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Décembre 2021

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fleche30 décembre: Ultracrépidarianisme

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Comme toujours, la fin d’année est l’heure des bilans. Bilan politique, bilan social, bilan sportif,  liste des morts de l’année, etc. A quoi il faut ajouter, en cette année particulière, le bilan de l’épidémie, et, pour ce qui nous concerne, la liste des mots qui ont fait florès.

Libération leur a consacré, à la veille de Noël, une double page avec en énormes caractères WOKE et NFT, plus iel (j’en ai déjà parlé ici), WhereisPengShuai (j’en ai également parlé),   #metooInceste, Squid Game, Métavers, Pandora papers, CBD, Pegasus et Spacex. Ils auraient pu y ajouter grand remplacement, déclinisme ou antivax, mais personne n’est exhaustif.

Aujourd’hui, le journal Sud-Ouest cite blob (si vous ne connaissez pas cet  unicellulaire de myxomycète de l'ordre des Physarales, cherchez dans votre encyclopédie préférée), wokisme et consentement (sexuel).  Mais j’avoue préférer le choix du journal belge Le Soir qui a sélectionné ultracrépidarianisme. Vous ne connaissez pas ? Mais oui. Souvenez-vous de l’expression latine, Sutor, ne supra crepidam, « cordonnier, pas au-dessus de la chaussure ». L’ ultracrépidarianisme est donc le fait de parler de choses qu’on ne connaît, et correspond bien à l’expression française « Chacun son métier et les vaches seront bien gardées ».

Vous avez sûrement dans votre environnement des ultracrépidarianistes. Il suffit de lancer dans une conversation les mots vaccin ou pandémie et vous verrez…

Allez, à l'an prochain.

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fleche21 décembre: Notes sénégalaise (2)

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Après la gastronomie française, la cuisine traditionnelle mexicaine, le régime méditerranéen, la washoku (menu du nouvel an japonais), le dolma (ou feuille de vigne), la pizza napolitaine, le vin de Géorgie ou la bière belge, un plat sénégalais, le tiébou diène (nous reviendrons sur la façon de l’écrire) vient d’être déclaré patrimoine mondial de l’UNESCO. Il s’agit de darne de poisson préparé avec  des brisures de riz, de l’oignon, du piment, des tomates, du chou, du poisson séché et des mollusques… Et la presse sénégalaise en fait ses titres. Selon l’ambassadeur du Sénégal à l’UNESCO, ce plat est un outil de rayonnement diplomatique du pays. Après l’ambassadeur c’est le lendemain  le ministre de la culture qui est interrogé : « ce plat se confond avec l’identité du pays »,   même s’il a  été imposé au départ par le colonisateur note le journaliste. Revenons à l’ambassadeur. Il raconte que la bataille a été rude à l’UNESCO, car des pays voisins voulaient s’approprier ce plat, sous d’autres noms, ou exigeaient que le plat soit déclaré comme « art culinaire au Sénégal » et non pas « du  Sénégal ». Ce qu’il a refusé, expliquant par ailleurs qu’il a tenu au nom wolof et à sa graphie officielle ceebu jën. Des pays anglophones (oh les vilains) auraient tenté de s’approprier le plat sous le nom de jolof rice…Or, explique-t-il, ce plat a été inventé par les femmes de Saint-Louis du Sénégal, puis s’est répandu dans tout le pays. Le troisième jour un écrivain, après avoir expliqué comment les femmes de Saint-Louis préparent ce plat national, avec différents poissons tous plus frais et plus délicieux les uns que les autres, rappelle qu’à l’origine il se faisait avec du riz importé du Siam, importé par les colons. Tiens donc ! Et certains racontent que la femme qui aurait inventé le plat travaillait chez une famille coloniale de Saint-Louis. Mais qu’importe. L’un des articles se termine ainsi : « Cela c’est la réalité. En effet, le Ceebu jën n’est ni le  Jolof rice ni un plat anglophone. Il est absolument Saint-Louisien ! C’est un art culinaire inaliénable qui appartient exclusivement au Sénégal et à la teraanga sénégalaise offerte à toutes les nations ».

Je n’ai bien entendu aucun moyen de trancher entre toutes ces versions. Je sais par exemple, comme beaucoup de gens, que les couscous, qu’on considère comme un plat « arabe » est en fait berbère. Mais pour le ceebu jën, allez savoir. Ce qui m’intéresse en revanche, c’est la façon dont on se construit une identité, et nous pourrions y consacrer des centaines de pages.

En France, et grâce à Astérix, nous avons la chance de pouvoir sans contestation possible affirmer que la sanglier est un fleuron de notre identité. Que personne n’en doute.

Et la potion magique ? Ah oui, la potion magique. Il faudrait interroger le druide, mais je n’arrive pas à le contacter.


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fleche20 décembre: Notes sénégalaise (1)

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Je viens de passer quelques jours au Sénégal, où doivent se tenir en janvier des élections locales qui s’annoncent houleuses. Or je tombe, dans la presse locale sur un article intitulé  Au cœur du dopage des politiciens. Tiens donc ! On y explique en ouverture qu’ils « se dopent pour tenir le rythme »et demande « comment arrivent-ils à tenir ? »

Je rentre donc dans le texte :

« L’un déclare « je prends chaque matin, après le petit déjeuner, un comprimé de Berocca » (un complément alimentaire, plein de vitamines B et C et de magnésium)

« Un autre : « du citron, du miel, du jus de bouye  chauffé sous forme de tisane »

Le président, Wade, selon un proche, fait une sieste d’une heure et demi à deux heures et prend « quelques complément », en particulier jusqu’à 8 pastilles pour la voix par jour.

C’est tout ? C’est du dopage ça? J’avoue être un peu déçu. On sait que le Sénégal est l’un des plaques tournantes du trafic de différentes drogues, et les politiciens ne trouvent pour se doper que du Berocca, du jus bouye ( du pain de singe, fruit du baobab), la sieste ou des pastilles pour la voix? Ils manquent vraiment d’imagination ! Ou alors,  faut-il lire entre les lignes qu’ils prennent autre chose ? Qu’ils se dopent vraiment ? Mais à quoi ?

C’est vrai, en voyant le titre de l’article je pensais trouver des idées à soumettre aux politiciens français. En vain. Pourtant il y en a plusieurs qui devraient doper leur imagination.

Bon, demain vous aurez d’autres notes sénégalaise…

 

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fleche13 décembre: Ordre ou progrès

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On n’est jamais mieux servi que par soi-même et, quand on appartient au gouvernement brésilien, jamais mieux protégé que par un évangéliste. La graine de dictateur, Bolsonaro, vient de nommer à la cour suprême le juge André Mendoça. Pasteur presbytérien ultra conservateur, ce dernier a déclaré « mon élection a été déterminée par Dieu ». Dieu a bon dos ! Ce qui est sûr c’est qu’il ne sera guère favorable à tout ce qui irait dans le sens du droit des minorités, des libertés, de la limitation du port d’armes, et qu’il fermera sans doute les yeux sur ce qui pourrait gêner Bolsonaro. A commencer par la corruption.

On sait que la devise du pays est ordem e progreso, « ordre et progrès ». Mais il fut l’entendre  ordem ou progreso, « ordre ou progrès », et il est clair que le progrès passe en second position.

Ceci dit, je vais prendre quelques jours de vacances. Profitez-en pour lire mon livre, Enquête sur le signe, du roman policier à la police de la langue en passant par l’interprétation du signe linguistique, qui est désormais en librairie.

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fleche8 décembre: Vaccination et discours politiquement correct

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Il suffit d’écouter un peu la radio ou de feuilleter la presse pour le savoir : les hôpitaux français sont au bord de l’implosion et certains ont activé le « plan blanc ». Ce plan est destiné à gérer dans une situation d’urgence (attentats, épidémie, risque nucléaire…) la prise en charge de victimes plus nombreuses que d’habitude. Et il implique que l’on repousse à plus tard l’accueil de malades considérés comme  moins prioritaires. Concrètement, cela signifie actuellement que, pour faire place aux nombreux malades du covid, on repousse des opérations de cancéreux par exemple, dont le cancer peut du coup s’aggraver, ou de cardiaques…

Les hôpitaux sont donc aujourd’hui saturés par des gens malades du covid, et  76% des gens entrant en réanimation ne sont pas vaccinés. On sait que certains pays européens (l’Autriche, l’Allemagne, la Grèce) ont déjà décidé de rendre la vaccination obligatoire, et il est probable que d’autres suivront. Mais qui sont ces non vaccinés ? Il y aurait parmi eux entre 2 et 4% d’antivax résolus et pour le reste , la majorité donc, des gens qui avancent des arguments foireux (nous n’avons pas assez de recul, nous attendons pour juger, nous sommes en bonne santé…) ou qui sont isolés, et ne peuvent pas se déplacer, etc. Ce qui est sûr c’est que, dans leur ensemble, les non vaccinés sont responsables de la situation des hôpitaux.

Face à cela, le discours politique et médical est toujours le même : il faut convaincre les gens, surtout pas les forcer, ne pas non plus créer une opposition dans la population entre vaccinés et non vaccinés… Discours mesuré, raisonnable sans doute, mais surtout discours politiquement correct : les responsables politiques et médicaux ne peuvent pas en tenir un autre. Mais y croient-ils ?

Il se trouve que j’ai discuté ces dernières semaines avec deux médecins, non pas dans leur cabinet mais en situation que l’on pourrait dire non professionnelle et, séparément, ils m’ont dit à peu près la même chose. D’abord qu’ils ne pouvaient accepter que des professionnels de santé refusent de se faire vacciner : « leur métier est de soigner, pas de transmettre le virus ». Mais surtout, ils tenaient sur la population refusant la vaccination des propos très durs, que je résumerai en deux phrases :

« S’ils veulent mourir, qu’ils meurent », et « s’ils ne veulent pas se faire vacciner, il n’y a aucune raison pour que la sécurité sociale les prennent en charge s’ils attrapent le covid. C’est à eux de payer tous les frais ». Bien sûr, ils ne peuvent pas tenir ces propos devant leurs patients, pas plus que des ministres ou des spécialistes en épidémiologie ne pourraient les tenir à la télévision. Mais je suis persuadé qu’ils pensent tous la même chose et qu’il leur est difficile de l’exprimer. J’ai d’ailleurs entendu il y a deux jours à la télévision un médecin urgentiste parler de l’égoïsme des non vaccinés.

Le problème est que si les chiffres continuaient d’évoluer dans le même sens, et si le gouvernement était amené à prendre des décisions drastiques (confinement, fermeture des restaurants ou des lieux culturels…), les vaccinés pourraient reprocher aux non vaccinés d’en être responsable. Ce qui ne serait d’ailleurs pas faux. Mais je n’ose imaginer sur quelles violences pourraient déboucher cette situation. De ce point de vue, le discours politiquement correct fonctionne comme un emplâtre sur une jambe de bois.

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fleche6 décembre: Miettes sémiologiques...

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J’ai jeté un coup d’œil hier sur le meeting de Zemmour à Villepinte, histoire d’avoir une idée du spectacle. Voici donc quelques miettes sémiologiques. Derrière lui, une trentaine de jeunes des deux sexes, devant lui dix à douze mille personnes, essentiellement de sexe masculin : la parité était très relative. Les gens derrière lui semblaient diriger les réactions de la salle : ils se levaient, la salle se levait, ils agitaient des drapeaux tricolores, la salle agitait des drapeaux tricolore. Je précise que les images sur lesquelles je me fonde étaient fournies par l’organisation zemmouriste. D’autres images, plus ou moins « clandestines » nous ont montré plus tard des échauffourées au fond de la salle, des infiltrés antiracistes ou certains journalistes violentés.

Pendant le peu de temps que j’ai passé devant ce meeting, Zemmour a annoncé qu’il voulait « interdire l’écriture inclusive », ce qui est aussi con que de vouloir l’imposer. Et cette volonté de légiférer sur la  langue semble donc être partagée par l’extrême droite et par certain.e.s militant.e.s se réclamant plutôt de l’extrême gauche. Tirez-en les conclusions que vous voudrez.

J’ai aussi appris que son mouvement (son parti ?) avait été baptisé reconquête, évidente allusion à la reconquista espagnole, la reconquête par les chrétiens des territoires occupés par les musulmans. Nous n’aurons donc pas d’Alcazar, comme à Séville, d’Alhambra, comme à Grenade…. Autre petite notation sémiologique, un logo présentant un rameau d’olivier placé entre le nom Eric Zemmour et la date 2022. Que vient faire là  ce rameau ? Symbole de paix ? Sans doute pas. Référence à Bonaparte ? Peut-être. Au costume des académiciens ? Bof ! En fait ce serait plutôt la traduction d’un ego surdimentionné. On sait que de nombreux juifs d’Afrique du Nord portent des noms arabes ou berbères, et Zemmour vient d’un mot berbère, azemmour, qui signifie « olivier ». Ce rameau symboliserait donc tout simplement Zemmour lui-même. Il y a là de quoi couper l’appétit de ceux qui, comme moi, considèrent que la seule huile digne de ce nom est l’huile d’olive…

On a revu, comme dans la vidéo de déclaration de sa candidature,  des photos de Barbara, Brassens, Aznavour ou Hallyday, sans que les ayant-droits aient été consulté (mais je sais qu’Universal doit les représenter pour une éventuelle action en justice).  Pour le reste, rien de très neuf dans les images, la même évocation d’une France « d’avant », d’une France au cinéma en noir et blanc, de la France de de Gaulle, du Concorde, de Gabin, voire de Jeanne d’Arc.

A propos de Jeanne d’Arc, justement : Si Zemmour l’ apprécie tant, serait-ce parce qu’elle était une femme au foyer ? Je sais, mon jeu de mots est nul. Mais on a vu Zemmour à Marseille faire un doigt d’honneur : alors,  à vulgarité vulgarité et demie.


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fleche2 décembre: Adieu Xavier je t'aimais bien...

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Il y a donc deux droites irréconciliables, si l’on en juge sur le choix des adhérents du PR. D’une part Eric Ciotti qui, s’il ne remporte pas, comme c’est probable, le second tour de cette primaire, apportera sans doute son soutien à un autre Eric, et d’autre part Valérie Pécresse, politiquement entre Nicolas Sarkozy et la poupée Barbie. Mais cette petite méchanceté qu’on pourrait croire machiste ne doit pas nous faire oublier que son nom rime avec ogresse, agresse, vengeresse, chasseresse, etc. C’est donc elle qui sera sans doute présente au premier tour de l’élection présidentielle.

Je ne suis pas politologue et suis incapable de dire si cette percée de Ciotti préfigure une prochaine cassure dans ce parti qui se dit gaulliste, et je ne lis pas dans le marc de café et suis tout aussi incapable de dire si Pécresse parviendra au second tour de l’élection présidentielle. Mais je dois dire que je regrette Xavier Bertrand. Adieu Xavier je t’aimais bien. Pour de mauvaises raisons en fait,  très personnelles et très égoïstes. J’ai depuis quelques semaines l’idée de faire, pendant la campagne électorale, le portrait des différents candidat et je me pourléchais par avance les babines en pensant à celui que j’aurais pu faire de Bertrand. Avec son onctuosité de prélat, le discours d’un promoteur immobilier qui chercherait à vous vendre un appartement sans vous le faire visiter et parfois sa tendance à jouer les gros bras (« je suis le seul à pouvoir battre Macron »), il avait tout pour me plaire. Bon, il faut s’y résigner. L’avenir nous dira s’il était vraiment le seul à pouvoir battre Macron, ce qui est sûr c’est que nous ne saurons jamais s’il l’aurait vraiment pu. Et que je me passerai du plaisir de faire de lui un portrait plus fourni.

 

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Novembre 2021


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fleche30 novembre: Misère de l'université ou mépris pour les universitaires?


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Vendredi dernier, j’avais un jury de thèse à Rouen et les liaisons ferroviaires entre Aix-en-Provence et Rouen via Paris étant ce qu’elles sont j’ai dû y passer deux nuits. Une collègue sénégalaise, venant de Strasbourg,  était dans la même situation. J’arrive donc à Rouen vers 21 heures et me dirige vers l’hôtel qu’on m’avait indiqué. Il s’agissait d’un établissement d’une étoile (je ne savais pas que cette catégorie existait encore). Je demande à la réception une bouteille d’eau pour la nuit, on me répond qu’il n’y en a pas. Je demande à quelle heure on commence à servir le petit déjeuner, on me dit qu’il n’y a pas de petit déjeuner. Quant à la chambre, nouvelle surprise : pratiquement pas de chauffage (et il faisait froid cette nuit-là à Rouen) et un lit aux dimensions réduites.

Au réveil je téléphone à ma collègue sénégalaise qui me dit en substance « Ah nous sommes dans le même hôtel ! Je suis contente, je craignais qu’on m’ait mise ici parce que j’étais noire ». La honte ! Elle m’a reçu de façon très confortable dans son pays et elle avait pu imaginer que dans le mien on puisse traiter différemment les Blancs et les Noirs ! J’ai souvent noté que les universitaires français invités à l’étranger et reçus de façon chaleureuse étaient très occupés lorsque leurs homologues venaient en France et n’avaient pas le temps de les voir. Mais là il s’agissait de l’administration d’une grande université, qui considérait qu’une chambre à 46 euros la nuit suffisait pour ses invités. J’ai bien sûr poussé un coup de gueule, nos collègues rouennais, désolés bien sûr, ont réussi, non sans mal, à nous faire  transférer pour la seconde nuit dans un établissement convenable, avec chauffage et petit déjeuner, mais cette anecdote pose quelques problèmes. L’université de Rouen est-elle ruinée ? Son administration est-elle appelée à faire des économies ? Touche-t-elle des primes pour cela ? Ou professe-t-elle un grand mépris pour ceux qu’elle invite à siéger dans un jury de thèse ?

En résumé, misère de l’université ou grand mépris pour les universitaires ?

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fleche28 novembre: Peng Shuai et VPN

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Un correspondant chinois ayant lu mon billet du 20 novembre m’écrit :

« Je viens de lire ton article du 20 novembre. Félicitations pour ton nouveau livre! Cet extrait du livre est très intéressant. Les livres sont déjà imprimés? J'ai vu une  petite erreur:  " , dont le premier est la forme classique pour « six » et le second se prononce comme , « quatre »" , en fait, le second se prononce comme 四,mais pas  ».

J’espère que les sinologues me pardonneront ce lapsus calami.

Je supposais que « l’affaire Peng Shuai » devait être soigneusement occultée en Chine. Et mon correspond confirme mon intuition en poursuivant :

« Grâce à toi, je suis informé sur l'affaire de Peng Shuai et j'ai cherché sur Google après, avec un VPN, bien sûr ».

Pour ceux qui l’ignorent, les VPN (Virtual Private Network) sont des applications qui permettent de contourner la censure en Chine. Mais pour avoir l’idée de chercher clandestinement sur Google Peng Shuai, il faut savoir qu’il y a un problème Peng Shuai et disposer d’une application VPN….

Donc une affaire chinoise à laquelle les media du monde entier font largement écho peut être totalement ignorée en Chine. C’est beau, la démocratie !



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fleche24 novembre: Iel

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Le débat qui s’est déclenché en France autour du pronom « iel » (pour ceux qui ne seraient pas au courant : pronom de troisième personne du singulier pour ceux qui ne se sentiraient ni « il » ni « elle »), que le dictionnaire Robert vient d’introduire dans sa version numérique témoigne à la fois d’une grande futilité et d’une confusion plus grande encore.

Le rôle d’un dictionnaire est d’enregistrer les usages, ce qui le met parfois en retard par rapport à eux (ne pas donner un terme dont l’usage est devenu fréquent) ou en avance (enregistrer un terme peu utilisé, quitte à le retirer parfois ensuite), ce qui ne le protège pas de certains dangers : céder par exemple à une pression idéologique, ou faire un coup publicitaire. J’avais un jour fait remarquer à Alain Rey que l’article du Robert définissait le mariage comme l’union de deux personnes de sexes différents. Il avait pâli (nous étions à l’époque  du débat sur le mariage pour tous) et deux jours après je recevais un mail me disant que mon édition du dictionnaire était ancienne : la définition avait depuis lors changé. Qu’il le fasse bien, plus ou moins bien, plus ou moins mal ou mal, le dictionnaire fait son travail, et le procès que certains font au Robert n’a pas lieu d’être. Il s’agit de postures futiles et sans intérêt.

Le rôle des politiques, en particuliers des politiques qui ont en charge l’éducation nationale, est de faire leur possible pour que les élèves apprennent, entre autres choses, à lire et à écrire. De ce point de vue, il est sans doute inutile de compliquer un système orthographique qui l’est déjà assez. Il leur revient de faire établir des programmes, de décider s’il convient d’introduire telle ou telle réforme (orthographique ou autre) et de vérifier que les livres scolaires appliquent ces réformes. Mais on voit mal pourquoi ils participeraient à une opération de critique d’un dictionnaire. Sauf si ce « buzz » dont ils sont en partie responsables les arrange : en faisant monter la sauce autour du « iel » on ne parle pas de problèmes sociaux, migratoires ou environnementaux autrement plus importants.

Reste le rôle des linguistes. Et ici les choses sont plus complexes. Nous avons vu éclater en France il y a deux ou trois ans une polémique autour de l’écriture inclusive qui a parfois pris des aspects violent. Si la linguistique est une science, elle doit respecter des procédures scientifiques. On sait que les langues évoluent et que leurs changements sont lents. On sait aussi que les politiques linguistiques peuvent parfois introduire des changements brusques. Mais il est une question qu’on pose rarement : est-il possible de changer la société par la langue ou bien les changements sociaux génèrent-ils des changements dans la langue ? De nombreux exemples apportent une réponse négative à la première partie de cette question. La féminisation des noms de métiers en français par exemple ne semble pas avoir entraîné un parité dans les postes de responsabilité ou une égalité des salaires. Ou encore les changements d’appellations de « Noirs » aux USA n’a guère mis fin au racisme. La police américaine continue de traiter différemment les « Blancs » et les « Africains Américains », et le statut social de ces derniers n’a pas changé : il ni a eu ni corrélation ni causalité entre un changement lexical et changement social, pour la simple raison qu’il n’y a pas eu, jusqu’à plus ample information, de changement social.

Je ne sais bien entendu pas quel est l’avenir de « iel ». Mais le débat continue de courir chez les linguistes, et il y a chez certains d’entre eux une sorte de dissonance cognitive : ils savent que l’histoire linguistique relève du temps long, mais ils proposent en même temps de changer le monde par le biais de la langue. Comme si, paradoxalement, la linguistique n’enseignait rien à ceux qui l’enseignent.

 

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fleche20 novembre: Merci Xi Jinping!

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Mon prochain livre, Enquête sur le signe, avec pour sous-titre  « du roman policier à la police de la langue en passant par l’interprétation du signe linguistique », sera dans les librairies au tout début du mois de décembre. Mais j’en parle avec un peu d’avance pour des raisons qu’on va comprendre. Voici tout d’abord un extrait de mon ouvrage :

« Lorsque Google est  arrivé en Chine en 2005, son moteur de recherche eut très vite un grand succès, mais il se heurta tout aussi vite aux exigences d’autocensure du pouvoir chinois : en bref on lui demanda de ne pas donner suite à certaines recherches en lui fournissant une liste de « mots tabous ». L’entreprise se déplaça à Hong Kong en 2010 puis, en 2012, décida d’afficher une annonce chaque fois qu’un mot recherché était censuré par le régime.  Je cite dans mon livre cet exemple :

« We’ve observed that searching for in mainland Chinas may temporarly break your connection to Google. This interruption is outside Google’s control. » (« Nous avons observé que la recherche de peut en Chine continentale temporairement arrêter votre connexion à Google. Cette interruption n’est pas sous le contrôle de Google. »)

Pourquoi ce caractère, , était-il dangereux pour le régime chinois ? Il signifie « fleuve » et se prononce jiang. Et alors ? Alors Jiang est également un nom de famille, en particulier celui de江 青 (Jiang Qing), la dernière femme de Mao Ze Dong, et celui de 江 泽民 (Jiang Ze Min). La première, surnommée « l’impératrice rouge », joua un rôle central dans la révolution culturelle, sera condamnée à mort, peine commuée en prison à vie, et mourra en1991. Quant à Jiang Ze Min, après avoir soutenu en 1989 la répression des manifestations de Tian An Men, il deviendra président de la république chinoise (1993- 2003), puis sera condamné (par la justice espagnole après les plaintes d’ associations de défense du Tibet) pour génocide au Tibet et répression de la secte Falun Gong, mais le mandat d’interpellation n’aura aucune suite. Le résultat de ces homonymies était qu’en cherchant sur Google des renseignements sur le Yanzi (长 江, Yanzi Jiang, « long fleuve), la recherche était bloquée. Et il se passe la même chose sur les moteurs de recherche chinois, certains mots menant à une page blanche. Un bon exemple est celui de la date de la répression du 4 juin 1989 à Tian An Men, liu si, ( , c’est-à-dire six pour le mois de juin et quatre pour le jour). Les recherches concernant cette date sont bloquées, même si on utilise les caractères classiques, qui ne sont plus employés en Chine continentale, et même s’il s’agit d’une simple homophonie, comme 陆 肆, dont le premier est la forme classique pour « six » et le second se prononce comme , « quatre ». De la même façon, on n’aboutira à rien en tapant en chinois « les fleurs de la liberté », titre d’une chanson d’un artiste de Hong Kong régulièrement entonnée lors de veillées à la mémoire des victimes lors de manifestations. Tout cela au nom de réglementations adoptées en 1997 selon lesquelles «aucun groupe ou individu ne peut utiliser Internet pour créer, répliquer, récupérer ou transmettre les types d’informations suivantes... ».

Ce passage ne joue pas un rôle central dans mon bouquin, il n’est qu’un exemple parmi d’autres. Mais l’actualité récente illustre parfaitement ce que je voulais signaler. Le 2 novembre dernier une championne de tennis chinoise, Peng Shuai a accusé sur le réseau chinois Weibo l’ancien vice-premier ministre Zhang Gaoli de l’avoir violée. Son message a très vite disparu et on n’a plus aucune nouvelle de la championne, dont personne ne sait où elle se trouve. Mieux : si l’on tape sur l’internet chinois son nom, voire même le mot tennis, on n’obtient aucun résultat. Et le fait de mettre son nom dans un message entraîne la suspension de votre compte.

J’écris dans mon livre qu’en Chine «on n’envoie pas nécessairement les gens dans des camps, mais on peut chercher à mettre des barbelés autour de leur tête ». Et je n’imaginais pas que les autorités chinoises me donneraient à ce  point raison.

Merci qui ? Merci Xi Jinping. Et lisez mon livre.


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fleche14 novembre: Vive Brassens!

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Pour la dernière fois de l’année je pense, j’ai donné une conférence sur Brassens, vendredi à Sète. C’était cette fois-ci dans le cadre d’une journée « Liberté, Libertés », et je suis intervenu sur le thème « Politiquement correct, cancel culture… Brassens aurait-il pu débuter aujourd’hui ? ».  Et j’ai bien sûr écouté mes collègues avec intérêt. L’un, musicologue, a étudié dans le détail les tonalités et les structures harmoniques dans l’œuvre du Sétois. Tonalités : les deux tiers de ses chansons sont, par ordre décroissant, en ré majeur, si mineur, la majeur, la mineur et do majeur… Les structurent harmoniques : la ré, comme dans Gare au Gorille, mi la ré, anatole…, le tout donnant une sorte de signature stylistique. Il y a là le début d’analyses qui pourraient être productive, par exemple en croisant ces données avec la diachronie pour voir par exemple si, dans le temps, Brassens n’a pas de chanson en chanson complexifié  ses harmonies.

 Un autre, faisant peut-être du Lacan sans le savoir, voyait dans un syntagme comme vous élever au pinacle une évocation de l’érection (élever) et du sexe masculin (pine), évocation multipliée (dans La religieuse) turlupinent, épines, opinent, ou encore de la masturbation (branlent du chef)…  Dans cette chanson, Brassens ne fait pas (il le faisait pourtant souvent) ressortir par des coupes syllabiques ou par le temps fort d’une mesure ces sens subliminaux. Et l’on peut songer au maître en la matière, Boby Lapointe, qui par exemple dans sa chanson bien nommée Comprend qui peut, faisait apparaître des sexes à foison : « Il sait de quoi j'ai envie, Il n'est pas si bête, il sait que c'est de son vi- (vit) -goureux corps d'athlèt' », « Je pose ma main sur son gros bras que m'arrive-t-il » (braquemart), « J'aime son heu (nœud) reux  caractère »      c'est comme s'il avait devi ( deux vits) c'dont j'ai envie », « j'dirais même qu'il a si vi (six vits) goureux appétit, que je jurerais parfois qu'il a divi- (dix vits) qu’il  a divinement fait tout ce qu'il faut faire », etc.

Bref, en écoutant tout cela je me disais plusieurs choses. En particulier, que Brassens, un homme simple, n’aurait sans doute pas imaginé que quarante ans après sa mort on puisse se penche sur son  œuvre avec de tels apparats critiques ou de telles analyses universitaires. En aurait-il ri ou été content ? Cela l’aurait-il amusé ou emmerdé ? Nul ne saurait le dire. En outre, cette année 2021, centième anniversaire de sa naissance, a véritablement été en France une « année Brassens », et je m’en réjouis : presse écrite, radios, télévisions, tous les media lui ont accordé une énorme place. En comparaison, on n’a pas parlé en 2013 de Charles Trent (né en 1913), ni en 2016 de Léo Ferré ( né en 1916).  Nous verrons en 2029 si le centenaire de la naissance de Jacques Brel (1929) sera évoqué, mais cela souligne le statut très particulier de Brassens. Tirant à boulets rouges sur la société « bien-pensante », sur la police, la religion, « les gens qui voient de travers », ceux qui « n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux », homophobe, parfois misogyne , il aurait en ces temps de politiquement correct tout pour déplaire mais échappe à la vindicte ou au lynchage médiatique. Et c’est salutaire.

Je l'ai écrit ici fin octobre, Brassens comme Barthes nous ont légué les moyens de déconstruire le prêt-à-penser, une boîte à outils pour lutter contre la bêtise.

En bref, vive Brassens. Au sens premier de cette expression : qu’il vive longtemps encore.

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fleche10 novembre: Lavilliers, un crooner qui dynamite

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Début 2019, Bernard Lavilliers s’envolait pour Buenos Aires. Il ne connaissait pas l’Argentine et partait, comme à son habitude, le nez au nez, oreilles ouvertes, comme un grand reporter musical et politique. Et il rencontra, encore comme à son habitudes, des gens de toutes sortes et de tous milieux. A son retour il m’avait dit avoir mis en place quelques chansons, avec des musiciens locaux. Et puis est venue la pandémie. Impossible de retourner sur place, d’y poursuivre le travail. Le disque qu’il vient de sortir, Sous un soleil énorme, est le résultat de ces conditions : travail à distance avec les musiciens argentins pour certaines chansons, observation de la France confinée, de l’islamisme et de la mort de Samuel Paty, collaboration avec un jeune duo stéphanois, Terrenoire…

Cela donne un disque pluriel, branché sur le présent, sur le voyage et revenant aux racines. Les racines : Saint-Etienne, sa ville natale, qu’il avait déjà chantée en 1975 (« on n’est pas d’un pays mais on est d’une ville.. ») et qu’il évoque à nouveau de façon plus douce (Je tiens d’elle). Le présent : Beautiful days (« jamais élus, toujours choisis, c’est le règle des petits marquis… »). Et surtout, en ouverture de l’album, Le cœur du monde (« on attend la prochaine, la dernière, la certaine, la guerre économique, au fond, c’est pas sérieux, faudra bien que ça saigne… »). Et puis, en bonne place, Buenos Aires (Les porteños sont fatigués, Le piéton de Buenos Aires). Et, cerise sur le gâteau et clin d’œil aux amis, la reprise de Who Killed Daey Moore ?, une chanson de Bob Dylan de 1963 (souvent chantée sur scène, mais qui ne figurera sur un disque qu’en 1991) relatant la mort d’un boxeur. C’est la version française de  Graeme Allwright, Qui a tué Davy Moore ?, qui est ici reprise avec Izia, Hervé, Gaétan Roussel et… Eric Cantona.

On ne sait jamais ce qu’il faut admirer le plus chez Lavilliers : ses musiques, ses textes, sa présence sur scène, sa fidélité à des principes politiques au sens le plus large ? Mais ce qui frappe surtout sur ce disque, c’est le décalage entre des thèmes forts, parfois insupportables et sa voix. Il chante une violence et une révolte à peine contenues avec sa voix -admirable- de quasi crooner. Un crooner qui interroge, qui critique, qui dévoile, qui dynamite. On ne saurait être plus efficace dans la chanson.

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fleche8 novembre: ATLAS, RECIT, NAVIRE, LIBAN

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Je viens de passer deux jours à Arles, invité par ATLAS, une association de promotion de la traduction  littéraire qui a créé dans cette ville le CITL,  collège international des traducteurs littéraires. Un ensemble complexe, qui accueille en résidence des traducteurs professionnels venus du monde entier et organise divers ateliers. Et, chaque année depuis trente-huit ans, ATLAS réunit à Arles les Assises de la traduction littéraire.

J’y étais donc invité pour donner une conférence, et je m’attendais à y trouver une sorte de syndicat de traducteurs, défendant leurs droits, leurs tarifs… J’avais tout faux. Plusieurs centaines de traducteurs littéraires s’y réunissent pour échanger, s’écouter, écouter des voix venues d’autres disciplines. Lorsqu’on est, comme moi, habitué à des réunions dans lesquelles s’expriment surtout des linguistes, l’expérience est très enrichissante. J’y ai certes retrouvé un linguiste (Nicolas Tournadre) ou un philosophe (Patrice Maniglier) mais j’ai surtout discuté avec des traducteurs parfois en même temps romanciers, dont certains s’amusent parfois rient d’histoires drôles… de traductions. Agnès Desarthe par exemple m’a raconté qu’une amie avait reçu un mail d’un admirateur japonais qui se déclarait son « plus grand ventilateur au Japon ». Cherchant à écrire un français châtié, il avait bien sûr considéré fan comme un anglicisme et en avait cherché la bonne traduction…

Mais revenant à ATLAS. Partant de l’idée qu’un traducteur littéraire traduit non pas une langue mais une œuvre, non pas le grec ancien mais L’Illiade par exemple, l’association ATLAS considère que le traducteur porte sur les épaules, comme Atlas portait le monde, je les cite :  « la voute où sont accrochées les étoiles -penseurs, poètes, romanciers, essayistes- qui éclairent depuis des siècles notre vivre-ensemble et façonnent nos sociétés». L’association est membre du RECIT (Réseau européen des centres de internationaux des traducteurs littéraires) et j’ai entendu lors de ces journées la présentation d’un projet d’aide aux migrants traversant la Méditerranée à l’aide d’un bateau nommé Avenir. ATLAS, RECIT, j’aime bien ces sigles qui veulent en même temps faire du sens, tout comme le jeu sur les anagrammes, NAVIRE, AVENIR. Et sur la route du retour, écoutant à la radio une émission sur la situation au Liban, je me suis dit que ce pays n’arriverait décidément pas à faire son bilan : LIBAN BILAN.

Ca n’a rien à voir avec ce qui précède ? Je sais, mais il faut bien trouver une chute.

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Octobre 2021

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fleche27  octobre: Brassens aujourd'hui

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Cela n’a pas pu vous échapper si vous vivez en France : nous célébrons cette année le centième anniversaire de la naissance (et le quarantième de la mort) de Georges Brassens. Devenu une idole, il est aujourd’hui adulé, échappant aux foudres du politiquement correct, lui qui fut interdit sur les chaînes nationales pendant longtemps (il ne devint « fréquentable » aux yeux de la censure qu’après La chanson pour l’Auvergnat). S’il débutait aujourd’hui, il attirerait sans doute  les foudres des syndicats de policiers, des religions, des féministes, des anciens combattants, des homosexuels… Mais non, il est désormais intouchable, et c’est heureux. Enfin, presqu’intouchable. Une série d’articles publiés par Médiapart avec pour titre global « Brassens pris aux mots » en témoigne.  Le troisième papier par exemple  Les copains d’abord ou l’abdication politique ») déclarait « S’il n’a jamais capitulé avec l’antimilitarisme, celui-ci a fini par justifier l’inertie passée comme présente : l’attentisme sous l’Occupation, puis le désengagement intégral ». Et la quatrième,  Misogynie guère à part, phallocratie galopante ») poursuivait sur la même voie bêtasse : «Notre série s’attaque pour finir à un sacré travers : la représentation des femmes véhiculée par les chansons de Georges Brassens. Le sexisme, dénoncé par des féministes, ne fait pas un pli chez le poète »…. Cet acharnement nous montre que Brassens ne peut pas être dépassé s’il suscite encore ce genre d’attaques.

Brassens a croisé ma vie il ya plus de soixante ans. Je suis né en Tunisie, où j’ai vécu dix-huit ans, et j’y ai découvert Brassens dans la première moitié des années 1950. Il critiquait ou ridiculisait tout ce que je détestais : l’armée, les bien-pensants, la religion, la police… Avec le recul, je pense à la seconde de mes grandes découvertes, en France cette fois-ci et au tout début des années 1960, celle des Mythologies de Roland Barthes. Et même si la comparaison pourrait surprendre, je trouve que certaines des chansons de Brassens sont des petites mythologie « à la Barthes », une critique sociale féroce, une façon de décortiquer avec le style, la manière, des choses qui semblent aller de so et qui sont des condensés des idéologies quotidiennes. La société est bavarde, elle dit beaucoup d’elle-même dans les signes qu’elle émet. Et Le bistrot ou Les croquants par exemple, côté Brassens, Le bifteck et les frites ou Dominici côté Barthes, nous aident à lire ces petites idéologues quotidiennes.  Peut-on être plus moderne ? Finalement, ce qu’il y a de moderne chez lui, c’est qu’il nous a légué les moyens de déconstruire le prêt-à-penser, une boîte à outils pour lutter contre la bêtise.

Ayant écrit sa biographie, je suis très sollicité cette année pour des conférences, des articles. Télérama m’a encore interrogé sur lui cette semaine. Et j’ai reçu il y a deux jours un mail me félicitant pour mon émission sur France Culture. Un peu surpris, car je n’avais pas participé à une telle émission, j’ai fait des recherches…En fait il s’agissait de la rediffusion d’une émission enregistrée  en 2006. Et, quinze ans après, je suis toujours d’accord avec moi-même. Voici le lien :
https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/louis-jean-calvet-ce-qui-est-frappant-chez-brassens-c-est-sa-facon-de-defiger-des-formules-figees


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fleche19  octobre: A quelle heure votez-vous?

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Dans une interview donnée à l’hebdomadaire L’Obs, Jean Luc Mélenchon a eu une curieuse formule, qui témoigne d'une étrange conception de la sociologie électorale. A propos de ce qu’il appelle une « classe moyenne supérieure » qu’il ne définit d’ailleurs pas, il déclare en effet :

« Il y a des jours ou cette classe se lève zemmourienne, puis elle déjeune jadotiste et se couche mélenchoniste ».

Qu’a-t-il voulu dire ? Qu’il y a des gens qui, chaque matin, sont prêts à voter Zemmour, puis Jadot à l’heure du déjeuner et Mélenchon le soir ? Qu’on peut donc (ou que certains peuvent) hésiter entre Zemmour,  Jadot et Mélenchon ? Que l’heure de la journée à une influence sur les opinions politiques ? Que la fraicheur du matin pousse vers Zemmour et la fatigue du soir vers lui ? Et quelle est cette « classe moyenne supérieure » aux opinions si fluctuante ?  Là, Mélenchon est d’une grande approximation sociologique puisqu’il ajoute immédiatement « le centre gauche est l’incarnation de cette hésitation ». Le centre gauche hésiterait donc, selon l’heure de la journée, entre Zemmour, Jadot et Mélenchon. L’éventail entre ces trois choix et si large qu’on aimerait savoir sur quelles données, quel sondage, Mélenchon peut se fonder pour affirmer qu’il existe une telle versatilité dans les intentions de vote.

Quoiqu’il en soit, l’avenir du candidat, qui affirme d’ailleurs qu’il va être élu, reposerait donc en partie sur une question toute bête : à quelle heure votent les gens ? Ou à quelle heure se couchent-ils ? Et les choses se compliquent encore plus lorsque l’on sait que les bureaux de vote ne ferment pas à la même heure dans toutes les villes…

Bref, si vous voulez avoir une idée des opinions politiques de vos voisins, posez-leur tout simplement cette question : A quelle heure votez-vous ?

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fleche14 octobre: Mirages

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Edouard Philippe a donc créé un nouveau parti, Horizons. Au fait, savez-vous qu’il existe en France plus de cinq cents partis politiques, qui tous doivent se débrouiller pour gratter, ici et là, quelques subventions… Mais là n’est pas la question. Horizons donc est sur les rails. Mais que signifie ce  mot ? Et pourquoi l’avoir choisi comme nom de ce nouveau parti ? En voici trois définitions.

Selon de dictionnaire Littré : « ligne circulaire, variable en chaque lieu, où le ciel et la terre semblent se joindre »

Selon le dictionnaire Larousse : « ligne imaginaire circulaire dont l’observateur est le centre et où le ciel et la terre (ou la mer) semblent se confondre »

Selon le Petit Robert « limite circulaire de la vue, pour un observateur qui en est le centre »

Une ligne circulaire donc, imaginaire et dépendant de l’observateur qui se trouve en son centre. Ajoutons que l’horizon s’éloigne sans cesse, au fur à mesure qu’on croit s’en approcher. Et résumons-nous : l’horizon n’existe pas, c’est une illusion optique, essentiellement produit par un ego, celui d’un observateur. Autant dire que le but d’Edouard Philippe et de son nouveau parti sera difficile à atteindre : les différentes définitions ci-dessus l’assimilent à un mirage.

Et puisque nous sommes dans la plaisanterie. Il existe depuis de longues années un feuilleton télévisé quotidien qui se passe à Marseille. Son titre : Plus belle la vie. Au vu de ce qui vient de se passer dans cette ville, conjonction d’une inondation et d’une grève des éboueurs, cette beauté apparaît comme un autre mirage. A l’heure où il est fréquent de débaptiser,  nous pourrions l’appeler Poubelle la vile.

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fleche8 octobre: Ministères, appel au peuple

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Ca y est : Un sondage vient de donner Eric Zemmour comme dépassant Marine Le Pen et accédant au second tour de l’élection présidentielle. Nous sommes d’accord, des sondages effectués six mois avant une élection, alors que ni Macron ni Zemmour ne sont officiellement candidat, n’a aucun sens. Mais sait-on jamais…

Alors je vous propose d’aider ce pauvre Zemmour, car si certains soulignent qu’il n’a pas vraiment de programme, personne ne se demande comment il pourrait constituer un gouvernement. Alors je fais appel à votre imagination. Il s’agit à la fois de trouver qui pourrait occuper des ministères classiques mais aussi d’imaginer de  nouveaux ministères et leurs titulaires. Je commence, mais je compte sur votre collaboration pour compléter le tableau.

Donc, je verrais bien Didier Raoult ministre de la santé (mais on pourrait aussi penser à Bolsonaro, s’il est au chômage d’ici quelques mois), Michel Onfray à la culture. Mais il faut aussi penser à intégrer Eric Ciotti : député des Alpes Maritimes, il pourrait être ministre du troisième âge. Du côté des nouveautés, il faudrait penser à un ministre de la réhabilitation, chargé de redorer l’image de Pétain, Bonaparte ou Vercingétorix. Et pourquoi pas un ministère des jeunes filles ? Ici, Gabriel Matzneff serait un bon candidat. Mais il y a encore du boulot pour compléter cette fine équipe. En particulier : qui serait premier ministre ? Alors, je compte sur vous.


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fleche7 octobre: Sarkozy critique d'art... et truqueur d'infos

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Mardi soir, Nicolas Sarkozy était invité à l’émission C’à vous  de la cinquième chaîne de télévision à l’occasion de la parution d’un livre sur ses goûts artistiques. En matière d’art, je n’attends pas l’avis de Sarkozy, mais je l’écoute, pour des raisons presque professionnelle. Il déroulait un effet son histoire comme un discours appris par cœur : « j’ai toujours aimé l’art, sans art il n’y a pas de vie… », révélant même que tout jeune il était tombé en admiration devant Les joueurs de cartes  de Cézanne, précisant qu’il l’avait vu  ce tableau représenté sur un timbre-poste et qu’il avait eu l’envie d’être le troisième à la table de jeu. Il y a peut-être mieux que le format timbre-poste pour admirer un tableau, mais enfin, il nous donne la preuve qu’il sait compter jusqu’à trois, qu’il fait la différence entre deux et trois, lui qui ne distingue pas entre vingt ou quarante millions d’euros de frais de campagne électorale.

Évidemment, les journalistes l’interrogent sur sa récente condamnation. Là-aussi il déroule un discours préparé, impartialité, injustice, contradiction, bref, il est innocent.

Et l’on passe au rapport sur la pédophilie dans l’église catholique, Sarkozy exprime son dégoût, le journaliste dit que le pic de ces agressions sexuelles se situe entre 1950 et 1970, puis qu’il y a eu une lente diminution (ce qui s’explique en partie par la diminution du nombre de petits séminaires) mais Sarkozy corrige, l’air sûr de lui : « non, c’est un peu plus tard ». Tiens, il a déjà lu les 3.000 pages d’un rapport qui vient de sortir ? En fait, là-aussi il avait ses éléments de langage : la faute à mai 68, à un passage d’un livre de Cohn-Bendit , en 1975, à une couverture de Libération sur la sexualité des enfants. Bref, il connaissait ses arguments sur le bout des doigts. Sauf qu’il fallait, pour les rendre plausibles, une augmentation de la pédophilie après 1968. Alors il suffisait d’affirmer que le journaliste, ou le rapport s’étaient trompés sur les dates, et que lui, Sarkozy, savait. Cela s’appelle de la désinformation, du truquage, ou du mensonge, au choix…

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fleche3 octobre: Il y a appel et appels

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Pour commencer, une petite notation sémantique. Dans La Provence d’hier je lis que la grève des éboueurs a trouvé une solution. Laquelle ? Le journal n’en dit rien, mais il rappelle l’origine du conflit : « le passage aux 35 heures ». Souvenez-vous, c’était entre 2.000 et 2.002, lorsque le gouvernement Jospin avait fait voter une loi diminuant le temps de travail hebdomadaire, qui passait de 39 à 35 heures. Ne vous indignez pas ! Les éboueurs de la région marseillaise n’étaient pas restés à 39 heures. En fait, ce « passage aux 35 heures » est un passage en sens inverse, le point de départ n’étant pas 39 heures mais 28.

Je vous laisse méditer sur cette subtilité sémantique, pour en venir à autre chose. Nicolas Sarkozy a été condamné à un an de prison ferme dans ce qu’on a appelé l’affaire Bygmalion, le truquage de ses comptes de campagne en 2012. Et pas un petit truquage : il avait dépassé de 20 millions d’euros la somme permise par la loi… Quelques mois auparavant, il avait déjà été condamné dans une autre affaire, dite « des écoutes téléphoniques ». Et dans quelques mois il sera de nouveau jugé pour des soupçons de financement illicite de sa campagne de 2007. Nous avons donc un ancien président de la république qui, comme un mafieux, communiquait avec son avocat grâce à des téléphones sous pseudonymes, qui a doublé la somme autorisée pour une campagne présidentielle à l’aide de fausses facturations (sur ces deux points il n’y a pas de contestation) et qui a peut-être financé une autre campagne avec de l’argent étranger. Bien sûr, comme un seul homme, la droite s’indigne, exprime son soutien à Sarkozy et accuse la justice de partialité. Ca ne vous rappelle rien ? La même droite, Sarkozy en tête, défendait les Balkany, aujourd’hui condamnés de façon définitive pour blanchiment de fraude fiscale. Bien sûr encore, Sarkozy est présumé innocent puisqu’il a fait appel pour ces deux condamnations, et s’il est une troisième fois condamné il fera une troisième fois appel. Ca fait beaucoup ! Et ça ne fait pas très chic dans un curriculum vitae.

A propos d’appels, ça me rappelle que Sarkozy est issu un parti (enfin de plusieurs partis, puisqu’il a plusieurs fois changé de nom : UNR, UDR, RPR, UMP, PR) se réclamant du gaullisme. Ca vous rappelle quelque chose ? Gaullisme.. de Gaulle… appel du 18 juin.

Mais les appels de Sarkozy n’ont pas la même grandeur….

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Septembre 2021


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fleche28 septembre: Légitimisation

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Faut-il débattre avec Zemmour ? J’ai écrit ici même (le 16 septembre) que les media déroulaient devant lui un tapis rouge, mais les politiques doivent-ils débattre avec lui ? Ce qui est sûr, c’est que Mélenchon l’a fait. Ce qui est également  sûr, c’est que quelques semaines auparavant, ses partisans se bouchaient le nez : « Parler avec Zemmour ? Pouah ! », et qu’aujourd’hui les mêmes partisans applaudissent leur leader de l’avoir fait. Rien de nouveau sous le soleil du culte de la personnalité.

Pour ma part, j’ai été frappé par le contraste sémiologique entre les deux hommes. Si vous aviez coupé le son (je l’ai fait quelques minutes) vous auriez eu un spectacle intéressant. D’un côté Mélenchon sourcilleux, penché sur ses notes, de nombreuses feuilles de papier devant lui, perdant à un moment son stylo et le cherchant avant qu’on lui signale qu’il était tombé sous la table, de l’autre Zemmour souriant, les mains dans les poches, sans aucune note, l’air très à l’aise…

Qu’est-ce que ce débat a apporté ? J’ai écrit « débat » mais plus qu’à un débat nous avons assisté à deux monologues, avec les mêmes tics de langage que d’habitude (laissez-moi parler, je ne vous ai pas interrompu, je n’ai pas terminé…) et, parfois, un concours de références historiques, chacun voulant prouver qu’il était aussi cultivé que l’autre. Par ailleurs nous n’avons pas appris grand-chose: Zemmour est bien le facho raciste que nous savions, Mélenchon est bien le vieux un peu usé qui mène peut-être la campagne présidentielle de trop.

Chaque bord, le mélenchoniste et le zemmourien, revendiquera bien entendu que son porte-parole a « gagné ». Gagné quoi ? Les sondages nous diront peut-être que la grande perdante est Marine Le Pen, Zemmour (mais il n’est pas encore candidat) lui piquant des intentions de vote, que la cote de Mélenchon est restée stable ou que Zemmour a gagné en visibilité. Mais il était déjà très visible et s’il a gagné quelque chose, c’est Mélenchon qui le lui a offert : il l’a introduit dans la catégorie des politiques avec lesquels on peut discuter, intronisé dans la fonction de candidat fréquentable. En d’autres termes, il l’a légitimisé.


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fleche26 septembre: Le temps ne fait rien à l'affaire...

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Comme vous le savez sans doute, Georges Brassens est né il y a un siècle. Sa ville natale, Sète, est donc le lieu de nombreuses commémorations et rencontres. J’y suis allé la semaine dernière pour un mini-colloque (« le temps chez GB »), j’y retournerai en novembre pour traiter d’un autre thème (« GB pourrait-il débuter aujourd’hui ? ») et je viens de tomber sur des textes qui, hélas, répondent en partie à cette question. Il s’agit de quatre articles publiés sur le site de Médiapart avec pour titre global « Brassens pris aux mots ». Je ne vais pas vous les résumer (vous pouvez aller les lire » mais simplement vous en donner les titres et les petits textes mis en exergue de chacun d’entre eux.

Pour le premier (« Brassens : le dernier des troubadours ») : «Comment Georges Brassens (1921-1981) se tissa, de chanson en chanson, un cocon tutélaire et fécond un passé recomposé, un Moyen Âge perfectionné. De là, il faisait la nique au XXe siècle, juché sur les épaules de Paul Fort et François Villon ».

Pour le suivant (« Les sain(t)s principes brasséniens ») :

«L’anarchisme de Georges Brassens, évolutif, n’eut rien d’une assignation à résidence idéologique. Ses chansons font figure de labyrinthe, où la piste chrétienne mène à tout sauf à Rome. D’où notre p’tite expédition herméneutique ».

Pour le troisième («Les copains d’abord ou l’abdication politique ») : « Le temps aurait-il raison des idéaux ? Brassens l’a du moins vécu et chanté. S’il n’a jamais capitulé avec l’antimilitarisme, celui-ci a fini par justifier l’inertie passée comme présente : l’attentisme sous l’Occupation, puis le désengagement intégral ».

Enfin, pour le quatrième («Misogynie guère à part, phallocratie galopante ») : «Notre série s’attaque pour finir à un sacré travers : la représentation des femmes véhiculée par les chansons de Georges Brassens. Le sexisme, dénoncé par des féministes, ne fait pas un pli chez le poète ».

Faut-il commenter ? L’auteur s’amusant, dans ses deux derniers textes, à citer deux des chansons de Brassens (Les copains d’abord et Misogynie à part) je m’amuserai simplement à en citer une troisième : Le temps ne fait rien à l’affaire…L Vous connaissez la suite.


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fleche16 septembre: Effet Zemmour ou effet des media?

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Tout d’abord une omission : Dans mon billet précédent j’ai oublié de citer la réponse d’une cliente, une « dame » qui, alors que le garçon lui demandait son passe, a lancé : « Ca me fait grave chier ! ». C’était pour ceux qui s’intéressent aux formes contemporaines de la langue française.

Mais ce qui peut nous faire « grave chier » par les temps qui courent, c’est l’omniprésence d’Eric Zemmour dans les media. Ira ? Ira pas ? Tous feignent de se questionner et le questionnent, questionnent ses amis, l’invitent, invitent ses amis, et du coup déroulent devant lui un tapis rouge. Lui lance chaque jour ou presque des provocations) (ou des ballons d’essai ? ): pour la peine de mort, contre les prénoms étrangers, contre l’immigration, contre l’Europe, contre les musulmans… Et il profite de la sortie prochaine de son nouveau livre pour organiser une longue séries de déplacements à travers la France, campagne promotionnelle qui semble devoir ressembler à une pré-campagne électorale. On a d’ailleurs appris que son livre était « déjà réédité », alors qu’il n’était pas encore en librairie. Bref, il fait sa pub un peu partout et déverse des lieux communs racistes ou antisociaux face auxquels les journalistes font semblant de prendre des pincettes ou de se boucher le nez, alors qu’ils lui facilitent la tâche. Je ne suis pas vraiment de ceux qui applaudissent les déclarations d’Alain Finkielkraut, mais je l’ai entendu dire que « Zemmour est la punition du politiquement correct ». Et c’est assez vrai. En effet le peut-être futur candidat saute à pieds joints sur des thèmes que les partis traditionnels, Rassemblement National, Parti Socialiste, la France Insoumise, Parti Républicain, et même les partis qui n’existent pas vraiment, comme la République en marche, n’osent pas aborder parce qu’ils n’y ont pas réfléchi, n’ont aucune réponse ou n’osent pas les aborder. Et Zemmour en profite pour apporter, lui, ses réponses, celles que Jean-Marie Le Pen aurait apportées, les pires. Son discours est faisandé, il pue la rancœur, la nostalgie d’une France qui n’existe plus.

J’oubliais : son nouveau livre s’intitule La France n’a pas dit son dernier mot, et comme il se prend pour la France, on risque de l’entendre pendant quelques temps proposer ses derniers maux… Enfin, rendez-vous au 17 novembre (oui, ce jour-là il sera entendu par un tribunal pour des propos tenus en 2020 sur CNews, un des media de monsieur Bolloré). Il aura d’ici-là vendu beaucoup de livres, signé beaucoup de dédicaces. Reste à obtenir la signature de 500 élus, s’il veut vraiment se présenter à l’élection présidentielle.

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fleche12 septembre: Façons de dire

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Depuis la mise en place du passe sanitaire, ou du passe vaccinal, comme vous voudrez, je tends l’oreille chaque fois que je me trouve dans un lieu où ce QR code est nécessaire. Comment les responsables demandent-ils ce sésame qui ouvre leur porte ? Il y a bien sûr certaines techniques organisationnelles : à l’entrée des cinémas par exemple, où une personne se tient à l’entrée, avec sa machine à vérifier que vous pouvez accéder au guichet de vente des billets. Cela peut se faire « à la muette », en silence : aucun mot n’est nécessaire pour vous faire comprendre qu’il faut exhiber votre passe. Même technique dans un bistrot dont tous les accès à une immense terrasse sont fermés, sauf un, où se tient la personne qui contrôle. Tout le monde comprends.

Mais le plus souvent, on demande le passe, et il y a alors diverses façons de dire. Dans un restaurant, j’ai noté une technique simple. Le garçon accueille les clients d’une voix suave : « Bonjour, installez-vous, je vais chercher la carte, le temps que vous prépariez votre passe ». Bien joué ! Mais, le plus souvent, j’ai noté la même courte phrase : « Vous avez votre passe ? ». Ceux qui ont lu Constantin Stanislavski (La formation de l’acteur), théoricien du théâtre qui a marqué aussi bien Bertolt Brecht ou Jerzy Grotowski que les fondateurs de L’Actor Studio de New York, ceux qui l’ont lu, donc, savent qu’il y a des tas de façons de prononcer cette phrase, de la plus rogue à la plus aimable. La question évolue sur un large spectre, entre l’agressivité et le  plus grand naturel. Pour mieux étudier ces variations, il faudrait bien sûr les enregistrer et les étudier dans un laboratoire, en analyser les phonogrammes. Si cela vous intéresse, je vous laisse le faire.

Reste la réaction des clients. Au début, juste après le discours de Macron du 12 juillet, j’ai noté quelques résistances. Par exemple cinq personnes arrivent au restaurant, l’une d’entre elles n’a pas de passe et les clients tentent d’argumenter. Ou alors une personne sans passe le prend de haut, invoque sa liberté. Là aussi le comportement du garçon est variable. Le plus efficace : « Si j’ai une vérification de la police, le patron aura une amende de 15.000 euros et je risque de perdre ma place ». Le plus violent: « si vous insistez, j’appelle la police ». Mais ces incidents sont désormais rares, comme si la majorité des gens avait accepté cette contrainte, ou s’était résignée à ne pas aller au restaurant ou au bistrot.

Ah oui ! Il me faut ajouter une dernière notation. Hier après-midi, à la terrasse d’un grand café sur le Cours Mirabeau, à Aix-en-Provence, personne ne m’a rien demandé et, pendant l’heure que j’y ai passée, personne n’a rien demandé à personne. Petits coquins !

Voilà, c’était une brève sociolinguistique de l’ordinaire.

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fleche1er septembre: Vous êtes riche ? Votez Worth !

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  Eric Woerth, ancien ministre du budget, puis du travail, de François Fillon, avait il y a quelques années était soupçonné, avec Nicolas Sarkozy, d’avoir participé au racket de Liliane Bettencourt. Et il avait lancé à un journaliste quelque chose comme « Est-ce j’ai la tête de quelqu’un qui rançonne une vieille dame ? ». M’aurait-il posé la question (hypothèse plus qu’improbable) que je lui aurais répondu en gros : vous faites appel à une impression, à un sentiment, en bref à rien de rationnel, et comme je n’ai aucun moyen rationnel ni aucune information policière pour vous répondre, je vous donnez donc mon impression : oui, vous avez la tête de quelqu’un qui pourrait rançonner une vieille dame… Mais passons aux chose sérieuses.


Le même Woerth, actuellement président de la commission des finances, vient de faire une étrange proposition : ouvrir une réflexion sur la possibilité de donner aux propriétaires de résidences secondaires la possibilité de voter deux fois, sur leurs deux lieux de résidence. On peut imaginer que celui qui possède deux, trois ou quatre résidences secondaires pourrait donc voter trois, quatre ou cinq fois. Voilà une idée qu’elle est bonne ! Il y a cependant une petite difficulté. Imaginons que je réside à Paris (dans le 16ème arrondissement, bien sûr), que je possède un chalet à Megève, une villa en Corse et une autre à Saint-Barthélemy ou à Tahiti, comme puis-je, même avec mon jet privé, aller voter le même jour en ces différents lieux ? Bien sûr, il y a la possibilités de voter par correspondance, mais cela va me ruiner en timbres. Je pourrais donner une procuration aux domestiques qui s’occupent de mes résidences. Mais ils risquent de voter à gauche.

Woerth justifie sa proposition de deux façons. En expliquant tout d’abord qu’elle serait un remède à l’abstention, ce qui est totalement baroque. Et en ajoutant que les propriétaires de résidences secondaires sont les seuls à payer une taxe d’habitation, ce qui n’est pas tout à fait vrai, mais qu’importe. Et il ajoute que cela permettrait de «renforcer la démocratie» en faisant «évoluer nos modes de participation». On croit rêver ! Certains ont protesté, bien sûr, arguant que cela permettrait « aux plus riches de voter deux fois». D’autres l’ont pris sur le mode humoristique: «Bonne idée ça, on pourrait aussi retirer le droit de vote aux jeunes et aux locataires pendant qu’on y est.» Ou ont demandé si, avec un piscine, ça comptait triple » ?

Pour ma part je soupçonne Woerth de lancer un ballon d’essai pour pouvoir ensuite faire baisser les taxes des propriétaires de résidences secondaires, ces pauvres gens martyrisés par le fisc, et qui en général votent à droite.

Cela va de soi, les multipropriétaires sont rarement pauvres. Alors, si vous êtes riches, votez Woerth !

Il n’est pas candidat ? Merde alors !


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Août 2021


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fleche27 août: Rajeunissement

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Les présidents africains ont souvent du mal à quitter le pouvoir. Lorsque la constitution limite le nombre de mandats, ils changent le texte, ou passent outre et s’imposent, ou encore trouvent de bonnes raisons pour ne pas organiser d’élection… La liste serait longue de ces bienfaiteurs du peuple que les textes constitutionnels empêchent de poursuivre leur tâche altruiste et qui, à contre cœur, se dévouent quand même.

 Yoweri Muséveni  n’a pas eu ce problème. Président de l’Ouganda depuis 1986 (trente-cinq ans tout de même) il est atteint par la limite d’âge : à 78 ans, il est obligé de prendre sa retraite car la Constitution du pays indique que les candidats à la fonction suprême ne doivent pas avoir plus de 74 ans. Mais le peuple ougandais est radieux, Alléluia !  Grâce à l’aide du clergé, Muséveni vient d’apprendre qu’il y avait eu une erreur dans son acte de naissance : non pas 1943 mais 1947 . Il pourra donc de nouveau se présenter démocratiquement aux suffrages. Et si Dieu lui prête vie, il pourrait, on ne sait jamais, rajeunir encore avant la prochaine échéance électorale.

Qui dit mieux ? Poutine est nettement battu dans le concours mondial des arrangements avec la Constitution. Un dicton populaire dit qu’on a l’âge de ses artères, il semblerait en l’occurrence qu’on ait plutôt l’âge de ses magouilles.

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fleche12 août: Propos de terrasse

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Dimanche dernier, la veille de l’entrée en vigueur du passe vaccinal, deux hommes installés à la terrasse de mon bistrot habituel échangeaient. Le premier, gonflant métaphoriquement ses muscles (ou ce qu’il en restait) : « Moi, à 75 ans, personne ne me forcera à me faire vacciner. Qu’ils viennent, ils verront ! ». L’autre, à peu près du même âge : « Chez moi, personne n’est vacciné. Interdit ! » Et ils finirent en concluant : « Moi j’attends le vaccin Sanofi ! ». « Moi aussi ! ». Ce nationalisme vaccinal m’a fait sourire. Le vaccin Sanofi (boite pharmaceutique française), c’est un peu l’Arlésienne du milieu médical. Nul ne sait quand il arrivera, ou même s’il arrivera, nul ne peut donc savoir s’il sera plus ou moins efficace, et le patron de ce labo a même lancé un appel ; « N’attendez pas pour vous faire vacciner ».  Mais mes deux voisins de bistrot eux, étaient sûr d’eux : « Moi j’attends le vaccin Sanofi ! »

Le lendemain, l’un d’entre eux vint au bistrot. La garçon lui demanda s’il avait un passe, non bien sûr, il n’en avait pas, mais il obtint tout de même un café dans un verre en carton, à condition de ne pas s’asseoir et de le boire dans la rue. Depuis, je ne l’ai plus vu. Un peu plus tard un couple s’installe. « Vous avez votre passe ? » demande le garçon. « Oui, bien sûr, nous arrivons de Paris et nous avons  notre passe ». Petits sourires entendus : Ah ! Des Parisiens ! Je ne vois pas très bien le rapport entre le fait d’être parisien et celui d’avoir un passe vaccinal, mais la réaction de la clientèle tenait à une autre forme de nationalisme, régional celui-ci. Et j’en ai recueilli hier une autre manifestation. Hier un groupe parlait de l’arrivée du footballeur argentin Messi au Paris Saint-Germain, comme on sait entreprise qatarie au sein de la capitale française (et, par parenthèses, tête de pont du capitalisme sportif). Le PSG est la bête noire des supporters de l’OM (Olympique de Marseille), et tout ce qui est bon pour ce club parisien est évidemment honni. Commentaires, donc : « Ils nous emmerdent, ils ne parlent que de Messi et du Covid ». Par « ils », bien sûr, il faut entendre les media. C’est vrai, pourquoi ne parlent-ils pas de chose plus proche des gens, le pastis, l’OM, la pétanque ? En attendant de parler du merveilleux vaccin Sanofi, qui ne manquera pas de venir et de détrôner  tous ces vaccins étrangers…

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fleche6 août: La  liberté des crétins

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Ceux qui ont en charge aujourd’hui la santé publique, ministres, sous-ministres, épidémiologistes, médecins, urgentistes, etc., pratiquent un remarquable autocensure face aux anti vaccin ou anti passe sanitaire. Il faut, disent-ils, être pédagogue, les comprendre, leur expliquer, les convaincre… Les convaincre ! Les dizaines de milliers de gens qui manifestent chaque samedi ont, lorsqu’on les écoute, un discours verrouillé, cadenassé, dans lequel il est impossible de rentrer : ils sont imperméables au raisonnement, à l’argumentation, ils récitent tous la même chose. N’étant responsable de rien, c’est-à-dire n’étant tenu à aucune obligation de réserve, à aucune langue de bois, je peux me permettre d’appeler un chat un chat et un crétin un crétin.

Et ces crétins réclament la liberté ! Quelle liberté ? L’usage abusif de ce mot est de plus en plus répandu : la liberté de rouler à la vitesse que l’on désire, la liberté de posséder des armes à feu, la liberté de faire des rodéo en scooter et d’emmerder les piétons, la liberté de jeter son mégot par la fenêtre et de déclencher un incendie, la liberté de rouler sans permis ? Je vous laisse compléter cette liste…Et il serait dictatorial ou liberticide de demander aux gens de se faire vacciner, de se protéger et de protéger les autres ?

Car si quelqu’un attente à la liberté de tous, c’est bien ces crétins. Nous avons vécu des mois de confinement, donc des mois de privation d’une partie de notre liberté de déplacement. Et les vaccins nous ont tirés de cette situation, enfin presque. Si la quatrième vague dont on parle advenait, notre liberté pourrait de nouveau être limitée. Par qui ? Par ceux qui, au nom de leur liberté, c’est-à-dire de leur égoïsme, de leur individualisme, de leur obscurantisme, refusent toute solidarité.

Depuis le discours de Macron, le nombre de vaccinations augmente. Mais ce qui augmente surtout, ce sont les queues devant les pharmacies ou les laboratoires de ceux qui viennent se faire tester, gratuitement bien sûr, avant d’aller en boite de nuit ou dans une teuf. Et ils recommencent chaque semaine. Au nom de leur liberté ? Liberté chérie…. Pour paraphraser John Kennedy Toole, l’auteur de La conjuration des imbéciles, nous voilà face à une conjuration des crétins. Une infime minorité, certes, mais dans laquelle on trouve pourtant des membres du personnel sanitaire, dont le rôle est de soigner et non pas de transmettre le virus. On y trouve aussi, et c’est toute autre chose, des politiques qui chevauchent ces crétins pour leurs intérêts électoraux : Plorian Philippot, ou encore Nicolas Dupont-Aignan. Et d’autres, à l’extrême gauche, qui ménagent la chèvre et le chou, mais invoquent aussi la liberté, encore elle. Bref, tous ceux qui tentent de tirer mes marrons de cette flambée de crétins. Nous vivons une époque formidable. Et vive la liberté !

 

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Juillet 2021

 

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fleche27 juillet: Je suis un déliquant sexuel

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Je suis très fier car je viens de recevoir un message personnel de Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale. Bon, son contenu n’est pas agréable, car cet honorable fonctionnaire et ses services ont découvert que j’étais un délinquant sexuel qui devait être poursuivi pour pédopornographie et détournement de mineur. Mais tout de même, c’est classieux de recevoir un mail d’un si important personnage. Vous le lirez ci-dessous. Un petit détail, cependant : les adresses mail de cette administration se terminent toutes par @interieur.gouv.fr et celui-ci se termine par outlook.fr. Je suppose que si j’avais répondu, ont m’aurait proposé de transiger pour ne pas être poursuivi…
 

DIRECTION GÉNÉRALE DE LA GENDARMERIE NATIONALE

Je suis Mr Christian RODRIGUEZ, directeur général de la gendarmerie nationale. Je vous contacte peu après une saisie informatique de cyber-infiltration (Autorisée, notamment en matière de pédopornographie, site pornographique, cyber pornographie, pour vous informer que vous faites l'objet de plusieurs poursuites judiciaires en vigueur :

* LA PÉDOPORNOGRAPHIE

* SITE PORNOGRAPHIQUE

* CYBER PORNOGRAPHIE

* DÉTOURNEMENT DE MINEURS

Vous êtes prié de vous faire entendre par mail en nous écrivant vos justifications afin qu'elles soient mises en examen et vérifiées de sorte à évaluer les sanctions ; cela dans un délai strict de 72 heures. Passé ce délai, nous nous verrons dans l'obligation de transmettre notre rapport à Mme Maryvonne CAILLIBOTTE, substitute du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles et spécialiste de cybercriminalité pour établir un mandat d'arrêt à votre encontre, et vous serez fiché comme délinquant sexuel. 

Votre dossier sera également transmis aux médias pour une diffusion où votre famille, vos proches et toute l'Europe entière verront ce que vous faites devant votre ordinateur.

Maintenant vous êtes avertis. 

Cordialement,

 

 Mr Christian RODRIGUEZ  

Directeur général de la gendarmerie nationale.

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DIRECTION CENTRALE DE LA GENDARMERIE

BRIGADE DE PROTECTION DES MINEURS

Adresse : 4 rue Claude-Bernard 92130 Issy-les-Moulineau

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fleche25 juillet: Communication avec un robot

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La communication est peut-être l’un des liens sociaux les plus importants. Deux êtres humains utilisant le même code (c’est préférable si l’on veut se comprendre) s’écoutent, tentent de se comprendre, discutent, soupèsent les arguments de l’autre, cherchent des réponses ou s’en foutent et parlent d’autre chose. Sauf lorsque la communication est truquée. Il est sans doute trop tôt pour évaluer sérieusement ce  que l’intelligence artificielle apportera (ou enlèvera) à la communication humaine, mais quelques exemples peuvent nous aider à y réfléchir. Je donne ci-dessous un échange de SMS entre un ami, Philippe, qui me les as transmis, et le service après-vente d’Engie, le groupe énergétique français né de la fusion entre Suez et Gaz de France. Cette fusion a-t-elle fait sauter quelques neurones dans le service après-vente de l’entreprise ? Ou a-t-elle fait disparaître son personnel (cela s’appelle un « plan social », bel euphémisme), remplacé par des machines imbéciles. Quoi qu’il en soit, mais je vous en laisse juge, les SMS d’Engie me rappellent un peu les « arguments » des antivaccins, récitant inlassablement le même discours sans même entendre ce qu’on leur répond.

Premier SMS d’Engie :  ENGIE vous remercie de votre récent appel. Répondez 5 si vous êtes très satisfait, 4 assez, 3 moyennement, 2 peu, 1 insatisfait. Prenez bien soin de vous.

Réponse : 5

SMS d’Engie:  Une note c'est bien... mais un commentaire c'est encore mieux ! Dites-nous tout. SMS non surtaxé

Réponse : Eh bien il y en assez des services clientèles intrusifs. J'ai le droit d'être très satisfait d'un service et de ne pas le faire savoir. Maintenant on ne peut plus rien acheter sans se faire sonder. Il y en a ras le bol de la dictature de la culture client. 

SMS d’Engie:  Sur une échelle de 0 à 10, dans quelle mesure recommanderiez-vous ENGIE à votre entourage ? Non surtaxé.

Réponse : Eh robot tu les lis les SMS que tu reçois ?

SMS d’Engie: La réponse doit être entre 0 et 10. 0 signifie que vous ne recommanderiez pas du tout et 10 tout à fait. Non surtaxé

Réponse : Finalement à force de savoir si le client est satisfait tu le rends mécontent. Et maintenant alors que tu aurais dû avoir un 10 tu vas écoper d'un 0. 

SMS d’Engie: Nous vous remercions pour le temps que vous nous avez accordé.

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fleche23 juillet:Le président des chiens

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Comme tout un chacun peut s’en rendre compte en lisant la presse ou en écoutant les media audiovisuels, le Parti Républicain se cherche un candidat pour la prochaine élection présidentielle, mais se déchire sur la façon de le choisir : primaire, sondage ? Les écolos se déchirent aussi mais semblent d’accord sur le principe d’une primaire. Dans ma grande mansuétude, je voudrais mettre à leur disposition à tous, pour alimenter leurs réflexions, le conte suivant (que j’emprunte à Henri Gougaud).

On raconte que l’espèce canine décida un jour de se donner un chef, ou un roi, ou un président. Mais comment le choisir ? Après des discussion désordonnées, des conflits, des engueulades, les batailles d’égo (les candidats étaient nombreux) il fut décidé de créer une commission canine de réflexion sur le mode de nomination d’un président canin. Au bout d’une longue procédure, la décision tomba : on choisirait pour la fonction suprême le chien qui aurait, sous la queue, la meilleure odeur. C’était il y a longtemps, et les canins n’ont toujours pas trouvé le chef idéal. C’est pourquoi vous pouvez voir partout dans le monde des chiens qui, lorsqu’ils se rencontrent, se sentent le cul.

J’espère sincèrement que les républicains tireront profit de ma contribution désintéressée . Et si certains se sentent offensés, j’ajouterai que l’ironie est toujours un pari sur l’intelligence de l’autre, mais que l’on peut parfois perdre son pari.

 

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fleche14 juillet: Macro, micro et sans cerveaux

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On se dit parfois que certains ne réagissent qu’à la menace du fouet. Après l’annonce faite par Macron que la vaccination serait peut-être obligatoire pour tous, qu’un passe vaccinal serait nécessaire pour accéder à divers manifestations culturelles ou pour aller au restaurant, et que les tests (dit de « convenance ») deviendraient payants, on a assisté à deux types de réactions. D’une part, tout le monde a pu l’entendre, les seuls groupes politiques à l’Assemblée Nationale à avoir considéré ces décisions comme « liberticides » sont le Rassemblement Nationale et la France Insoumise. D’autre part nous avons appris que subitement plus de deux millions de Français avaient pris rendez-vous pour se faire vacciner. Tiens donc ! Après plus de six mois de refus la simple menace d’avoir à payer les tests ou de se voir refuser l’accès à certains lieux les a soudain convaincus. La peur du fouet ? De la fessée ?

Certes, les chiffres ne  sont que des chiffres. Et les statistiques nous paraissent toujours lointaines. Ah bon, 43% disent penser ceci et 51% cela ? Mais nous ne connaissons pas ces gens, et ces informations d’ordre macroscopique nous paraissent théoriques. Ce matin, la jeune femme (elle doit avoir entre 30 ou 40 ans) à qui j’achète les journaux et mon tabac, avait mal au bras. « Qu’est-ce qui vous arrive ? ». « J’ai été vaccinée hier ». « Ah bon ! C’est à cause de… ». « Oui, s’il faut payer les tests quand on veut aller au restaurant ou au théâtre… » (Par parenthèse, je doute fort qu’elle aille au théâtre). Et voilà qu’une information d’ordre micro vient donner corps aux statistiques. Ils existent bien, ceux qui ont peur du fouet.

Conclusion ? Ces gens-là, appelons-les des indécis (mais d’autres diraient des tarés, des antivax ou des complotistes) changent subitement d’opinion devant la menace du fouet. Ou pour être plus précis devant l’obligation d’avoir à payer les tests (qui, encore par parenthèse, coûtent plus cher aux finances publiques que le vaccin) qu’ils se font faire chaque fois qu’ils en ont envie plutôt que de se faire vacciner.  Ils ne se préoccupent pas de pouvoir attraper la maladie, ou d’être contagieux et de risquer de la transmettre à d’autres, ils pensent seulement qu’ils ne veulent pas payer des tests.

Que disait-il, de Gaulle ? Ah oui, « les Français sont des veaux ». C’était un peu exagéré. Disons que certains français (Combien ? Reportez-vous aux statistiques et enquêtez ensuite autour de vous) peuvent être des sans-cerveaux et devenir des fléaux. Tiens ! Je ne l’ai pas fait exprès, je cherchais une rime, mais en tapant ce dernier mot je me rends compte qu’il n’est pas éloigné du fouet


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fleche12 juillet: Antivax

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Dans le Canard enchaîné un dessin présentant une femme qui déclare : « Ma mère a été vaccinée et comme par hasard le lendemain sa voiture est tombée en panne et elle a perdu ses lunettes. Alors qu’on ne vienne pas me dire que ce vaccin est inoffensif ».

On dit que la réalité dépasse la fiction. Si cela est vrai, à quoi nous attendre ?

 

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fleche8 juillet 2021: Galéjade marseillaise ?

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Beer, cerveja, cerveza, birra, bref la bière. En quelque langue que vous cherchiez, vous en trouverez toujours la même définition : une boisson alcoolisée obtenue par la fermentation de végétaux comme l’orge, le riz, le manioc, la banane, le maïs, le mil, etc. On peut faire de la bière avec beaucoup de choses, mais pas avec de la chloroquine. D’ailleurs, précisons-le, la bière ne protège pas du paludisme, au contraire de la chloroquine, qui d’ailleurs, elle, ne désaltère pas. Où veux-je en venir ? A ceci. Hier, en faisant des courses dans un supermarché, je suis tombé sur un étalage de bouteilles sur lesquelles s’affichait la tête de Didier Raoult. Il s’agissait de bières, trois variétés de bières (blanche, blonde et ambrée), portant le doux nom de Chloroquine Dundee. Vous avez saisi l’allusion à Crocodile Dundee, le chasseur de crocodiles. Il s’agit donc d’une bière, une bière artisanale, dont la publicité précise que le marque « reprend le surnom donné au Professeur en Afrique, son pays d’origine, et par le personnel de l’IHU à Marseille », et que « le clin d’œil au célèbre film » est un détournement « pour la bonne cause ». Nous voilà rassurés. On lit ailleurs qu’il s’agit d’un « hommage à notre célèbre défenseur national de la chloroquine ». Bigre ! Encore une galéjade marseillaise ? En fait cette bière est brassée dans l’Hérault, et je ne sais pas quelle est la part marseillaise dans cette initiative. Mais il est évident qu’on ne peut pas lancer un produit avec la tête d’un quidam en effigie sans son accord. En outre, il y a sans doute pas mal d’argent dans cette opération : l’étalage que j’ai vu hier était énorme et en tête de gondole. On connaît la politique des supermarchés en la matière. Reste un problème sémantique. Crocodile Dundee était un personnage qui traquait les sauriens et les tuait à main nue. Chloroquine Dundee, alias Raoult, voudrait-il se débarasser de C18H26ClN3 (c’est la formule de l’antipaludique) qui a gravement entaché sa réputation scientifique ?

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Juin 2021

 

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fleche30 juin: Chronique de la connerie ordinaire, suite

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Selon une professeure à l’Université du Connecticut et chercheuse au CNRS, la gastronomie française serait raciste : « Les habitudes alimentaires sont façonnées par les normes des classes moyennes supérieures blanches (…) La blanchité alimentaire renforce la blanchité comme identité raciale dominante » (je trouve cette citation dans le Canard enchaîné). Comme on voit, l’Université du Connecticut et le CNRS sont à la pointe de la recherche ! Effectivement, les habitudes alimentaires françaises n’ont pas été façonnées par des paysans vietnamiens ou chinois, des planteurs de coton africains ou des indiens quichuas des Andes. Je ne sais pas s’il faut le regretter, mais je sais surtout qu’il ne pouvait pas en être autrement. Cette professeure et chercheuse mérite d’évidence une promotion pour avoir découvert le fil à couper le beurre. Mais elle devrait poursuivre son raisonnement jusqu’au bout en dénonçant toutes les cuisines du monde pour leur racisme… Elle pourrait aussi élargir son champ de recherche. Les « classes moyennes supérieures blanches » vont, en France, manger du couscous dans des restaurants maghrébins, du canard laqué ou du riz cantonnais dans des restaurants asiatiques, et l’on dit même que certains vont consommer du poulet yassa dans des restaurants africains. En analysant ces directions de recherche que je lui signale de façon confraternelle, elle verrait que les habitudes alimentaires françaises sont non seulement racistes mais aussi colonialistes. On dit merci qui ?

 

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fleche29 juin: Chronique de la connerie ordinaire

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Sans doute connaissez-vous ce poème de Jacques Prévert : Je suis allé au marché aux oiseaux Et j’ai acheté des oiseaux Pour toi Mon amour Je suis allé au marché aux fleurs Et j’ai acheté des fleurs Pour toi, Mon amour Je suis allé au marché à la ferraille Et j’ai acheté des chaînes Pour toi mon amour Et puis je suis allé au marché aux esclaves Et je t’ai cherchée Mais je ne t’ai pas trouvée, Mon amour. Un ami québécois m’écrit que « le wokisme ne cesse de faire des progrès de ce côté-ci de l’Atlantique » et qu’on « vient de s’en prendre à un poème de Prévert (qui comme tout le monde sait, était raciste) ». Une enseignante de Toronto faisant un cours d’immersion en langue française a envoyé à ses auditeurs le poème ci-dessus et l’une des étudiantes a porté plainte, au motif qu’elle a été choquée par ce texte raciste. On cite le soir sur une chaîne de télé le nom de l’enseignante et l’étudiante témoigne, mais anonymisée. L’enseignante est suspendue, puis reçoit une sanction disciplinaire et enfin la menace d’être licenciée si une telle chose se reproduisait. Vous ne rêvez pas et pouvez d’ailleurs aller à la source et vérifier par vous-mêmes: https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/610281/ils-ont-ose). Bêtise, ignorance des responsables ? Certes. Mais la chose est beaucoup plus grave. Il n’y a pas de différence de nature entre une imbécile qui, voyant du racisme dans un poème de Prévert, parvient à faire sanctionner une enseignante et une petite menteuse qui, prétendant avoir assisté à un cours, entraîne la mort du professeur d’histoire Samuel Paty. Et guère de différence entre tout cela et l’inquisition. Lors du siège de Béziers, en 1208, le chef de la croisade, Arnaud Amaury, aurait déclaré : « Tuez-les tous, dieu reconnaîtra les sens ». Et nous y revoilà.

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fleche9 juin: Petite pause

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Disons deux petites semaines de pause. Nous nous retrouverons après les élections.

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fleche2 juin: Mauvais esprit

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Depuis le 22 décembre 2020, quand un homme a, dans le village de Saint-Just, tué trois gendarmes intervenant pour « violence intra-conjugale », les drames du même genre se sont multipliés. En janvier 2021, à Saint-François-des-Salles, près de Chambery, un homme armé d’un Beretta menaçant de tuer sa mère a été abattu par le GIGN. Début mars à Folschviller (Moselle) un homme se suicide après avoir tué sa femme. Fin mars, dans le Cantal, un autre homme retranché chez lui tire sur des gendarmes qui finissent par le neutraliser. Mi-mai, dans le Gard, c’est encore un homme qui après avoir abattu son patron et un collègue se réfugie dans la forêt et finit par se rendre après trois jours de traque (pour information : 350 gendarmes, un hélicoptère et des drones avaient été mobilisés). Fin mai, au Lardin-Saint-Lazare, en Dordogne, c’est encore un homme réfugié dans la forêt, plusieurs fois condamné pour violences conjugales et lourdement armé qui sera  arrêté  (l’intervention nécessitera sept hélicoptères et sept engins blindés). Je pourrais allonger cette liste : durant les trois premiers mois de cette année le GIGN est intervenu 30 fois, soit près de trois plus que les années précédentes. Et, cela n’a pas pu vous échapper, pour ce qui concerne les cas que j’ai rappelés ci-dessus, les chaînes de télévisions nous ont abreuvés de flashes, d’interviewes de la population « apeurée », de reportage, véritables feuilletons sur le thème de la chasse à des « forcenés ». Des armes, des crimes, des interventions lourdes : étrangement les spécialistes de la dénonciation de l’insécurité et de la circulation des armes ne se sont pas manifestés. Marine Le Pen, Guillaume Peltier, Eric Ciotti et quelques autres sont resté muets. Que se passe-t-il camarades, vous perdez la foi ? Vous êtes fatigués ? Petit indice, tout de même : tous ces « forcenés » étaient blancs de chez blanc, de « bons français », certains d’entre eux étaient même d’anciens militaires. Rien à voir, bien sûr, avec le silence des populistes. Mais j’ai toujours eu mauvais esprit.

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fleche1er juin: Le scientifique et le citoyen

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Après le petit livre qu’elle vient de publier (Ce que le militantisme fait à la  recherche, Gallimard, collection Tracts), Nathalie Heinich va sûrement  se faire traiter de réactionnaire, ce que sans doute elle est, ou est devenue. Mais cette première phrase pose une question centrale. L’adjectif réactionnaire  s’utilise presque uniquement dans le domaine  politique, et le livre en question parle de recherche, et donc de science.  La science est-elle réactionnaire lorsque son auteur l’est ? Et comment peuvent ou doivent s’articuler les champs d’intervention du scientifique et du citoyen (ce que nous sommes tous, lorsque nous travaillons dans une science et que nous avons d’autre part des positions politique) ? J’y reviendrai plus loin. Mais le titre En sociologie le militant c’est toujours l’autre) d’un  éditorial de Libération qui veut critique vertement Heinich constitue sans le vouloir une belle illustration de ce qu’elle écrit : certains propos « scientifiques » sont militants, le sien y compris. Partons donc du fait que N. Heinich est réactionnaire, ses positions dans différents débats sociaux semblent le prouver, et voyons ce qu’elle écrit. Elle dit ne pas mettre en doute la légitimité des causes défendues par ce qu’elle appelle les académo-militants » mais critique la «confusion des arènes » : l’arène scientifique d’un côté, les arènes religieuses, morale ou politique de l’autre. En gros on fait de la science ou on défend une position politique ou idéologique, mais on ne peut pas faire les deux en même temps. Ce qui l’amène à pointer un certain nombre de problèmes dans certaines sciences sociales. Cela va pour elle d’une tendance monomaniaque (lire le monde en fonction d’une unique grille de lecture, dictée par des positions militantes) à l’absence de curiosité ou de rigueur scientifiques, voire à l’inculture scientifique, en passant par le refus du débat avec ceux qui ne pensent pas comme nous, et donc à l’invective ou à la censure. Elle se moque de ceux qui vont ressassant que la race, le genre ou la sexualité sont « socialement construits », arguant pour sa part que toute expérience humaine est socialement construite (après tout, elle a fait sa thèse sous la direction de Pierre Bourdieu) : « il faut un sérieux déficit d’acculturation aux sciences humaines et sociales pour qu’une telle assertion puisse être autre chose qu’une découverte de la lune. Le pire est qu’elle est présentée par ces ingénus comme une importante leçon qu’ils auraient pour mission, de délivrer au monde ».  Elle est certes désagréable  lorsqu’elle dit sèchement que les enseignants-chercheurs sont payés pour initier à la science, et que ce n’est pas dans le cadre de leur métier qu’ils doivent exercer leur droit à voter, à manifester, à critiquer la société. Dans tout cela le ton et la forme sont méprisants, mais le fond ? Elle se moque de faux concepts avancés comme des nouveautés et qui souvent consistent à enfoncer des portes ouvertes. Encore du mépris ? Mais (et là c’est moi qui pose la question), qu’est-ce que l’idée d’intersectionnalité, dont on nous rebat depuis quelques temps les oreilles, sinon un ripolinage de ce que connaissent depuis des décennies ceux qui pratiquent  des tris croisé dans le traitement des données ? Pour elle, l’importation du combat politique dans l’espace scientifique est un appauvrissement de la science, et les causes ainsi importées varient régulièrement avec chaque fois la prétention de détenir le monopole de la vérité : « La classe sociale s’est effacée derrière la race et le sexe, tandis que la religion passait chez certains du statut d’opium du peuple à celui d’ étendard des opprimés ». Faux ? Malveillant ? Injuste ? A la fin de son livre, elle détourne Gide pour qui «on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments » en écrivant « qu’on ne fait pas de bonne science avec de bonnes causes ». N’y a-t-il pas là matière à réflexion, à discussion ? La science (c’est à dire étymologiquement la connaissance, le savoir) et la recherche peuvent-elles être réactionnaires, progressistes, révolutionnaires ? Je sais qu’on a parlé à une certaine époque de science prolétarienne (en URRS à propos de Lyssenko, position ensuite défendue  en France par Georges Cogniot, Louis Aragon ou Pierre Daix), mais je suppose que personne aujourd’hui n’est disposé à défendre cette position stalinienne. La science ne peut pas être réactionnaire, elle ne peut que tenter d’être, qu’on me pardonne cette lapalissade, scientifique. Ce qui n’empêche pas, bien sûr, le scientifique d’être citoyen, mais ne lui permet pas de mélanger les genres. Il peut choisir, pour des raisons militantes, tel ou tel sujet de recherche, mais il l’aborde en respectant des procédures heuristiques. Et  un laboratoire qui choisit de travailler sur des maladies de pauvres (paludisme, tuberculose…) ou de riches, peut le faire pour des raisons éthiques ou financières, mais il ne change pas pour autant de méthodologie de recherche pour trouver un vaccin ou un médicament. Dans un livre célèbre, La structure des révolutions scientifiques, Thomas Kuhn  considérait que les sciences sociales n’étaient pas des sciences parce qu’aucune d’entre elles n’avait de paradigme unificateur, un ensemble de «découvertes scientifiques universellement reconnues qui, pour un temps, fournissent à une communauté de chercheurs des problèmes types et des solutions », condition nécessaire pour l’apparition de révolutions scientifiques par le biais de critiques épistémologiques de ce paradigme. N. Heinich ne mène pas vraiment une critique épistémologique, ou plutôt elle aborde cette question de façon polémique, sur le même ton ou presque de ceux qu’elle critique, un ton dogmatique péremptoire.  Laissons de côté le fait qu’elle soit réactionnaire, c’est entendu. Mais, à la lire, on se prend à regretter que ceux qui se considèrent à la fois comme scientifiques et  progressistes ou révolutionnaire ne posent pas les mêmes questions qu’elle. C’est en effet à eux (à nous) de réfléchir sur les champs d’action du citoyen et du militant, et surtout à élaborer une critique épistémologiques de ce qui souvent, dans certaines  publications actuelles, s’apparente à la découverte du fil à couper le beurre.  Le refuser, c’est se comporter comme le taureau qui fonce dès qu’on agite devant lui un chiffon rouge sans se demander ce qu’il y a réellement derrière ce leurre. Il y a en espagnol un riche vocabulaire pour qualifier le comportement du taureau dans l’arène, qui va du toro bravo (le sens est évident) au toro manso (peureux ou sans bravoure) en passant par le toro sentido (avisé, et qui vise l’homme plus que le leurre). Ce qu’il faut voir ici, derrière le leurre, n’est-ce pas certains défauts de certaines conceptions de la science, que nous ne voulons pas voir parce que nous regardons le doigt qui montre au lieu de la chose désignée ?

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Mai 2021

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fleche24 mai: Nationalismes

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Benyamin Netanyahou, premier  ministre en sursis d’Israël (il gère les affaires courantes, incapablede former un gouvernement), cerné par les procès pour corruption, a comme d’habitude trouvé la façon de faire oublier ses problèmes. Comme unprestidigitateur, il dirige l’attention des gogos dans un autre direction. Facile ! On crée un événement sur l’esplanade des mosquées, on jette desgrenades fumigènes dans un lieu de culte musulman, la mosquée al-aqsa, en plein ramadan, la réaction attendue arrive, la sauce prend, le Hamas s’en mêle, commeprévu, missiles, répliques, et hop, ni vu ni connu je t’embrouille, on bombarde, on tue. Là, Neyanyahou s’est un peu emmêlé les pinceaux en suscitantdes dommages collatéraux au sein même du pays, des violences entre des citoyens israéliens arabes et juifs, mais qu’importe. Le peuple adore qu’on tue desarabes, Netanyahou devient chef de guerre, on oublie le politicien corrompu, vive le tueur d’arabes. De l’autre côté on oublie les conditions de vie, lamisère, l’oppression, le peuple croit retrouver une forme de fierté et adore qu’on tue des juifs, vive la Hamas. Et des deux côtés, comme toujours, les religionspoussent au crime. Il demeure que les forces sont inégales, qu’Israël, surarmé  et qui devrait depuis longtemps avoir été mis au ban des nations pour non-respect de toutes les résolutions del’ONU, jouit  d’une scandaleuse tolérance de la part des pays occidentaux alors que tout le monde se fout du peuplepalestinien. Bref, Netanyahou a bien joué et mérite sans conteste d’être placé en haut du podium de l’ignominie. C’est du moins ce que je me disais avant derecevoir hier le mail qui suit, venant d’un ami médecin qui a longtemps travaillé pour Médecins Sans Frontières et a en particulier fait trois missionsen Afghanistan. Voici donc ce qu’il écrivait. Il y a eu un an hier, la maternité soutenue par Médecins Sans Frontières  dans le quartier de Dasht é Barchide Kaboul était attaquée par des hommes en armes.  Ils ont tué 24 personnes: 16 femmes en travail (5 étaient sur le point d'accoucher), une dessages-femmes, deux enfants de 7 et 8 ans qui venaient se faire vacciner… C’était une attaque coordonnée, les assaillants sont passés desalle en salle, systématiquement. Un travail de pros serait-on tenté de dire. La cible n’était pas choisie au hasard. Attaquer cette maternité c’était attaquer / menacerles « internationaux »  qui y travaillaient, donc les amener à se retirer, à retirer leur soutien… MSF a retiré sonstaff international rapidement. Attaquer cette maternité c’était attaquer l’unique maternité gratuite et de qualité d’un quartier pauvre de prèsd’un million d’habitants: plus de 1000 bébés... par mois! Dasht é Barchi c’est le quartier Hazara de Kaboul. Les Hazara sont les descendants desenvahisseurs mongols, Genghis Khan et Tamerlan. Les Hazara sont chiites, dans un pays largement sunnite. L’attaque avait donc un motif religieux etethnique à la fois. Une excuse? Enfin, l’attaque visait des femmes et des enfants, certains pas encore nés. Désarmés bien sûr.  S’en prendre auxfemmes, ou comme la semaine dernière, dans le même quartie, aux collégiennes ou lycéennes,  c’est s’en prendre à l’Avenir. Des hommes, des Hommesaussi, avec un H majuscule.  Ethnocide, génocide?  Je n’en sais rien.  Mais quelque chose de ce genre acommencé. Ou s'accélère. Et le retrait de toutes les forces étrangères va laisser le champ libre aux Taliban ici, à l’Etat Islamique là. Les premiers nevont pas manquer de se présenter aux « Occidentaux » comme un rempart contre les seconds, étrangers.  Est-ce que j’enfonce des portes ouvertes en disant que, pour le podium de l’ignominie, il y a de la concurrence ?Et qu’il n’y a pas que les deux concurrents ci-dessus : que penser de la discrétion des pays occidentaux ? C’est l’histoire des trois singes de latradition chinoise : ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire. Et on appelle ça les trois singes « de la sagesse ». Allez comprendre…

 

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fleche14 mai : Podium de l'ignominie

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Benyamin Netanyahou, premier  ministre en sursis d’Israël (il gère les affaires courantes, incapablede former un gouvernement), cerné par les procès pour corruption, a comme d’habitude trouvé la façon de faire oublier ses problèmes. Comme unprestidigitateur, il dirige l’attention des gogos dans un autre direction. Facile ! On crée un événement sur l’esplanade des mosquées, on jette desgrenades fumigènes dans un lieu de culte musulman, la mosquée al-aqsa, en plein ramadan, la réaction attendue arrive, la sauce prend, le Hamas s’en mêle, commeprévu, missiles, répliques, et hop, ni vu ni connu je t’embrouille, on bombarde, on tue. Là, Neyanyahou s’est un peu emmêlé les pinceaux en suscitantdes dommages collatéraux au sein même du pays, des violences entre des citoyens israéliens arabes et juifs, mais qu’importe. Le peuple adore qu’on tue desarabes, Netanyahou devient chef de guerre, on oublie le politicien corrompu, vive le tueur d’arabes. De l’autre côté on oublie les conditions de vie, lamisère, l’oppression, le peuple croit retrouver une forme de fierté et adore qu’on tue des juifs, vive la Hamas. Et des deux côtés, comme toujours, les religionspoussent au crime. Il demeure que les forces sont inégales, qu’Israël, surarmé  et qui devrait depuis longtemps avoir été mis au ban des nations pour non-respect de toutes les résolutions del’ONU, jouit  d’une scandaleuse tolérance de la part des pays occidentaux alors que tout le monde se fout du peuplepalestinien. Bref, Netanyahou a bien joué et mérite sans conteste d’être placé en haut du podium de l’ignominie. C’est du moins ce que je me disais avant derecevoir hier le mail qui suit, venant d’un ami médecin qui a longtemps travaillé pour Médecins Sans Frontières et a en particulier fait trois missionsen Afghanistan. Voici donc ce qu’il écrivait.

Il y a eu un an hier, la maternité soutenue par Médecins Sans Frontières  dans le quartier de Dasht é Barchide Kaboul était attaquée par des hommes en armes.  Ils ont tué 24 personnes: 16 femmes en travail (5 étaient sur le point d'accoucher), une dessages-femmes, deux enfants de 7 et 8 ans qui venaient se faire vacciner… C’était une attaque coordonnée, les assaillants sont passés desalle en salle, systématiquement. Un travail de pros serait-on tenté de dire.

La cible n’était pas choisie au hasard. Attaquer cette maternité c’était attaquer / menacerles « internationaux »  qui y travaillaient, donc les amener à se retirer, à retirer leur soutien… MSF a retiré sonstaff international rapidement. Attaquer cette maternité c’était attaquer l’unique maternité gratuite et de qualité d’un quartier pauvre de prèsd’un million d’habitants: plus de 1000 bébés... par mois! Dasht é Barchi c’est le quartier Hazara de Kaboul. Les Hazara sont les descendants desenvahisseurs mongols, Genghis Khan et Tamerlan. Les Hazara sont chiites, dans un pays largement sunnite. L’attaque avait donc un motif religieux etethnique à la fois. Une excuse?

Enfin, l’attaque visait des femmes et des enfants, certains pas encore nés. Désarmés bien sûr.  S’en prendre auxfemmes, ou comme la semaine dernière, dans le même quartie, aux collégiennes ou lycéennes,  c’est s’en prendre à l’Avenir. Des hommes, des Hommesaussi, avec un H majuscule.  Ethnocide, génocide?  Je n’en sais rien.  Mais quelque chose de ce genre acommencé. Ou s'accélère. Et le retrait de toutes les forces étrangères va laisser le champ libre aux Taliban ici, à l’Etat Islamique là. Les premiers nevont pas manquer de se présenter aux « Occidentaux » comme un rempart contre les seconds, étrangers.

 Est-ce que j’enfonce des portes ouvertes en disant que, pour le podium de l’ignominie, il y a de la concurrence ?Et qu’il n’y a pas que les deux concurrents ci-dessus : que penser de la discrétion des pays occidentaux ? C’est l’histoire des trois singes de latradition chinoise : ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire. Et on appelle ça les trois singes « de la sagesse ». Allez comprendre…

 

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fleche5 mai : Smombies

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Il y a quelques années, disons au siècle dernier, lorsque vous étiez bousculés par quelqu’un venant derrière vous, il s’agissait souvent d’un pickpocket profitant de votre surprise pour vous subtiliser votre portefeuilles ou votre sac.  Aujourd’hui, il s’agit plutôt du membre d’une branche de l’espèce humaine (que Darwin est mort trop tôt pour avoir pu étudier) qui marche en regardant son téléphone portable. L’inconvénient est le même pour celui qui est bousculé, mais la cause en a changée : onanisme digital et non plus vol à la tire.

Selon une enquête menée en 2019, plus de 60% des piétons consultent leur portable en marchant, même en traversant la rue. Le problème, dans l’évolution, est qu’elle ne va pas nécessairement dans le sens de l’amélioration de l'espèce, qu’elle emprunte parfois des impasses. Ainsi, cette nouvelle branche de l’espèce humaine, se déplaçant le nez collé sur un écran (qui a déjà un nom : les smombies, mot valise combinant smartphone et zombie) ne voit plus les obstacles qui peuvent surgir : un passant, un poteau, un dealer de H, un honorable membre des forces de l’ordre, une trottinette électrique, une flaque d’eau, un raton laveur ou que sais-je encore. Mais voilà que dans sa grande bienveillance, Google est en train de développer une nouvelle application, « Heads up », pour éviter ces collisions. 

Comment ça marche ? Je ne sais pas encore, mais je vois l’idée. Le GPS permet de nous localiser sans cesse, non seulement de savoir où nous sommes mais aussi si nous sommes immobiles ou nous déplaçons. En outre, il est facile de savoir si nous utilisons notre téléphone. Donc téléphone ouvert + déplacement = alerte. Ce serait le scenario le plus doux : vous ouvrez votre machine en marchant et vous recevez un avertissement, « attention, levez la tête, regardez devant vous ». Un scenario plus sophistiqué (ou plus policier, comme vous voudrez) serait que l’application puisse également visualiser votre environnement et vous tirer de votre onanisme digital s’il y a danger de collision. On n’arrête pas le progrès ! Mais cela pose cependant quelques questions. L’espèce smombie est évidemment une création de Google et de ses semblables qui nous ont mis entre les mains l’objet et le moyen de notre addiction. D’un côté  ils asservissent mais de l’autre ils tentent, à la marge, de limiter les effets de ce servage. On ne peut pas être plus vicieux. Lorsque les empoisonneurs diffusent un léger contre poison, ne poussent-ils pas à aimer encore plus le poison ?


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fleche1er mai 2021 : Karité bien ordonné...

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Depuis quelques jours, sur une liste d’échange de sociolinguistique, un débat fait rage : faut-il ou pas payer une certaine somme pour faire partie de l’association, avoir le droit de voter, etc. Discussion d’épiciers (ou d’épicières), de comptables, comme on voudra, avec d’un côté  une partie de gens expliquant que, dans leur pays, on ne peut pas payer en devises étrangères, d’autres qu’ils n’ont pas les moyens, et de l’autre un discours autoritaire, bureaucratique, déclarant que le bureau ayant voté le principe de cette cotisation, il fallait l’appliquer. Entre ces positions extrêmes, d’autres encore avancent la possibilité de demander l’exemption de cette somme tout en gardant la qualité d’adhérent, situation au demeurant plutôt humiliante. Bref, tout cela est sans beaucoup d’intérêt, image ordinaire du capitalisme à la petite semaine, mais heureusement certains traits d’humour apparaissent parfois dans ce débat mercantile.

Ainsi un petit malin a relevé qu’un membre du bureau (ayant voté donc pour cette cotisation et devant la faire respecter) ne l’avait pas payée. Et il conclut en citant ce qu’il appelle un « proverbe francophone » : Karité bien ordonné commence par soi-même. On l’aura compris, il s’agit d’un Africain. Le karité est un arbre poussant essentiellement en Afrique, dont la noix (ou plutôt l’amande qu’on en extrait) donne un beurre, utilisé en cuisine ou pour certains cosmétiques. Et ce « proverbe francophone » parfaitement imaginaire donne une image assez réjouissante de ce que peut être, parfois, la francophonie. L’appropriation d’une langue peut en effet  passer par le jeu avec elle. On peut détourner certaines expressions, les « africaniser » :  Gagner son manioc à la sueur de son front, mettre du beurre (de karité par exemple) dans le foufou, etc. On peut aussi « européaniser » des expressions africaines : il n’y a pas place pour deux écolos dans le même marigot (mais vous pouvez vous amuser à en créer d’autres…). Tout cela pour dire que l’humour fait toujours du bien, surtout dans des débats parfois désolants.

 

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Avril 2021

 

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fleche17 avril 2021 : Pour rire un peu

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On a parfois l’impression que certains écologistes nous tendent des verges pour se faire battre. Souvenez-vous du maire écolo de Bordeaux qui voulut supprimer l’arbre de Noël, de la maire écolo de Poitiers qui, après avoir supprimé les subventions municipales aux aéroclubs, a déclaré vouloir préserver les enfants de leurs « rêves aériens », ou de celle de Strasbourg qui a failli subventionner une mosquée contrôlée par la Turquie. Sont-ils masochistes ? Maladroits ? A vous de choisir. Mais, à Vincennes, un élu écolo vient de montrer qu’il était à la fois stupide et incompétent.

Rappel des faits. Le conseil municipal du 14 avril vote une subvention à un yacht club et les élus écolos s’abstiennent. La maire leur en demande la raison et l’un d’entre eux répond : « Nous ne subventionnons pas des sports qui émettent des polluants ». La maire s’étonne : « Des quoi ? Des polluants » ? Oui, réplique l’élu, « le yacht club, c’est des bateaux ». Et la maire : « des bateaux à voile, ça avance avec les vent ». Faut-il commenter ? Il vaut mieux en rire.

Pour rire encore un peu, ce qui ne fait pas de mal en ces temps moroses,  je trouve dans Charlie Hebdo de cette semaine (mais je sais que tout le monde n’apprécie pas l’humour de cet hebdo) une petite note qui, sous le titre Diversité, commente un récent vote de l’Assemblée nationale : « Vote historique en faveur des langues régionales à l’école. Les enfants pourront lire le Bible en breton, la Torah en corse et le Coran en alsacien ». Ils prennent des risques, à Charlie. Les Bretons ou les Corses pourraient revivifier leur goût pour les bombes, les Basques ou les Occitans pourraient être fâchés de ne pas être cités, et les islamistes pourraient être horrifiés qu’on suggère de lire le Coran dans une autre langue que l’arabe. Mais on ne peut pas plaire à tout le monde.


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fleche15 avril 2021 : L'erreur est humaine

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Un policier de Minneapolis a tué un Noir. Jusque-là rien de neuf. Sauf que le policier était une policière et qu’elle a déclaré avoir confondu son pistolet et son taser (un pistolet à impulsion électrique). Et cette explication qui peut paraître  abracadabrante a inspiré la caricaturiste Coco qui, dans Libération de ce matin, dessine un conférencier proposant à une parterre de flics en uniforme de jouer au jeu des sept erreurs en désignant avec une baguette un tableau sur lequel on voir un taser et un Glock. Pourtant, comme le dit une formule latine, errare humanum est, l’erreur est humaine. Et l’explication de la policière de Minneapolis ouvre un large champ d’applications. Exemples.

« Non, monsieur le commissaire, je n’ai pas voulu tuer ma femme, j’ai confondu le pot de sucre et celui d’arsenic en voulant sucrer son thé ».

« Non, monsieur le juge, je n’ai pas voulu écraser la maîtresse de mon mari, j’ai confondu la première avec la marche arrière ».

« Non, monsieur l’inspecteur des impôts, je n’ai pas fait une fausse déclaration, j’ai par erreur confondu le 1 et le 7 et j’ai par ailleurs oublié deux zéros ».

« Mais non, nous n’avons pas truqué les élections, nous avons confondu une urne et une poubelle ».

« Non, non, j’ai pas volé cette tire, monsieur l’agent, l’ai confondu la BMV avec ma petite Fiat, elles sont de la même couleur ».

« Vous confondez, je vends de la farine, pas de la cocaïne. Vous voulez goûter ? ».

Bref, je vous laisser poursuivre ce paradigme. Je vous l’avez dit, l’erreur est humaine.  

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fleche11 avril 2021 : Les patriotes et la liberté

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Lorsque Marine Le Pen a voulu tenter à la fois de « dédiaboliser » le Front National et de faire croire qu’elle avait autour d’elle toutes les compétences possibles, elle a fait courir le bruit que des énarques travaillaient pour elle. Elle en avait effectivement un qui, nommé à l’inspection générale de l’administration, tenait à garder l’anonymat. Il en sortit en 2011, prit la direction de la campagne de sa patronne, devint vice-président du FN puis le quitta pour fonder en 2017 son propre parti, Les Patriotes. Il s’agissait, vous l’aurez compris, de Florian Philippot.

Que vient-il faire ici ? Vous allez comprendre. Hier matin, allant vers une librairie pour acheter deux ou trois livres de Caryl Ferey (j’ai découvert cet auteur il y a peu de temps et dévore ses titres au rythme d’un par jour), je me suis trouvé, sur le cours Mirabeau d’Aix-en-Provence, face à un groupe d’une quarantaine de personnes hurlant : « Liberté, liberté, liberté !... ». Mes livres n’allaient pas s’envoler, je suis donc resté pur voir ce qui se passait, j’ai pris les tracts qu’ils distribuaient. Il s’agissait de militants des Patriotes, justement, et leur littérature était double. D’une part un petit tract luxueux, sur papier glacé, dont le titre au recto, Libérons la France, connotait la résistance. Mais la résistance à quoi ? Un dessin dans le style des affiches de 1968 montrait une foule dont surgissaient quatre pancartes : Frexit, Stop coronafolie, Liberté et RIC (Référendum d’Initiative Populaire, l’une des revendications des gilets jaunes) Et, au verso, le programme détaillé de ce parti dont le moins qu’on puisse dire est qu’il demeure confidentiel. En vrac : réouverture de toutes les activités économiques et culturelles, fin du masque obligatoire, liberté totale face au vaccin, sortie de l’Union européenne et de l’euro, sortie de Schengen et rétablissement des frontières, arrêt de l’immigration, nationalisation des banques, hausse des salaires et des retraites, doublement du budget de l’armée, sortie de l’OTAN, et j’en passe. On y trouvait aussi un bulletin d’adhésion au susdit parti, donnant le choix entre cinq possibilités : jeune (10 euros), classique (20 euros), soutien (60 euros), prestige (100 euros) et club (300 euros). Je suppose que nous n’ avez pas besoin de l’adresse. Mais il faut tout de même noter que Philippot ratisse large, empruntant des revendications aux syndicats, aux gilets jaunes, à l’extrême droite, aux défenseurs de la culture et à ceux de l’économie, aux militaristes et aux racistes…

Sur une autre feuille il y avait le texte d’une dizaine de chansons détournées qu’un gros mec chantant un peu faux entonnait au micro, les autres essayant de chanter avec lui, et à la fin de chacune d’entre elles scandaient « Liberté, liberté, liberté !... ». Quelques exemples :

-Sur l’air du Pénitencier (mauvaise adaptation pour J. Hallyday de The house of the rising sun) : Les portes du pénitencier Bientôt vont se refermer Et c’est là qu’ils voudraient nous enfermer Masqués confinés piqués

-Sur l’air de Ma gueule : Quoi ma gueule, qu’est-ce qu’elle a ma gueule ? Une gueule de confiné  Qui rêve de liberté !

-Sur l’air de Ne la laisse pas tomber : Ne les laisse pas tomber Elles sont si fragiles Elles s’appellent Liberté Sa copine Démocratie.

Bref, une créativité limitée. Je savais vaguement que Philippot avait réussi à se raccrocher à une bouée de sauvetage en se faisant élire député européen, mais j’ignorais qu’il avait une quarantaine de militant à Aix (remarquez, quarante sur environ 140.000 habitants, nous sommes loin de la pandémie…). L’énarque de Marine Le Pen est donc toujours là.

Conclusion qi n'a rien à voir, ou presque. A l’heure où Macron fait semblant de vouloir supprimer l’ENA, on est en droit de s’interroger. Il est vrai que les énarques constituent une élite autoproclamée, prétentieuse et souvent inutile, qui illustre le pire de la bureaucratie française. Je ne sais pas ce que le président de la république vise avec son ripolinage et ses faux semblants, mais il devrait méditer ce proverbe danois, « Ce qu'on ne peut pas rendre meilleur, il ne faut pas le rendre pire ».

 

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fleche4 avril 2021 : Mémoire de poisson rouge

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Ce qui m’a frappé dans l’intervention télévisée du 31 mars de Macron, ce n’est pas ce qu’il disait, mais comment il le disait, et plus particulièrement son usage des pronoms personnels. Son ego surdimensionné (et l’ étymologie d’ego, « je, moi » en latin, prend tout alors tout son sens) le pousse à parler en je. Et là, il parlait en nous. « Nous avons résisté, nous allons tenir encore, nous avons opté pour, nous avons par ces choix gagné des jours de liberté, nous avons décidé le 18 mars, nous devons donc nous fixer un nouveau cap, nous ne devons pas céder au déni », etc. Un journaliste a compté : il aurait prononcé ce nous une centaine de fois. Et ce n’est qu’à à toute fin de son allocution qu’il a parlé, pour trois ou quatre phrases, en je. Il ne fallait pas réfléchir très longtemps pour se dire que nous n’avions rien décidé, que nous n’avions opté pour rien du tout, que nous n’avions fixé aucun cap, et qu’il se foutait de nous. Mais il était assez habile de vouloir nous faire assumer  collectivement ses erreurs ou ses errements.

Le lendemain, premier avril, le premier ministre est allé au Sénat et à l’Assemblée nationale pour demander aux parlementaires de voter sur les mesures annoncées la veille. Et là, on se foutait carrément de la gueule des élus. Quel sens pouvait avoir le fait de voter oui ou non sur ce qui était déjà décidé ?

Mélenchon s’est précipité dans  cette brèche ouverte en jouant sur la date, lançant que « ce vote est un poisson d’avril », poursuivant que le poisson d’avril, « comme tous les poissons, pourrit par la tête », puis, entrainé par sa métaphore, concluant que « les Français, par contre, n’ont pas une mémoire de poisson rouge ». Le poisson pourrit par la tête, Mélenchon doit bien savoir que cette formule, mauvaise traduction d’un adage latin (piscis primum a capite foetet, « le poisson commence par puer de la tête »), que cette formule donc a été lancée par Pierre Poujade, maître à penser dans les années 1950 de Jean-Marie Le Pen, et qu’il risquait d’apparaître ainsi dans le sillage de ce populiste que Roland Barthes avait finement décortiqué une de ses Mythologies (« Poujade et les intellectuels »). En revanche, en affirmant que les Français n’ont pas une mémoire de poisson rouge, il se plantait comme un débutant. Des études scientifiques menées depuis les années 1990 ont en effet démontré par exemple que si l’on mettait dans un aquarium un levier sur lequel, en appuyant, on obtenait de la nourriture, les poissons rouges comprenaient très vite la manœuvre et l’utilisaient continûment. Ou encore qu’ils associaient très vite le moment  où on leur donnait à manger à une musique que l’on diffusait juste avant. Mais n’accablons pas le meneur de la France insoumise : pour Poujade, il a sans doute ce qu'il appelle une mémoire de poisson rouge, et pour ces poissons rouges, il ne peut pas tout savoir.

Et puisque nous sommes dans la langue, les pronoms personnels, les citations d’adages latins ou les formules toutes faites, concluons en riant un peu. Sergio Moro, le juge brésilien qui avait envoyé en prison l’ancien président Lula et qui a été désavoué, convaincu « d’agissements répréhensibles, de comportements contraires à l’éthique et de tromperies systématiques », a voulu faire le malin en introduisant dans un discours en portugais une citation française, tirée d’une chanson d’Edith Piaf : « Non, je ne me regrette rien ». C’est beau, la culture !

 

 

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Mars 2021

 

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fleche29 mars 2021 : Règle de trois

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L’autosatisfaction d’Emmanuel Macron est illimitée. Il n’arrête pas de dire et de faire dire qu’il a eu raison de ne pas confiner, qu’il est pragmatique, qu’il veille au grain, que les prévisions des scientifiques étaient erronées, bref vous connaissez, on entend et on lit cela sur tous les media.

Par ailleurs les mêmes media nous disent que la situation du Brésil est catastrophique, que le nombre de morts du Covid s’y envole, comme d’ailleurs aux USA : 312.000 dans le premier cas, 549.00 dans le second. De son côté, Boris Johnson vante le système britannique et certains présentent le nombre de vaccinations en Grande Bretagne comme une victoire à mettre au crédit du Brexit.

Mais si nous regardons tout cela de plus près, il y a de quoi rabattre le caquet de Macron. Voici pour le Brésil, les USA et la France le nombre d’habitants, le nombre de morts du Covid et, grâce à une simple règle de trois, le pourcentage de la population morts de Covid. Conclusion : on meurt autant en France qu’au Brésil et à peine moins qu’aux USA.

Brésil  210 millions                 312.000                                   0,14%

USA     328 millions                 549.000                                   0, 16%

France  67 millions                    94.596                                   0,14%

Bolsonaro est un imbécile ou un fou criminel, Macron un fin tacticien, mais leurs résultats sont les mêmes. Allez  comprendre. Quant à la Grande-Bretagne (64 millions d’habitants, 127.000 morts) le même calcul, toujours une simple règle de trois,  nous donne 0,19%...

L’ennui avec les chiffres c’est que certains pensent qu’ils peuvent nous dispenser de penser.

 

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fleche23 mars 2021 : Merci Erdogan, suite

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J’avais donné il y a deux jours  une information sur le retrait annoncé par la Turquie de la convention d’Istanbul en concluait que cela se passait de commentaire. Je n’en ferai pas  plus aujourd'hui  mais voudrais juste apporter des chiffres dont je ne disposais pas alors. Quatre cents femmes ont été assassinées en Turquie en 2020, parmi lesquelles 300 l'ont été par des hommes de leur entourage. Et, selon l’association turque « halte aux féminicides, 77 femmes ont été assassinées dans les premiers jours de 2021.

 

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fleche21 mars 2021 : Merci Erdogan

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La convention dite « d’Istanbul », signée en mai 2011 et entrée en vigueur en 2014, dont le nom complet est « Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à égard des femmes et la violence domestique », a été ratifiée par plus de quarante pays. Elle portait sur la prévention,  la protection des victimes, les poursuites des contrevenants, bref elle constituait une avancée importante (mais peut-être parfois uniquement  théorique) dans la lutte contre les violences faites aux femmes, la mutilation génitale,  le viol conjugal, etc.

La Turquie, par un décret présidentiel, vient de se retirer de cette convention. La raison invoquée ? Ce texte nuit à l’unité familiale, encourage le divorce, et ses références à l’égalité seraient utilisées par la communauté LGBT pour se faire mieux accepter par la société.

L’aspect positif de ces explications est que je n’ai pas à me fatiguer pour les commenter. Merci

Erdogan.

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fleche20 mars 2021 : La chèvre et le chou

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On nous annonçait une « formule originale » et nous l’avons eue. Un truc hybride, difficile à définir :  confinement hors de chez soi, en plein air, dehors toute la journée, ou pas confinement ? Ce qui est sûr c’est que les éléments de langage de la firme Macron sont clairs : surtout, ne parlez plus de confinement, il s’agit d’autre chose, d’une formule originale donc.

Il  y a bien sûr dans tout cela un argument qui n’est pas faux : on a plus de chances d’attrape le COVID en intérieur (chez soi, au travail, dans les restaurants…) qu’en plein air. Argument qui pose tout de même question : s’il n’y a pas beaucoup de danger à être dehors, pourquoi rendre le masque obligatoire ? Mais qu’importe, le problème n’est pas là. Tout le monde s’accorde à dire que le pari de Macron (ne pas confiner) était perdu, il ne faut pas donner cette impression. Et d’ailleurs ce n’est pas le président qui est venu présenter cette solution boiteuse, mais le premier ministre…

Disons que cette solution nouvelle, cette « formule originale » dont personne ne comprend vraiment les détails, est une façon de ménager la chèvre et le chou. Vous connaissez l’histoire : un homme, un petit bateau, une chèvre, un chou, un loup. L’homme veut faire passer une rivière à tout ce petit monde, dont tous les membres ne peuvent pas prendre place dans le petit bateau,  sans que la chèvre mange le chou ni que le loup mange la chèvre. Il y a plusieurs solutions qui se ramènent au même principe : ne pas laisser seuls sur l’autre rive la chèvre et le loup ou la chèvre et le chou. Il faudra donc faire différents aller-retours. Mais tout le monde sait que l’expression ménager la chèvre et le chou  a pris un sens très particulier : être incapable de choisir, ou vouloir gagner sur tous les tableaux. On dit avec le même sens en Allemagne Auf zwei Pferde setzen (« parier sur deux chevaux »), en Argentine andar bien con Dios y con el diablo, au Portugal agradar a Gregos e a Troianos (« plaire aux Grecs et aux Troyens »), etc. Et Macron, ancien banquier, préférerait sans doute l’expression win win : tout le monde y gagne. Surtout lui, pourrions-nous ajouter.

Mais revenons à nos moutons. Les spécialistes semblent assez unanimes pour dire que les nouveau pari du président ne va pas nécessairement améliorer la situation, et que la vraie question est de vacciner le plus vite possible le plus de gens possible. Mais, sur ce plan, l’avenir est incertain. Reste donc une autre question : qui va devenir chèvre dans l’histoire ?

 

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fleche18 mars 2021 : Maître des horloges...

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Dans le Canard enchaîné de cette semaine un dessin représente le président Macron s’interrogeant : « Qu’est-ce qu’on pourrait faire pour régler le problème de la violence des jeunes ? ». Et le ministre de l’éducation Blanquer répliquant : « Attendre qu’ils vieillissent ? »  Au-delà de la blague, on peut se demander combien de temps faut-il attendre ? Ou combien de temps va durer leur vieillissement ?

C’est Bergson qui a proposé de distinguer entre le temps et la durée, le temps étant du côté de la science et la durée du côté de la conscience. Il est facile de comprendre que le temps est mesurable (en secondes, minutes, heures, années, siècles…) tandis que la durée relève de la perception, du ressenti. Une expression  comme « j’ai trouvé le temps long » illustre bien cette différence, et plus encore le fait que face par  exemple à un film d’une heure trente, ceux qui l’ont trouvé ennuyeux diront qu’il était trop long tandis que d’autres diront qu’ils n’ont « pas vu passer le temps ». Tout ceci pour en venir à notre situation actuelle et sur les balbutiements de la communication gouvernementale.

Macron s’est souvent présenté comme le « maître des horloges », comme si le temps c’était lui. Et il a décidé de gérer la pandémie à sa manière, repoussant sans cesse des décisions drastiques en disant et faisant dire que chaque jour était un jour gagné. Gagné ou perdu ? Le gouvernement communique sur beaucoup de choses, sauf sur le nombre de morts. Mais des chiffres nous parviennent tout de même : il y aurait en France environ 300 décès du COVID par jour. Trois cents décès, c’est à peu près ce qui se passe lorsqu’un avion de ligne s’écrase, ce qui arrive deux ou trois fois par an dans le monde entier. Et chaque fois les media en parlent, s’interrogent sur les responsabilités de la compagnie, du fabriquant, des conditions climatiques, et annoncent qu’on y verra plus clair lorsque les boites noires auront été retrouvées et analysées. Il y a aujourd’hui en France l’équivalent d’un avion par jour qui s’écrase, et personne de parle de boites noires…

Macron a fait un énorme pari en décidant en janvier de ne pas confiner, et tout semble prouver qu’il s’est planté. Il a joué une partie, voulant montrer qu’il était le meilleur, le plus habile, le plus intelligent, il l’a perdue. Lorsqu’un joueur d’échec voit qu’il sera mat en deux ou trois coups, il se lève et serre la main de son adversaire, puis il repense à sa partie et cherche à comprendre comment il l’a perdue, pour ne pas refaire les mêmes erreurs. Je ne sais pas ce qu’on nous annoncera ce soir, mais la communication gouvernementale, encore elle, laisse entendre qu’on est à la recherche d’une « formule originale ». Encore une fois, vouloir montrer que Macron est plus malin que les autres, contre l’avis de tous les scientifiques, praticiens ou épidémiologues.

Le président sait qu’il s’est trompé, qu’il n’est pas le « maître des horloges », il a même lâché que c’était le virus qui était désormais le maître du temps. Mais tout laisse à penser qu’il se comporte comme un gamin qui ne veut pas  reconnaître son erreur. Et cela risque de durer car son acharnement relève plus de sa psychologie que du calcul politique ou économique. Et nous pourrions paraphraser le Canard enchaîné: qu'est-ce qu'on pourrait faire pour régler le problème du COVID? Attendre qu'il passe?

Enfin, peut-être les annonces gouvernementales prouveront, ce soir, que j’ai tort…

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fleche13 mars 2021 : Brassens, Gainsbourg et la "cancel culture"

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Depuis deux ou trois semaines la presse presque unanime célèbre le souvenir de Serge Gainsbourg (mort le 2 mars 1991). Et, d’ici quelques mois, elle célèbrera sans doute le centenaire de la naissance de Georges Brassens (né le  22 octobre 1921). Deux géants de la chanson française, dans des styles certes très différents, mais indépassables, chacun dans le sien.

Par ailleurs, le personnage de Pépé le Putois (Pepe the Pew), qui dans la version américaine parle avec un fort accent français, vient d’être supprimé de la liste des personnage de dessins animés utilisés par la Warner Bros. Motif : il passe son temps à draguer, à tenter d’embrasser des femmes (en fait, rappelons-le, il s’agit d’animaux et d’anthropomorphisme) contre leur gré, et donc « banalise la culture du viol » : je n’invente rien.  La scène du film  Space Jam 2 (sur les écrans en juillet prochain) dans laquelle il apparaissait a été coupée au montage, et un autre personnage, Lola Bunny, a été « désexualisée », apparaissant désormais en tenue de sportive et non plus avec un décolleté aguichant.

Quel rapport en ces deux informations ? La première relève de l’histoire de la chanson. Le seconde, bien sûr, de la cancel culture, ou, pour être gentil, de sa caricature. Faut-il s’en inquiéter ? Se demander si  la prochaine victime de cette censure sera loup de Tex Avery ? Ou rire de ces conneries (je n’ai pas d’autre mot) ?

En fait, ce qui me retient dans cette stupidité, c’est que bien des chansons de Gainsbourg et Brassens seraient, si elles étaient en anglais, bannies aux Etats-Unis. Et que nous pouvons même nous demander s’ils auraient pu débuter aujourd’hui en France.  Il est inutile que je vous rappelle des titres, que je vous donne des citations, vous les trouverez vous-mêmes. Ce qui est sûr c’est que l’un comme l’autre seraient traités de machistes, d’apologistes de la violence, de la drague, de l’inceste, d’injure au drapeau français, à la police, à la nation, à l’église et j’en passe.

Le caricaturiste André Gill avait en 1874 créé un personnage, Madame Anastasie, qui armée d’une énorme paire de ciseaux représentait la censure. La Warner Bros en est une illustration moderne. Et, en 1933, les nazis organisaient d’immenses autodafés, brûlant des dizaines de milliers de livres dont les auteurs, juifs, pacifistes ou communistes, représentaient à leurs yeux « l’esprit non allemand ». Si vous n’avez pas tous les disques de Brassens et Gainsbourg, précipitez-vous pour les acquérir, au cas où ces foldingues décidaient de les brûler.

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fleche8 mars 2021 : Numérologie

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Il y a une vingtaine d’années j’avais passé une journée à Puebla avec un couple mexicain dont une sorte de tic m’avait frappé : qu’il s’agisse d’une facture, d’un ticket de parking ou d’ un billet de banque l’un ou l’autre se livrait à un rapide calcul mental et annonçait à l’autre un chiffre compris entre 1 et 9. A ma demande, ils m’expliquèrent qu'en additionnant les nombres correspondant au jour, au mois et à l’année de leur naissance il obtenaient leur chiffre fétiche. Ainsi, quelqu’un né le 8 novembre 1987 aurait pour chiffre 8+11+ 1+9+8+7=  8.

La numérologie est une vieille chose, une pseudo-science qui accorde des propriétés particulières à certains nombres ou chiffres. Il y en a différentes variantes, de l’herméneutique indienne à la kabbale juive, et l’une d’entre elle consiste à donner aux lettres d’un alphabet une valeur numérique. Pour l’alphabet latin, cela pourrait donner A=1, B=2, C=3, D=4, etc… On peut en déduire que les gens qui ont les mêmes initiales et donc le même chiffres ont des choses en commun. Au hasard, C + B (3 + 2) = 5, ce qui, encore au hasard, établirait une relation entre Carla Bruni et Carte bleue. Toujours au hasard, faites la même opération avec les initiale d’Adolphe Hitler et de Dwight Eisenhower, et vous obtenez le même chiffre,  9. Continuons. On trouve dans l’apocalypse de Jean (chapitre 13, verset 18) l’indication que « le nombre de la bête, ou le chiffre de son nom » est six cent soixante-six. 666 : en additionnant les trois 6 vous obtenez 18. Prenez maintenant (j’insiste, au hasard) la lettre E, cinquième de l’alphabet, et la lettre M, treizième, additionnez ces deux chiffres et vous obtenez 18, ou 9.  Or E et M sont les initiales d’ Emmanuel Macron. Malgré son prénom (Emmanuel désigne en hébreu le messie promis au peuple juif), notre président serait donc l’égal de la bête immonde.  Pas sérieux ? Bien sûr, mais on a le droit de s’amuser.

Pourtant…  Vous avez sûrement entendu parler de Qanon, ce groupe de foldingues made in the USA qui diffusent des théories complotistes à tour de bras et voient partout la main maligne d’un « état profond ». Dans cette appellation baroque, « anon » signifie anonyme, et Q est le pseudonyme d’on ne sait qui. Mais Q étant la dix-septième lettre de l’alphabet latin, ces mabouls utilisent le nombre 17 comme moyen d’interprétation de n’importe quoi. Ainsi, je lis dans un dossier de Libération sur « les furieux du complot » qu’ils interprètent sans cesse des messages envoyés par Trump pour exprimer son soutien à leur cause. Ainsi, sur une photo de l’ancien président jouant au golf, ils ont cru voir sur son gant la lettre Q et précisent qu’il en était au 17ème trou. Ou encore, lorsqu’avant de quitter Washington  il a fait un discours à l’aéroport, ils ont compté qu’il y avait 17 drapeaux sur l’estrade.

Cela vous fait rire. Ouais. Mais lorsqu’on voit le succès en France du pseudo-documentaire de Pierre Barnérias, Hold Up, on rit un peu moins. Encore une fois, nous vivons une époque modetne.

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fleche2 mars 2021 : Présumé innocent

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Sarkozy vient donc d’être condamné, cela n’a pas pu vous échapper. Il a fait appel et, avant une éventuelle condamnation définitive, il est présumé innocent. Il a été cité ou impliqué dans une bonne dizaine d’affaires. Grâce à l’immunité présidentielle il n’a pas été inquiété dans l’affaire de l’arbitrage entre Tapie et le Crédit Lyonnais, ou dans celle des sondages de l’Elysée. Il a obtenu un non-lieu pour d’autres affaires et reste inquiété pour l’affaire Bygmalion (sa campagne de 2012), mis en examen pour des soupçons de financement lybien de sa campagne de 2007, est témoin assisté dans l’affaire Karachi et une enquête préliminaire est en cours pour l’affaire russe. Je passe sur les détails, vous trouverez tout cela dans la presse. Cela fait beaucoup pour un seul homme mais, je le répète, Sarkozy est présumé innocent.

J’ai toujours été admiratif  devant un passage de Jules César dans lequel, à l’acte 3 scène 2, Shakespeare met dans la bouche d’Antoine une discours dont la rhétorique est un modèle du genre :

« Le noble Brutus vous a dit que César était ambitieux; s'il en est ainsi , ce fut une faute grave, et César l'a gravement expiée. Ici, avec la permission de Brutus et des autres, - car Brutus est un homme honorable, et ils sont tous, tous des hommes honorables,- moi je viens parler aux funérailles de César. Il était mon ami, loyal envers moi et juste. Mais Brutus dit qu'il était ambitieux , et Brutus est un homme honorable. César a ramené à Rome, nombre de captifs dont les rançons ont rempli les coffres publics; a-t-on pris cela chez César pour de l'ambition ? Quand les pauvres ont geint, César a pleuré ; l'ambition devrait être faite de plus rude étoffe. Pourtant Brutus dit que César était un homme ambitieux et Brutus est un homme honorable. Vous avez tous vu qu'aux Lupercales trois fois je lui offris une couronne royale qu'il refusa trois fois ; était-ce là de l'ambition ? Pourtant Brutus dit qu'il était ambitieux et bien sûr, c'est un homme honorable »

Et je me dis que, dans un quelconque concours d’éloquence (il y en a des dizaines chaque année) on pourrait demander aux candidats de s’inspirer de Shakespeare sur le thème « Sarkozy est présumé innocent ». Si vous voulez vous y essayer, voici quelques citations qui pourraient vous aider :

-De Nicolas Beytout, directeur du très réactionnaire journal L’Opinion, «Pour être respectée, la justice ne doit pas être suspectée. Or, dans la condamnation de Nicolas Sarkozy, tout est suspect. D’abord, son histoire d’ancien président de la République et cette sourde bataille qui l’avait constamment opposé au monde judiciaire. Ce monde de petits pois ne lui a jamais pardonné. Voilà pour le contexte. Même chose pour les méthodes utilisées lors de l’enquête : les juges rebondissant d’une enquête à l’autre, comme s’il leur fallait absolument une affaire sur laquelle coincer l’ancien chef de l’Etat ».

-De Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, « Chacun sait l’affection et le respect que j’ai pour Nicolas Sarkozy, qui a été un grand président de la République et qui, en ces moments difficiles, a mon soutien amical. Je n’oublie pas tout ce qu’il a apporté à notre pays. »

-De Christian Jacob, président du parti Les Républicains, « c’est une décision qui est incompréhensible, invraisemblable, totalement disproportionnées ».  

-De Guillaume Peltier, vice-président du même parti, « une décision disproportionnée et extravagante »

-« De Christian Estrosi, maire de Nice, « je suis étonné par cette judiciarisation de la vie politique ».

-De Carla Bruni, épouse du présumé innocent, «Quel acharnement insensé mon amour.... le combat continue, la vérité fera jour”.

Mais vous en trouverez d’autres. Alors, à vos plumes ! Et, n’oubliez pas, Nicolas Sarkozy est présumé innocent.

 


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Février 2021

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fleche27 février  2021 : Pop-corn gate, suite.

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Un ami québécois m’écrit qu’il y a pire que le pop-corn gate : « «À l’université McGill, vous pouvez vous inscrire à un cours de littérature, vous plaindre de la présence d’un mot dans le premier roman à l’étude, être évalué sur un autre roman, abandonner le cours, vous faire rembourser ET obtenir vos crédits pour le cours abandonné.» Pour les détails: https://plus.lapresse.ca/screens/d6747695-6206-4808-bcf9 49585461fe39__7C___0.html?utm_content=twitter&utm_source=lpp&utm_medium=referral&utm_campaign=internal+share  

 Il ajoute un autre exemple : « A l'université Concordia (anglaise) de Montréal, des étudiants ont lancé une pétition pour chasser une chargée de cours pour avoir prononcé le titre du livre de Pierre Vallières «Nègres blancs d'Amérique» (l'auteur, indépendantiste et militant de gauche, s'était pourtant exilé à New York chez des Black Panthers dans les années 1960!) ».

  Autre chose qui n’a rien à voir, un flash du bureau de l’Agence Française de Presse de Strasbourg : "Bas-Rhin: flashé à 191 km/h à 88 ans, il dit être en retard pour son vaccin anti-Covid-19" Et oui, la pandémie n’attend pas…

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fleche24 février  2021 : Pop-corn gate

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« Je me mets à la place des parents pour la semaine de relâche. […] Donc, avec la Santé publique, pour accommoder les parents, on a quand même fait des efforts. Et je vous annonce que, à compter du vendredi 26 février, les cinémas vont être ouverts dans les zones rouges, donc partout au Québec».

 Cette déclaration du premier ministre a semé la zizanie au Québec. Les cinémas peuvent rouvrir. Bonne nouvelle ? Oui, plutôt, mais il y a un hic. En effet, les spectateurs devront porter un masque. Normal ? Oui, mais il y a un second hic. Puisqu’il  leur faudra porter un masque, il ne pourront pas manger de pop-corn. Et alors ? Et alors, voici la réaction d’un propriétaire de dix complexes de salles de ciné :

« C’est incompréhensible et absurde. Si le gouvernement maintient cette règle, je ne rouvrirai pas. Parce que ça n’a simplement pas de bon sens. Je suis bien prêt à abandonner les pizzas et ce genre de choses, mais le pop-corn et les boissons gazeuses, non ».

Ils sont exigeant, ces Québécois ! Ils ne peuvent pas aller au cinéma sans grignoter des grains de maïs sautés, gras et sucrés. Du coup le premier ministre, après avoir déclaré qu’il ne s’attendait pas à ce « pop-corn gate », propose aux propriétaires de salles une compensation financière pour le manque à gagner.

Les choses en sont là, pour l’instant, mais la situation est grave. Nous vivons décidément une époque moderne.


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fleche22 février  2021: Procrastinations

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Cela fait plus de vingt ans que j’ai quitté Paris pour Aix-en-Provence et j’ai très vite su qu’il y vivait aussi. « Il » : l’auteur de chansons à succès que tout le monde a oubliées, J’aime bien Lily, Tout quitter mais tout emporter, Mister Hyde, et d’une comédie musicale pour enfants dont au moins deux générations se souviennent, Emilie Jolie. Pendant des années que je me suis dit que nous étions peut-être voisins, que je devrais aller le voir. Mais, procrastination, je ne l’ai pas fait, je croyais avoir le temps, j’avais trop de choses à faire. ET Philippe Chatel vient de mourir. Il avait 72 ans.

Au moment où j’écris ce petit billet, j’apprends la mort d’Hélène Martin, à 92 ans, et là c’est l’ensemble de la population qui a fait preuve de procrastination, qui n’a pas pris la peine d’y aller voir. Cette femme a enregistré des dizaines de disques, a collecté les récompenses (trois fois prix  du disque de l’Académie Charles-Cros, grand prix de l’Académie du disque français, prix de la SACEM, etc.), a mis en musique Aragon, Eluard, Genet, Giono, Louise Labé, Seghers, Soupault.. Bref, c'était une très grande. Si vous n ‘écoutez qu’un titre d'elle, je vous conseille un poème de Jean Genet, Le condamné à mort.

 

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fleche19 février  2021 : Livres "politiques"

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S’il y avait une compétition mondiale des hommes ou femmes politiques écrivant (ou du moins signant) des lignes, la France serait sans aucun doute à la première place sur le podium. Pour nous en tenir à la cinquième république, tous les présidents de la république en ont publiés. Et le ministres ne sont pas en reste. Qu’ils s’agisse de leurs mémoires, de leurs projets, de  livres vengeurs lorsqu’ils ont été exclus du pouvoir (Cécile Duflot, Delphine Batho, Rama Yade) ou de livres programmatiques lorsqu’ils visent le pouvoir (Macron, Taubira) ou veulent accéder à un degré supérieur  (Darmanin), ou lorsqu’ils veulent ne pas être oubliés (Hollande, Sarkozy), ils sont des dizaines chaque années à être présents sur les tables des libraires. Certains se sont même lancés dans le roman, même si l’on peut penser qu’ils ne marqueront pas l’histoire de la littérature : pour les plus récents Bruno Lemaire (Musique absolue), Edouard Philippe (dans l’ombre)et Marlène Schiappa (Marianne est déchaînée).

Bref, en France, les politiques doivent avoir une belle plume (ou, plus souvent, de bons « nègres », je suis désolé je ne dispose pas du mot politiquement correct pour ce qu’on désigne en anglais par une belle formule, ghost writer, « écrivain de l’ombre ».) Mais, et c’est désolant, aucun ni aucune n’a, à ma connaissance, publié de livre de jardinage ni de cuisine. Ca ne vous a pas frappé ? Ca ne vous manque pas ? Pour ma part, j’aimerais bien pouvoir profiter des conseils de Chirac pour faire pousser des pommes (je sais, il est trop tard), ou de ceux de Sarkozy pour faire pousser des salades.  En fait ils ont en tous vendues et pourraient faire un ouvrage collectif : Dictionnaire amoureux de la salade, par les responsables politiques de la France d’aujourd’hui.

Et pour la cuisine ? Tenez, si j’étais éditeur, je me dirais que tous les ministres de l’écologie, de l’environnement ou de la transition écologique (les appellations changent tout le temps), qui ont passé leur temps à avaler des couleuvres, sont des auteurs en puissance. Par exemple, Barbara Pompili , ministre de la transition écologique pourrait écrire quelque chose comme Mille et une recettes pour accommoder les couleuvres En voilà une idée qu’elle est bonne…

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fleche 12 février  2021 : Butinage

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Au hasard, quelques notations butinées cette semaine et que je vous laisse éventuellement analyser vous-mêmes. Et tout d’abord, en zappant pour chercher une chaîne, j’aperçois dans une manifestation une grande pancarte : Hijo de Putin. Cela se passait évidemment dans un pays hispanophone, mais je ne sais pas lequel, tout le monde devine derrière Putin qu’il s’agit de Poutine, mais seul un hispanophone peut voir, derrière Hijo de Putin, Hijo de Puta (fils de pute).

  Un lapsus : Après la démission de Frédéric Mion, directeur de Science-Po Paris, les protestations et dénonciations se sont multipliées dans les différents Instituts d’études politiques de province. Et sous le #sciencesporcs on apprend que les futures « élites » du pays donnent volontiers dans le viol ou le harcèlement sexuel.  Une journaliste radio annonce la réunion « des dictateurs…euh directeurs des IEP »

  Un autre lapsus (et une autre journaliste)  présentant un artiste qui « a mis enceinte.. . euh en scène »…

  Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, aurait expliqué au journal Le Parisien  qu’il ne va jamais chez le coiffeur avant de passer à la télévision « sinon les gens se disent tout de suite qu’on va reconfiner le pays ». Pour vous aider dans votre analyse, je vous donne le commentaire du Canard Enchaîné : « un argument un rien tiré par les cheveux ».

  Et puis un abandon. Depuis des mots, en écoutant des gens interviewés à la radio ou la télévision, je m’amuse, sans vraiment prendre de note, à compter le nombre de fois où apparaît dans leurs discours le terme voilà. Mais la tâche devient fatigante, voilà est devenu une sorte de virgule verbale, totalement désémantisée. Je vous laisse, si cela vous amuse, prendre la relève.  

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fleche 6 février  2021 : Habitus, confinement, complotisme

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J’ai toujours pensé que les concepts les plus opérationnels étaient ceux qui sont les plus faciles à expliquer. C’est à mon avis le cas de l’habitus de classe utilisé par Pierre Bourdieu, que je vais tenter d’illustrer en essayant de ne pas trop le trahir. Il s’agit d’un ensemble de pratiques héritées au acquises qui caractérisent un groupe social, ou une classe. Par exemple il y aurait d’un côté ceux qui jouent au bridge, boivent du scotch ou du champagne, s’intéressent ou jouent au tennis ou au golf, et de l’autre ceux qui jouent à la belote, boivent du pastis, s’intéressent au foot… Et ces deux groupes grossièrement définis par ces pratiques ont des tendances endogamiques, par exemple leurs membres se marient entre eux, font les mêmes études, etc. Il est d’ailleurs, de ce point de vue, intéressant de noter que ce concept d’habitus apparaît pour la première fois chez Bourdieu lorsqu’il analyse les comportements dans des bals du Béarn  où les jeunes-femmes dansent avec des gens venus de la ville tandis que les paysans restent éloignés de la piste.

Si j’évoque ce concept d’habitus, c’est parce que j’ai l’impression que les réactions au confinement ou au couvre-feu en sont une bonne illustration. Laissons de côté les protestations venues des professionnels (les patrons de restaurants, les artistes, les commerçants, etc.) pour nous intéresser à leurs « clients ». Ceux qui s’élèvent contre la fermeture des théâtres ou des lieux culturels en général par exemple ne sont pas agriculteurs ou petits commerçants mais plutôt des bobos vivant en ville. Et je vous laisse vous interroger sur les catégories sociales qui s’élèvent contre la fermeture des stations de ski, des stades, des librairies, des bistrots, etc. Bien sûr, la réponse ne peut pas venir de la simple intuition mais d’enquêtes et d’analyses sérieuses. Il demeure que Bourdieu aurait sans doute eu des choses à dire sur ce point.

Il y a en revanche une tache aveugle dans cette approche, sans doute parce que la pratique concernée est relativement nouvelle : le complotisme. Vous en connaissez des dizaines d’exemple, véhiculés le plus souvent par les réseaux sociaux, et il est facile d’imaginer, pour prendre un exemple nord-américain,  qu’il y a comme une suite d’implications entre le fait de fréquenter une église  évangélique, de voter Trump, d’attaquer le Capitole et de croire à un complot démocrate pédophile.

Mais dans quels habitus faut-il classer ceux qui pensent que le coronavirus a été inventé par Bill Gates, ceux qui croient à un complot des élites parisiennes contre le docteur Raoult, ceux qui suggèrent qu’au cours des siècles les grammairiens français ont comploté pour construire une langue sexiste, ceux qui affirment que le vaccin a pour fonction de nous injecter des puces électroniques ou encore, comme la sociologue Monique Pinçon-Charlot dans le documentaire complotiste  Hold-up, qui expliquent que le coronavirus est utilisé comme un « holocauste » pour « éliminer la partie la plus pauvre de l’humanité, dont les riches n’ont plus besoin » ?

Mais ne vous cassez pas trop la tête et passez un bon week-end quand même.

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fleche 4 février  2021 : Baromètre

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 Depuis quelques années, le baromètre des langues du monde que nous avons élaboré a suscité des réactions diverses. Certains n’y comprennent pas grand-chose, d’autres réfutent toute approche quantitative, d’autres encore le portent aux nues (comme les auteurs du récent livre le français n’existe pas qui parlent de « l’hallucinant  baromètre du poids des langues dans le monde »). Mais il n’y eu que peu de discussions techniques ou scientifiques sur notre travail. Pour ceux que cela intéresse, les choses pourraient être dorénavant facilitées.

En tapant sur Google « baromètre Calvet 2017 » vous accéderez à un site du ministère de la culture français sur lequel vous aurez des liens avec les deux premières versions (2010, 2012) et à la version la plus récente (2017), ce qui vous permettra de comparer les trois classements successifs et de faire des hypothèses sur les raisons des changements qui apparaissent d’une version à l’autre.

 Mais il ne s’agit là que de la carrosserie d’une grosse machine et vous pouvez, si cela vous intéresse, vous plonger dans sa mécanique interne en téléchargeant les dossiers qui vous sont proposés. D’une part, en pdf, un long texte expliquant de la façon la plus simple possible notre démarche, la façon dont nous avons établi et traité nos données, etc. D’autre part deux dossiers Excel avec toutes nos données chiffrées, vous permettant de faire votre propre classement  en faisant varier le poids de nos douze facteurs, et, surtout, et d’éventuellement critiquer notre méthode. Bref, tout le matériel pour ouvrir un débat sur un travail scientifique qui a fait couler beaucoup d’encre.

 

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fleche1er   février  2021 : Imbécilité ou inconcience?

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Ce qui s’est passé samedi au centre d’entraînement de l’Olympique de Marseille ne témoigne pas seulement de l’imbécillité des supporters de football mais de quelque chose de plus diffus et de plus grave. Précisons tout d’abord que la situation de l’OM est unique en France : les clubs de supporters se sont vus attribuer le droit de vendre eux-mêmes les abonnements annuels à leurs membres, avec les dérives financières que l’on peut imaginer. Ils se sentent propriétaires ou patrons de l’équipe, pensent avoir tous les droits, y compris celui de saccager et de s’en prendre physiquement aux joueurs. Il est vrai que l’OM est actuellement dans une mauvaise passe, à la neuvième place du classement, mais on voit mal comment ces actions de commando peuvent changer en quoi que ce soit sa situation. La pandémie rend-t-elle fou ?

A Nice, un patron de restaurant a ouvert son établissement malgré interdiction, et on l’a vu à la télévision tenant trois assiettes dans ses mains et hurlant « Liberté ! Liberté ! » avec la projection de postillons qu’on peut imaginer sur les plats qu’il servait. Et la cinquantaine de clients présents ne portaient, bien entendu, pas de masque. A Carpentras, un commissaire de police et un vice-procureur ont été surpris en train de manger dans un restaurant clandestin.  Sur les réseaux sociaux le slogan « je ne me confinerai pas » fleurit. Et l’on sait qu’aux Pays-Bas de violentes manifestations ont lieu contre le couvre-feu. Encore une fois, la pandémie rend-t-elle fou ? Inconscient ? Ou les deux à la fois ? Imbécillité ou inconscience ?

A vous de voir. En attendant, je partage avec vous un extrait d’un mail reçu d’une amie brésilienne, qui constitue peut-être un début de réponse :

« A Rio on a 40 degrés tous les jours, depuis deux semaines. Résultat 1: plages bondées. Résultat 2: des hôpitaux bondés »


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Janvier 2021

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fleche30  janvier 2021 : Procrastination ?

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Certains n’ont rien à dire mais le disent bien, c’est même en train de devenir une profession… Hier soir, le premier ministre n’avait pas grand-chose à lire, et l’a dit le plus vite possible, expédiant sa corvée comme s’il était pressé d’aller voir le feuilleton qu’il suit à la télé. Cette corvée, c’est bien entendu Macron qui la lui avait imposée. Mais pourquoi ?

Depuis une semaine, nous sommes abreuvés de discours alarmistes. Des ministres, et non des moindres (le premier d’entre eux, celui de la santé, le porte-parole du gouvernement…) et les médecins spécialisés en épidémiologie, pour une fois d’accord entre eux, nous ont tous dit la même chose : les indicateurs sont au rouge, le couvre-feu a eu peu d’effet sur l’épidémie, nous n’avons pas de temps à perdre, et puis, surprise, on ne nous annonce que quelques mesurettes, pas le confinement attendu. Le moins que l’on puisse dire est que la communication du gouvernement est incohérente. Les uns annonçaient un confinement sévère, les autres lançaient des formules sibyllines, « confinement light », « confinement hybride » (comme les voitures, moitié essence moitié électricité ?). Et l’explication en est simple : personne ne savait ce qu’allait décider Macron et les gens manœuvraient  à vue. Car c’est bien Macron qui est le problème.

Procrastination ? Cela en a bien l’air puisque tout le monde est convaincu qu’il faudra bien en revenir au confinement. Mais les choses sont plus complexes. Macron navigue entre l’indécision et la prudence, il a peur de mouvements sociaux, de manifestations semblables à celles qui se produisent aux Pays-Bas et en Allemagne, et ne veut pas suivre les conseils du conseil scientifique qu’il réunit régulièrement, ou du moins ne veut pas les suivre immédiatement, comme si cela était un signe de faiblesse. On a dit que le politique passait avant le sanitaire, ou que le problème était de choisir entre le politique et le sanitaire. En fait, l’actuel président est l’a meilleure illustration de la pratique solitaire du pouvoir. Il ne se différencie de De Gaulle que sur un point : il crée des comités, des conseils, qu’il réunit… Mais il attend avant de décider seul. On voit bien son pari : si les indicateurs passaient subitement au vert, il triompherait. Mais si c’était le contraire ? Trump ou Bolsonaro s’en sont tenu à un déni criminel et il suffit de voir le nombre de morts aux USA et au Brésil pour juger de leur efficacité. Et Macron prend un très grand risque.

Pour finir, quelques indications sur la façon dont les psychologues expliquent la procrastination. Les façons plutôt, car ils ne sont pas tous d’accord entre eux.  Ce qu’ils appellent les « retardataires chroniques » seraient caractérisés par de l’anxiété, du manque d’apprentissage, du manque d’estime de soi, mais aussi par de l’impulsivité, et par une activité frénétique dans des domaines n’ayant aucun lien avec la décision urgente à prendre. Vous avez donc le choix pour décider par vous-mêmes de ce qui caractérise le mieux Macron. Quant à savoir si le nombre de morts à venir lui donnera tort ou raison, c’est une autre histoire.

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fleche28 janvier 2021 : Bientôt des dessinateurs manchots?

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Vous connaissiez (oui, c’est le passé qui convient désormais) peut-être les dessins de Xavier Gorce dans Le Monde, les indégivrables. Il mettait en scène des pingouins qui, le plus souvent échangeaient des propos drôles, décalés, souvent givrés, c’est le cas de le dire. Le dernier en date présentait une jeune pingouine interrogeant un aîné : "Si j'avais été abusée par le demi-frère adoptif de mon père transgenre devenu ma mère, est-ce un inceste?"

Cela peut faire rire ou pas, j’avoue que pour ma part j’adore ces phrases alambiquées ou paradoxales, qui vous font vous gratter la tête, tourner les mots dans tous les sens. Et ce dessin m’a fait rire. Mais la direction du Monde, a reçu des protestations : ce dessin serait une attaque contre l’homoparentalité ou les transgenres. Ni une ni deux, le dessin a été retiré et le journal a présenté ses excuses au lecteurs. Et le dessinateur, désavoué, a décidé de quitter le journal.

Si le dessin  m’a fait rire (mais il a pu en choquer d’autres), j’ai été en revanche choqué par une forme de lâcheté de la direction du journal, par sa peur face aux réseaux sociaux. La presse unanime avait en 2015 apporté son soutien à Charlie Hebdo et, plus récemment, a largement rendu compte du procès des complices de cette tuerie. Mais, en semblant vouloir aseptiser ce que produisent ses propres dessinateurs, elle semble du même coup laisser à Charlie le soin de faire rire de façon grinçante  irrespectueuse et salutaire. Et sa position, prudente et couarde à la fois, pourrait s’exprimer ainsi : puisqu’ils le font, nous n’avons pas à le faire…  Mais, en même temps, c’est le principe de l’autocensure qui se met en place.

Pour ceux qui ne connaissant pas Gorce, voici quelques exemples de la production :

Un pingouin annonce  « Selon notre dernier sondage, 100% des abrutis refusent  d’être vaccinés… «  Et l’autre réplique « C’est stable ».  Ou encore l’un déclare « Le virus de l’antisémitisme a muté et l’autre ajoute «  Mais c’est toujours la même souche… » .

Un dernier, qui s’applique plus particulièrement à la situation actuelle : « Vous avez votre passeport sanitaire  d’humour ? ». C’est bien la question. Les pingouins de Gorce ont donc quitté Le Monde mais l’on peut craindre que ce départ annonce  la naissance d’une génération de dessinateurs manchots.

Ce qui me rappelle un passage d’une des versions de Temps difficiles de Léo Ferré On avait découvert qu’un médicament utilisé pendant les années 1950 et 60 par les femmes enceintes, la thalidomide, donnait de graves malformations. A Liège, une femme ayant consommé d la Thalidomine pendant sa grossesse avait donné naissance à un enfant sans bras et l’avait euthanasié. Procès de la grand-père, de la mère, de sa sœur et du père. Ils sont tous acquittés. Et Ferré avait chanté : 

« Le Vatican n’est pas d’accord

Il dit qu’à Liège on a eu tort

Quand tu verras un pape sans bras

Avec quoi donc il t’bénira ? »

Qui pourrait aujourd’hui entonner cela ?

 

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fleche24 janvier 2021 : Sociolinguistique et vérités altertnatives

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Il s’est passé quelque chose de très particulier au début de ce mois sur la liste de discussion sociolinguistique du RFS (réseau francophone de sociolinguistique). A l’origine, l’annonce de la publication d’un ouvrage de Patrick Charaudeau (La langue n’est pas sexiste, pour une intelligence du discours de féminisation), avec la photo de la couverture et un court texte de présentation :

« La langue n’est pas sexiste. C’est le sujet qui parle, qui écrit, lequel est à la fois maître et esclave de son usage, qui peut ajouter à ses façons de parler des relents de sexisme. Mais il peut également y échapper par des usages intelligents. C'est donc du discours qu'il est question — et non de la langue — faisant que seul le sujet parlant est responsable de ce qu'il dit. Tout ce qui concerne la féminisation de la langue, de la critique sexiste à la transformation des noms de métier, du genre grammatical à la féminisation des formes, est passé en revue sans oublier l'écriture inclusive qui propose des transformations d'usage de la langue, dont l'auteur examine les bonnes et les mauvaises solutions ».

  Immédiatement, des interventions se succèdent, sur le ton ironique (« Enfin le retour du bon ou mauvais en linguistique ! 

Féministement » ou agressif (« le problème commence au-delà du contenu du livre, étant donné la formulation des titres et sous-titres, qui encore une fois annoncent une « raison » et une « intelligence » masculines pour éclairer les autres qui en étaient forcément dépourvues »).

  L’ouvrage est attaqué essentiellement parce qu’il est écrit par un homme et qu’on lui prête  un point de vue masculin (prêtez attention aux pronoms : ils, eux) :

« Je pense qu’il faut les ignorer ou bien écrire ailleurs autre chose : ils n’attendent que cela car plus personne ne parle d’eux… C’est leur faire trop d’honneur ! Leur parole ne compte plus, plus personnes ne les connaît… Inventons ailleurs, sans eux, on n’a pas besoin d’eux ».

Ce sont donc les hommes qui sont attaqués, puis, par élargissement progressif, les hommes professeurs et enfin  les hommes, professeurs donc, et vieux, « qui contribuent petit à petit à restreindre la portée politique de la sociolinguistique à une discussion de comptoir entre vieux machins » et en outre sont traités de « masculinistes et autres cryptofascistes ». Résumons tout cela : un homme n’a pas le droit d’écrire sur le thème de la féminisation parce qu’il n’est pas femme, qu’il est en outre professeur et vieux. Ce qui semblerait signifier que seules de jeunes linguistes sans poste auraient le droit à la parole sur ce thème. Il y a dans cet enchaînement un condensé de discriminations : contre les hommes, vieux, professeurs, voire professeurs retraités. Il ne manque à cette litanie de discriminations que homme blanc pour clore le tableau. Bref les injures volaient bas (« cryptofascistes », « vieux machins ») et l’on cherchait en vain le moindre argument théorique contre le livre qui avait déclenché cette tempête.  

Il y avait à cela une raison très simple : personne ne l’avait lu  car il n’était pas encore publié. Il s’agissait donc uniquement d’un procès d’intention contre un sexe, une classe d’âge et une fonction. Il peut paraître étonnant de trouver cette absence totale de déontologie (condamner un livre n’on n’a pas lu), ce racisme et ce vide théorique sur une liste dont le but est d’accueillir un débat scientifique et non pas des invectives ou des insultes. Il va sans dire, mais cela va peut-être mieux en le disant, que je correspond tout à fait à la cible que je viens de définir : je suis un homme blanc (nobody is perfect) et professeur d’université à la retraite. On n’a pas  encore parlé dans ces débats de « vieux cons » (simplement de « vieux machins ») mais j’aime bien quand Georges Brassens chantait « le temps ne fait rien à l’affaire, quand on est con, on est con, qu’on soit jeunot qu’on soit grand-père, quand on est con on est con », à condition  que l’on puisse aussi remplacer con par son contraire (et je vous laisse le soin de chercher les antonymes de con).

Venons-en donc à corps du délit, puisque procès il y a. Patrick Charaudeau part dans son ouvrage, avec une sérénité toute scientifique, de la définition des notions sur lesquelles il considère qu’il faut se mettre d’accord pour pouvoir débattre. La  distinction entre la langue comme système, comme norme ou comme discours, l’histoire de la grammaire ou de la graphie, le genre grammatical, les catégories de genre et de sexe, le neutre, etc… En passant il explique comment l’importation des gender studies en vogue aux Etats-Unis a donné en français au genre un autre  sens, produisant une série de dérivés comme genré, agenre, dégenré, en introduisant une confusion entre le genre grammatical et le genre sexué. Puis il évoque différentes propositions de féminisation de l’écriture ou des noms de métiers, parmi lesquelles, bien sûr, l’écriture inclusive et le point médian, en souligne les inconvénients et les avantages. Bref il pose les bases d’un débat scientifique en rappelant, je le cite, que pour parvenir à « une égalité sociale entre les hommes et les femmes, il est évident qu’il faut éviter toute discrimination dans la façon de parler ». Mais, au centre de sa réflexion, ce que résume parfaitement son titre, la langue n’est ni sexiste, ni fasciste, ni quoi que ce soit d’autre, c’est le discours qui peut l’être. Je ne vais pas résumer tout son livre, ceux que cela intéresse peuvent aller y voir (il est publié aux éditions Le bord de l’eau).

Ce que je retiens pour ma part de la démarche de Charaudeau et de la polémique que j’ai rappelée est d’abord qu’il est préférable de lire un livre avant de le critiquer. J’ajouterais qu’on  ne peut pas être sociolinguiste sans être linguiste, voire même historien de la langue. Et, surtout, que la différence martelée par Charaudeau entre langue et discours est fondamentale. Lorsqu’on lit avec soin le livre de Victor Klemperer sur la langue du III° Reich, on se rend compte qu’il n’y aurait aucun sens à considérer  que l’allemand est une langue nazie : les nazis parlaient allemand et c’est dans leur utilisation de cette langue, dans leur discours donc, par différents procédés, qu’ils encodaient  leur idéologie nazie. Dire qu’une langue est nazie, sexiste ou fasciste (Barthes s’est laissé aller à cette dernière affirmation) est une grosse bêtise dénuée de sens scientifique.

On peut espérer que le livre Charaudeau permettra un débat dépassionné et serein, mais j’en doute.  Trump a quitté la maison blanche, ce qui n’empêche pas, selon les journalistes spécialistes des USA, le trumpisme d’être toujours vivant. Ce qui est sûr, c’est que si le susdit Trump avait déposé un brevet pour l’usage de fake news, ou des vérités alternatives,  bien des intervenants de la liste RFS lui devraient des royalties.

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fleche22 janvier 2021 : Merci à Trump

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Donald Trump a eu l’inélégance de quitter la maison blanche mercredi matin sans être présent à la prestation de serment de Joe Biden. Mais, avant de prendre l’avion qui devait le mener à sa résidence dorée de Floride, il a fait une sorte de parodie de meeting sur le tarmac de l’aéroport, présentant une version   idyllique de son mandat, de ses succès imaginaires, de ses actions magnifiées, bref en ajoutant quelques mensonges de plus à son palmarès.

Et, comme dans chacun de ses meetings, la « bande son » comportait deux titres qui vont le retenir, YMCA interprété par le groupe Village People et My Way interprété par Franck Sinatra. La fin de ce dernier titre peut d’ailleurs s’entendre comme un plaidoyer pour ses mensonges :

« Yes, there were times, I'm sure you know
When I bit off more than I could chew
But through it all when there was doubt
I ate it up and spit it out
I faced it all and I stood tall
And did it my way
The record shows I took the blows
And did it my way

Alors, pourquoi « Merci à Trump ? » Pas pour ses mensonges, bien sûr. En fait ce n’est pas moi mais le show-biz français qui devrait le remercier. Je ne sais pas si l’ex-président a compris que Village People était un groupe du genre « machogay » et que YMCA appelait les « young men » à prendre du plaisir dans l’ « Association Chrétienne des Jeunes Hommes » (c’est le sens du sigle anglais), mais il ne savait sûrement pas que la musique de cette chanson a été composée par deux français (Henri Belolo et Jacques Morali) qui étaient en même temps les producteurs du groupe. Quant à My Way, c’est à l’origine une musique de Jacques Revaux et Claude François (pour la chanson Comme d’habitude), adaptée en anglais pour Paul Anka puis reprise par Sinatra. Donc…  Donc, si Trump a payé les droits des musiques qu’il utilisait dans ses meetings, une bonne partie de cet argent a été versée à la SACEM, ce pourquoi je me permets de le remercier au nom du show-biz français qui aurait dû le faire mais semble ne pas avoir la reconnaissance du ventre.

A moins que… à moins que Trump ne paie pas plus les droits musicaux que ses impôts…

 

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fleche16 janvier 2021 : Sodomisation de diptère brachycère

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On connaît le paradoxe du Crétois qui déclarait : « tous les Crétois sont menteur ». Mentait-il ou disait-il la vérité ? A priori, puisqu’il était crétois, il mentait et donc sa phrase était un mensonge, et les Crétois n’étaient pas menteurs. Dès lors il disait la vérité et les Crétois étaient menteurs… On peut sortir de cette aporie en disant que la langue n’est pas nécessairement faite pour dire la vérité, et que le problème n’a aucun intérêt, ou qu’il s’agit  (pour tenter de l’exprimer en termes choisis) d’une sodomisation de diptère brachycère. Imaginons maintenant que, sans être lui-même journaliste, quelqu’un déclare que tous les journalistes sont menteurs. Fini le paradoxe, et cette assertion permettrait de savoir quelle est la vérité : le contraire de ce  disent les journalistes.

Mais les deux affirmations (tous les Crétois ou les journalistes sont menteurs) ont en commun de pécher à la fois par excès de généralisation et par absence de réflexion sur ce qu’est la vérité. La première cependant, celle du Crétois, ne disposait pas de tweeter, de face book ou de tout autre déversoir d’ego, et il ne pouvait donc guère faire de mal. Ce qui n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui, et vous voyez où je veux en venir. Le changement de locataire de la maison blanche qui va se produire mercredi ne changera sans doute pas grand-chose aux flots d’egos, complotistes ou autres,  se déversant sur les réseaux sociaux, mais il leur manquera leur principal porte-voix. A moins qu’un autre surgisse.

Nous pourrions cependant nous débarasser de cette avalanche de « vérités alternatives » ou de « fake news » en changeant légèrement de point de vue. Vous vous souvenez peut-être au moins du titre d’un ouvrage de Pierre Bayard publié en 2007, Comment parler des livres qu’on n’a pas lus ? Je voudrais pour ma part vous rappeler un petit passage du livre (qu’il est bon de lire)  de Victor Klemperer sur la langue du 3ème Reich :

« On cite toujours cette phrase de Talleyrand, selon laquelle la langue serait là pour dissimuler les pensées du diplomate (ou de tout autre homme rusé et douteux en général). Mais c’est exactement le contraire qui est vrai. Ce que quelqu’un veut délibérément dissimuler, aux autres ou à soi-même, et aussi ce qu’il porte en lui inconsciemment, la langue le met à jour ».

Il ouvrait la voie à toutes les analyses de contenu, analyses rigoureuses mais moins faciles (et moins marrantes) que les affirmations à la Trump.  Pour ma part, je ne trouve pas de chute marrante à ce billet. Sauf que, peut-être, je penche moi-même du côté de la sodomisationdes diptères brachycères.

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fleche9 janvier 2021 : Fascisme rampant aux USA. Et chez nous?

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Pendant quatre ans nous avons vu un adolescent en surpoids, colérique, exigeant d’obtenir immédiatement tout ce qu’il voulait, et des adultes lui passant tous ses caprices. Ces adultes étaient bien sûr les parlementaires républicains et l’adolescent colérique et en surpoids Donald Trump. Caricature ? Oui, mais les caricatures, en grossissant les traits, révèlent toujours quelque chose de la réalité. Trump a été battu lors qu’une élection dans laquelle son concurrent a obtenu sept millions de voix de plus de lui. Il a, en conséquence, obtenu 232 grands électeurs contre 302 pour Biden. Ses recours ont été refusées par différents juges, y compris ceux de la cour suprême. Ainsi posé, le problème serait résolu aisément par n’importe quel élève de primaire : Biden a été élu. Mais dans la cour de l’école, une centaine de congressistes républicains a continué à nier l’évidence, à donner à l’enfant colérique ce qu’il voulait. Comme lui, ils affirment que la victoire lui a été volée. Et c’est la réalité qui devient caricature.

Ces gens dont la fonction est de voter les lois, de les faire appliquer, soit se foutent de la constitution comme de leur première sucette et ne pensent qu’à leur réélection, qu’à plaire à leurs électeurs, soit croient réellement aux théories complotistes, à une puissance occulte, marxiste et pédophile, qui dirigerait en sous-main le pays… En bref, ils reprennent les délires de l’adolescent colérique, et l’on se demande s’il y a des adultes dans les salles du Congrès. Pendant ce temps l’adolescent colérique joue toujours de la menace, sur le mode « t’ar ta gueule à la récré », et ils s’écrasent, pensant toujours qu’il risque de ruiner leur carrière politique s’ils s’opposent à ses caprices.

Et puis les choses changent de genre. Dans sa cour de récréations, Trump a donc mobilisé ses troupes, les appelant à marcher sur le Capitole. En voyant ces images, on a d’abord des souvenirs scolaires, la marche sur Rome des partisans de Mussolini en octobre 1922, la marche sur l’assemblée nationale de l’extrême droite française, en février 1934, des souvenirs du passé. Et l’on se dit que tout cela est loin, loin dans le temps et loin dans l’espace. C’est loin, Mussolini, c’est loin Washington. Loin, vraiment ?

Le spectacle cette horde à la fois folklorique et fascisante enfonçant les portes du Pentagone, brisant des vitres, menaçant des congressistes, n’est pas si exotique (en son sens premier : qui vient de loin) ni si éloigné dans le temps qu’on pourrait le croire. Ces mouvements antidémocratiques et ce fascisme fascisant sont partout, y compris à nos portes. Il n’y a pas que les évangélistes américains qui mettent dieu avant les lois républicaines, il y a aussi, chez nous, les intégristes musulmans ou catholiques. Il n’y a pas que les proud boys américains qui cassent à tout va, il y a aussi, chez nous, les black blocs et certains gilets jaunes. Le complotisme n’existe pas qu’aux Etats-Unis, il fleurit aussi chez nous. Sans parler de la lâcheté et de l’arrivisme du personnel politique, qui se portent assez bien ches nous.

Alors, dire que ce spectacle déshonore la démocratie américaine, considérer comme fou furieux celui dont nos dirigeants ont serré chaleureusement la main, se demander si la police américaine a laissé faire, si elle n’aurait pas réagi différemment dans le cas où la horde trumpiste aurait été composée de Noirs, tout cela n’est-il pas une façon de ne pas balayer devant notre porte ? Un tour de passe-passe en quelque sorte, pour faire oublier, si nous n’y prenons garde, que ces dérives pourraient nous menacer nous aussi, un jour ou l’autre.

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fleche5 janvier 2021 : Peaux de bananes

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Les politiques ont l’habitude des peaux de bananes que certains (le plus souvent, mais pas toujours, leurs adversaires) disposent devant eux. Et, lorsqu’ils ne parviennent pas à les éviter, ils s’étalent. C’est là un des ressorts du rire, comme l’analysait il y a plus d’un siècle le philosophe Henri Bergson. Parmi les procédés menant au rire, il en est certains qui s’appliquent assez bien à la situation actuelle du gouvernement. Bergson parlait par exemple de la répétition, lorsque une même scène grotesque se produit plusieurs fois de suite, ou encore de l’effet boule de neige, et sa thèse générale était que ce qui provoque le rire est la superposition sur du vivant d’un effet mécanique.

Revenons donc à la peau de banane. Un homme (mais ça fonctionne aussi avec une femme) marche tranquillement (c’est du vivant) quand soudain il glisse et accomplit un mouvement qui peut faire penser aux acrobaties d’un break dancer mais qu’il est plus simple de décrire en disant qu’il se casse la gueule. La peau de banane peut s’être trouvée là par hasard (un chimpanzé passait par là et, après avoir dégusté son fruit, en a jeté la pelure) ou avoir été déposée intentionnellement.

Mais il est un troisième cas de figure, qu’illustrent bien le président Macron et son gouvernement. Prenez l’affaire Benalla (au fait, quand passera-t-il devant les tribunaux, Alexandre Benalla ?) : personne n’a transformé ce proche du président en faux flic tabassant un manifestant. Ou encore, personne n’a inventé un ministre de l’intérieur, Darmanin pour ne pas le citer, sortant inopinément une loi dont l’article 24 a fait beaucoup de bruit. Pas plus que de sales gamins mal intentionnés n’ont bricolé un discours sur l’inutilité de masques qu’on n’avait pas, ou n’ont imaginé un protocole de vaccination ridicule.

Vous l’aurez compris, le troisième procédé que j’annonçais consiste pour quelqu’un à déposer devant lui une peau de banane puis à prendre son élan et à se précipiter dessus. Patatra ! Glissade, figure de break dance et on se retrouve dans la boue… On peut imaginer qu’un clown de livre méthodiquement à cette figure, pour faire rire bien sûr, c’est son métier. Et on ne rirait pas si l’on ne l’avait pas vu d’abord disposer soigneusement son piège. Mais, en l’occurrence, il ne s’agit pas d’un clown (enfin, pas d’un clown professionnel), il s’agit d’un président ou de ministres. Beaucoup disent que l’opposition n’existe plus aujourd’hui (et c’est vrai qu’elle n’a pas beaucoup d’idées) mais elle est inutile puisque le pouvoir fournit lui-même les peaux de bananes qui vont le ridiculiser.  Bergson n’avait pas pensé à ça, ou n’avait pas rencontré ce cas de figure. Comme quoi nous vivons une époque moderne… et inventive.

  J’ai récemment entendu à la radio que la canicule de 2003 avait tué 20% de plus de femmes que d’hommes. Mon sang n’a fait qu’un tour : quoi, la canicule aussi serait machiste ! Je suis tout d’abord allé vérifier les chiffres. Il y a eu, en août 2003, 15.000 décès en excès (c’est-à-dire 15.000 de plus que les années précédentes à la même période), 87% d’entre eux avaient plus de 70 ans et 65% étaient des femmes. Je me suis alors dit que les femmes vivaient plus longtemps que les hommes et, là aussi, je suis allé vérifier les chiffres (rassurez-vous, je ne me suis pas beaucoup fatigué, j’ai cherché les statistiques officielles). Le petit tableau ci-dessous, concernant la population française par sexe au 1er janvier 2020, confirme encore cette information :

 

Age

Nombre d’hommes

de femmes

95 ans

90 ans

85 ans

80 ans

60 ans

50 ans

40 ans

30 ans

20 ans

10 ans

1 an

16.359

57.533

122.243

173.240

407.015

439.368

405.284

385.549

398.800

428.212

365.656

53.442

128.482

202.703

234.771

438.821

449.572

425.335

408.207

379.795

408.308

350.503

 

On On voit qu’il y a davantage de garçon que de filles à la naissance, que la mortalité précoce des hommes rétablit la parité autour de 40 ans, et que plus on s’avance vers les âges avancés et plus la proportion s’inverse (l’espérance de vie est de 85 ans en moyenne pour les femmes contre 80 pour les hommes).

Revenons donc à la canicule. Les chiffres ci-dessus ne suffisent pas à expliquer la surmortalité des femmes. A 80 ans par exemple, les femmes représentent 57% de la population. Mais une analyse plus poussée nous montre que cette canicule a surtout frappé des personnes isolées. Or les femmes âgées vivent souvent seules (ce qui est normal : les hommes meurent avant). C’est donc les femmes âgées et seules qui furent les premières victimes.

Tout ceci me mène à la pandémie que nous vivons actuellement et à quelques conseils sanitaires aux messieurs qui souhaiteraient échapper au coronavirus. Pour peu que vous lisiez parfois les journaux ou écoutiez un peu les media audiovisuels vous connaissez les gestes barrières, inutile d’y revenir. Vous savez aussi qu’il est déconseillé d’aller danser toute à nuit au milieu d’un millier de personnes. Par ailleurs, il est difficile de rajeunir. La seule solution est donc de changer de sexe. Renseignez-vous, il y a de bons chirurgiens. Mais devenir femmes ne suffit pas, il vous faut aussi vivre en couple. Or plus vous vieillissez moins vous trouverez d’hommes (surtout si beaucoup d’entre eux ont suivi mon conseil et sont devenus femmes). Donc, pour ne pas vivre seules (oui, je passe au féminin), vivez avec une femme. Après avoir changé de genre, changez de sexualité. And fuck the virus…


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