé à l’amie qui me l’a envoyé d’où il venait, elle ne savait pas, et je ne puis donc pas citer l’auteur du texte que je vais vous résumer, en considérant qu’il a sauté dans mes mails comme une puce…

Vous savez, on nous le dit sans cesse, que le coronavirus se propage surtout par des goutteletes, des postillons, lorsque quelqu’un tousse, éternue ou parle face à vous. La solution préconisée pour éviter cette propagation est, nous dit-on, le port d’un masque. Mais le document en question, qui dit s’appuyer sur des recommandations de l’Académie française, suggère autre chose : un plan sur quatre semaine de rééducation phonétique.

Semaine 1 Supprimez les occlusives P et B et remplacez-les par M. Conséquence : près de soixante-dix mour cent des mostillons sont éliminés, et en mlus, on meut constater qu’ainsi la diction gagne meaucoup en soumlesse.

Semaine 2 Remplacez les occlusives D et T par N. C’est un meu mlus nifficile, il faunra un cernain nemps mours s’y haminuer, mais une semaine nevrait suffire.

Semaine 3 Remplacez K et G par GN.  Nous omnierons alors un langnage meaugnoup mlus ségnurisé, gni nevrait mermennre ne rénuire la « nisnance marrière » à gnanre-vingt -nouze  cennimènre.

Semaine 4 Enfin, vous éliminerez les fricatives F, V, S, Z et les chuintantes J et CH et les remplacerez par R. C’est certes un meu nernigne, mais nous omniennrons alors une nignnions n’une rluininé ramais égnalée, gni rera la  rierné  nes mays rrangnorones.

Et le texte se termine, comme il se doit, par : Rire la Rémmumligne ! Rire la Rrance !

Voilà donc de quoi faire taire ceux qui doutent encore de l’utilité des sciences humaines en général, de celle des sciences du langage en particulier et plus particulièrement encore de celle la phonétique articulatoire. Qu’on se le dise !


barre

 fleche29 avril 2020 : Confinement J 44 Fang Fang 

barre

J’ai déjà fait allusion ici à Xavier Garnier, directeur français du centre éducatif Freinet de Hangzou, qui travaille en Chine depuis près de 20 ans  et se trouve actuellement confiné en France. Il tiens sur un blog une sorte de journal de confinement (https://shawei.blog4ever.com/) dont je tire, avec son accord, l’extrait suivant. Une bonne introduction à l’approche interculturelle pour ce qui concerne le rapports des citoyens à leur gouvernement.

« L'écrivaine Fang Fang, qui a remporté le prix littéraire chinois Lu Xun en 2010, est au cœur d'une polémique sur les réseaux sociaux chinois. Elle a publié de façon tout à fait officielle un blog sur son confinement à Wuhan décrivant de façon réaliste ce qui s'est passé dans l'épicentre de ce qui n'était alors qu'une épidémie. Alors qu'elle prévoit une publication de ce blog dans plusieurs langues étrangères, l'anglais, l'allemand et le français (il sortira le 9 septembre chez Stock sous le titre Wuhan, ville close), des internautes en colère l'accusent de faire le jeu de l'Occident qui en profitera pour critiquer la Chine. C'est en effet du pain béni pour les médias occidentaux qui vont pouvoir polémiquer sur la polémique. Mais l'auteure de 64 ans s'en défend dans une réponse publiée sur le site internet du magazine Caixin : « Pourquoi on ne sortirait pas ce livre ? Juste parce que certains risquent de nous utiliser ? (...) Si les gens lisent vraiment mon journal, ils découvriront toutes les mesures efficaces que la Chine a prises contre l'épidémie ». Par ailleurs, elle prévoit de reverser tous ses royalties aux familles des soignants décédés.

Fang Fang n'a fait que relayer les dysfonctionnements des autorités locales qui ont été sanctionnées par le gouvernement central. Si on ne peut éviter malheureusement les dérives sur les réseaux sociaux, qu'ils soient chinois ou occidentaux, force est de constater qu'il en va de l'image de la Chine à l'étranger. Les Chinois se soucient fortement de cette image, c'est une question de face qu'il ne faut pas perdre. Lorsque la France donne une mauvaise image d'elle-même dans le monde cela semble toucher moins les Français qui n'épargnent jamais leur gouvernement quoiqu'il fasse. On touche ici une profonde différence culturelle dans le rapport de l'individu à l'Etat. On voit mal des milliers d'internautes français prendre la défense de leur gouvernement contre un de leur compatriote qui critiquerait ce dernier. Cela dit, les Français peuvent aussi de façon inconsciente ou non exprimée tenir rigueur à leur compatriote qui serait à leurs yeux trop proche du système politique chinois ».

 

barre

 fleche28 avril 2020 : Confinement J 43 Intouchables  

barre

Gestes barrières. L’expression est désormais connue de tous. Eternuer ou tousser dans son coude, pas de poignées de main, plus de bises. C’est deux dernières interdictions peuvent être vue de deux façons : je ne dois pas toucher les autres, les autres ne doivent pas me toucher. Ce qui signifie que nous sommes tous devenus des « intoucheurs », si je peux me permettre ce néologisme,  et des  intouchables, des burakamin ou des dalit.

Les burakamin sont au Japon (j’aimerais pouvoir écrire étaient, mais tout ce dont je vais parler existe toujours, au Japon comme en Inde) des gens mis à l’écart de la société, vivant dans  des sortes de ghettos (disons qu’ils sont relégués dans certains quartiers), et qui le plus souvent ne peuvent travailler que dans des professions concernant le sang ou la mort (croque-mort par exemple). Il en résulte qu’ils sont très nombreux chez les yakuzas (les mafias japonaises) et trouvent parfois des emplois inattendus : on les a beaucoup utilisés lors des évènements de Fukushima. Et, à ma connaissance, il n’existe pas de mot français pour les désigner.

Il en va différemment des dalits, que nous appelons les intouchables. On distingue traditionnellement en Inde quatre castes : les brahmanes (prêtres, lettrés, enseignants…), les kshatriyas (princes, guerriers), les vaishyas (artisans, paysans…) et les shudras (serviteurs). Les dalits (les intouchables, ce mot apparaît en français avec ce sens à la fin du 16ème siècle) sont des hors-castes, qui ne peuvent avoir que des métiers « impurs ». Ils vivent en dehors des villages, n’ont pas le droit d’utiliser les mêmes puits que les autres villageois, doivent rester debout dans les transports en commun et, surtout, on ne doit pas les toucher ni même entrer en contact avec leur ombre, sous peine de devenir impur.

Ici, une petite parenthèse ironique qui ne devrait pas plaire aux écologistes. La pollution est, en Inde, l’une des plus importantes du monde. Et lorsque le ciel est toujours gris, brouillé par les diverses émissions polluantes, personne n’a d’ombre puisqu’on ne voit pas le soleil. Je vous laisse imaginer combien d’Indiens sont devenus impurs parce qu’ils sont passés sans le savoir dans l’ombre invisible d’un intouchable... La pollution est donc une bonne chose, elle protège les intouchables…

Bref, revenons à nos gestes barrières. Ils font peut-être de nous des intouchables, mais il ne faut pas trop nous plaindre. La mesure est, espérons-le, temporaire, alors les burakamin comme les dalits le sont héréditairement. Et puis nous avons, nous aussi, nos intouchables. Souvenez-vous de Touche pas à la femme blanche (film de Marco Ferreri, 1974), du mouvement Touche pas à mon pote, d’Intouchables (film d’Olivier Nakache et Eric Toledano, 2011). Et que dire des réfugiés qui s'entassent dans divers camps, sur les rives de la Méditerranée?

barre

 fleche27 avril 2020 : Confinement J 42  Intuitions

barre

Bon, je sais, vous en avez marre de Trump, mais je ne peux pas y résister . Vous avez tous entendu sa dernière trouvaille, bien sûr. Pour vaincre le virus il faudrait s’envoyer des tonnes d’ultra-violets sur la peau et puis s’injecter du désinfectant dans les poumons. Vous auriez vu la tête de la pauvre dame, médecin de la maison blanche apparemment, vers laquelle il se tournait, semblant quêter du regard une approbation. Quand on en arrive à une telle imbécillité (la prochaine fois, c’est sûr, il va nous dire que l’homéopathie nous sauvera du virus) on se demande si l’on ne rêve pas. Mais non, il a bien dit ça. Avec toujours la même stylistique : « je ne suis pas médecin mais je cogite et j’ai l’intuition que… ». Devant le danger constitué par ces déclarations stupides (imaginez que des Américains crédules se mettent à avaler des verres d’eau de javel), de nombreux médecins ont protesté et Trump a finalement déclaré qu’il avait tenu des propos sarcastiques.  Des propos sarcastiques ! Cela doit faire plaisir à ses électeurs qu’on tienne des propos sarcastiques face à un virus qui les menace tous. Et bien ils ne réagissent pas, et c’est le problème : sa popularité ne baisse guère. En fait le problème est plus vaste. Le président de la première (pour l’instant) puissance du monde est un imbécile qui fait et dit n’importe quoi. Il « cogite » tellement qu’il se fait rouler dans la farine par le dictateur de la Corée du Nord, il fait n’importe quoi en Iran, il envoie à la boucherie les Kurdes, ses alliés d’hier, il coupe les crédits à l’OMC, le chômage et la pauvreté montent… et son fonds de commerce, son électorat, lui reste fidèle. Certes, on a les hommes politiques qu’on mérite, ce qui signifierait que près de la moitié des Américains est constituée d’imbéciles.

Certains disent qu’après la fin de cette pandémie nous devrons construire un « monde nouveau ». Encore une intuition ? Ce monde nouveau pourrait bien baigner dans un populisme envahissant avec à sa tête une belle trinité : Bolsonaro, Orban et Trump (étant incapable d’établir une hiérarchie, je les classe par ordre alphabétique). A un niveau inférieur, nous entendons ça et là d’autres belles bêtises. En Italie Salvini semble réduit au silence, mais en France le clan Le Pen est toujours là, ou encore, à Barcelone, la porte-parole de l’exécutif régional déclare que « dans une Catalogne indépendante il n’y aurait pas eu autant de morts ». Je ne sais pas si elle est médecin, mais, comme Trump, elle doit cogiter et avoir des intuitions. Remarquez, l’intuition n’est pas nécessairement à jeter à la poubelle (tenez, allez lire la conférence d’Henri Bergson le 10 avril  1911 au Congrès de philosophie de Bologne sur  l’intuition philosophique). Mais, chez Trump et consorts,  il semblerait qu’il s’agisse plutôt d’hallucinations… Bon, pour vous changer les idées, je vous propose d’ écouter ça, j’ai l’intuition que ça va vous plaire: https://youtu.be/BFOJtRFlY-8


barre

 fleche26 avril 2020 : Confinement J 41

barre

Comme tous les dimanches dorénavant,  je suis en RTTT (réduction du temps de travail textuel).

barre

 fleche25avril 2020 : Confinement J 40 Un peu de poésie

barre

Le 31 mars, je décrivais les affichettes d’un philosophe autoproclamé qui avaient été apposées sur les panneaux électoraux. Depuis lors, la pluie les a décollées, elles traînent désormais sur le sol (mais que fait la voirie ?) Mais entre temps une autre affichette a été placardée, de même format mais sans doute d’une autre main. Une danseuse esquissée, et dont le tutu est fait de pétales. Je vous la joins, pour mettre un peu de poésie dans ces temps moroses



barre

 fleche24 avril 2020 : Confinement J 39  Hypothèses

barre

Dans quelques temps, des mois ou des années, les spécialistes de tous genres, sociologues, épidémiologues, historiens, toutologues, anthropologues, économistes, bobologues, linguistes, confinologues, psychologues, detoutetderienlogues, écologues et écologistes et j’en passe, se pencheront sur la période que nous vivons. L’appelleront-ils Le grand confinement, Les semaines ou les mois virus, je n’en sais rien. Ils publieront des articles ou des livres, Les Français et la crise, Etude comportamentale de confinés, Injonctions paradoxales et résilience, Approche linguistique du discours de l’état, Le virus et les divorces, Le virus et les naissances , Virus et publicité médicale, Chloroquine et nicotine: guerre des charlatans ? Mémoires d’un mélenchoniste aux temps du confinement, La chauve-souris et le pangolin : analyse comparative de la responsabilité animale, Scientifiques et gourous,  Les représentations sociales face au virus,  Analyse marxiste de la pandémie, Analyse freudienne de la pandémie, Approche historique de la recherche médicale en temps de crise, Chloroquine et nique ta mère, Virus, virage et embouteillage : le comportement des automobilistes lors du déconfinement, Pâques, Pessah, Ramadan : pandémie et désertion des lieux de culte, etc. etc.

Il ne s'agit bien sûr que d'hypothèses, et vous pouvez imaginer d'autres directions de recherches ou d'autres genres de publications. Mais ce qui est sûr, c’est que certains d’entre eux élaboreront des typologies plus larges des comportements, décriront les grands pôles, les grandes tendances, en tireront des courbes, des représentations infographiques. Ma petite expérience dans mon petit coin de France me permet-elle d’en esquisser les contours ? Pourquoi pas. Il y aura sans doute des cas emblématiques ou exemplaires. Ceux qui, dans leur environnement immédiat, se préoccupent soudain de leurs voisins, faisant les courses pour les vieux ou passant le voir pour discuter un peu avec eux, ou s’en foutant. Ceux qui détournent ou volent des masques, ou font le commerce de faux masques . Ceux qui se refusent à suivre les consignes de précaution et n’en portent jamais. Ceux qui en superposent trois ou quatre sur leurs narines et leurs babines. Ceux qui dévalisent les rayons de pâtes, de riz, d’huile, font des provisions pour six mois ou un an. Ceux qui, tricheurs aisés, quittent malgré les interdictions les grandes villes pour se réfugier dans leur résidence secondaire (appelons-les des connards) et ceux qui envoient à la police des lettres courageusement anonymes pour les dénoncer (appelons-les des salopards), ceux qui sur Internet organisent à des prix faramineux la vente de faux médicaments, etc. etc.

 Mes souvenirs de la deuxième guerre mondiale sont minces, je l’ai vécue dans mon berceau, puis dans ma poussette, et je n’en sais guère que ce que mes parents et mes grands-parents m’en ont dit. Il m’en reste la description de comportement également typiques. Les dénonciateurs de Juifs et ceux qui les cachaient, le marché noir, la résistance (celle, très minoritaire, qui débuta dès le début et celle, plus fréquente, des dernières semaines de la guerre), la fuite vers le Sud de la France, les collabos purs et durs et ceux qui aquiesçaient ou critiquaient dans leur for intérieur, le trafic des tickets de rationnement… Mais comparaison n’est pas raison et toute ressemblance entre ceci et cela ne pourrait être que fortuite…

barre

 fleche23 avril 2020 : Confinement J 38  Choisis ton opium, ou un mal pour un bien?

barre

Je vous parlais le 19 avril de ce  colloque de l’INSERM sur la communication cellulaire, au cours duquel, face à des biologistes chevronnés, un anthropologue, un sociologue et un linguiste essayaient timidement de dégager quelques pistes. Mais aucun d’entre nous n’avaient songé à la nicotine.

Voici donc qu’une nouvelle piste se profile. Elle part d’abord d’une constatation empirique. Des chercheurs chinois ont constaté que les fumeurs étaient moins représentés chez les malades du Covid-19 que dans l’ensemble de la population. En France aussi on a constaté que dans un groupe de près de 500 personnes testés positifs il y avait environ 5% de fumeurs alors qu’il y a plus de 25% de fumeurs dans le pays. Et à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, une étude est menée sur ce point, autour du neurobiologiste Jean-Pierre Changeux. L’hypothèse est que la nicotine se fixe sur le récepteur cellulaire qu’utilise le coronavirus pour y pénétrer. Un sorte de parapluie, d’imperméable, ou de verrou de sécurité.

Bonne nouvelle pour les fumeurs ? Oui et non. Il fut d’abord attendre le résultat de travaux plus poussés. En outre, ce n’est pas le tabac qui serait ici le principe actif, mais la nicotine. Et enfin, tout le monde le sait, la tabac tue lentement (on s’en fout, on n’est pas pressés pourrait-on répondre).

Tout de même, nous pourrions nous trouver à nouveau face à une belle injonction paradoxale : ne fumez pas, le tabac tue, mais les fumeurs seraient protégés du coronavirus. Et nous voilà devant un problème ontologique : mourir un jour ou l’autre d’un cancer du fumeur ou mourir peut-être du Covid-19 ? Un mal pour un bien, un bien pour un mal ?

N’insistez pas, on ne vous propose pas de choisir entre vivre ou mourir. Dieu, malgré sa grande miséricorde, ne nous laisse aucune porte de sortie. Comme chantait Colette Magny : « Choisis ton opium, Dieu est subtil mais pas malicieux ».

barre

 fleche22 avril 2020 : Confinement J 37  Histoire de rire

barre

Oui, il faut bien rire de temps en temps.

J’ai un ami (Philippe-Michel) dont la cousine a une collègue qui emploie une femme de ménage marocaine. Laquelle femme de ménage marocaine a elle-même une amie, toujours marocaine, qui travaille comme femme de ménage chez Sibeth Ndiaye,  porte-parole du gouvernement. C’est ainsi que mon ami a obtenu une information fiable. Sibeth Ndiaye a envoyé à Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, une proposition pour faciliter la rentrée scolaire le 11 mai (vous aurez compris que la deuxième femme de ménage marocaine a tendance à fouiller dans les poubelles, et qu’elle a lu la brouillon de cette proposition). Proposition d’ailleurs brillante : faire venir les élèves à l’école les jours pair et les enseignants les jours impairs.

Et puis, toujours pour rire, l’ histoire d’un couple dans lequel la femme dit au mari (mais vous pouvez à votre gré remplacer femme par mari, ou dire que le mari dit à son mari, ou que la femme dit à sa femme, ceci à seule fin de ne pas être accusé d’homophobie): « J’ai une mauvaise nouvelle pour toi ». « Oui », réplique le mari, attentif. « A la fin du confinement, je te quitte ». L’autre attend quelques secondes, puis réplique : « Et la mauvaise nouvelle ? ».

barre

 fleche21 avril 2020 : Confinement J 36  Trump dément

barre

Trump entre dans la résistance. Ses tweets sont clairs : « Libérez le Michigan », « Libérez le Minnesota », « Libérez la Virginie », ou encore « Sauvez le deuxième amendement ». Vous l’imaginez lançant un FLM (front de libération du Michigan), un FLV, etc. ? Se laissant pousser la barbe, un gros cigare de Havane entre les dents ? Lisant Guevara pour mieux comprendre la théorie du « foco » ? Et appelant dans ses tweets à faire « un, deux, plusieurs Vietnam » ? Un Vietnam au Michigan, un autre en Virginie, un troisième au Minnesota…

En fait il appelle les habitants des états susdits à ne pas respecter les consignes de confinement décidées par leurs gouverneurs. Un appel à la désobéissance civile, en quelque sorte, sur le modèle de Gandhi, ou de Martin Luther Ling ? Pas vraiment puisque Gandhi et King étaient pacifistes, alors qu’en appelant à sauver le deuxième amendement, celui qui garantit le droit constitutionnel de porter des armes, Trump semblerait plutôt prôner la lutte armée. Et d’ailleurs nous avons vu hier des manifestants armés défilant pour protester contre le confinement. En bref, Trump reste Trump.

Mais vous vous demandez peut-être, en retournant à mon titre, ce qu’il a démenti. Ignorants! Ne vous êtes donc pas dit que dément n’était pas ici un verbe, mais un adjectif…

barre

 fleche20 avril 2020 : Confinement J 35  Virus, communication, code

barre

Les choses qui vous remontent subitement du passé, ces souvenirs qui n’avaient aucune raison de disparaître et qui pourtant étaient planqués quelque part, sont  souvent inexplicables… Pour le souvenir dont je vais parler, il était planqué dans le coin de ma bibliothèque où se trouve ce que j’ai écrit, livres, articles… En cherchant le tiré à part d’un article dont je n’ai pas de version numérique, je tombe sur un livre au titre étrange, Communication cellulaire et pathologie, les actes d’un colloque de l’INSERM qui s’était tenu en décembre 1986. Et soudain, je me souviens. Un jour, un ami biologiste, Claude Kordon, spécialiste de neuroendoctrinologie et des systèmes immunitaires, m’avait expliqué qu’il préparait un colloque sur la communication cellulaire et qu’il voulait y associer quelques spécialistes de sciences humaines. Le thème qu’il m’avait proposé était en gros le suivant : comment le virus pénètre-t-il la cellule ? Son hypothèse était que le virus faisait croire aux cellules qu’il « parlait leur langage », qu’il émettait un « mime de message » pour pouvoir les pénétrer, comme un code secret que l’on casse. Je ne sais pas ce qu’il avait raconté aux deux autres (le sociologue Alain Touraine et l’ethnologue Dan Sperber), mais nous nous sommes tous trois trouvés au milieu d’une trentaine de biologiste de haut niveau et, bien sûr, je ne comprenais pas grand-chose à leurs exposés.

Touraine avait parlé de la place de la communication dans la société, expliquant que selon lui les sociétés contemporaines étaient devenues des sociétés de non communication mais d’expression, que chacun interprétait à sa manière ce qu’émettaient les mass media. Pour Sperber le concept de communication était devenu flou, flasque, et il fallait imaginer  des concepts plus abstraits,  se débarasser de cete notion usée de communication. Pour ma part j’avais essayé d’interroger deux mouvements parallèles mais de sens inverse, celui des biologistes cherchant des modèles dans les sciences humaines, et celui des sciences humaines  cherchant des modèles formels du côté des sciences exacte.

Je ne sais pas ce que nos collègues biologistes ont bien pu tirer de nos interventions. Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui, s’ils se posent toujours la question que Claude Kordon me posait (comment le virus fait-il croire à la cellule qu’ils ont un code commun, ou plutôt comment lui fait-il croire qu’il possède la clef de son code?), ils iraient plutôt chercher du côté des hackeurs, ceux qui savent contourner les systèmes de protection électroniques.

Ce colloque se tenait il y a 34 ans, j’avais acheté l’année précédente mon premier Macintosh, qui n’avait même pas de disque dur, il fallait à l’époque y introduire une disquette système pour pouvoir l’utiliser, il n’y avait ni virus informatique, ni hackeur, ni phishing et, dans ce domaine, les choses ont bien changé.  Ont-elles changé du côté des virus biologiques ? Je n’en sais rien, mais cette petite histoire, celle d’un linguiste, d’un sociologue et d’un ethnologue qui pouvaient croire, ou auxquels on laissait croire, qu’ils pouvaient apporter quelque chose à une réflexion sur la communication cellulaire, devrait nous pousser à l’humilité face à la pandémie que nous vivons aujourd’hui.

barre

 fleche19 avril 2020 : Confinement J 34  Christophe

barre

Aujourd’hui, exceptionnellement, pas de RTTT (réduction du temps de travail textuel). Il faut dire, comme on verra, que ce qui suit ne m’a pas beaucoup fatigué, et que je respecte quand même le jour du seigneur.

J’ai reçu hier un mail collectif d’un ami, Gilles, médecin anesthésiste qui a organisé sa vie en trois tiers. Un tiers de son temps il travaille en France, dans une clinique, le second tiers est consacré à Médecins sans frontière, le plus souvent sur des terrains de guerre, et pendant le troisième tiers il gravit la plupart des sommets du monde. Voici donc ce qu’il écrivait, en réaction à la mort du chanteur Christophe :

« 17 avril 2020: Christophe est parti ce matin pour les Paradis perdus… 17 avril 1975: Chute de Phnom Penh: les Khmers rouges entrent en ville. Le génocide commence. Quel rapport?

Avril 1984: Dang Rek, camp de réfugiés cambodgiens et vietnamiens, à la frontière Thaïlande - Cambodge. J’y bosse pour MSF. C’est l’anniversaire de la fondation du camp et les autorités politiques (et militaires) ont invité les volontaires des ONG qui y travaillent à un banquet. Je suis assis à côté de mon amie Catherine S, anglaise qui travaille pour Care. A  la fin du repas une chanteuse s’installe sur la scène de bambous, accompagnée d'un petit orchestre. Elle a une voix suraigüe et il me faut un moment pour réaliser qu’elle chante en Français… Et encore un peu de temps pour reconnaitre la chanson. Je me mets alors à accompagner la chanteuse… A la fin Catherine se tourne vers moi: « Tu as appris le Khmer en si peu de temps? Les chansons? Qu’est-ce que ça dit? ».  « Non… Non. C’est une chanson d’amour… Elle chante en Français, of course! »  Et j’ai crié, crié, Aline  pour qu’elle revienne. Et j’ai pleuré, pleuré, j’avais trop de peine... Catherine éclate de rire! Moi aussi ».

Autre réaction à la disparition de Christophe, celle de Xavier, un ancien de mes étudiants qui travaille depuis de longues années en Chine mais se trouve pour l’instant confiné en France, dans l’impossibilité de rejoindre son travail. Il s’agit d’un post sur son blog, dans lequel il parle de la chanson en général, de Christophe en particulier et (un peu trop) de moi. Mais il est toujours intéressant de voir comme opère la transmission entre enseignants et étudiants.

Et c’est à lire ici :

https://shawei.blog4ever.com/jour-32

 

barre

 fleche18 avril 2020 : Confinement J 33  Défilé de mode

barre

Pour commencer, deux petites choses. Tout d’abord, à propos de ce que j’écrivais hier sur la Chine. J’ai reçu de mes correspondants quelques informations amusantes ou intéressantes.  Le bruit d’un virus qui se serait échappé d’un laboratoire de Wuhan a également couru en février sur les réseaux sociaux chinois, mais la responsable du labo a « juré » sur sa vie » que ce n’était pas vrai. En revanche, sur les mêmes réseaux, a circulé une autre version. Il y aurait eu à Wuhan, en octobre, une compétition sportive militaire internationale, et cinq militaires américains auraient eu des symptômes tels qu’ils auraient été rapatriés aux EU par avion spécial. Le virus « serait donc venu de New York ». C’est ce qu’on appelle de la réciprocité dans la diffusion d’info ou d’intox, ou la réponse du berger à la bergère. Mais on me précise : « nous, on ne sait toujours pas d’où vient le virus ».

D’autre part, hier dans Libération, dans un article de Philippe Lançon consacre à la mort de Luis Sepulveda, cette phrase à encadrer : « Jair Bolsonaro survivra à Luis Sepulveda ; il est rassurant de penser qu’il ne survivra pas à ses lecteurs »

Venons-en donc à mon titre. Hier, sur le marché, même spectacle que la semaine dernière : barricades, chicanes, agents de médiation, gel hydro-alcoolique mais la queue était plus longue et plus lente. J’ai donc eu le temps d’observer mes congénères. Environ 10% d’entre eux, essentiellement des hommes, avaient le visage découvert. Les autres, des femmes, se protégeaient, de diverses façons. Certaines, rares, portaient un masque de type FFP2, le plus élaboré. D’autres, plus nombreuses, portaient un masque chirurgical, blanc ou verdâtre. Mais la majorité d’entre elles se couvraient le visage soit avec une écharpe soit avec un masque de fabrication artisanale, avec des morceaux de tissus découpés sans doute dans de vieux rideaux ou de vieilles nappes, dont les couleurs et les motifs variés mettaient d’ailleurs une certaine gaieté dans l’ensemble.

Mais, en portant le regard plus bas, vers les vêtements des masquées, on constatait une sorte de corrélation frappante. Les porteuses de FFP2 étaient sapées de façon assez chic, dans le genre grande bourgeoise. Le masque chirurgical était plutôt porté par des ressortissantes de la moyenne bourgeoise et les protections bricolées couronnaient des vêtements plus simples, voire négligés.  Un véritable défilé de mode, mais une mode tenant compte de la diversité sociale. Et bien sûr, je n’étais pas en mesure d’inclure dans mes facteurs le maquillage.  Bon, mes observations ne valent pas grand-chose, j’ai fait suffisamment d’enquêtes sociolinguistiques pour en être le premier convaincu. Mais tout de même, il ressortait de tout cela l’impression que, face au virus, nous ne sommes pas à égalité de façon générale, et plus particulièrement dans les masques que nous portons (ou ne portons pas). Que disait La Fontaine, déjà, dans Les animaux malades de la peste ? Ah oui :  « Selon que vous serez puissant ou misérable »…


barre

 fleche17 avril 2020 : Confinement J 32  Histoire de face

barre

La Chine est-elle en train de perdre la face ? Si le mot français  face remonte au latin, l’expression perdre la face  est pour sa part beaucoup plus récente. Savez-vous d’où elle vient ? C’est le révérent père Evariste Huc (1813-1860), missionnaire lazariste ayant séjourné au Tibet et en Chine de 1844 à 1846, qui l’a pour la première fois utilisée dans une ouvrage publié en 1850,  un ouvrage, Souvenirs d'un voyage dans la Tartarie et  Tibet  et la Chine. Et il utilisait là une forme chinoise, langue dans laquelle la face, mian zi (面 子) renvoie à toute une idéologie de l’honneur ou de l’humiliation. On doit garder la face mais aussi laisser une face à l’ennemi (comme le préconisait six siècles avant notre ère le général Sun Zi dans son Art de la guerre), on peut donner de la face à quelqu’un et, selon une formule fréquente, tout homme a une face comme tout arbre à une écorse. Bref, perdre la face, comme plus tard to loose face en anglais, sont des traduction du chinois. Mais revenons à aujourd’hui, et à ma question: la Chine est-elle en train de perdre la face ?

Le voile commence en effet à se lever sur certains mystères chinois. J’ai déjà signalé ici (voir mon billet du 30 mars) que le nombre d’urnes que les autorités de Wuhan commençaient à rendre aux familles dépassait très largement celui des morts déclarées. Et je me demandais s’il ne faudrait pas faire une analyse géopolitique de la déclaration des morts, la Chine insistant  beaucoup sur la façon dont elle a avait stoppé le virus, sur l’aide qu’elle apportait à d’autres pays, comme si les « nouvelles routes de la soie » allaient s’enrichir  d’une composante, épidémiologique celle-ci. Puis le 3 avril je citais quelques informations que j’avais reçues de Chine, selon lesquelles on disait que le pouvoir mentait depuis le mois de décembre, sur le nombre de morts ou sur le fait que ce virus ne serait pas contagieux, et que les réseaux sociaux ne parlaient que de ça.

Or voici que l’agence Associated Press publie mercredi dernier des informations  selon lesquelles la Chine, pendant la première quinzaine de janvier, a interdit aux autorités de Wuhan de parler de l’épidémie, laissant même se tenir un immense banquet auquel étaient invitées 40.000 familles, c’est-à-dire autour de 100.000 personnes. Voici la présentation, en anglais, de cette info : In the six days after top Chinese officials secretly determined they likely were facing a pandemic from a new coronavirus, the city of Wuhan at the epicenter of the disease hosted a mass banquet for tens of thousands of people; millions began traveling through for Lunar New Year celebrations. President Xi Jinping warned the public on the seventh day, Jan. 20. But by that time, more than 3,000 people had been infected during almost a week of public silence, according to internal documents obtained by The Associated Press .  

Hasard? Hier on rectifie à Wuhan le nombre de morts : on annonce 1.300 décès supplémentaires. Ce qui n’est pas grand-chose, étant donnée l’importance de la population chinoise. Intox ou info ? Aujourd’hui court le bruit que depuis deux ans l’ambassade US de Pékin avait signalé qu’un laboratoire du Wuhan, travaillant sur les chauves-souris et les virus, présentait des mesures de sécurité insuffisantes, et que le virus aurait pu s’échapper de ce labo. A prendre avec des pincettes, bien sûr, car ce scénario arrangerait bien les Etats Unis.

Mais il paraît clair que la Chine, après quelques semaines de mensonges et de balbutiement, a cru voir dans cette épidémie le moyen de se mettre en valeur, de se donner de la face : le pays qui a su juguler l’épidémie, le pays fraternel qui fournit (en fait, le plus souvent, qui vend) des masques à tout le monde, qui a des projets de coopération via les « nouvelles routes de la soie », etc. Son but était évidemment de mettre les Etats-Unis dans l’embarras et, peut-être, de prendre la première place.

La suite nous montrera si elle s’est donné de la face ou si elle la perdra.

barre

 fleche16 avril 2020 : Confinement J 31  Nouvelles nouvelles du monde

barre

Trump continue à… Non, j’allais écrire une phrase redondante. Il suffit de dire que Trump continue. Sa dernière trouvaille a été de suspendre la contribution US à l’Organisation Mondiale de la Santé, ce qui constitue à peu près 25% de son budget. Il est vrai que l’OMS a manifesté une grande complaisance face aux mensonges de Pékin aux débuts de l’épidémie, et qu’il y aura sans doute quelques comptes à régler plus tard, lorsque tout ce sera terminé. Mais Trump continue. Un peu irresponsable, un peu déserteur en rase campagne, il veut essentiellement faire plaisir à son électorat. Mais bon, plutôt que de donner des leçons de morale, rions un peu. Une conseillère du président américain a déclaré à la télévision, pour déconsidérer l’OMS, qu’avant le COVID19 il y en avait eu dix-huit, et que l’organisation aurait donc eu tout le temps de se préparer, d’étudier ce type de virus, de prévoir ou d’anticiper. Bon sang mais c’est bien sûr ! Qu’est-ce qu’elle a fait, l’OMS, pendant tout ce temps ? Il y a juste un petit problème : le 19 de COVID19 ne signifie pas qu’il s’agit de la dix-neuvième épidémie. Le 19 est là pour 2019, l’année d’apparition de ce virus. Mais allez expliquer cela aux électeurs de Trump…

Un autre qui continue, toujours sous la forme intransitive du verbe, c’est Bolsonaro. Pour lui, le COVID19 est une petite grippe, qui serait en train de disparaître. Il critique les états (le Brésil est fédéral) qui ont institué un confinement, suivant d’ailleurs en cela les conseils du ministre de la santé, menace de virer ledit ministre (il en aurait été empêché par le reste du gouvernement) et il semble en fait neutralisé par les neuf généraux qui siègent au gouvernement. Derrière le danger immédiat de multiplication du virus, il en est un autre : la neutralisation en interne de Bolsonaro, qu’on laisse parler, serrer des mains à tout va et, pourquoi pas, attraper le virus ou le transmettre, pourrait déboucher sur un situation politique pire encore. Et si ces généraux l’évinçaient et prenaient le pouvoir ?

Quoiqu’il en soit, ces deux présidents qui continuent (verbe toujours intransitif, mais vous pouvez vous amuser à lui ajouter des compléments) ont plusieurs choses en commun. Leur niveau intellectuel ou culturel, leur ego, peut-être leurs problèmes psychiques, leurs choix économiques plutôt que sanitaires… . Mais, surtout, ils ont tous deux le soutien des églises évangélistes. D’ailleurs Bolsonaro, encore lui, a déclaré que la meilleure façon de se débarasser de cette « petite grippe » était de jeûner et d’aller à l’église (évangéliste, bien sûr).

Et revoilà les religions. Tenez, pour finir, une information que je trouve dans le Canard enchaîné. Le soir de Pâques, en plein confinement et alors que les rassemblements étaient interdits, s’est tenue à Paris une messe dans l’église de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, depuis longtemps aux mains des catholiques intégristes. Une quarantaine de fidèles, une quinzaine d’officiants et, pour couronner le tout, les grandes orgues, qui ont réveillé le voisinage. Plainte à la police, qui débarque, disperse, et se contente de dresser une contravention au curé. Il y a quelques années, l’écrivain Michel Houellebecq avait fait scandale en disant que l’islam était la plus conne des religions. Il avait tort, bien sûr: Pourquoi vouloir ainsi instituer une hiérarchie dans la connerie ? Elles sont toutes connes.


barre

 fleche15 avril 2020 : Confinement J 30  Boite à outils

barre

Pour vous amuser, et amuser vos enfants, jouez avec les deux mots du mois, confinement et déconfinement. Le plus simple est de commencer par des mots qui commencent de la même façon (une sorte de scrabble). Vous partez par exemple de confi  et cherchez de nouveaux  mots en y ajoutant des lettres ou des syllabes. Je vous propose donc une sorte de boite à outils dans laquelle vous puiserez.

Pour confinement par exemple vous pouvez prendre confiant, confidence, confidentiel, confirmer, confiserie, confiseur, confisquer, confiture, confiteor, confit de canard ou encore confit en dévotion. Pour vous éclairer sur ce dernier point, je vous donne sa définition dans le Littré : « Être confit en dévotion, affecter des airs et des pratiques de sainteté. Une âme confite en amertume, en douleurs, personne éprouvée par de longues et fortes afflictions ». Ce qui vous permettra de proposer une dissertation sur le thème « en quoi cette définition peut-elle correspondre à la situation actuelle ? ».

Pour déconfinement, débrouillez-vous. Mais on peut espérer qu’il ne tourne pas en déconfiture.

 

barre

fleche14 avril 2020 : Confinement J 29  Les invisibles négocient-ils?

barre

Nous voilà donc repartis pour un mois. Hier soir, Macron a paru moins monarque (vous avez remarqué que monarc est l’anagramme de Macron ?), plus empathique, presque prêt à se réformer lui-même. Quelques minutes avant son intervention, un journaliste se demandait s’il allait présenter un « plan de bataille ». Encore cette métaphore guerrière ! Et le président en a remis une couche. Après la première ligne (les soignants), la deuxième ligne (agriculteurs, enseignants, éboueurs, journalistes, élus locaux… il vise large) il y a la troisième ligne, les confinés, nous. Et s’il n’a pas parlé d’ennemi invisible, comme le 16 mars, il a parlé de « virus invisible, imprévisible ».

Je ne sais pas si le pape écoute Macron, mais samedi soir   il a parlé  des « médecins, des infirmiers qui sont morts au front, (…) comme des soldats ». La métaphore circule…

Ce soir-là comme dimanche, lors de sa bénédiction urbi et orbi, « à la ville (c’est-à-dire Rome) et au monde », il parlait dans le vide, personne n’était là pour l’écouter. Ou plutôt, par le biais des caméras, des millions de personnes l’entendaient, mais des personnes invisibles. Ennemi ou virus invisible d’un côté, auditeurs invisibles de l’autre.

Cette invisibilité m’a fait penser  au film de Pierre Schoendoerffer, La 317ème section, sorti en 1965. L’histoire en était simple. Nous étions en mai 1954, la base française de Dien Bien Phu était en train de tomber, encerclé par le Vietminh. Une section formée d’un sous-lieutenant fraîchement sorti de Saint-Cyr (Jacques Perrin) , de quelques sous-officiers dont un adjudant  dur à cuire (Bruno Cremer) et de supplétifs laotiens tentait de parvenir à une localité située  à 150 kilomètres à travers la jungle.

La photographie de Raoul Coutard, en noir et blanc, était magnifique et, surtout, le parti-pris du réalisateur était que la camera, portée à l’épaule, ne montrait que ce qui était dans le champ de vision des membres de la section. Ainsi, l’ennemi était, le plus souvent, réellement invisible et le spectateur se trouvait dans la même situation que les combattants, le cherchant des yeux, le guettant, croyant l’apercevoir…  

Et je me souviens d’une étonnante métaphore, un des militaires expliquant que tout cela allait finir comme un œuf que l’on casse dans sa main, le jaune restant dans le creux de la paume et le blanc partant, dégoulinant entre les doigts. De fait, l’administration française allait bientôt partir, laissant les "Jaunes", et tout cela allait se terminer (momentanément puisque les Américains prendront la suite) deux mois plus tard, en juillet, par les accords de Genève et par la division du pays en deux, au nord et au sud du 17ème parallèle.

L’ennemi invisible était devenu bien visible, à la table de négociations. Mais  je ne vois pas comment l’ennemi, ou le virus, invisible évoqué par Macron viendrait venir s’asseoir à une table de négociation.

barre

 fleche13 avril 2020 : Confinement J 28 Humour douteux?

barre

C’était hier dimanche de Pâques. Pour moi le dimanche de Pâques est un dimanche comme tous les dimanches de l’année. Et le dimanche et un jour de la semaine comme les autres. C’était donc un dimanche banal et non pas pascal. Je m’étais mis en tête de faire du ménage. Mes fenêtres sont très souvent largement ouverte, c’est la saison du pollen, il y en a partout, bref je me suis mis à épousseter, nettoyer… Et en même temps je pensais au livre que je suis en train d’écrire. Disons que je faisais travailler mes méninges, ou que je me creusais les méninges. Et puis, soudain, une sorte de rencontre, comme souvent lorsqu’on pense dans le vague : méninges-ménage, remue-méninges, remue-ménage, méningite-ménagite… Et hop, mon ménage terminé je me suis jeté sur mon ordinateur pour écrire vite fait une blague en forme d’historiette (vous la lirez plus bas) que j’ai envoyé, pour les faires rire, à quatre personnes, mon frère, ma sœur et deux amies.

Dans le quart qui suivit, mon frère et ma sœur me téléphonèrent, affolés. Une de mes amies, qui habite à 300 kilomètres, me proposa de venir me voir,  précisant sans doute pour me consoler « avec mon tapis volant, pour éviter les contrôles de police ». La dernière m’écrivit, me disant qu’elle n’arrivait pas à distinguer le vrai du faux, que si je souffrais de ménagite  je pouvais faire le ménage chez elle, mais, inquiète, me demandant comment j’allais.

Bref, ma blague était tombée complètement à plat, j’avais fait peur à des gens que j’aime, et certains m’en tiennent rigueur. On m'a même traité de "personnage horrible, démoniaque". J’en ai un peu honte. Humour douteux ? De mauvais goût ? Maladroit ? J’étais persuadé que le jeu de mots final, méningite/ménagite, leur ferait comprendre que je m’amusais. Je vous laisse juger, mais l’exercice est biaisé puisque vous savez que je voulais monter un bateau. Mon mail s’intitulait Je suis malade.

 Et oui! Depuis deux jour je ne me sentais pas bien, mais les symptômes que je semblais avoir n'avaient rien en commun avec ce que j'avais lu et entendu  depuis des semaines. Je me suis bourré de doliprane 1000, j'ai arrêté de me nourrir, ne prenant que des tisanes diverses, des bains brûlants, des bains glacés, rien n'y  faisait. Ce matin, c'était pire que tout et j'ai finalement appelé SOS médecins. Au téléphone, un standardiste je suppose m'a interrogé, ma posant une  série de questions qu'elle devait avoir devant elle, sur un papier. Mais  elle semblait tergiverser. J'ai insisté. "Bon, je vous envoie un médecin". Il est arrivé une heure après, nouvelles questions, auscultations, etc. Puis: "Je suis embêté, les symptômes que vous présentez ne correspondent à rien de ce que je connais, ni dont j'ai entendu parler". Et il m'explique que, par précaution il va m'envoyer une ambulance. Elle est arrivée deux heures après, et vlan, direction l'hôpital. Là, nouvelles questions, on m'a mis un truc dans les narines, dans la gorge. Puis on m'a transporté vers je ne sais quoi, scanner ou radio, j'étais dans  les vapes. Et je me retrouve sur un brancard (pas de lit). Trois personnes sont venues me voir, deux hommes et une femme, des médecins je suppose. L'un d'entre eux scrutait des clichés. Et encore des questions. Ce doit être le pollen, dit la femme, y'en a partout en ce moment. Ah oui, ça doit être ça. Bon, on vous renvoie chez vous.

    Mais qu'est-ce que j'ai?

    Une ménagite aigüe, ça va passer.

    Depuis deux jours je n'ai pas arrêté. Chiffon à poussière, aspirateur,  serpillière, la terrasse lavée, des placards de cuisine vidés et nettoyés. Une ménagite aigüe. Mais mon appartement est superbe.

 

barre

 fleche12 avril 2020 : Confinement J 27

barre

Comme dimanche dernier je me mets en RTTT (réduction du temps de travail textuel).

barre

 fleche11 avril 2020 : Confinement J 26 Imaginons...

barre

Un ami (merci Jean-Pierre) me soumet une idée qu’il a eue « en se rasant » : « si les seuls survivants étaient les habitants des dernières tribus "inexplorées", comment les prévenir de leur extraordinaire victoire et que le monde leur appartient ? » Voilà une idée qu’elle est bonne.

Imaginons des groupes (disons en Amazonie brésilienne, si Bolsanero n’a pas eu le temps de les tuer tous, et en quelques lieux de la Papouasie Nouvelle-Guinée ), n’ayant aucun accès aux moyens d’informations dits modernes, ne sachant rien de la pandémie dont tout le monde parle et en outre, par leur « confinement », ne soient pas touchés par le virus. Imaginons encore que nous crevions tous, ce que je ne souhaite à personne (enfin, pour être honnête, ce que je ne souhaite pas à tout le monde). Voilà donc nos habitants du fond de l’Amazonie ou d’une vallée protégée de la Papouasie Nouvelle-Guinée ignorant ce à quoi ils ont échappé et continuant d’ignorer ce qui entoure leur niche écologique. Peut-être remarqueront-ils tout simplement que le ciel est plus bleu, l’air plus pur, et comme il n’y aura plus de Tintin pour leur annoncer une éclipse de lune, ils penseront que les dieux leur font un petit signe amical, que le ciel sera de plus en plus bleu, l’air de plus en plus pur, ce qui serait d’ailleurs probable à moyenne échéance.

Imaginons maintenant que quelques audacieux de ces deux groupes se lancent  vers les confins  de l’horizon, qu’ils découvrent des villes, des monceaux de cadavres, des chars d’assauts, des supermarchés, des choses imprimées auxquelles ils ne comprendraient rien, des magasins de vêtements, des carcasses d’avions, des églises ou des mosquées, des boutiques de tatouages, des magasins d’ordinateurs, des voitures, des T-shirts de l’OM ou du PSG, des bagues de mariage, des trophées de chasse… Grande serait leur perplexité ! Bientôt adviendrait une génération capable de déchiffrer les traces de ce passé lointain, qui peu à peu se spécialiseraient : épigraphes, historiens, archéologues, anthropologues, sociologues, linguistes… Puis viendraient des sciences « dures », épidémiologues, spécialistes de la datation au carbone 14, enfin, tout ce que vous voulez. Deux ensembles de sciences s’ignorant l’un l’autre, l’un en Amazonie et l’autre en Papouasie Nouvelle-Guinée. Et puis, un jour, les deux groupes perfectionneront leurs canoës, leurs pirogues, leurs moyens de transport, jusqu’au jour où ils se rencontreront. Et là, boum ! Ils découvriront leurs différences, et voudront sans doute les cultiver, les renforcer. Certains inventeront le socialisme, d’autres le capitalisme. Ils s‘inventeront des dieux, tous aussi inutiles mais antagonistes, théoriseront les différences raciales…

Enfin, je vous laisse finir l’histoire. Lequel des deux inventera le premier la bombe atomique ?

 

barre

 fleche10 avril 2020 : Confinement J 25 Entretien avec Georges Brassens

barre

Il n’est pas facile d’obtenir un entretien avec Georges Brassens, par les temps qui courent. J’ai d’abord demandé à son attachée de presse s’il était confiné. « Plus confiné que lui, tu meurs » m’a-t-elle répondu. Puis, après force courbettes vocales et promesses de chocolat de Puyricard, de boukha de Tunisie, j’ai réussi à l’amadouer et obtenu un rendez-vous téléphonique. La ligne était mauvaise, il grommelait, avec une sorte de voix d’outre-tombe, mais bon, à la guerre comme à la guerre, je me suis lancé. Et je dois dire qu’il a  répondu très gentiment à mes questions. Le confinement ? Il voit le plutôt d’un bon œil, d’ailleurs « le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on est plus de quatre on est une bande de cons ». Mais il regrette cependant qu’un maire facho, celui de Béziers, ait fait démonter tous les bancs publics de la ville. Et les amoureux ? « Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics ?  Ils ont des p’t’ites gueules bien sympathiques ». Son attaché de presse m’ayant confié qu’il avait beaucoup maigri, qu’il était dans un état squelettique, je lui demande s’il est atteint par le coronavirus. « Moi ? Non ! Si j’ai trahi les gros, les joufflus, les obèses, c’est que je baise, que je baise, que je baise, comme un bouc, un bélier, une bête, une brute, je suis hanté : le rut, le rut, le rut !... »

Je sais qu’il n’aime pas parler de politique politicienne, mais je me lance tout de même et lui demande ce qu’il pense de la gestion de cette pandémie par le hommes politiques, Macron, Bolsonaro, Trump… Sa première réponse est longue : « Tous les morbleus, tous les ventrebleus, les sacrebleus et les cornegidouilles, ainsi parbleu que les  que les jarnibleus et les palsambleus… » Il interrompt soudain sa ronde de jurons et, pensif: « Il y’a peu de chance qu’on détrône le roi des cons ». Macron parle de guerre contre l’épidémie, qu’en pensez-vous ? « Moi mon colon celle que j’préfère, c’est la guerre de 14-18 ». Mais il y a beaucoup de victimes. « Ils tombent, tombent, , tombent, , tombent, et s’lon les avis compétents il paraît que cette hécatombe fut la plus belle de tous les temps ». A-t-il une position sur la querelle qui déchire le milieu médical, sur la chloroquine, sur… Il m’interrompt : « Mourir pour des idées, d’accord, mais de mort lente ».

Et puis, question classique, que tous les journalistes posent ces derniers temps en fin d’entretien : que ferez-vous lors du déconfinement ? Il hésite : une seule réponse ? Autant que vous voudrez. Alors il se lance : « Dans un coin pourri, du pauvre Paris, sur une place, l’est un vieux bistrot… Entre la rue Didot et la rue de Vanves… Que vienne le temps du vin coulant dans la Seine… Voir le nombril d’la femme d’un flic…  A l’heure du berger, au mépris du danger, j’prendrais la passerelle pour rejoindre ma belle…

Il s’arrête, évoque tous ces adolescents confinés dans leurs petits appartement  et termine, avec un sourire dans la voix: « Le singe en sortant de sa cage, dit c’est aujourd’hui que j’le perd, il parlait de son pucelage, vous aviez deviné, j’espère !... Jamais de la vie on ne l’oubliera, la première fille qu’on a pris dans ses bras »

barre

 fleche9 avril 2020 : Confinement J 24  Patient zéro et grève générale

barre

En 1971 ou 72, entrant dans la salle où j’allais donner cours une immense inscription au tableau : grève générale. Je m’installe et demande s’il y a quelqu’un qui veut exposer les raisons de cette grève. Un étudiant se lève, je me souviens que c’était un roumain, en général très silencieux, va au tableau, prend un morceau de craie, met le g de grève et le e de générale entre parenthèses, transforme en ajoutant un petit trait le è de grève en ê, et va se rassoir. La grève générale était devenue rêve général, et le débat était lancé d’une façon inattendue et originale.

Si je rappelle cette anecdote, c’est d’abord parce que Josiane Boutet, dans un livre publié en 2010, Le pouvoir des mots, illustrait sa couverture de la même expression, à un e près, rêve générale, et expliquait à la fin de son livre qu’elle était apparue en 2006, lors des manifestations contre le CPE, et que son origine était mystérieuse. Je l’avais, pour ma part, vue 35 ans plus tôt. Mais c’est surtout parce que l’on parle beaucoup, et dans différents pays, du patient zéro, que l’on cherche la première personne à avoir eu le virus dans un pays donné et à l’avoir ensuite transmis, ceci bien sûr pour comprendre ses modes de diffusion. En Chine par exemple, après avoir longtemps menti,  on dit que ce patient zéro, un homme de 55 ans,  aurait attrapé le virus sur le marché de Wuhan le 17 novembre 2019, en France on ne sait pas très bien.

Mais ma petite histoire de grève générale montre que cela n’est peut-être pas si simple.

barre

 fleche8 avril 2020 : Confinement J 23  Et c'est la mort, la mort toujours recommencée...

barre

Mon billet ne sera aujourd’hui ni ironique ni vaguement socio-politique. Mon ami Robert Chaudenson est mort hier, du coronavirus. Il aurait eu 83 ans le 13 avril. Nous nous étions rencontrés au début des années 1980. Je savais qui il était, il savait qui j’étais, mais nous ne nous étions jamais rencontrés. C’était un soir, à l’aéroport d’Abidjan. Nous étions tout un groupe à attendre le bus, en retard, qui devait nous amener à l’hôtel où allait se dérouler le colloque auquel nous étions conviés. Et j’entends puis je vois un grand mec, grande gueule, protester de façon très désagréable contre ce retard. Je me tourne vers un ami ivoirien venu nous accueillir et je lance, très fort, « qui c’est ce grand con ? ». On me répond que c’est Chaudenson. Il lance à son tour « qui c’est ce petit con ? ». On lui dit que c’est Calvet .  Il avait une réputation politique exécrable et je lance « Ah ! C’est vous le fasciste ! ». Il réplique : « Ah ! C’est vous le gauchiste ! » On fait mieux comme première rencontre.

Nous nous sommes expliqués le lendemain, au petit déjeuner, de façon parfois violente, et depuis lors nous ne nous sommes pratiquement pas  quittés. Nous avons travaillé ensemble, à la Francophonie, sur les créoles, nous avons fait ensemble un travail de terrain dans l’île de Saint-Barthelemy, dont nous avons tiré un petit livre, et lorsque j’en avais eu marre de la Sorbonne, des conflits récurrents avec les admirateurs inconditionnels d’André Martinet, qu’on me prit pour un fou car tous les profs de province rêvaient de l’être à la Sorbonne, je partis pour Aix-en-Provence où il enseignait lui-même. Notre collaboration devint alors quotidienne, émaillée d’engueulades homériques, mais toujours teintée d’amitié.

Il était ce qu’on pourrait appeler un anarchiste de droite. Certains lui reprochaient d’être méprisant, hautain, et ils avaient en partie  raison. Mais j’ai toujours considéré sa morgue comme la marque d’un manque de confiance en soi . En outre, Robert ne pouvait pas résister à un bon mot, même, ou plutôt surtout, s’il était méchant ou blessant. Mais il avait un cœur d’or, une grande générosité, beaucoup d’étudiants doivent s’en souvenir. Nous avons parcouru une bonne partie du monde ensemble, formé peut-être deux cents étudiants en politique linguistique dans un master que nous avions créé, nous étions devenu une sorte de paire d’inséparables, quelque chose comme Double-pattes et Patachon. Et surtout, nous rigolions, nous mangions et buvions, chez lui, chez moi, dans les bouibouis populaires quand nous étions en Afrique, aux Antilles ou en Argentine. Nous allions  avec nos femmes respectives ramasser des champignons, nager, pécher des oursins. Puis vint la retraite, la sienne d’abord, quelques années avant la mienne, nous nous vîmes moins, je voyageais beaucoup, il préférait rester chez lui,  chacun d’entre nous avait en outre connu des soubresauts dans sa vie familiale.

Il y a un peu plus d’un an, il avait fait un AVC et perdu le contrôle d’une partie de son corps. Dans le centre de réanimation où il se trouvait, j’allais régulièrement lui rendre visite. A part une amie proche, ses deux filles et moi-même , il ne voulait voir personne. Cet homme immense, adepte de plusieurs sports, qui avait même je crois fait partie de l’équipe de France de basket dans sa jeunesse, ne voulait pas qu’on le voit dans cet état. Plus ou moins rétabli, il rentra chez lui. Nous nous téléphonions de temps en temps, il me disait qu’il en avait marre, qu’il marchait difficilement, et qu’il voulait mourir.  Pendant tout ce temps je ne lui avais jamais dit que ma compagne, qu’il connaissait, bien sûr, était atteinte d’un cancer redoutable, je ne voulais pas ajouter de la peine à sa peine. Lorsqu’il apprit sa mort, en septembre dernier, il m’appela en pleurant : « Moi qui veut mourir, et c’est elle qui s’en va… »

Quelques semaines plus tard il fit de nouveau un AVC et se retrouva dans un EHPAD. Son état avait empiré, il était soit dans son lit soit dans un fauteuil, ne lisait plus, regardait vaguement la télévision, et me répétait chaque fois que je le voyais qu’il voulait mourir mais qu ‘il n’y arrivait pas… Puis vint le confinement, puis sa mort. La mort toujours recommencée.

D’autres que moi, avec plus de compétences, parleront du chercheur, de son apport à la créolistique ou à l’analyse des situations de francophonie, de ses réflexions sur la coopération. Je voulais juste pour ma part tenter de brosser le portrait d’un homme contrasté, insupportable parfois mais aussi le meilleur des amis, un homme qui n’est plus là et qui me manquera.

barre

 fleche7 avril 2020 : Confinement J 22  La vérité, c'est le mensonge qui vous convient le mieux

barre

 

   Encore une déclaration de Trump : « Il y aura beaucoup de morts, mais bien moins que si on n’avait rien fait ». Ah bon ! Toutes les chaînes de télévision dans le monde (sauf peut-être en Russie, au Brésil  et en Chine, par solidarité confraternelle) s’amuse à mettre bout à bout et dans l’ordre chronologique différentes déclarations du président américain. Il a tout dit, et le contraire de tout. C’est dommage pour lui, mais Trump est venu trop tard.

Il aurait dû vivre dans les années 1980, plus précisément en 1984, je veux dire dans le roman de George Orwell. Son personnage central, Winston, travaille aux archives du ministère de la vérité, où il est chargé du « contrôle de la vérité ». Il reçoit chaque jour des articles publiés six mois, un an, deux ans, trois ans plus tôt, avec quelques indications de modifications à effectuer. Il s’agit en fait de mettre ces textes en conformité avec ce que pense aujourd’hui Big Brother, ou avec la réalité, en supprimant par exemple de ses discours, de ses annonces ou de ses prévisions,  tout ce qui a été infirmé  par la suite, en les réécrivant  pour les faire correspondre avec  l’évolution de la situation ou de la propagande. Une fois les corrections apportées, il les envoie à il ne sait qui, les mettant simplement dans un tuyau, les vieux articles disparaissent aussitôt des archives, ils n’ont jamais existé, remplacés par la nouvelle version,  comme disparaissent les photos de ceux qui ne sont plus en cour ou ont été éliminés.

Big Trump est donc venu trop tard. Aujourd’hui tout se garde, tout s’archive, il suffit d’un simple clic, et l’on pourrait ouvrir un musée avec simplement sur les murs ses milliers de tweets : un monument à la bêtise. Winston travaillait, je l’ai dit, au ministère de la vérité, la vérité c’est-à-dire le mensonge qui vous convient le mieux. Mais il ne faut pas trop accabler le pauvre Trump, il est simplement, avec Bolsonaro, le plus grand des menteurs et, toujours avec Bolsonaro, le champion de la bêtise. Regardez, écoutez autour de vous. Et retracez-vous le film des déclarations gouvernementales françaies sur les masques. Encore une fois, la vérité c’est le mensonge qui vous convient le mieux.

 barre

 fleche6 avril 2020 : Confinement J 21  Nouvelles du monde

barre

En Inde, le chef du gouvernement de l’état d’Uttar Pradesh, Yogi Adityanath, a demandé à un million de personnes de se rassembler dans le temple  du dieu Ram. « Ram va nous protéger » a-t-il déclaré. L’Uttar Pradesh comptant plus de 200 millions d’habitants, vous pouvez vous amuser à calculer le nombre de ceux-ci qui risquent d’être contaminés par le coronavirus. Pour vous aider, renseigner-vous sur ce qui s’est passé à Mulhouse, après une réunion de quelques milliers d’évangélistes. Mais, Yogi Adityanath  l’a dit, Dieu est grand.

En Israël, les Juifs orthodoxes refusent le confinement. Dieu nous protégera, disent-ils. Dieu est très grand.

Aux Etats Unis, Trump qui a maintes fois déclaré que ce « virus chinois » allait très vite disparaître, pour ensuite changer d’avis, puis que le masque ne servait à rien, pour encore une fois changer d’avis, avait entre-temps annoncé qu’il fallait que les églises soient pleines le jour de Pâques. Le lundi de Pâques, c’est dans une semaine. Dieu est grand, mais il y a peu de chances pour que les églises américaines soit pleines le lundi de Pâques. Sauf de cercueils, peut-être.

En Espagne, où la situation sanitaire est pourtant déjà grave, un nouveau virus vient d’arriver. Son nom : Corinna-virus. Pour comprendre l’apparition de cette nouvelle épidémie, il faut savoir que l’on a découvert une affaire gênante pour la famille royale :  l’ex-roi, Juan-Carlos, aurait touché un « cadeau » de l’Arabie Saoudite, un cadeau modeste au demeurant, cent millions d’euros, qu’il aurait dissimulés dans différents paradis fiscaux. Affaire dans l’affaire, une ex-maîtresse de l’ex-roi aurait joué un certain rôle dans cette magouille, en aurait largement profité. Elle s’appelle Madame C. Larsen, mais préfère se faire appeler C. Zu Sayn-Wittgenstein, le nom de son ex-mari dont elle est divorcée. Ca fait plus chic, un patronyme aristocratique. Quoi qu’il en soit,   C. Larsen ou C. Zu Sayn-Wittgenstei, elle se prénomme Corinna. D’où le nom que le peuple espagnol, lorsqu’il a le temps de rire, lui donne : Corinna-virus.

Un peu partout dans le monde, on vante ce qui a été fait à Singapour et en Corée du Sud, le tracking, un système qui permet à ceux qui nous "protègen"t, grâce à votre téléphone portable, de savoir où vous êtes, quand vous sortez, et si vous croisez quelqu’un de contaminé. Aujourd’hui, en France, on lance une nouvelle « attestation de déplacement dérogatoire » que vous pouvez télécharger sur votre portable. Ce n’est pas encore du tracking, mais nous n’en sommes  pas loin. Au fait, tracking, qu’est-ce que ça veut dire ? C’est, en anglais, un terme de chasse, la poursuite d’un animal, le dépistage mais le terme s’emploie aussi pour la traque d’un criminel.

Revenons en Israël. Le Shabak (l’organisme de sécurité intérieure) est désormais chargé d’appliquer toutes ses méthodes de lutte contre le terrorisme  à la surveillance des gens atteints par le coronavirus. Et l’on apprend au passage que, depuis près de vingt ans, les organismes de téléphonies mettent à la disposition du susdit Shabak toutes leurs données. Tiens donc ! L’idée serait de noter tous les citoyens sur une échelle allant de 1 à 10 selon la probabilité qu’ils soient atteints par le virus. Ce qui me frappe c’est que les moyens de lutter contre les terroristes sont reconvertis  en moyens de suivre les citoyens contaminés. Ce qui nous ramène à l’emprunt anglais, tracking, et à ses deux sens possibles. Les emprunts répondent en général à différentes fonctions : compenser l’absence d’un mot dans la langue emprunteuse, ou bien faire chic, ou bien… Ou bien brouiller les cartes. Car, vous l’aurez compris, il y a deux traductions possibles à tracking, la traque lorsqu’on poursuit un animal ou un criminel, le traçage lorsque, comme dans le cas qui nous retient, ou veut tracer les déplacements des citoyens contaminés ou susceptible de contaminer les autres. Et cette confusion (volontaire ?) est à soupeser. Comme on dit en provençal, méfi !

barre

 fleche5 avril 2020 : Confinement J 20  RTTT

barre

Aujourd’hui, jour du seigneur, je me mets en RTTT (réduction du temps de travail textuel). Je vais en profiter pour lire ou relire la Bible Le Coran, la Thora, les Tantras et quelques autres petites oeuvrettes, dans leur langue d’origine, bien sûr.

 

barre

 fleche4 avril 2020 : Confinement J 19  Discours de guerre

barre

Le coronavirus, vous l’avez remarqué, a contaminé (mais sans doute de façon très provisoire) le lexique français : coronadettes  pour les dettes que les états sont amenés à contracter, coronapéro pour les apéros entre amis, d’un balcon à l’autre, par vidéo ou, pour les solitaires, devant un miroir, coronabonds pir les emprunts à l’échelle européenne que proposent de lancer, etc. Mais c’est plutôt dans le domaine guerrier que le lexique fonctionne à plein par les temps qui courent.

Macron, dans son premier discours « de crise », vous vous en souvenez, n’a pas parlé de confinement, il en a laissé le soin à son premier ministre, mais il a répété six fois « nous sommes en guerre » et le paradigme s’est mis à produire.

On parle maintenant de bataille contre le virus, de le vaincre, j’ai entendu sur une chaîne de télévision parler des éboueurs comme les soldats du quotidien, les infirmières  et les infirmiers sont des héros, ils sont en première ligne  contre un ennemi invisible. Il nous reste à espérer qu’on ne va pas battre en retraite devant le virus. Mais on parle plutôt de la capitulation  à venir du Covid-19. Le plus beau est  sans doute l’utilisation du terme  réservistes pour désigner les membres du corps médical (médecins, infirmiers retraités) qui reviennent pour aider leurs collègues. La réserve désigne dans l’armée les militaires que l’on garde disponibles à l’arrière, pour les envoyer au front lorsqu’on en aura besoin, on parle aussi d’officiers de réserve, ceux qui ne sont pas destinés à servir sous les drapeaux, sauf ponctuellement, en cas de besoin. Le corps médical est ainsi militarisé. Et peut-être va-t-on créer une nouvelle décoration, qu’on pourra décerner aux héros de cette guerre, l’ordre du corona.

barre

 fleche3 avril 2020 : Confinement J 1

barre

Ce matin, le marché qui se tient habituellement, chaque vendredi, sur la place de l’église, a été déplacé vers un grand parking. L’ensemble des commerçant est entouré par des barrières mécaniques, on y accède par une longue chicane dans laquelle les gens font sagement la queue, maintenant entre eux une distance d’un ou deux mètres, et le tout est surveillé par une dizaine de flics, ou plutôt d’ « agents de médiation » en uniforme. Ils vous donnent, à l’entrée et à la sortie de ce labyrinthe, quelques gouttes de gel hydro alcoolique. Etrange impression de temps de pénurie, voire de disette. Il ne manque que des tickets de rationnement, mais nous n’en sommes pas encore là.

C’était la séquence « reportage sur le vif », et maintenant passons à autre chose.

Depuis quelques jours, les media parlent des « mensonges » de la Chine, mais ils en parlent diplomatiquement, presque prudemment, comme s’ils craignaient d’attaquer de front cette puissance dont nous avons par ailleurs besoin, en particulier pour lui acheter des masques. Et je disais que ces bruits devaient horrifier les Chinois. J’ai écrit à un ami, jeune chercheur dans une université chinoise, en lui faisant part de ces rumeurs. Et sa réponse m’a étonné. Il m’explique qu’en Chine aussi on dit que le gouvernement a menti sur le nombre de décès, et qu’on y considérait que l’Allemagne mentait aussi sur ce point. Selon lui, tout le monde sait que le pouvoir a menti en décembre, prétendant que ce virus n’était pas contagieux. Et il me donne des détails. Un spécialiste des épidémies, Zhong Nanshan, aurait annonce devant les caméras que c’était une épidémie, pleurant en parlant de Wuhan. De cela, aucun media européen n’a, à ma connaissance, parlé. Il ajoute que tout le monde considère que Zhong Nanshan savait des choses qu’il ne pouvait pas dire. Il m’explique qu’après la mort du docteur Li, premier lanceur d’adresse réprimandé pour cela, il y a eu des torrents de réactions  contre les autorités, et qu’il y a presque toutes les dix secondes des messages sur son Weibo (le twitter chinois) que le pouvoir n’ose pas effacer. En revanche, depuis que l’épidémie est considérée comme contrôlée, le censure s’est renforcée. Une interview d’une collègue de Li aurait été vite effacée, m’explique-t-il. Mais des internautes en  auraient traduit le texte en plusieurs langues, y compris en braille et en morse, pour le diffuser sur tous les réseaux sociaux. Pour terminer, il me parle d’un jeu de cache-cache auquel tout le monde se prête, « à la fois rigolo et triste ». J’écrivais que cette réponse m’avait étonné, mais elle m’a aussi rassuré. Que la presse occidentale ne semble pas au courant de ce qui précède, ou n’en parle pas, est une chose. Autre chose est à mes yeux les résistances qui apparaissent. Bien sûr, lorsque mon ami m’écrit « tout le monde », il faut comprendre les gens de son milieu, ceux qui ont accès aux réseaux sociaux, et c’est déjà beaucoup, et cela témoigne d’une forme de résistance salutaire.

Pour finir, je suis en train de travailler sur le livre de Victor Klemperer, La langue du troisième Reich, et la fin de son introduction me paraît s’appliquer parfaitement à cette situation chinoise. Je vous la  livre :

Un jour de décembre 1941, Paul K rentra du travail rayonnant. En chemin, il avait lu le communique de l’armée. « Ils sont dans une situation lamentable en Afrique », dit-il. Je lui demandais s’ils le reconnaissaient vraiment eux-mêmes -puisque le reste du temps ils ne parlaient que de victoires. « Ils écrivent : « nos troupes combattent héroïquement ». « Héroïquement » fait penser à un éloge funèbre, soyez-en sûr ».

 barre

 fleche2 avril 2020 : Confinement J 1Post 1er avril

barre

Mon billet d’hier était un peu austère pour un premier avril, mais le Canard enchaîné titrait sur toute la largeur de sa première page : Alerte au coronavirus : Par mesure de précaution, le 1er avril 2020 est reporté au 1er avril 2021. Cela ne nous empêche pas, cependant, de rire le 2 avril.

Tenez, prenons Michael Lindell. Vous connaissez ? C’est un fabriquant américain d’oreillers, proche ami de Trump, que celui-ci a invité lundi à sa conférence de presse désormais quotidienne (conférence de presse qui a une particularité toute trumpienne : la presse n’est pas autorisée à poser des questions), et lui a même donné la parole. Lindell, après avoir déclaré que Trump était le plus grand président que les Etats Unis aient jamais eu, a appelé les Américains à profiter du confinement pour lire la Bible. Voilà une idée qu’elle est bonne. Justement, entre le 17 et le 21 février, des milliers d’évangélistes réunis à Mulhouse ont été à l’origine d’une diffusion large du virus. Mais ils avaient sans doute lu la Bible à l’envers.

Autre raison de rire, que je trouve dans le Canard enchaîné. La porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye a fait une déclaration à la sortie du conseil des ministres à propos de l’idée de demander à des volontaires à aller aider les paysans pour leurs récoltes :

« Il va sans dire que nous n’entendons pas demander à un enseignant, qui, aujourd’hui, ne travaille pas, compte tenu de la fermeture des écoles, de traverser toute la France pour aller récolter des fraises gariguettes »

Problème : beaucoup d’enseignants sont mobilisés pour aider leurs élèves ou leur étudiants à travailler à distance, et dans leur ensemble ils n’ont guère apprécié la déclaration de madame Ndiaye. Celle-ci rétropédale alors, en reconnaissant que son « exemple n’était pas vraiment le bon ». Ce n’est pas la première fois que la susdite dit des bêtises ou des approximations. Et cela me fait penser que la première violence que doivent subir les êtres humains est leur nom, suivi de leur prénom, qu’ils ne choisissent pas et que leurs parents leur imposent. Pas vrai Sibeth.

Dernière chose. La société BAT (British American Tobacco, qui fabrique les cigarettes Dunhill et Lucky Strike) a annoncé hier, oui, le premier avril, mais je suppose qu’ils n’ont pas le mauvais goût de faire une blague, a annoncé donc qu’ils étaient sur une piste sérieuse pour un vaccin contre le coronavirus, composé de feuilles de tabac. On en serait au stade des tests précliniques, avant de passer à des tests sur l’être humain. Chic alors ! Le fumeur de pipe et de cigare que je suis se prend à rêver. Va-t-on rendre le tabac obligatoire ? Et si tout le monde se met, ou se remet, à fumer, ou si l’on impose le tabac à tous, dans quel sens la loi de l’offre et la demande va-t-elle jouer ? Augmentation des prix ? Baisse des prix ? Fumeurs de tous les pays, unissez-vous pour réclamer la gratuité du tabac !

Allez, pour finir avec un sourire, ou avec la larme à l’œil, écoutez donc cette chanson (https://www.youtube.com/watch?v=rEjvRktXeis) et admirez la mise en scène de la vidéo.

 barre

 fleche1er avril 2020 : Confinement J 1L'effet Dunning-Kruger

barre

Je me demande parfois si Trump est un parfait imbécile ou si, n’écoutant personne et ne lisant rien, il se croit plus intelligent que les autres. Ou encore, de façon plus modérée, s’il est intellectuellement limité ou s’il ment sciemment et stratégiquement. Prenons un exemple. Anthony Fauci, spécialiste des maladies infectieuses et conseiller de Trump pour la pandémie a déclaré dimanche qu’il pouvait y avoir un ou deux millions d’Américains touchés par le virus et entre 100.000 et 200.000 morts. Deux jours plus tard, dans une de ses innombrables interventions échevelées, Trump dit quelque chose comme (« comme » parce que j’avais les mains occupées, l’ai entendu de loin, en anglais, et que je n’ai pas pu prendre de notes) : « certains disent qu’il y aura plus d’un million de morts, mais non, si nous n’avons que 100.000 ou 200.000 morts c’est que nous aurons fait du bon boulot ». Donc, il cite de travers ce qu’a dit Fauci, remplaçant le nombre qu’infectés par le nombre de morts attendu. N’a-t-il rien compris à ce que disait son conseiller ? Ou a-t-il  sciemment menti en annonçant comme une victoire le nombre de morts annoncé par le spécialiste, se laissant ainsi la possibilité, s’il y a vraiment à terme 100 à 200.000 morts, de se glorifier : « vous voyez, je vous l’avez dit, j’ai fait « a very good job ». Ceci dans l’hypothèse où il serait un menteur stratégique.

Or mon frère me signale (oui, ça sert d’avoir un frère) ce qu’on appelle « l’effet Dunning-Kruger », ou effet de surconfiance. Dans un article publié en 1999 dans le Journal of Personality and Social Psychology, Dunning et Kruger publiaient un article présentant leurs expériences qui démontraient que moins quelqu’un est qualifié et plus il se pense compétent. C’est-à-dire que la confiance surpasse ou surestime la compétence, qu’une difficulté métacognitive (une cognition sur la cognition) empêche de se dire « je sais ce que je sais, mais je sais aussi que je ne sais pas ». Nous avons tous les jours des exemples de ce biais cognitif (là c’est moi qui parle, et non plus Dunning et Kruger) : il suffit d’écouter dans les bistrots ceux qui commentent les matches de l’équipe de foot locale ou nationale (on dit d’ailleurs qu’il y a chez nous plus de 60 millions de sélectionneurs ou d’entraineurs) ou les nouvelles politiques. Et la plupart des théories complotistes reposent sur ce biais.  Mais s’y ajoute, à mon sens, un sur-biais si je puis dire : plus les gens sont connus, ou occupent une position de pouvoir, et plus ils sont victimes de cet effet Dunnin-Kruger. Souvenez-vous de Christian Estrosi (le « motodidacte » maire de Nice) ou d’Eric Cantona (le footballeur à la tête plus grosse qu’un ballon) qui tous deux venaient au secours de Didier Raoult en vantant les mérites de la chloroquine.

Donc, sous bénéfice d’inventaire, nous considérerons que Trump, Bolsonaro et quelques autres sont des exemples éclatants de l’effet Dunning-Kruger. Il leur faut bien quelque chose, non ?

 

Haut de page

Mars 2020

 barre

 fleche31 mars 2020 : Confinement J 15  Liberté ou santé? Propos d'un "philosophe" anonyme

barre

Près de chez moi, les panneaux électoraux sont toujours en place, les affiches des candidats aussi. Cela ressemble à des indices  pour des archéologues du présent antérieur (je sais, ça n’existe pas, mais nous avons le droit d’inventer) , qui viendront peut-être étudier ces traces d’avant…  Mais une main anonyme a collé un peu partout sur ces panneaux des affichettes en format A4, entourées d’un liseré de couleur rouge et portant des textes énigmatiques. Je les ai photographiées et les propose à votre sagacité, sous la forme d’un petit corpus de pensées.. Elle viennent évidemment de la même personne, mais ne me semblent pas vraiment témoigner d’une pensée très solide. Once a teacher, always a teacher, j’ai pensé que vous pourriez soumettre ces petits textes à vos enfants, s’ils étudient la philosophie. J’y ajoute quelques petites remarques. Et, de façon générale, vous pourriez leur donner un thème général : liberté ou santé.

1.Une dictature qui commence ne s’arrête jamais. Elle a commencé.

Nous serions donc dans une dictature embryonnaire.

2.Merci de ne plus vivre, ou de vivre dans la peur. C’est pour votre bien

3. Une cigarette tue 80.000 personnes par an en France, le coronavirus 8.000 dans le monde. L’ennemi est-il la mort ou la liberté.

Racisme ? Il (ou elle) ne dit rien des fumeurs de pipe

4.La taxe carburant augmente : 65 samedis de violence

La liberté disparaît : enthousiasme généralisé

 5. Si tu restes chez toi, tu ne seras pas malade, ce qui laissera des lits d’hôpitaux pour les gens qui reste chez eux et ne seront donc pas malades non plus

Une forme de sophisme, non ?

6.Le confinement du président, du gouvernement et de la police permettra de sauver l’Etat, qui est ce que nous avons de plus précieux. Le parlement peut mourir, il ne sert à rien

Jusqu’ici je trouvais à tout cela une coloration anarchiste. Mais là, ça change de genre : « ce que nous avons de plus précieux » serait la police, le gouvernement, le président ?

 7.Test de personnalité. Le confinement est : a) Réaliste, il suffit de tirer à balles réelles  vous êtes un membre du gouvernement chinois. b) Réaliste, parce que je le veux  vous êtes un membre du gouvernement français. c) Impossible, la liberté est inhérente à la nature humaine vous êtes mal partis pour le monde de demain.

Faites votre choix

7.S’empêcher de vivre pour ne pas mourir et s’en trouver glorifié par la nation.

Et puis, pour finir de citation de Philippe Murray, qui éclaire en partie les références de ce philosophe anonyme.

8.Le Bien est en train de réaliser ce qu’aucune institution, aucun pouvoir, aucun terrorisme du passé, aucune police, aucune armée n’était jamais parvenu à obtenir : l’adhésion de presque tous à l’intérêt général, c’est-à-dire  l’oubli enthousiaste par chacun de ses intérêts particuliers. Philippe Murray 1991

Mais si votre enfant, philosophe en herbe, vous répond après avoir soigneusement soupesé ces pensées, vous répond qu’être ou se dire philosophe c’est parfois être spécialisé dans le général ou dans le n’importe pas, ne le frappez pas.

 

barre

 fleche30 mars 2020 : Confinement J 14  Parisiens têtes de chiens, Chinois têtes de quoi?

barre

Je crois avoir déjà parlé ici du mouchard que nous transportons tous dans nos poches, notre téléphone portable qui enregistre le nombre de kilomètres que nous parcourons chaque jour, le nombre d’étages que nous avons gravis et, grâce au GPS, sait où nous sommes allés. Ces fonctions ont été utilisées en Corée du sud pour suivre à la trace les déplacements des gens atteints du virus et vous avertir éventuellement de la proximité d’un contaminé. Et, en Chine, il y a longtemps que l’E-surveillance est à l’œuvre. Il faut bien sûr se méfier de tout cela, être attentif à ce qui pourrait dériver et menacer  à terme  nos libertés individuelles.

Mais ce flicage potentiel peut aussi nous apprendre des choses. Prenons un exemple. Orange a donné aux services sanitaires français un certain nombre d’information concernant les déplacement de population. Il en ressort qu’entre le 13 et le 20 mars 1,3 millions de parisiens ont quitté la ville. Et, selon Vinci, le 16 mars, 54.000 voitures contre 28.000 d’habitude sont passées au péage de Saint Arnoult sur l’A 10, « l’Aquitaine » , qui va vers La rochelle. Vous voulez d’autres chiffres ? 17% des parisiens ont quitté leur ville, la population de l’île de Ré a augmenté de 30%, 600 personnes sont arrivées le samedi  14 à Belle-île-en-mer. Bref pas mal de Parisiens ont fui la capitale. Pas n’importe lesquels, ceux qui ont des résidences secondaires. Ni Orange ni Vinci ne peut nous dire ce qu’ils y avait dans le coffre de leurs voitures. Des dizaines de kilos de pâtes ? Ou du champagne et du caviar ? Ce qui est sûr, c’est que le ruissellement cher à Macron n’a pas vraiment permis aux gens confinés dans leurs HLM d’acquérir une résidence secondaire. Eux ne peuvent « prendre l’air » qu’à moins d’un kilomètres de chez eux, d’autres prennent l’autoroute pour aller au bord de la mer.

De nombreux articles de presse ou reportages télévisés nous disent d’ailleurs que ces parisiens aisés et envahisseurs n’ont pas vraiment été bien reçus à Belle-île-en-mer ou sur l’île de Ré. Il n’y a pas beaucoup de médecins insulaires, pas beaucoup de place d’hôpital, et ces Parisiens peuvent en outre apporter avec eux le virus qui fleurit dans la capitale. Allons-nous voir ressortir la vieille formule, Parisiens têtes de chien, Parigots têtes de veau ?

Nous avons donc des chiffres, sur lesquels nous pouvons réfléchir, que nous pouvons  tenter d’analyser. Ce n’est pas tout à fait le cas en Chine, où l’on a officiellement déclaré 3.300 morts du virus. Les épidémiologistes ont du mal à croire à ce nombre, trop bas selon eux. Il n’y aurait « que » 3.300 morts en Chine, alors qu’on en compte plus de 10.000 en Italie, plus de 6.500 en Espagne ?

Et, subitement, apparaît un indicateur inattendu et intéressant. Après la crémation des victimes, les urnes étaient jusque que là conservées  dans les funérariums. Mais, avec la levée partielle du confinement, les parents des victimes peuvent maintenant venir récupérer les cendres. Et on assiste à des queues interminables, que nous montrent des vidéo d’amateurs. Selon l’agence de presse Bloomberg, six des huit funérariums de Wuhan auxquels ils ont téléphoné ont refusé de donner le nombre d’urnes qu’ils avaient gardées. J’ai entendu un journaliste avancer le chiffre de 40.000. Un autre déclarer qu’il y avait sans doute trente fois plus de morts que les 3.300 déclarés officiellement, ce qui nous mènerait à près de 100.000.

Bref, sans tomber dans le complotisme, nous pouvons prendre un peu de recul et nous demander s’il ne faudrait pas faire une analyse géopolitique de la déclaration des morts. La Chine insiste beaucoup en ce moment sur la façon dont elle a stoppé le virus, sur l’aide qu’elle apporte à d’autres pays, comme si les « nouvelles routes de la soie » allaient s’enrichir  d’une composante, épidémiologique celle-ci.

Seront-ils mieux accueillis que les Parisiens à Belle-île-en-mer ou sur l’île de Ré ? Parisiens têtes de chiens, mais Chinois tête de quoi ?

 

barre

 fleche29 mars 2020 : Confinement J 13  Histoires venues du fond des temps

barre

En mettant ce matin un peu d’ordre sur mon bureau, j’ai trouvé deux billets de TGV que je dois me faire rembourser par la SNCF. J’aurais dû être ce soir à Paris, pour fêter les 80 ans d’une amie, et j’avais demain et après demain des rendez-vous de travail avec mon éditrice et à la Francophonie, des amis à voir, une ou deux expositions que je voulais visiter. Mais voilà : mes trains ne rouleront pas, l’hôtel dans lequel j’avais réservé est fermé (ils sont tous fermés d’ailleurs) et il n’y a pas de restaurants... Qui aurait pensé, il y a quatre ou cinq semaines, que cette situation puisse advenir ?

L’écrivain Didier Daeninckx  a donné vendredi à Libération une sorte de nouvelle d’anticipation à l’envers qui illustre bien ce que je viens d’écrire. Il raconte (ou plutôt  invente) qu’un ami italien, producteur de cinéma, lui a demandé il y a deux ou trois mois d’imaginer une série télévisée un peu décalée pour Netflix, lui donnant à la fois tout liberté pour son imagination galopante et  un confortable chèque d’avance. Daeninckx  se met au travail et, à la mi-février il prend l’avion pour Rome, afin de lui présenter ses idées. Autour d’une table de restaurant il raconte en vrac un repas de mariage à Wuhan où les convives se régalent d’un rôti de pangolin, un drôle de zozo russe qui à Moscou met le feu à la porte des services secrets russes, puis se cloue les couilles sur le pavé, une fille de la bourgeoisie parisienne qui s’amuse à aguicher des hommes politiques et leur demande des preuves de leur amour sous la forme de vidéos suggestives, le zozo russe envoyé à Paris par Poutine et mettant la main sur ces vidéos, une épidémie qui arrive dans le nord de l’Italie, le zozo russe qui… Le producteur l’arrête : « non, tu en fais trop, il y a peut-être deux ou trois idées, pas plus… »  Dépité, Daeninckx  prend un taxi pour Fiumicino, l’aéroport de Rome, et il reçoit soudain un SMS d’un ami journaliste à France 3 Nancy : « regarde cette vidéo, elle va sortir partout  d’ici trois heures». Il l’ouvre et voit Benjamin Griveau se masturbant (que Didier Daeninckx  me pardonne pour ce résumé qui n’est pas à la hauteur de son texte).

J’ai parlé d’anticipation à l’envers, puisqu’il nous raconte des choses incroyables, non situées dans le temps et dont nous savons qu’elles se sont effectivement produites. Mais qui aurait pu penser à la probabilité de tout ça le soir du réveillon ? Qui aurait pu raconter ces histoires délirantes autour d’une galette des rois, ou au bistrot, devant un pastis ? Qui le 12 ou le 13 février aurait pu imaginer que le candidat LREM aux municipales de Paris allait changer dans des conditions rocambolesques ? Et qui se souvient d’ailleurs de toutes ces histoires qui semblent venir du fond des temps ?

 

  barre

 fleche28 mars 2020 : Confinement J 12 Sainte Rosalie confinée

barre

Il y avait à Manhattan, au croisement de la cinquième avenue et de la 56ème rue, un magnifique bâtiment Art déco qui abritait un magasin de luxe, Stewart & Company. Il fut acheté et détruit par Donald Trump pour y élever sa fameuse tour de 58 étages. Au sommet, un penthouse où vivait la famille Trump avant de s’installer à la Maison Blanche. Vue imprenable sur Central Park, au milieu duquel se trouve le Metropolitan Museum, musée qui voulait acheter le bâtiment Art déco. Mais l’actuel président avait plus de moyens, ou plutôt plus de facilités à s’endetter… et à détruire. Tout ceci pour dire que le président américain a plusieurs raisons pour ne pas ignorer pas l’existence du Met.

Remontons maintenant  loin dans le temps. Vous connaissez bien sûr Sainte Rosalie (1130-1166), morte dans une grotte du mont Pellegrino où elle s’était retirée. En 1624 la peste se déclare à Palerme, en Sicile, et la ville est en quarantaine. La sainte apparaît alors à un chasseur, lui révèle où se trouvent ses restes et lui enjoint de les transporter à Palerme en procession à travers les rue de la ville, qui fut ainsi sauvée de l’épidémie. Depuis lors, Rosalie est la sainte patronne de Palerme qui la célèbre chaque année, le 15 juillet.  

Or le peintre Van Dyck se trouvait dans la ville en 1624 et il réalisa une toile, Sainte Rosalie intercédant pour la fin de la peste à Palerme, qui est justement aujourd’hui au Metropolitan Museum.

Trump, qui proclame régulièrement son intelligence supérieure et qui a sûrement souvent visité, en voisin , le musée (hélas il n'y a pas dans notre alphabet de point d'irolie), a sans doute tout de suite compris que là était le salut. Il suffisait de promener la toile dans les rues de New York, puis de toutes les villes du pays, pour mettre fin à l’épidémie. Hélas, effet collatéral du coronavirus, le Met est aujourd’hui fermé. Et  c’est Bill de Blasio, le maire démocrate, qui en a pris la décision. Trump a donc dû se rabattre sur la chloroquine, mais il a bien raison de proclamer que les démocrates font tout pour le contrarier.

Salauds de démocrates ! Ils iront en enfer, c’est sûr, comme l’annonçait dès 1955 un film de Robert Hossein.

  barre

 fleche27 mars 2020 : Confinement J 11  2 x π x R

barre

J’indiquais ici le 19 mars, en passant, que j’avais marché 3 ou 4 kilomètres, ce que je fais d’ailleurs tout les jours dans la campagne environnante. Un ami facétieux (salut Clément) mais présentant cependant des symptômes inquiétant de dérive délatrice, m’écrivit alors :« 3, 4 km de ta masure c'est pas raisonnable, je m'en vais te dénoncer à la maréchaussée, histoire qu'une contravention te fasse participer à l'effort de guerre ». Et il récidiva, le traître, quelques jours plus tard, m’indiquant que « les pandores et autre argousins ne sont pas loin… »

Mais ceci va me permettre ce collaborer, une fois de plus, à votre effort éducatif si vous avez à la maison des enfants supposés continuer à travailler. Ce sera donc aujourd’hui une leçon de géométrie. La loi, c’est entendu, nous autorise à sortir « pour prendre l’air » comme dit Macron, mais pas plus loin qu’un kilomètre de notre domicile.  Considérons donc notre domicile comme un point et plaçons-nous en un autre point situé à un kilomètre : nous sommes alors à la distance maximale permise. Mais si nous marchons en faisant un cercle, nous serons toujours à cette distance maximale. Alors, demandez à vos têtes blondes (qui, dit-on, sont la France de demain) combien de kilomètres, le mètres, de centimètres nous pouvons parcourir tout en respectant la loi. Vous connaissez bien sûr le solution de ce problème simple. Il s’agit de calculer le circonférence d’un cercle dont le rayon est 1 (kilomètre). J’ai honte, ou plutôt je crains de vous offenser en vous rappelant la formule : 2x π x R, c’est-à-dire deux fois Pi multiplié par le rayon. Et dans le cas qui nous concerne 2 fois 3,14 multiplié par 1, soit 6,28 kilomètres. Si vous voulez raffiner en prenant pour Pi la valeur 3,1416, cela vous donne 6, 2832, six kilomètres et deux cent quatre vingt trois mètres…

Vos enfants ont trouvé ? Alors vous pouvez les emmener prendre l’air. En vous éloignant d'un kilomètre, puis en faisant 6, 283 kilomètres et en faisant encore un kilomètre pour rentrer chez vous. Mais il y a un second problème à soumettre à vos gosses. Vous n'avez le droit de sortir qu'une heure et il leur faudra calculer leur vitesse horaire, pour savoir à quel moment il faudra arrêter le périple circulaire pour rejoindre leur point de départ, c'est-à-dire votre domicile. Où vous pourrez alors les faire travailler leur anglais, ou leurs déclnaisons latines.

barre

 fleche26 mars 2020 : Confinement J 10

barre

Commençons par un retour sur ce que j’écrivais hier. J’ai lu ou entendu quelque part que Didier Raoult venait de publier un article sur la chloroquine. Et j’ai effectivement trouvé un texte sorti tout récemment, le 20 mars, au titre impressionnant  (Hydroxychloroquine and azithromycin as a treatment of CIVID-19: results of an open label non randomized clinical trial)  dans la revue International  Journal of  Antimicrob agents (2020 March 20). L’article est signé par 18 chercheurs, le 18ème étant Raoult et les autres sans doute des membres de son laboratoire. Je suis bien entendu incapable de critiquer ce texte, je vous en résume juste les conclusions, que je traduis de l’anglais : le traitement à l’hydrochloroquine est de façon significative associé à la disparition ou à la réduction de la charge virale chez des patients atteints par le COVID-19, et ses effets sont renforcés par l’azithromycine (un antibiotique, c’est moi qui l’ajoute). En gros, donc, ces conclusions correspondent à ce que nous entendons depuis quinze jours sur les media.

Mais une chose m’a étonné, et devrait étonner quiconque connaît les procédures et les délais de publications dans les revues scientifiques : comment cet article a-t-il pu être publié aussi vite ? Je me suis donc intéressé à  la revue et j’ai vu que le rédacteur en chef en était Jean-Marc Rolain, la « scientific assistant » Sophie Baron, les deux têtes de la revue donc, et que dans le comité éditorial figurait Philippe Colson. Les trois appartiennent à l’équipe de Raoult, et deux d’entre eux sont signataires de l’article.

Et alors ? Et alors deux choses. Tout d’abord il m’a fallu beaucoup de temps pour trouver les quelques renseignements qui précèdent, mais ce devrait être le travail de tous ceux qui veulent vérifier leurs sources, et le Web est un véritable labyrinthe.  Et ensuite il est étonnant qu’un article portant sur un problème aussi important ait été évalué aussi vite par des « pairs ».

Passons  à autre chose qui n’a rien à voir. J’ai noté dans ces temps de menace virale, les media passaient à côté de certains évènements, en particulier de certains morts. Et j’ai été démenti hier. Libération par exemple a consacré sa couverture et quatre pleines pages à la mort d’Albert Uderzo (le dessinateur d’Asterix) et deux pages à celle de Manu Dibango. Dont acte. A ce propos, vous devriez réécouter une vielle chanson de Bernard Lavilliers, Sax’aphone, consacrée en 1978 à la disparition du saxophoniste Eric Letourneux.

barre

 fleche25 mars 2020 : Confinement J9 Pâtes et Plaquenil

barre

Tout d’abord une petite précision. Je parlais hier de masques venus de Chine disparus à l’aéroport de Prague. Ils étaient dans un entrepôt : 68O.000 masques, ainsi que des appareils respiratoires, à destination de l’Italie, comme je le disais.  Et les autorités ont déclaré avoir réalisé une opération contre les trafiquants. Devant leur erreur, ils ont rendu à l’Italie 110.OOO masques. Si vos enfants sont confinés et doivent travailler, vous avez ici des données pour les entraîner aux soustractions.

 Passons maintenant à mon thème du jour. Hier, pour la première fois, j’ai vu des rayons vides dans la supérette près de chez moi. En consultant les étiquettes, j’ai vu que c’étaient les pâtes qui manquaient. Pas un paquet. Ca tombait bien, je ne voulais pas de pâtes. En revanche je voulais du lait de coco, pour me faire un colombo du poulet (vous saurez tout !). Ca tombait bien, il n’en restait qu’une boite. Que les gens se jettent sur les pâtes, on peut le comprendre, quoique en regardant les dimensions des étagères vides, je me suis dit qu’ils en mangeaient beaucoup. Mais le lait de coco ! Et cela m’a rappelé une époque où des sociologues avaient lancé des enquêtes sur les poubelles. L’idée était, bien sûr, de prendre les déchets d’une population comme indicateurs de leur consommation et de leur niveau social. Je me souviens par exemple que la grosseur des épluchures de patates n’était pas la même selon le niveau social des quartiers, ainsi que les produits encore consommables et cependant jetés. Il y a des poubelles de pauvres et des poubelles de riches, comme il y a des provisions de pauvres et d’autres de riches.

 Tout cela pour en venir au Plaquenil. Kesacco ? C’est un médicament de la classe thérapeutique hydroxychloroquine, utilisé contre le paludisme, mais aussi pour réduire l’inflammation, en particulier dans le traitement du lupus. Et le lupus  est une maladie auto-immune qui affecte en France entre 20.000 et 40.000 personnes.  Dans hydroxychloroquine il il y a chloroquine, et là, vous me voyez venir.

On ne parle que de ça, en ce moment : la chloroquine et le professeur Raoult. Didier Raoult a un CV scientifique long comme le bras, ou comme ses cheveux, et sa compétence est évidente. Il semble aussi avoir un ego surdimensionné. Et il déclare que la chloroquine pour être efficace contre le virus corona. Tout le monde souhaite qu’il ait raison. Mais le problème, aux yeux d’une très majorité de scientifiques, est qu’il n’apporte aucune preuve. Il évoque un essai clinique sur une vingtaine de patients, mais cet essai clinique n’a d’essai clinique que le nom. Pour évaluer l’efficacité d’un médicament, on pratique ce qu’on appelle un essai randomisé contrôlé (ERC), avec des participants répartis de façon aléatoire en deux groupes, pour éviter les biais dans le choix de ces participants. Bon, les choses sont un peu plus compliquées, je vous épargne les détails, mais le fait est que Raoult n’a rien fait de semblable. Et vient d’être lancé un projet énorme, financé par la Communauté Européennes et regroupant huit projets dont l’un concerne la chloroquine. On devrait en avoir les résultats d’ici deux ou trois semaines, et la polémique prendra fin. Ou Raoult avait raison, et ce sera une bonne nouvelle pour tous les malades, et accessoirement pour lui. Ou il avait tort, et on cherchera d’autres solutions.

Mais ce qui m’intéresse est ailleurs. A tous les arguments scientifiques que je viens de résumer grossièrement, le chercheur marseillais répond régulièrement « je m’en fous », « je m’en fiche ». Et le débat auquel nous assistons déborde largement du domaine scientifique pour devenir un spectacle médiatique. En France, le maire de Nice voudrait que les hôpitaux de sa ville utilisent la chloroquine. Christian Estrosi a été, dit-on, champion de moto, mais à ma connaissance il n’est pas médecin. Aux EU, Trump a apporté son soutien à l’hypothèse de la chloroquine, déclarant que son intuition (qui, comme on sait, est grande) le guidait. Quelques heures plus tard un couple, sans doute admirateur de Trump, a consommé de la chloroquine, trop semble-t-il : le mari est mort d’une crise cardiaque et la femme se trouve dans un état grave. A Marseille il y a devant l’hôpital où travaille Raoult des queues de gens venus se faire dépister et « soigner ». Les scènes vues à la télé nous montrent que certains d’entre eux étaient très proches les uns des autres. S’ils étaient négatifs en arrivant, ils pourraient bien être positifs après des heures de queue.

On a l’impression que la science se joue subitement dans les media, que l’on crée à la fois un engouement et un panique, un engouement pour un remède miraculeux (et cela ressemble beaucoup à un phénomène sectaire), et une panique si l’on ne peut pas avoir ce remède miraculeux en pharmacie. L’impression aussi que Raoult joue l’opinion contre les protocoles scientifiques et qu’il se lance dans un énorme coup de poker. S’il le gagne, tant mieux pour tout le monde, s’il le perd…

Revenons au début, à ma supérette où il n’y a plus de pâtes. Les gens qui en voulaient attendront le lendemain ou le surlendemain, le temps que la pénurie qu’ils ont eux-mêmes créée soit résolue. Et ceux qui créent une pénurie de chloroquine ? Car, je l’ait dit, il y a en France  entre 20.000 et 40.000 personnes atteintes du lupus et qui doivent absolument se soigner quotidiennement au  Plaquenil. Or il y a une rupture de stock, car des médecins commencent à le prescrire pour tout autre chose que le lupus, dont les malades commencent à manquer de ce médicament nécessaire à leur maladie.

Chercher l’erreur. Et, comme plus haut pour les masques, vous pouvez faire travailler vos enfants. Sur la loi de l’offre et de la demande par exemple. Ou, s’ils font de la philo, sur le rapport entre inconscience et responsabilité.


barre

 fleche24 mars 2020 : Confinement J8

barre

Info ou intox ? Des masques partis de Chine à destination de l’Italie, auraient disparus en cours de route. La barbe et les moustaches seraient dangereuses.

Dans les deux cas, info.

La chine a effectivement envoyé une cargaison de masques à l’Italie. L’avion a dû faire escale à Prague, où les Tchèques (ou des Tchèques) se sont largement servis. Cela a été reconnu par la autorités tchèques. Ils sont plus forts que les petits minables qui attaquent les voitures des infirmières pour un ridicule petit butin.

Quant aux pilosités, c’est Patrick Pelloux, médecin urgentiste très connu, qui sur le plateau de BFMTV, interrogé par un téléspectateur, a répondu que le virus pouvait tenir « plusieurs heures » sur une barbe ou une moustache lorsque quelqu’un toussait ou éternuait. Et il a enfoncé le clou : « c’est très sale la barbe et les moustaches ». D’ailleurs, dans certains hôpitaux, on recommande au personnel soignant masculin de se raser pour que les masques puissent faire leur effet protecteur.

Alors, pour passer le temps pendant le confinement, je vous propose un petit jeu. Vous en connaissez sûrement, des barbus et des moustachus. Et sans doute ne les avez-vous jamais vus autrement, le visage glabre. Alors pensez à l’un d’entre eux, et imaginez quelle tête il pourrait avoir s’il se rasait. Cela pourrait  vous prendre un certain temps. Puis passez à un autre, à un autre. Si vous avez un talent de dessinateur, essayez de représenter son visage rasé. Elle est pas bonne, mon idée ?

Cela me rappelle un jour où j’ai vu arriver chez moi Maxime Le Forestier rasé de près. Je l’avait toujours connu avec une belle barbe et j’en suis resté sur le cul. Depuis, d’ailleurs, il ne l’a jamais laissé repousser depuis.

C’est futile, tout ça ? Peut-être, mais il faut bien s’amuser un peu.

 barre

 fleche23 mars 2020 : Confinement J7 Croisières méditerranéennes

barre

Vous vous souvenez sans doute du Diamond Princess, ce paquebot qui a été bloqué début février dans le port d’Okinawa, mis en quarantaine parce qu’il y a avait à bord dix personnes atteintes du virus. Ce nombre monte très vite, 70 contaminés le 49 février, 135 le 10, 174 le 11, etc., pour atteindre bientôt 600 personnes. Puis viennent les décès. Tout cela, bien sûr, ne fait pas l’affaire des croisiéristes, et vous avez peut-être remarqué qu’on ne voit plus à la télé de publicité pour la compagnie italienne Costa. Finies les croisières, les bateaux sont désormais eux aussi confinés, ce qui fera du bien à Venise ou à Marseille. Pourtant les croisières continuent en Méditerranée. Enfin, pas tout à fait celles dont je parlais, et de celles-la on ne trouve guère d’écho dans les media. Pour en avoir une idée, allez donc faire un tour sur ce site :


https://www.youtube.com/watch?v=6a6DWb5dxKs

 barre

 fleche22 mars 2020 : Confinement J6

barre

La presse, dont je soulignais hier la réactivité, fait parfois preuve de retard à l’allumage. Dans le supplément télé de L’Obs sorti jeudi, je lis que ce soir, il y a une « soirée électorale » sur différentes chaînes.

Sur France 2 : « Un rendez-vous pour vivre en direct les résultats du second tour des élections municipales ».

Sur France 3 : « Les présentateurs recevront en grand nombre de personnalités politiques »

Sur LCP : « Après les premières estimations et les premiers chiffres, Brigitte Boucher er Rebecca Fitoussi proposent des analyses et des reportages autour de ce second tour des élections municipales »

Etc.

Vous en souvenez-vous ?  Il y a une semaine nous votions pour le premier tour des élections municipales, et nous aurions dû voter encore aujourd’hui. Mais c’est loin, tout ça. Le coronavirus et le confinement ont renvoyé au second plan des événement qui tenaient il n’y a guère le devant de la scène. On ne parle plus de maires, de réforme des retraites, du jeu de rôle auquel se sont livrés les participants aux Césars du cinéma, etc.

Hier, me promenant (« prenant l’air », comme dit Macron) autour de chez moi, je me suis cru dans un film de science-fiction, ou d’épouvante. Des rues vides, à perte de vue, comme si la fin du monde était passée par là. Seule présence humaine, des bruits de tronçonneuses ou de tondeuses. Et ce matin, le même vide, sauf, en arrivant sur la place centrale, trois ou quatre personnes faisant la queue devant l’épicerie. Pour compléter cette impression de film d’épouvante, deux petites infos. Vendredi soir, dans un quartier à l’ouest de Nice (Les Moulins), des jeunes opposés au confinement, ou plutôt aux contrôles qui vont avec,  se sont réunis dans la rue, ont brûlé des poubelles et caillassé les pompiers qui intervenaient. Le maire, Estrosi, a parlé d’émeutes. Et dans différentes villes des infirmières disent qu’on a brisé les vitres de leur voiture pour y voler des masques. C’est beau, la solidarité.

Une amie me dit avant-hier qu’elle vient de perdre son père (sans aucun lien avec le virus). Il y a 15 jours un ami universitaire mourrait d’une crise cardiaque. Et j’ai le sentiment qu’il y a d’une côté les morts que nous connaissions, et de l’autre des morts, anonymes,  dont le nombre augmente chaque jour mais qui sont pour nous théoriques. Entre les deux, et dans les trous de la passoire, passent des morts dont les média auraient beaucoup parlé, avant le coronavirus, comme celle de Suzy Delair, chanteuse et comédienne, disparue il y a une semaine.

Pour finir, encore une remarque lexicale. Le gouvernement annonce que certains salariés toucheront une prime de 1000 euros « défiscalisée et désocialisée ». Défiscalisée, tout le monde comprend : ils ne paieront pas d’impôts sur cette somme. Mais désocialisée ? Cela signifie tout bêtement que les patrons ne paieront pas les charges sociales correspondant à cette prime. Je sais qu’il est parfois difficile de créer de nouveaux mots, mais les chargés de communications de ceux qui nous gouvernent, ceux qui préparent leurs éléments de langage comme on dit, ont décidément un problème avec le social. Désocialisée. Ils ne pouvaient pas proposer « sans charges sociales » ?

 

barre

 fleche21 mars 2020 : Confinement J5

barre

Comme on parle de médecine de guerre, celle qui fait dans l’urgence et avec peu de moyens, il faudrait aujourd’hui parler d’information de guerre. Sur les ondes, les programmes sont sans cesse bricolés, pour donner l’impression d’une continuité, mais en rediffusant dans presque la moitié des cas des émissions anciennes, et la plupart des chroniqueurs radio interviennent par téléphone, de chez eux. Dans la presse écrite, la notion de « comité de rédaction » en  présence n’est qu’un souvenir. Un exemple emblématique : L’Obs vient de déménager, s’est installé dans des locaux tous neufs. Ou plutôt les cartons, les ordinateurs, tout a été déménagé, mais les locaux sont vides, pas un journaliste. Ils sont tous chez eux, travaillant à distance. A Libération une dizaine de journalistes vient dans les locaux (ils sont remplacés au bout d’une semaine), les autres, la majorité, sont chez eux. Dans ce bricolage, ou cette adaptation, comme on voudra, apparaît un mode de fonctionnement dont on peut se demander s’il ne sera pas en partie conservé après. C’est quand après ? Je n’en sais rien, et cette question me fait penser à une vieille blague, celle du gosse auquel son père répond toujours « demain » à ses demandes et qui le questionne : « Dis papa, c’est aujourd’hui demain ? »

A Aix-en-Provence, ce matin, les parkings étaient fermés. Les voitures ne transmettront pas le virus. En revanche, le marché fonctionne toujours. Mais pour combien de temps ? Pour la réponse, voir plus haut.

Autre retombée du confinement : dans différentes associations, les bénévoles, qui sont le plus souvent des personnes retraitées, donc âgées, ont par les temps qui courent tendance à  se mettent à l’abri. Les Restos du cœur lancent un appel aux bénévoles et la situation est à peu près la même au Secours populaire.

Et puis, dans la chronique « j’l’ai pas vu mais on m’l’a dit », un ami m’écrit de Bamako : « Tout va bien, le coronavirus n’est pas arrivé au Mali ».  Et un avocat, au téléphone, riant à moitié : « nous nous disons, avec nos collègues, qu’à la fin du confinement nous aurons une recrudescence de divorces ». Quand les affaires reprendront, donc. Remarquez, les avocats disaient la même chose après l’adoption du mariage pour tous. Et, semble-t-il, la suite leur avait donné raison.

barre

 fleche20 mars 2020 : Confinement J4

barre

Vous l’avez sans doute remarqué mais  lorsque le virus a atteint l’Europe, on ne parlait essentiellement dans les media que des retombées de l’épidémie  sur la finance. Le CAC 40 de Paris, le Dax de Frankfort,  le Dow Jones de New York, bref toutes les bourses étaient en chute. En France, elle a baissé de 35% en un mois. Or, selon le Canard enchaîné (encore lui), les grands patrons en ont profité pour acheter pour leur propre compte des actions au plus bas, afin de les revendre plus tard, lorsqu’elle auront remonté. C’est ce qu’on appelle jouer à la baisse. Et un coup d’œil sur Internet permet de se faire une idée de cette cupidité. Voici quelques titres relevés au hasard :

Placements, et si vous profitiez de la baisse pour vous lancer  en bourse

Bourse, cinq conseils face à la chute des cours,

Chute de la bourse, les conseils des gérants de patrimoine,

Bourse, les actions à privilégier après la baisse, selon Barclays, etc. etc.

C’est beau, non ?

Autre remarque, peut-être à l’inverse de la précédente. Depuis quelques jours la population acclame, le plus souvent des fenêtres des appartements, le personnel médical, et elle a bien raison. Les politiques de leur côté semblent le  cajoler, ce personnel médical :  déclarations incessantes pour le remercier, le féliciter, mettre en valeur son sens du devoir. Ils semblent avoir oublié, ces politiques, que depuis plus d’un an les hôpitaux appellent à l’aide, demandent plus de moyens, avertissent qu’ils sont au bord de la catastrophe. Mais nul, sinon écho, ne répondait à leurs appels. Une idée, en passant, pour les faiseurs de loi : pourquoi ne pas saisir, dans quelques temps, tous les bénéfices des susdits joueurs à la baisse et les affecter aux hôpitaux ?

J’ai reçu des nouvelles d’amis sénégalais, brésiliens. Là-bas aussi, la situation est préoccupante. En particulier en Afrique, où les systèmes sanitaires ne sont pas nécessairement à la hauteur.

Tiens, une autre nouvelle, qui me vient de mon pays natal. L’association darja (le nom de l’arabe tunisien, ou tounsi) à laquelle j’appartiens,  a lancé un appel pour faire traduire en arabe tunisien des textes anglais expliquant aux parents comment aider les enfants face au stress découlant du virus. Ce qui a été fait dans la journée. Au moins les gens comprendront mieux que s’il étaient traduits en arabe standard.

Tout cela pour dire que la pandémie du coronavirus est un bon révélateur de tas de choses, de rapacité, d’inconscience, d’’inefficacité ou d’égoïsme des uns, de courage, de conscience professionnelle  ou d’empathie des autres. Et nous en n’avons pas fini avec cette leçon de choses.

 

barre

 fleche19 mars 2020 : Confinement J3

barre

Guerre :Macron, Castaner, tous les ministres, tous les médias ont utilisé ce terme, guerre contre un « ennemi invisible ». Pas si invisible que ça puisque des milliers d’Américains se ruent sur les boutique d’armurerie. Il leur faudra être bons tireurs et avoir une vue perçante pour atteindre le virus. Et puis débute une guérilla entre décideurs réels ou autoproclamés : a-t-on pris à temps la mesure du danger, a-t-on fait ce qu’il fallait faire, le gouvernement a-t-il été à la hauteur, etc. Ces escarmouches viennent surtout de l’opposition, mais aussi de l’intérieur de la forteresse. Ainsi Agnès Buzyn, qui avait quitté son poste de ministre de la santé pour prendre la tête de la liste gouvernementale à l’élection municipale de Paris (il faut dire que Griveau était légèrement blessé…), et avait pris une baffe, à une troisième place lointaine de la première d’Hidalgo, a dégainé. Elle déclare à la presse avoir expliqué  dès le mois de janvier au premier ministre que la situation était grave, que les élections ne pourraient pas avoir lieu, qu’on ne l’a pas écoutée, bref elle flingue à tout va. La campagne électorale fut à ses yeux une « mascarade » (et l’on peut se demander pourquoi elle y a participé). Orgueil blessé, réaction d’une mauvaise perdante ? Mauvaise camarade, en tout cas.

Mais il n’y a pas que la guerre : le vocabulaire voit apparaître de nouveaux termes, de nouvelles expressions. Prenons les deux plus fréquentes. Les gestes » barrière » tout d’abord : rester chez soi, se laver les mains,  ne pas serrer celle de autres, tousser dans son coude ; garder ses distances… Et là apparaît la seconde formule, la distanciation sociale, c’est-à-dire se tenir à au moins un mètre des autres. Mais pourquoi pas distance de sécurité, ou distance minimum ? Cette « distanciation sociale » a tout de même quelques connotations sociales, justement, au vrai sens du terme. Le confinement n’est pas tout à fait le même vu d’un appartement de 100 mètres carrés ou d’une résidence secondaire entourée d’un jardin et vu d’un deux pièces où se serrent parents et enfants, voire des hôtels dans lesquels s’entassent des sans-abri ou des migrants, des tentes parfois dans lesquelles ils vivent. Et, à propos de migrants, les structures d’accueil ferment toutes, elles aussi confinées. N’est-elle pas là, la vraie distanciation sociale? Et cette formule, lancée par Macron, re ressemble-t-elle pas furieusement à un lapsus.

Lu dans un compte rendu d’audience. La procureuse : « Monsieur racontait hier être atteint du coronavirus, mais le médecin n’a rien détecté sauf sa positivité au shit ». La présidente : « Ah non ! Si vous avez le virus on est bon, là ! » Autres maux, même tactique. Ici le un prévenu prétend être contaminé, naguère d’autres menaçaient avec une seringue : « n’approchaient pas, j’ai le SIDA, je vous pique ».

  Pour finir plus tranquillement. Je suis allé hier soir marcher 3 ou 4 kilomètres autour de chez moi, dans la campagne, empruntant de petites routes ou des chemins que je n’avais jamais parcourus. J’ai découvert des coins sympas, vu le château  Château d’Alphéran dont je connaissais l’existence mais que je n’avais jamais admiré de près. Et croisé de rares promeneurs qui tous se saluaient de loin. Marges du confinement.

barre

 fleche18 mars 2020 : Confinement J2

barre

En sortant de chez moi ce matin je constate que le parking est inhabituellement plein : personne n’est allé au travail. Très peu de monde dans les rues. Je suis sorti avec une attestation de déplacement dérogatoire, que d’ailleurs personne de m’a demandée. A l’épicerie, les rares clients rentrent deux à deux, lorsque la patronne leur en donne la permission. Et, devant la pharmacie, une affiche annonce : « Pas de gel ni de masques ». J’ai souvent eu du mal à expliquer à mes étudiants ce qu’était une injonction paradoxale. Dimanche on reprochait au gens de se prélasser en groupes au soleil mais on leur demandait d’aller voter, tout les médecins leur disent que porter un masque ne sert à rien si l’on n’est pas malade, mais on leur annonce en même temps qu’il n’y a pas de masques…

Dans Libération, le Une et treize pages sur le coronavirus, en France et à l’étranger. Dans Le Monde, douze pages, mais elles sont plus grandes. Le virus a cependant des effets collatéraux intéressants. En Belgique par exemple. Le pays n’a pas de gouvernement depuis plus d’un an, au point qu’on pouvait se dire qu’un gouvernement ne servait pas à grand-chose. Et puis hop! Le gouvernement provisoire, qui gérait les affaires courantes, est soudain doté de pouvoirs spéciaux, pour une période de trois mois renouvelable une fois.. En Israël, où Netanyahou avait profité de la situation, sous prétexte »guerre contre un ennemi invisible », pour faire repousser sous procès en corruption et déclencher un élargissement de la surveillance anti-terroristes  aux porteurs du virus, une alliance improbable a donné la majorité à son adversaire Benny Gantz pour former un nouveau gouvernement.

Mais le plus drôle, ou le plus con, s’est passé au Brésil. Les provinces de Rio et de Saõ Paulo ont été mises en état d’urgenc.  Ce qui n’a pas empêché là Brasilia le président de la république, le sémillant Bolsanoro, quitter son palais pour aller prendre un bain de foule, serrer la main de ses partisans. En une heure, il aurait cotoyé de près 272 personnes.

En une du Monde un dessin de Plantu montrant Macron en costume militaire lançant dans un micro à l’ancienne « Les confinés parlent aux confinés », clin d’œil à l’appel à la fois du 18 juin de De Gaulle et de l’annonce de Radio Londres, « les Français parlent aux Français ». De son côté le Canard enchaîné se déchaîne. Un Macron déclarant « Jusqu’à nouvel ordre, vous ne pourrez plus traverser la rue pour trouver du travail », un couple, l’homme devant son ordinateur, la femme faisant des paquets de flacons et lui disant « Spéculer sur le gel et les masques, c’est petit. Faut qu’on s’attaque au marché des respirateurs », un malade dans un lit d’hôpital donnant aux médecins ses dernières volontés, « En cas de malheur je lègue mes palettes de papier-toilette à mes petits-enfants » et enfin ce titre, sur toute la Une, constituant une bonne définition du confinement,  « Pour s’en sortir, il faut s’enfermer ». Visiblement, Bolsonaro ne lit pas Le  Canard enchaîné.

 

barre

 fleche17 mars 2020 : Confinement J1

barre

Nous voilà donc en confinement. Hier déjà, sur France Inter, le journal n’avait qu’un invité, pour ne pas encombrer le studio et éviter ainsi les risques de contagion. Et les chroniqueurs quotidiens, ils sont quatre ou cinq, intervenaient depuis chez eux, par téléphone. Le tout « pour protéger les personnel de France  Inter », nous précise-t-on. Le soir, sur la cinquième chaîne de télévision, l’émission C’dans l’air, qui a tous les jours quatre invités, n’ont avait que deux, les deux autres étant en duplex depuis chez eux. Et dans la journée, la moitié des émissions habituelles, celles qui nécessitent le plus de gens en studio, étaient remplacées par des rediffusions d’émissions anciennes. Et aujourd’hui, même principe avec en outre une surprise : on pouvait écouter de journal d’Inter également sur France culture. Quant aux informations, elles étaient presque entièrement consacrées au coronavirus, aux précautions à prendre, aux dernières nouvelles. Et à peine quelques lignes, quelques phrases, aux résultats des élections municipales. Aujourd’hui d’ailleurs, dans Libération, la couverture et les dix premières pages étaient consacrées à ce thème, suivies de deux pages de bilan des élections. Et j’apprends que dans les studios de télé il y a dorénavant plus de caméras automatiques que de techniciens, que les quotidiens régionaux réduisent drastiquement le nombre de leurs éditions ocales

Dans mon environnement immédiat il y a deux pharmacies. Devant la première une longue file d’attente, les gens sagement alignés à un mètre les uns des autres. A la seconde, on ne rentrait pas : une table devant la porte, deux pharmaciens masqués, prenant les commandes et allant les chercher à l’intérieur. Et, dans la rue, passant comme des ombres, des gens une écharpe sur le nez, d’autres plaquant un journal sur leur figure. Et quelques mémères promenant leur chienchien. Devant une station-service, de longues files de voitures, comme si l’on s’attendait à une pénurie… Et ne parlons pas des rayons vides dans les supermarchés, les clients remplissant leurs caddies de kilos de pâtes, de riez et… de papier toilette. Ils pourront manger et déféquer à loisir.

Des scènes comme celles-là, je suppose que des milliers de Français en ont vues, répliques de la même panique, ou du même consentement. Consentement d’ailleurs raisonnable pour ce qui concerne les mesures de sécurité. J’épinglais hier les « imbéciles » qui s’étaient précipités, coude à coude, dans les parcs ou sur les rives des fleuves, pour piqueniquer ou prendre le soleil. A ce propos, un ami me rappelle le 29 septembre 1938, lorsque Edouard Daladier, alors ministre de la défense, rentrait de Munich où il avait signé avec Hitler un accord lui laissant les mains libres en Tchécoslovaquie. Il s’attendait à être hué à l’aéroport du Bourget, il fut acclamé par la foule et, dit-on, il souffla  au diplomate qui l’accompagnait, Alexis Leger (plus connu sous le pseudonyme de Saint-John Perse): « Ah les cons ! S’ils savaient ! ».  D’imbécile à con, il n’y a qu’un pas.

A propos, d’où vient ce verbe, confiner ? D’un vieux verbe français signifiant « enfermer ». Nous devons donc rester enfermés. Ce qui est sage, par les temps qui courent. Mais je ne résiste cependant pas au plaisir de citer une chanson de Brassens, Le Pluriel :

Le pluriel ne vaut rien à l'homme et sitôt qu'on
Est plus de quatre on est une bande de cons.
Bande à part, sacrebleu ! c'est ma règle et j'y tiens.
Au faisceau des tibias on n'verra pas les miens.

barre

 fleche16 mars 2020 : Foire d'empoigne

barre

Je me rends compte que, ces dernières semaines, j’ai parlé ici de tout et n’importe quoi, sauf du coronavirus.

Hier, en allant voter, j’ai entendu deux hommes, apparemment deux amis, s’interpeler : « Alors ! Qu’est-ce qu’on va faire ?...Plus de boules…Plus de pastis ! Ah ! Ils déconnent ». Et tôt ce matin, sorti pour acheter la presse, je me suis trouvé seul dans les rues. Une drôle d’impression. Je me sentais dans la peau de quelqu’un qui profite de l’arrêt des bombardements pour mettre le nez dehors. Mais il ne faut pas abuser des comparaisons. Nous n’en sommes pas là.

Hier soir, cependant, la situation était surréaliste. Tous les programmes de télévision annonçait une « soirée électorale », bien sûr, puisque la France avait voté pour les élections municipales. En fait, même si on parlait un peu des résultats, on traitait surtout du virus, et il y avait presque autant de médecins que de politiques invités sur les plateaux.

Restons-en aux politiques. On sait que jeudi dernier le président Macron, hésitant sur le décision à prendre, avait consulté plusieurs responsables politiques. Et on sait que Gérard Larcher, président du Sénat, Christian Jacob, chef de file des Républicains, François Baroin, président de l’association des maires de France et quelques autres avaient tous insisté pour que l’élection se tienne. C. Jacob (dont on a appris depuis qu’il est infecté par le virus) avait déclaré que le gouvernement voulait « utiliser la crise sanitaire pour éviter une débâcle électorale », et qu’il s’agirait d’un « coup d’état ». Comme Danièle Simonnet, députée de la France insoumise, parlant de « coup d force anticonstitutionnel ». Bref ils étaient alors tous d’accord avec la décision finale de maintenir le scrutin.

 

Hier soir c’était autre chose, ils semblaient avoir oublié ce qu’ils disaient trois jours avant. Nadine Morano est même montée à la première place du podium de l’indécence et du complotisme en suggérant qu’on nous cachait la vérité sur l’état des  progrès du virus.

Et ce matin, ils demandent tous de repousser le scrutin de dimanche prochain. Sans doute avec raison, mais…

Mais les juristes spécialistes de la constitution sont tous d’accord sur un point : selon la loi, le second tout doit se tenir une semaine après le premier. Donc le  repousser implique qu’on annule le premier. Et là la politique politicienne reprend ses droits. Yannick Jadot, responsable de Verts, demande bien qu’on repousse le second tour mais en gardant les résultats du premier. « Nous avons de bons résultats, nous voulons les garder ! » D’autres, ceux qui ont d’ores et déjà été élus au premier tour, réclament bien sûr qu’on ne renonce pas à leur élection acquise. « J’ai gagné, moi, je ne veux pas recommencer au risque de perdre ! » C’est en particulier, mais pas seulement, la position de la responsable de l’extrême droite Marine Le Pen. Bref, nous allons vers une belle foire d’empoigne. Pendant quelques jours nous avons assisté à une sorte d’unanimité, tous pour la tenue du premier tour, et la santé ne sera pas menacée puisque, comme disait Eric Woerth, des Républicains, « faire la queue dans un supermarché, ce n’est pas tellement différent de faire la queue devant un isoloir ». 

Autre chose qui inquiète : hier, profitant d’un samedi ensoleillé, des milliers de gens se sont pressés, parfois au coude-à-coude, sur les berges de la Seine, de la Loire ou du Rhône, dans les parcs, un peu partout. Visiblement, ils n’avaient rien compris à la situation. Et face à des imbéciles, on n’ose imaginer quelles décisions vont être prises.

Macron doit parler ce soir, et je ne sais bien sûr pas ce qu’il va dire. Mais cette foire d’empoigne, cette recomposition ultra rapide des oppositions, cette irresponsabilité de certains face à une épidémie, sont réjouissantes. Ou tristes. Selon le point de vue qu’on adopte pour les observer.

barre

 fleche13 mars 2020 : Poutine, chapeau l'artiste!

barre

Décidément, la Russie et Poutine ne cessent de nous montrer la voie d’une véritable démocratie. En janvier dernier, le vénéré président a annoncé que la constitution de 1993 allait être réformée. Parfait, il faut vivre avec son temps, les instituions vieillissent et d’ailleurs, chez nous, Mélenchon prône lui aussi une nouvelle  constitution, pour aller vers la sixième république. Mais la démocratie russe étant bien plus démocratique et efficace que la nôtre, la Douma s’est immédiatement mise au travail. Bien sûr, Poutine lui a fait passer quelques suggestions. Par exemple, introduire Dieu dans le texte constitutionnel (Dieu doit être content), ou encore affirmer qu’un mariage ne peut avoir lieu qu’entre un homme et une femme (les militants de la manif pour tous, tous ces cathos coincés en emperlousés, devraient aller vivre à Moscou, ils y trouveraient leur bonheur). Parfait.

Avant-hier, le président de la Douma a donné la parole à Valentina Terechkova. Vous la connaissez, Valentina ? Non ? Vous devriez. C’est la première femme à avoir volé dans l’espace, en 1963. Une héroïne, quoi, qui est aujourd’hui députée. Et qu’a-t-elle dit, Valentina, à la tribune de la Douma ? Elle a dit la vérité (à propos, vous savez comment on dit « vérité » en russe ? On dit pravda), bien sûr, à savoir que ses électeurs lui disaient vouloir que Poutine reste au pouvoir. Et elle a précisé sa pensée. Selon elle il y avait deux solutions : soit supprimer la limitation du nombre de mandats présidentiels, soit permettre au président en place de se représenter. Logique, et surtout merveilleusement démocratique puisqu’il s’agissait de respecter la volonté du peuple, qui, vous vous souvenez, a dit à Valentina qu’il fallait que Poutine reste en place.

Dans sa grand sagesse, la Douma a donc voté un amendement permettant en gros de remettre les compteurs à zéro : puisqu’il va y avoir une nouvelle constitution, c’est après son entrée en vigueur que s’appliquera à nouveau la limitation à deux mandats. Apparemment, personne n’avait vu venir le coup. Chapeau l’artiste ! Un coup de théâtre au sens propres du terme. Vous vous souvenez de la règle des trois unités : qu’en un jour en un lieu un seul fait accompli tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli. Et voilà, dans le théâtre de la Douma Valentina rapporte la volonté de ses électeurs, on vote et hop, Poutine ne partira pas. En un lieu, en un jour, un seul fait…

Ils sont durs tout de même, les députés russes. Le pauvre Poutine a déjà été président de la fédération de Russie de 2002 à 2008. Puis, de 2008 à 2012, sous la présidence de Medvedev, il est président du gouvernement (disons premier ministre), puis, de 2012 à 2018, il est à nouveau président de la République, poste auquel il est réélu en 2018, pour un quatrième mandat. Cela fait dix-huit ans qu’il mouille sa chemise pour le bien du peuple, il en a encore pour quelques années. Il doit être éreinté, le pauvre. Il a droit à un juste repos, à plein de médailles pour services rendus à la nation, droit à être embaumé même, afin que le peuple puisse défiler devant son cercueil pendant des siècles et des siècles. Et bien non. N’écoutant que son devoir, cédant à la volonté unanime du peuple, Poutine accepte de se sacrifier, de continuer à mener son peuple vers des lendemains qui chantent. C’est beau, la démocratie. Comment disait Winston Churchill, déjà ? Ah oui : La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes. On encore, je n’en suis pas sûr : La démocratie est le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres. Bref, les Russes ont bien de la chance.

 

barre

 fleche9 mars 2020 : Encore  Orwell

barre

La « guerre » sino-américaine a trouvé une nouveau terrain. L’OMPI, agence de l’ONU chargée de la propriété intellectuelle, devait élire son nouveau directeur, et deux candidats étaient en tête, une Chinoise (Wang Binyig) et un Singapourien (Daren Tang). Or les Etats Unis ont tout fait pour s’opposer à l’élection de la Chinoise, craignant qu’elle permette à la Chine de mettre la main sur les serveurs abritant des millions de brevets et facilite ainsi les vols de ces brevets. Il y a 15 agences à l’ONU, et la Chine est à la tête de 4 d’entre elles. Et, selon les EU, dans chacune   la phraséologie du parti communiste chinois se diffusait et, surtout, elles tendaient à favoriser la politique de Pékin, en particulier son projet de « nouvelle route de la soie ». Bien sûr, les Chinois ont protesté de leur bonne foi, en vain d’ailleurs puisque c’est finalement le Singapourien qui a été élu. Mais qu’importe.

Car la question qui, à mes yeux, se pose est de savoir si les Chinois peuvent avoir de si mauvaises intentions, peuvent être à ce point malhonnêtes. S’ils disent le contraire, pourquoi les soupçonner ? Et j’ai un début de réponse. Regardez Xi, Trump, Poutine, Erdogan et quelques autres, ma liste est incomplète. Ils ont une telle tête de faux culs que cela en devient une grande franchise.

Faites-en ce que vous voulez, mais n’oubliez pas le paradoxe du menteur. Vous savez : un Crétois dit « tous les Crétois sont menteur ». Ment-il ou dit-il la vérité ? A priori, puisqu’il est crétois, il ment et donc sa phrase est un mensonge, et les Crétois ne sont donc pas menteurs. Dès lors il dit la vérité et les Crétois sont menteurs…  On peut en sortir en disant que la langue n’est pas nécessairement faite pour dire la vérité, et que la problème n’a aucun intérêt. Ce qui nous ramène à Orwell dont je parlais dans mon précédent billet.

barre

 fleche3 mars 2020 : Orwell et Duval

barre

Je suis en train d’écrire un livre sur le signe et sur son pouvoir politique et je viens de relire 1984, le roman célèbre de George Orwell que je n’avais pas ouvert depuis les milieu des années 1960. Je dois dire que je suis resté sur le cul. Je me souvenais bien sûr de l’ambiance générale, d’une société dictatoriale dans laquelle la langue, la Newspeak, jouait un rôle central. Et je n’avais pas oublié la parodie du régime soviétique, avec un Big Brother copie conforme de Staline et un bouc émissaire, Goldstein, dont la biographie faisait irrésistiblement penser à Trotski. Mais j’avais oublié à quel point ce livre, écrit en 1948, décrivait des choses que peu de gens imaginaient alors, la situation réelle de la « patrie du socialisme ». Et les écrans qui surveillent et écoutent jour et nuit les citoyens, la délation, la dévotion envers le grand frère, tout cela semble se réaliser aujourd’hui en Chine. Et les romans de Qiu Xialong (un auteur de polars qui vit aux USA mais dont toutes les intrigues se passent à Shanghai) vont dans le même sens: à mi-chemin entre Orwell et la Chine contemporaine.

Et cette Newspeak  se rencontre même chez nous. Un exemple récent. Eric Ciotti, député des Alpes MAritimes, a récemment déclaré à propos du coronavirus que "aucune information n'est donnée aux voyageurs qui arrivent à Nice par avion en provenance de Milan". Problème, certes, mais pas où l'on peut croire: il n'y a pas de vol Milan-Nice. Les trois cents kilomètres qui séparent ces deux villes se font par train ou en voiture. Bref, Orwell avait une sacrée intuition.

Tiens, à propos de sacré, passons à quelque chose qui n’a rien à voir, encore que... Dans le petit village sarthois de Solesmes, 1200 habitants, une belle église  et le manoir de Beaucé, du 15ème  siècle, propriété de la famille Fillon, il n’y a une liste pour les prochaines municipales sur laquelle figure  Penelope Fillon, ainsi que le père Jean-Philippe Duval. Tiens ! Le père Duval, ça ne vous dit rien ? Celui auquel je pense s’appelait Aimé, Aimé Duval, et chantait à la fin des années 1950  sous le nom du « Père Duval ». Mais Brassens l’appelait « la calotte chantante » et la presse « le guitariste du bon Dieu ». Il chantait « Qu’est-ce que j’ai dans ma p’tite tête », « Le Ciel est rouge », puis disparut des écrans avant de sombrer dans l’alcoolisme. Il chantait aussi « j’ai joué de la flute sur la place du marché et personne avec moi n’a voulu danser ». Je ne sais pas s’il y a un marché à Solesmes, et encore moins si le père Jean-Philippe Duval y chante. Reste à savoir si, dans le contexte judiciaire que vit la famille Fillon, j’ai gens viendront danser sur la place…

Haut de page

Février 2020

 

barre

 fleche24 février 2020 : Terreur graphique

barre

Suites de l’affaire Griveaux sans doute, dans Libération  de samedi une courte BD (signée « Terreur graphique ») montrant un homme grisonnant et une jeune blonde dans une étreinte passionnée. Ils se jettent sur le lit, sont prêts à passer à l’acte quand l’homme calme le jeu en expliquant qu’il préfère qu’on éteigne les portables. La suite du dialogue mérite qu’on la cite :

-« J’ai pas trop envie de me retrouver cul nul et la bite à l’air sur les internets »

-« La confiance règne »

-« Me faire mater et kompromater, très peu pour moi… et encore moins me faire revenge porner »

-« OK, c’est ça boomer ».

Ce que j’ai mis en gras relève d’une sorte de photographie sociolinguistique. On y trouve d’une part des éléments du langage « jeune » actuel (les internets, OK boomer) et d’autre part une tendance forte dans le français actuel à n’inventer que des verbes du premier groupe, ici à partir d’un mot russe (kompromat) ou d’une formule anglaise (revenge porn), ailleurs à partir de racine arabes (kiffer, chouffer) et de façon générale dans tous les néologismes verbaux.

Bon, je ne vais pas vous faire un cours de linguistique, mais c’est l’occasion de rendre hommage à Claide Brétécher, disparue il y a deux semaines, et qui, dans ses albums (Cellulite, Les frustrés, etc.) savait capter l’air du temps dans la langue. D’un certain point de vue, Terreur graphique (quel nom !) en est un digne successeur.

 

barre

fleche19 février  2020 : Promotion...

barre

Pour ceux qui n’ont pas lu mon livre Méditerranée, mer de nos langues, il vient de sortir en format de poche, toujours à CNRS éditions, à un prix abordable.

Par ailleurs je donne demain jeudi 19 h 30, à  Mundolingua, 10 rue Servandoni, 75006, une conférence sur le thème de "Autour de la méthode Assimil". Pour les Parisiens qui seraient libres et, bien sûr, intéressés.

 

barre

fleche16 février  2020 : Club des idiots

barre

On a dit sur l’affaire Griveaux tout ce qu’il y avait à dire et tout ce qu’il est politiquement correct de dire. Que cette histoire est scandaleuse, dégueulasse, que mettre sur la scène publique la vie privée des gens est intolérable, que c’est une atteinte au droit et aux droits de l’homme, à la démocratie, etc. etc. Donc les gens qui ont semble-t-il piégé Griveaux (la jeune femme à laquelle il adressait ses images de branlette aurait aux dernières nouvelles joué avec lui et avec son démon de midi)  sont passibles de la loi et seront sans doute condamnés.

 

Plus largement, les réseaux sociaux sont une véritable merde, et les adolescents (et surtout les adolescentes, semble-t-il) qui s’étonnent de voir diffusées un peu partout les photos qu’ils ont mises sur Facebook sont bien naïfs. Les adultes aussi d’ailleurs, incapables de lutter contre leur ego et se livrent à une sorte de striptease psychologique en mettant en scène leurs photos de vacances, celles de leurs gosses, de leur chat, de leur chien ou de leur perroquet, toutes choses qui n’intéressent personne mais les excitent tout simplement.

 

Reste que Griveaux est un idiot. Il n’est pas grivois, il est con. Tout le monde sait qu’il est impossible aujourd’hui d’échapper aux photos, aux selfies, aux enregistrement de tous genres, qu’ils soient ou non malveillants. Et il le savait si bien qu’il a utilisé je ne sais quelle application faisant que ses images d’érection ou d’éjaculation devaient disparaître  sitôt avoir été vues (je ne suis pas de ses confidents et me fonde simplement ce que l’on peut lire dans la presse). Mais voilà, on trouve toujours plus malin que soi. Et lorsqu’on prétend être un homme politique, qu’on prétend à de hautes fonctions, en bref à être responsable, on fait gaffe à ce type d’irresponsabilités. Je sais, ce que j’écris là n’est pas politiquement correct, et l’on devrait se contenter de dénoncer les méchants qui ont fait le coup. Mais lorsque la victime est aussi bête, il est difficile de ne pas le souligner.

 

Tenez, je vais passer à presque autre chose. Il y a sur certains téléphones portables une application mesurant le nombre de pas que vous avez fait dans la journée, la distance que vous avez parcourue, et même le nombre d’étages que vous avez gravis. Et des gens (j’en connais beaucoup) la consultent régulièrement. Les mêmes sans doute que ceux qui sont tombés dans l’opération publicitaire des maraîchers affirmant qu’ils fallait consommer cinq fruits et cinq légumes par jour. Ils pensent (et je ne sais pas où ils ont trouvé ça) et disent qu’il faut faire au moins 5.000 (certains disent 10.000) pas par jour, ce qui doit plaire aux marchands de chaussures. Mais il y a un petit problème. Les mêmes téléphones portables sont munis d’un GPS. Du coup, certains petits malins doués en informatiques peuvent aisément savoir en hackant votre portable où vous êtes allés dans la journée, à quelle heure, et même à quel étage vous êtes montés. Mesdames ou messieurs, si vous allez voir votre amant ou votre maîtresse et ne voulez pas que cela se sache, laissez donc votre portable au vestiaire, surtout si vous êtres candidats à je ne sais quelle fonction. Ou alors, fondez un club des idiots, et demandez à Griveaux s’il veut en être le président d’honneur.

barre

fleche14 février  2020 : Surenchères compassionnelles

barre

Il y a une semaine les députés de la majorité rejetaient une proposition de loi visant à étendre de 5 à 12 jours le congé accordé à des parents venant de perdre un enfant. Scandale, assaut de déclarations apitoyées de la part de l’opposition, le président de la république en appelle à plus d’humanité et les mêmes députés de la majorité, sans crainte du ridicule, tournent leurs vestes et proposent de porter ce congé à trois semaines. C’est ce qu’on appelle de la surenchère compassionnelle…

 

Le 5 mai 1992, lors de la demi-finale de la coupe de France de football, une tribune du stade de Furiani, en Corse, s’écroulait. Bilan, 18 morts et plus de 2.000 blessés. En fait les travaux avaient été terminés le matin même, en accéléré, sans réel souci de sécurité, et treize personnes furent inculpées… Et voilà qu’un député corse, Michel Castellani, propose hier qu’en hommage à ces victimes aucun match de football professionnel ne puisse désormais être joué un 5 mai. Adopté à la quasi-unanimité en première lecture.

 

Cette décision laisse rêveur. Le 7 janvier 2015 12 personnes étaient assassinées lors de l’attentat à Charlie Hebdo. Le 13 novembre de la même année, c’est la salle de spectacle du Bataclan qui était victime d’un attentat : 129 morts. Pour montrer leur humanité, les dépits ne devraient-ils pas  interdire désormais les réunions de comité de rédaction tous les 7 janvier, et les spectacles tous le 13 novembre ?  Et pourquoi pas interdire les feux de cheminée tous les 30 mai ? Jeanne d’Arc a en effet était brûlée le 30 mai 1431. Et interdire aussi les réunions religieuses tous les 24 août ? Le 24 août 1572, jour de la Saint-Barthélemy, les protestants étaient massacrés. Je pourrais bien sûr allonger cette liste à l’envi et nous pourrions avoir une commémoration chaque jour de l’année, et pourquoi pas des congés, ce qui serait une façon habile de régler le problème du temps de travail. Mais fermons le ban.

 

Tout cela relève du n’importe quoi.  Je ne sais pas quelles étaient les motivations du député corse qui a fait cette proposition d’interdire les matches de foot le 5 mai de chaque année, mais je suis persuadé que ses collègues ont eu peur, en ne la votant pas, d’être accusés de manque de compassion envers les victimes de Furiani. Face à une telle inhibition, on ne peut que leur conseiller une bonne psychanalyse… ou de faire un autre métier.

barre

fleche7 février  2020 : Souvenir

barre

La mort de Kirk Douglas, à l’âge de 103 ans, a réveillé dans le dortoir de ma mémoire un souvenir amusant. C’était en janvier 1989, Bernard Pivot recevait l’acteur américain, qui avait alors 73 ans,  dans son émission Apostrophe, pour parler de ses mémoires qui venaient de sortir en français sous le titre Le fils du chiffonnier. El l’émission était consacrée au « stars ». Pivot avait d’ailleurs commencé par une étrange remarque, soulignant que star était l’anagramme de tsar, peut-être parce que la famille de Douglas était originaire de Biélorussie. Mais qu’importe. Mon souvenir est ailleurs : Il avait un autre invité le publiciste Jacques Séguéla. Séguéla  n’avait pas encore développé sa théorie de la montre Rolex pour courir au secours de Sarkozy qui exhibait ostensiblement la sienne (vous savez : «celui qui a 50 ans ne peut pas se payer une Rolex a a raté sa vue »), mais il avait une théorie sur les stars. En cours d’émission, il prit bien sûr en exemple l’acteur américain pour expliquer qu’il n’était pas une star. Et Kirk Douglas, qui parlait parfaitement le français, avec un fort accent américain, lança alors : « Mais qui a décidé que vous pouvez décider de qui est une star ? » Et comme Séguéla insistait, Douglas poursuivit en disant quelque chose comme: «Je ne regrette pas d’avoir fait tous ces kilomètres en avion, à mon retour à Hollywood je pourrais leur dire ce qu’est une star». Et en conclusion il ajouta que le ridicule ne tuait pas assez.

Séguéla, ridiculisé en direct, n’en a pas pour autant disparu de l’espace public, c’est le moins qu’on puisse dire. Après avoir participé en 1981 à la campagne de François Mitterrand, il fit celles de Paul Biya au Cameroun, d’Omar Bongo au Gabon, soutint en 2007 la candidature de Ségolène Royal avant d’annoncer entre les deux tours qu’il voterait pour Sarkozy. Mais il n’a jamais avancé de théorie pour définir ce qu’était une girouette.

 

barre

fleche4 février  2020: Merde à Dieu !

barre

 

Mon absence dont je parlais avant-hier, pourtant courte, m’avait fait rater autre chose : « l’affaire Mila ». Un lycéenne est vilipendée, menacée de tous les maux, y compris de mort, pour avoir dit sur Instagram du mal de la religion musulmane. Je n’ai pas réussi à trouver ses déclarations et ne dispose donc que de citations : « Je déteste la religion, […] le Coran il n'y a que de la haine là-dedans, l'islam c'est de la merde. […] J'ai dit ce que j'en pensais, vous n'allez pas me le faire regretter. Il y a encore des gens qui vont s'exciter, j'en ai clairement rien à foutre, je dis ce que je veux, ce que je pense. Votre religion, c'est de la merde, votre Dieu, je lui mets un doigt dans le trou du cul, merci, au revoir ».

Depuis, même si le Brexit et le coronavirus prennent beaucoup de place dans le bal des informations, tout le monde parle de ça et l’on demande aux politique si, comme on disait en janvier 2015 « être Charlie », ils « sont Mila ». Les réactions sont diverses. Du côté des responsables musulmans, on critique les menaces dont la jeune fille a fait l’objet. Sauf Abdallah Zekri, secrétaire général du Conseil Français du Culte Musulman qui, interrogé sur ces menaces de mort, déclare « elle l’a cherché, elle assume. Les propos qu’elle a tenus, les insultes qu’elle a tenues, je ne peux pas les accepter ». La ministre de la justice, Nicole Belloubet, a d’abord déclaré une grosse bêtise, « l’insulte à la religion c’est évidemment une atteinte à la liberté de conscience », et le parquet de Vienne a même ouvert une information contre la jeune-fille pour « incitation à la haine religieuse », avant de conclure à non-lieu. Et enfin Ségolène Royal a refusé « d’être Lila ». De son côté la gauche dans son ensemble a cependant défendu, mais sans excès, Mila. Sauf Raquel Garrido, ancienne porte-parole de la France Insoumise, selon laquelle on parlait de l’affaire Mila ne pas « parler du plus grand mouvement social qu’ait connu notre pays depuis l’après-guerre », c’est-à-dire des grèves contre la réforme des retraites. Et le Rassemblement National a réagi dans le désordre, Jordan Bardella déclarant que les responsables politiques étaient des « alliés objectifs des islamistes » tandis que pour Marine Le Pen« Les propos de cette jeune fille sont la description orale des caricatures de Charlie, ni plus ni moins. On peut trouver ça vulgaire, mais on ne peut pas accepter  que, pour cela, certains la condamnent à mort, en France, au XXIe siècle ».

Bref, nous sommes dans une grande cacophonie, au sein de laquelle on distingue une grande prudence de la gauche traditionnelle (PS, PC) qui prend cependant la défense de la jeune fille, un anti-islamisme de l’extrême droite et une gêne de l’extrême gauche, qui dégage en touche en faisant semblant de croire à un complot  du gouvernement pour faire oublier ses problème.

Pourtant, les données du problème me semblent simples. La France est un des très rares pays au monde dans lequel le blasphème n’est pas puni par la loi. On peut y dire que le catholicisme, l’islam, le bouddhisme, l’évangélisme, le judaisme,  « c’est de la merde », que Dieu, quel que soit le nom qu’on lui donne, Jahvé, Allah, Christ ou tout autre, est un con, mais on n’a pas le droit d’attaquer ou d’insulter ceux qui y croient. Cela s’appelle la laïcité et c’est très bien. Et Mila n’a rien fait qui aille contre la loi.

Mais voilà, il y d’un côté de plus en plus d’intolérances religieuses, de communautarisme, en particulier musulman, qui refuse qu’on puisse critiquer la religion, de l’autre beaucoup de lâchetés ou de prudences dans le corps politique et enfin une grande ambiguïté de ceux qu’on appelle les « islamo-gauchistes» qui trouvent aux populations d’origine musulmane, en France ou ailleurs, des vertus révolutionnaires. Derrière cela il y a beaucoup de « politiquement correct », pas mal  de post-colonialisme et d’autres théories à la mode, et un bien triste affaiblissement de la pensée critique et de l’humour. Je me prends parfois à penser qu’aujourd’hui Jacques Brel (souvenez-vous des Bigotes), Léo Ferré (souvenez-vous de ce qu’il chantait à propos de la thalidomide et du procès de Liège : « quand tu verras un pape sans bras avec quoi donc i’t’béniras ») et Georges Brassens (souvenez-vous de tout ce que vous voudrez) ne pourraient pas chanter aujourd’hui, ou du moins auraient pas mal de problèmes.  Et Rimbaud, qui avait gravé sur un banc de sa ville natale, Merde à Dieu ! Serait-il poursuivi aujourd’hui, vilipendé, menacé de mort ?

 Au Brésil, il y a quelques semaines, on a tenté de faire interdire une comédie, A Primeira Tentação de Cristo (La première tentation du Christ). Nous ne sommes pas encore sous le régime d’un Bolsonaro français, mais cela nous guette.

Bref, tout cela est inquiétant. Mais, heureusement, il y a des gens plein d’humour  de dénués de lâcheté. Je cite à nouveau un passage de la déclaration de Mila : « votre Dieu, je lui mets un doigt dans le trou du cul ». Ciel ! Mon Dieu ! Mais un journaliste de Libération, Luc Le Vaillant, commentant ce matin « l’affaire », s’adresse à Mila de la façon suivante : « Tu menaces l’anus de dieu en question. Sache que cette pénétration préconisée par certaines sexpertes attachées à l’inversion de toutes les dominations, pourrait lui procurer un orgasme prostatique. Ni toi ni moi n’étant partants pour dispenser le moindre plaisir à cette irascible divinité, l’idéal serait sans doute de le priver à jamais de ce geste secourable ».

Bravo Luc ! Et merde à Dieu !

barre

fleche2 février  2020: Information...

barre

Je viens de passer près d’une semaine à plus de 6.000 kilomètres de la France , au Bénin, sans avoir eu  le temps de suivre l’actualité, et j’ai en revenant en France une curieuse impression, comme si l’actualité s’était accélérée.

Le matin même de mon départ, tôt le matin du 28 janvier, je recevais les mails de deux amis chinois auxquels j’avais demandé de leurs nouvelles. Le premier, après m’avoir souhaité une « bonne année du Rat », me disait que tout allait bien, simplement qu’ils restaient à la maison « car rester à la maison, c’est déjà contribuer au pays et à la lutte ». Le second me disait un peu la même chose, « tout va bien, on ne sort pas », précisait que la rentrée de l’université serait sans doute reportée, et ajoutait « on dit que l’épidémie est la vengeance des animaux ».

Depuis les premiers signes de virus à Wuhan, en décembre, la presse chinoise était restée silencieuse, parlant surtout des festivités à venir du nouvel an, qui devaient commencer le 25 janvier. Le 20 janvier un quotidien (le Hubai Ribao) indiquait simplement qu’on avait lancé à Wuhan une « campagne patriotique d’hygiène », sans même  mentionner le coronavirus. Et puis soudain, le lendemain, toute la presse du pays appelait à la lutte contre l’épidémie, à protéger « le vie des masses populaires ». L’explication est simple : Xi Jinping, après avoir attendu plus d’un mois, venait de faire un discours reconnaissant à la fois l’existence de l’épidémie et sa gravité. Il y a des centaines de journaux en Chine, mais aucun n’avait évoqué cette épidémie avant que le président ne le fasse. La veille elle n’existait pas, le lendemain elle était partout. Et il est bien sûr inutile de commenter cette conception particulière de l’information.

Je ne vais pas ici commenter ce qu’il y a de sous-jacent dans les messages cités plus haut, un mélange de langue de bois (ne pas sortir est un devoir patriotique) et de croyances un  peu naïves (la vengeance des animaux). Mais hier soir en m’installant dans l’avion je lis la presse et tombe sur la une du Libération du jour : La Chine coupée du monde. Et je ne sais pas si les Chinois savent qu’ils sont coupés du monde, sauf ceux qui voudraient voyager, bien sûr.

Au fait, j’avais tout de même eu quelques nouvelles de la France, au Bénin. dans la presse locale. Toute une page du Grand matin, « quotidien béninois d’informations et d’analyses »  qui traînait dans mon hôtel et racontait d’abord que dans le Lot-et-Garonne une femme avait eu la surprise de voir son chien rentrer à la maison avec dans la gueule une tête humaine, qu’en Seine-Saint-Denis une maman avait jeté ses deux enfants de 1 mois et 3 ans du troisième étage, et enfin qu’à Angoulême un homme ayant agressé sexuellement sa fille de 13 ans avait été condamné à trois mois de prison.U ne page entière.  En regardant de plus près, je me suis rendu compte que le journal datait d’une semaine, de bien avant mon départ. Et moi qui suis plutôt accro à l’information, je n’en savais rien. La presse française cacherait-elle la vérité comme la presse chinoise ? Et la population béninoise serait-elle mieux informée que nous sur des choses aussi importantes ?

Nous vivons une époque moderne.

Haut de page

Janvier 2020

 

barre

fleche8 janvier  2020 : Anglomanie ou anglocide?

barre

Il y a quelques jours je signalais ici l’anglomanie galopante du chef de l’état français et de certains des députés de sa majorité. Le journaliste Jean Quatremer, l’un des meilleurs observateurs de l’administration européenne à Bruxelles, vient de raconter une histoire assez drôle. Irène Tolleret, député européenne elle aussi macroniste, a tenu à parler en anglais dans une réunie qui était pourtant interprétée. Problème : les interprètes chargés de traduire ses propos dans les autres langues ne comprenaient rien à son anglais. Selon Quatremer, « une partie des nouveaux eurodéputés macronistes a d’ailleurs acquis une mauvaise réputation à l’Assemblée, celle de vouloir à tout prix parler la langue de Shakespeare, au grand désespoir des interprètes-traducteurs ». Et il ajoute que leurs biographies, leurs messages sur leurs comptes Twitter, sont en anglais, « comme si leurs électeurs étaient anglophones ».

On pouvait se demander si le Brexit allait modifier le poids de l’anglais dans les institutions européennes, mais apparemment les macronistes volent à son secours. Sauf s’il s’agit d’une tactique perverse : ils parlent si mal cette langue qu’ils sont en train de la dynamiter. Auquel cas il ne s’agirait plus d’anglomanie mais, pour utiliser un mot qui n’existe pas, mais qu’importe, d’anglocide…

barre

fleche5 janvier  2020 : Churn rate

barre

Chaque année, à cette période, les media nous donne divers résumés des évènements qui ont marqué les douze mois écoulés : évènements politiques ou sociaux, morts, faits divers, films ou livres de l’année, etc. Et si nous faisions la liste des mots de l’année ? Nous sommes habitués à voir passer et parfois s’incruster des termes d’origine anglaise, comme streaming, bluetooth, start-up, cost-killer, et il faut dire que le président de la république en a remis une couche. A peine élu, il a créé un « Centre national du contre-terrorisme » qu’il a aussitôt baptisé task force, et il a poursuivi cette anglomanie: La démocratie est le système le plus bottom-up de la terre », «Entrepreneur is the new France », « j’ai pivoté le business model », « la culture du invented here », etc. Les députés du parti majoritaire l’ont suivi sur cette voie, parlant par exemple d’une «opération de team building » ou baptisant la coordonnatrice du groupe à la commission des finances la whip.

Mais ce qui m’a frappé est ailleurs.  D’une part dans une expression que les Français, même sans savoir un mot d’arabe, connaissent désormais : allahou akbar. Ces deux mots (ou maux ?) servent même désormais de marqueur de radicalisation et hier encore des témoins d’une agression mortelle déclaraient : « il a crié allahou akbar ». D’autre part dans une expression anglaise, OK boomer, à destination des « baby boomers », avec en gros le sens de « ta gueule grand-père », ou « tais-toi vieux con ».

Le plus drôle est cependant ailleurs. Les journalistes de Libération racontent avoir reçu un mail de leur patron (pas leur rédacteur en chef ou leur directeur, non, le PDG du groupe Altice) annonçant que ledit groupe avait « un taux churn au plus bas dans chacun des pays ». Taux de churn, kesaco ? Churn est un verbe anglais signifiant « barater le lait», « brasser » ou encore « bouillonner ». Mais Altice ne fabrique pas de beurre et fait plutôt dans le multimédia, les télécoms, la publicité… Renseignement pris, il existe un churn rate (traduit en français par « taux d’attrition») permettant de mesurer le nombre de clients  perdus dans l’année (le rapport entre nombre de clients perdus et nombre total de client). En bref le groupe Altice n’a pas perdu beaucoup de clients. Vous vous dîtes qu’il serait mieux d’en gagner ? Oui, et j’ai beau retourner le problème dans tous les sens, je n’arrive pas à comprendre dans cette phrase, « un taux de churn au plus bas », autre chose que  « nous n’avons pas gagné de clients mais nous n’en avons pas beaucoup perdu ». Ce qui signifierait, étant donné le sens premier du verbe anglais, qu’ils n’ont ni le beurre ni l’argent du beurre. Il fallait le dire!

 

Haut de page

 


Mot exact
Résultats par page

Si vous ne voyez pas les menus de gauche, cliquez ici pour les retrouver
et poursuivre votre consultation du site

© Louis-Jean Calvet 2005-2030
 

anim