
30
décembre:
Ultracrépidarianisme

Comme
toujours,
la fin d’année est l’heure des bilans.
Bilan politique, bilan social, bilan
sportif, liste
des morts de l’année, etc. A quoi il
faut ajouter, en cette année
particulière, le bilan de l’épidémie,
et, pour ce qui nous concerne, la
liste des mots qui ont fait florès.
Libération leur a consacré, à la veille de Noël,
une double page avec en énormes
caractères WOKE et NFT,
plus iel (j’en ai déjà parlé
ici), WhereisPengShuai (j’en ai
également parlé), #metooInceste, Squid Game, Métavers, Pandora
papers, CBD, Pegasus et Spacex. Ils auraient pu y
ajouter grand remplacement, déclinisme ou antivax, mais personne
n’est exhaustif.
Aujourd’hui,
le
journal Sud-Ouest cite blob
(si vous ne connaissez pas cet unicellulaire de
myxomycète de l'ordre des Physarales,
cherchez dans votre encyclopédie
préférée), wokisme et consentement
(sexuel). Mais
j’avoue préférer le choix du journal
belge Le Soir qui a
sélectionné ultracrépidarianisme. Vous ne connaissez pas ? Mais
oui. Souvenez-vous de l’expression
latine, Sutor, ne supra crepidam,
« cordonnier, pas au-dessus de la
chaussure ». L’ ultracrépidarianisme est donc
le fait de parler de choses qu’on ne
connaît, et correspond bien à
l’expression française « Chacun
son métier et les vaches seront bien
gardées ».
Vous avez sûrement
dans votre environnement des ultracrépidarianistes. Il suffit de lancer dans une
conversation les mots vaccin ou pandémie et vous verrez…
Allez, à l'an
prochain.

21
décembre:
Notes
sénégalaise
(2)
Après la gastronomie française, la cuisine
traditionnelle mexicaine, le régime
méditerranéen, la washoku (menu du
nouvel an japonais), le dolma (ou
feuille de vigne), la pizza
napolitaine, le vin de Géorgie ou la
bière belge, un plat sénégalais, le tiébou
diène (nous reviendrons sur la
façon de l’écrire) vient d’être
déclaré patrimoine mondial de
l’UNESCO. Il s’agit de darne de
poisson préparé avec des brisures de riz, de
l’oignon, du piment, des tomates, du
chou, du poisson séché et des
mollusques… Et la presse sénégalaise
en fait ses titres. Selon
l’ambassadeur du Sénégal à l’UNESCO,
ce plat est un outil de rayonnement
diplomatique du pays. Après
l’ambassadeur c’est le lendemain le
ministre de la culture qui est
interrogé : « ce plat se
confond avec l’identité du
pays », même s’il a été imposé au départ par le
colonisateur note le journaliste.
Revenons à l’ambassadeur. Il raconte
que la bataille a été rude à l’UNESCO,
car des pays voisins voulaient
s’approprier ce plat, sous d’autres
noms, ou exigeaient que le plat soit
déclaré comme « art culinaire au Sénégal » et non pas
« du Sénégal ».
Ce qu’il a refusé, expliquant par
ailleurs qu’il a tenu au nom wolof et
à sa graphie officielle ceebu jën. Des pays anglophones (oh les
vilains) auraient tenté de
s’approprier le plat sous le nom de jolof
rice…Or, explique-t-il, ce plat
a été inventé par les femmes de
Saint-Louis du Sénégal, puis s’est
répandu dans tout le pays. Le
troisième jour un écrivain, après
avoir expliqué comment les femmes de
Saint-Louis préparent ce plat
national, avec différents poissons
tous plus frais et plus délicieux les
uns que les autres, rappelle qu’à
l’origine il se faisait avec du riz
importé du Siam, importé par les
colons. Tiens donc ! Et certains
racontent que la femme qui aurait
inventé le plat travaillait chez une
famille coloniale de Saint-Louis. Mais
qu’importe. L’un des articles se
termine ainsi : « Cela c’est
la réalité. En effet, le Ceebu jën
n’est ni le Jolof rice ni un plat
anglophone. Il est absolument
Saint-Louisien ! C’est un art
culinaire inaliénable qui appartient
exclusivement au Sénégal et à la
teraanga sénégalaise offerte à toutes
les nations ».
Je n’ai bien entendu aucun moyen de trancher
entre toutes ces versions. Je sais par
exemple, comme beaucoup de gens, que
les couscous, qu’on considère comme un
plat « arabe » est en fait
berbère. Mais pour le ceebu jën, allez
savoir. Ce qui m’intéresse en
revanche, c’est la façon dont on se
construit une identité, et nous
pourrions y consacrer des centaines de
pages.
En France, et grâce à Astérix, nous avons la
chance de pouvoir sans contestation
possible affirmer que la sanglier est
un fleuron de notre identité. Que
personne n’en doute.
Et la potion magique ? Ah oui, la potion
magique. Il faudrait interroger le
druide, mais je n’arrive pas à le
contacter.

20
décembre:
Notes
sénégalaise
(1)
Je
viens
de passer quelques jours au Sénégal,
où doivent se tenir en janvier des
élections locales qui s’annoncent
houleuses. Or je tombe, dans la presse
locale sur un article intitulé Au cœur du dopage des
politiciens. Tiens donc !
On y explique en ouverture qu’ils
« se dopent pour tenir le
rythme »et demande « comment
arrivent-ils à tenir ? »
Je
rentre
donc dans le texte :
« L’un
déclare
« je prends chaque matin, après
le petit déjeuner, un comprimé de
Berocca » (un complément
alimentaire, plein de vitamines B et C
et de magnésium)
« Un
autre :
« du citron, du miel, du jus de
bouye chauffé sous forme de
tisane »
Le
président,
Wade, selon un proche, fait une sieste
d’une heure et demi à deux heures et
prend « quelques
complément », en particulier
jusqu’à 8 pastilles pour la voix par
jour.
C’est
tout ?
C’est du dopage ça? J’avoue être
un peu déçu. On sait que le Sénégal
est l’un des plaques tournantes du
trafic de différentes drogues, et les
politiciens ne trouvent pour se doper
que du Berocca, du jus bouye ( du pain
de singe, fruit du baobab), la
sieste ou des pastilles pour la
voix? Ils manquent vraiment
d’imagination ! Ou alors, faut-il
lire entre les lignes qu’ils prennent
autre chose ? Qu’ils se dopent
vraiment ? Mais à quoi ?
C’est
vrai,
en voyant le titre de l’article je
pensais trouver des idées à soumettre
aux politiciens français. En vain.
Pourtant il y en a plusieurs qui
devraient doper leur imagination.
Bon,
demain
vous aurez d’autres notes sénégalaise…

13
décembre:
Ordre ou
progrès
On n’est jamais mieux servi que par soi-même
et, quand on appartient au
gouvernement brésilien, jamais mieux
protégé que par un évangéliste. La
graine de dictateur, Bolsonaro, vient
de nommer à la cour suprême le juge
André Mendoça. Pasteur presbytérien
ultra conservateur, ce dernier a
déclaré « mon élection a été
déterminée par Dieu ». Dieu
a bon dos ! Ce qui est sûr c’est
qu’il ne sera guère favorable à tout
ce qui irait dans le sens du droit des
minorités, des libertés, de la
limitation du port d’armes, et qu’il
fermera sans doute les yeux sur ce qui
pourrait gêner Bolsonaro. A commencer
par la corruption.
On sait que la devise du pays est ordem e
progreso, « ordre et
progrès ». Mais il fut l’entendre ordem
ou progreso, « ordre ou
progrès », et il est clair que le
progrès passe en second position.
Ceci dit, je vais prendre quelques jours de
vacances. Profitez-en pour lire mon
livre, Enquête sur le signe, du
roman policier à la police de la
langue en passant par
l’interprétation du signe
linguistique, qui est désormais
en librairie.

8
décembre:
Vaccination et
discours
politiquement
correct
Il suffit d’écouter un peu la radio ou de feuilleter la presse pour le
savoir : les hôpitaux français
sont au bord de l’implosion et
certains ont activé le « plan
blanc ». Ce plan est destiné à
gérer dans une situation d’urgence
(attentats, épidémie, risque
nucléaire…) la prise en charge de
victimes plus nombreuses que
d’habitude. Et il implique que l’on
repousse à plus tard l’accueil de
malades considérés comme moins prioritaires.
Concrètement, cela signifie
actuellement que, pour faire place aux
nombreux malades du covid, on repousse
des opérations de cancéreux par
exemple, dont le cancer peut du coup
s’aggraver, ou de cardiaques…
Les hôpitaux sont donc aujourd’hui saturés par des gens malades du covid,
et 76% des gens entrant en
réanimation ne sont pas vaccinés. On
sait que certains pays européens
(l’Autriche, l’Allemagne, la Grèce)
ont déjà décidé de rendre la
vaccination obligatoire, et il est
probable que d’autres suivront. Mais
qui sont ces non vaccinés ? Il y
aurait parmi eux entre 2 et 4%
d’antivax résolus et pour le reste ,
la majorité donc, des gens qui
avancent des arguments foireux (nous
n’avons pas assez de recul, nous
attendons pour juger, nous sommes en
bonne santé…) ou qui sont isolés, et
ne peuvent pas se déplacer, etc. Ce
qui est sûr c’est que, dans leur
ensemble, les non vaccinés sont
responsables de la situation des
hôpitaux.
Face à cela, le discours politique et médical est toujours le même :
il faut convaincre les gens, surtout
pas les forcer, ne pas non plus créer
une opposition dans la population
entre vaccinés et non vaccinés…
Discours mesuré, raisonnable sans
doute, mais surtout discours
politiquement correct : les
responsables politiques et médicaux ne
peuvent pas en tenir un autre. Mais y
croient-ils ?
Il se trouve que j’ai discuté ces dernières semaines avec deux médecins,
non pas dans leur cabinet mais en
situation que l’on pourrait dire non
professionnelle et, séparément, ils
m’ont dit à peu près la même chose.
D’abord qu’ils ne pouvaient accepter
que des professionnels de santé
refusent de se faire vacciner :
« leur métier est de soigner, pas
de transmettre le virus ». Mais
surtout, ils tenaient sur la
population refusant la vaccination des
propos très durs, que je résumerai en
deux phrases :
« S’ils veulent mourir, qu’ils meurent », et « s’ils ne
veulent pas se faire vacciner, il n’y
a aucune raison pour que la sécurité
sociale les prennent en charge s’ils
attrapent le covid. C’est à eux de
payer tous les frais ». Bien sûr,
ils ne peuvent pas tenir ces propos
devant leurs patients, pas plus que
des ministres ou des spécialistes en
épidémiologie ne pourraient les tenir
à la télévision. Mais je suis persuadé
qu’ils pensent tous la même chose et
qu’il leur est difficile de
l’exprimer. J’ai d’ailleurs entendu il
y a deux jours à la télévision un
médecin urgentiste parler de l’égoïsme
des non vaccinés.
Le problème est que si les chiffres continuaient d’évoluer dans le même
sens, et si le gouvernement était
amené à prendre des décisions
drastiques (confinement, fermeture des
restaurants ou des lieux culturels…),
les vaccinés pourraient reprocher aux
non vaccinés d’en être responsable. Ce
qui ne serait d’ailleurs pas faux.
Mais je n’ose imaginer sur quelles
violences pourraient déboucher cette
situation. De ce point de vue, le
discours politiquement correct
fonctionne comme un emplâtre sur une
jambe de bois.

6
décembre:
Miettes
sémiologiques...
J’ai
jeté un coup d’œil hier sur le meeting
de Zemmour à Villepinte, histoire
d’avoir une idée du spectacle. Voici
donc quelques miettes sémiologiques.
Derrière lui, une trentaine de jeunes
des deux sexes, devant lui dix à douze
mille personnes, essentiellement de
sexe masculin : la parité était
très relative. Les gens derrière lui
semblaient diriger les réactions de la
salle : ils se levaient, la salle
se levait, ils agitaient des drapeaux
tricolores, la salle agitait des
drapeaux tricolore. Je précise que les
images sur lesquelles je me fonde
étaient fournies par l’organisation
zemmouriste. D’autres images, plus ou
moins « clandestines » nous
ont montré plus tard des échauffourées
au fond de la salle, des infiltrés
antiracistes ou certains journalistes
violentés.
Pendant
le peu de temps que j’ai passé devant
ce meeting, Zemmour a annoncé qu’il
voulait « interdire l’écriture
inclusive », ce qui est aussi con
que de vouloir l’imposer. Et cette
volonté de légiférer sur la langue semble donc être
partagée par l’extrême droite et par
certain.e.s militant.e.s se réclamant
plutôt de l’extrême gauche. Tirez-en
les conclusions que vous voudrez.
J’ai
aussi appris que son mouvement (son
parti ?) avait été baptisé reconquête,
évidente allusion à la reconquista espagnole, la reconquête par les
chrétiens des territoires occupés par
les musulmans. Nous n’aurons donc pas
d’Alcazar, comme à Séville,
d’Alhambra, comme à Grenade…. Autre
petite notation sémiologique, un logo
présentant un rameau d’olivier placé
entre le nom Eric Zemmour et la date
2022. Que vient faire là ce rameau ? Symbole de
paix ? Sans doute pas. Référence
à Bonaparte ? Peut-être. Au
costume des académiciens ?
Bof ! En fait ce serait plutôt la
traduction d’un ego surdimentionné. On
sait que de nombreux juifs d’Afrique
du Nord portent des noms arabes ou
berbères, et Zemmour vient d’un mot
berbère, azemmour, qui
signifie « olivier ». Ce
rameau symboliserait donc tout
simplement Zemmour lui-même. Il y a là
de quoi couper l’appétit de ceux qui,
comme moi, considèrent que la seule
huile digne de ce nom est l’huile
d’olive…
On a revu, comme dans la vidéo de déclaration de sa candidature, des
photos de Barbara, Brassens, Aznavour
ou Hallyday, sans que les ayant-droits
aient été consulté (mais je sais
qu’Universal doit les représenter pour
une éventuelle action en justice). Pour
le reste, rien de très neuf dans les
images, la même évocation d’une France
« d’avant », d’une France au
cinéma en noir et blanc, de la France
de de Gaulle, du Concorde, de Gabin,
voire de Jeanne d’Arc.
A propos de Jeanne d’Arc, justement : Si Zemmour l’ apprécie tant,
serait-ce parce qu’elle était une
femme au foyer ? Je sais, mon jeu
de mots est nul. Mais on a vu Zemmour
à Marseille faire un doigt
d’honneur : alors, à
vulgarité vulgarité et demie.

2
décembre:
Adieu Xavier
je t'aimais
bien...
Il
y a donc deux droites
irréconciliables, si l’on en juge sur
le choix des adhérents du PR. D’une
part Eric Ciotti qui, s’il ne remporte
pas, comme c’est probable, le second
tour de cette primaire, apportera sans
doute son soutien à un autre Eric, et
d’autre part Valérie Pécresse,
politiquement entre Nicolas Sarkozy et
la poupée Barbie. Mais cette petite
méchanceté qu’on pourrait croire
machiste ne doit pas nous faire
oublier que son nom rime avec ogresse,
agresse, vengeresse, chasseresse, etc.
C’est donc elle qui sera sans doute
présente au premier tour de l’élection
présidentielle.
Je
ne suis pas politologue et suis
incapable de dire si cette percée de
Ciotti préfigure une prochaine cassure
dans ce parti qui se dit gaulliste, et
je ne lis pas dans le marc de café et
suis tout aussi incapable de dire si
Pécresse parviendra au second tour de
l’élection présidentielle. Mais je
dois dire que je regrette Xavier
Bertrand. Adieu Xavier je t’aimais
bien. Pour de mauvaises raisons en
fait, très
personnelles et très égoïstes. J’ai
depuis quelques semaines l’idée de
faire, pendant la campagne électorale,
le portrait des différents candidat et
je me pourléchais par avance les
babines en pensant à celui que
j’aurais pu faire de Bertrand. Avec
son onctuosité de prélat, le discours
d’un promoteur immobilier qui
chercherait à vous vendre un
appartement sans vous le faire visiter
et parfois sa tendance à jouer les
gros bras (« je suis le seul à
pouvoir battre Macron »), il
avait tout pour me plaire. Bon, il
faut s’y résigner. L’avenir nous dira
s’il était vraiment le seul à pouvoir
battre Macron, ce qui est sûr c’est
que nous ne saurons jamais s’il
l’aurait vraiment pu. Et que je me
passerai du plaisir de faire de lui un
portrait plus fourni.
30
novembre:
Misère de
l'université
ou mépris pour
les
universitaires?

Vendredi
dernier,
j’avais un jury de thèse à Rouen et
les liaisons ferroviaires entre
Aix-en-Provence et Rouen via Paris
étant ce qu’elles sont j’ai dû y
passer deux nuits. Une collègue
sénégalaise, venant de Strasbourg, était
dans la même situation. J’arrive donc
à Rouen vers 21 heures et me dirige
vers l’hôtel qu’on m’avait indiqué. Il
s’agissait d’un établissement d’une
étoile (je ne savais pas que cette
catégorie existait encore). Je demande
à la réception une bouteille d’eau
pour la nuit, on me répond qu’il n’y
en a pas. Je demande à quelle heure on
commence à servir le petit déjeuner,
on me dit qu’il n’y a pas de petit
déjeuner. Quant à la chambre, nouvelle
surprise : pratiquement pas de
chauffage (et il faisait froid cette
nuit-là à Rouen) et un lit aux
dimensions réduites.
Au
réveil je téléphone à ma collègue
sénégalaise qui me dit en substance
« Ah nous sommes dans le même
hôtel ! Je suis contente, je
craignais qu’on m’ait mise ici parce
que j’étais noire ». La
honte ! Elle m’a reçu de façon
très confortable dans son pays et elle
avait pu imaginer que dans le mien on
puisse traiter différemment les Blancs
et les Noirs ! J’ai souvent noté
que les universitaires français
invités à l’étranger et reçus de façon
chaleureuse étaient très occupés
lorsque leurs homologues venaient en
France et n’avaient pas le temps de
les voir. Mais là il s’agissait de
l’administration d’une grande
université, qui considérait qu’une
chambre à 46 euros la nuit suffisait
pour ses invités. J’ai bien sûr poussé
un coup de gueule, nos collègues
rouennais, désolés bien sûr, ont
réussi, non sans mal, à nous faire transférer
pour la seconde nuit dans un
établissement convenable, avec
chauffage et petit déjeuner, mais
cette anecdote pose quelques
problèmes. L’université de Rouen
est-elle ruinée ? Son
administration est-elle appelée à
faire des économies ?
Touche-t-elle des primes pour
cela ? Ou professe-t-elle un
grand mépris pour ceux qu’elle invite
à siéger dans un jury de thèse ?
En
résumé, misère de l’université ou
grand mépris pour les
universitaires ?
28
novembre: Peng
Shuai et VPN

Un correspondant chinois ayant lu mon billet du 20 novembre
m’écrit :
« Je viens de lire ton article du 20 novembre. Félicitations
pour ton nouveau livre! Cet extrait du
livre est très intéressant. Les livres
sont déjà imprimés? J'ai vu une
petite erreur: "陆 肆, dont le premier est la forme classique pour « six » et le second
se prononce comme 日,
« quatre »" , en fait, le second se
prononce comme 四,mais pas 日 ».
J’espère que les sinologues me pardonneront ce lapsus calami.
Je supposais que « l’affaire Peng Shuai » devait être
soigneusement occultée en Chine. Et
mon correspond confirme mon intuition
en poursuivant :
« Grâce à toi, je suis informé sur l'affaire de Peng Shuai et
j'ai cherché sur Google après, avec un
VPN, bien sûr ».
Pour ceux qui l’ignorent, les VPN (Virtual Private Network) sont
des applications qui permettent de
contourner la censure en Chine. Mais
pour avoir l’idée de chercher
clandestinement sur Google Peng Shuai,
il faut savoir qu’il y a un problème
Peng Shuai et disposer d’une
application VPN….
Donc
une
affaire chinoise à laquelle les media
du monde entier font largement écho
peut être totalement ignorée en Chine.
C’est beau, la démocratie !
24
novembre: Iel
Le
débat qui s’est déclenché en France
autour du pronom « iel »
(pour ceux qui ne seraient pas au
courant : pronom de troisième
personne du singulier pour ceux qui ne
se sentiraient ni « il » ni
« elle »), que le
dictionnaire Robert vient d’introduire
dans sa version numérique témoigne à
la fois d’une grande futilité et d’une
confusion plus grande encore.
Le
rôle d’un dictionnaire est
d’enregistrer les usages, ce qui le
met parfois en retard par rapport à
eux (ne pas donner un terme dont
l’usage est devenu fréquent) ou en
avance (enregistrer un terme peu
utilisé, quitte à le retirer parfois
ensuite), ce qui ne le protège pas de
certains dangers : céder par
exemple à une pression idéologique, ou
faire un coup publicitaire. J’avais un
jour fait remarquer à Alain Rey que
l’article du Robert définissait le
mariage comme l’union de deux
personnes de sexes différents. Il
avait pâli (nous étions à l’époque du
débat sur le mariage pour tous) et
deux jours après je recevais un mail
me disant que mon édition du
dictionnaire était ancienne : la
définition avait depuis lors changé.
Qu’il le fasse bien, plus ou moins
bien, plus ou moins mal ou mal, le
dictionnaire fait son travail, et le
procès que certains font au Robert n’a
pas lieu d’être. Il s’agit de postures
futiles et sans intérêt.
Le
rôle des politiques, en particuliers
des politiques qui ont en charge
l’éducation nationale, est de faire
leur possible pour que les élèves
apprennent, entre autres choses, à
lire et à écrire. De ce point de vue,
il est sans doute inutile de
compliquer un système orthographique
qui l’est déjà assez. Il leur revient
de faire établir des programmes, de
décider s’il convient d’introduire
telle ou telle réforme (orthographique
ou autre) et de vérifier que les
livres scolaires appliquent ces
réformes. Mais on voit mal pourquoi
ils participeraient à une opération de
critique d’un dictionnaire. Sauf si ce
« buzz » dont ils sont en
partie responsables les arrange :
en faisant monter la sauce autour du
« iel » on ne parle pas de
problèmes sociaux, migratoires ou
environnementaux autrement plus
importants.
Reste
le rôle des linguistes. Et ici les
choses sont plus complexes. Nous avons
vu éclater en France il y a deux ou
trois ans une polémique autour de
l’écriture inclusive qui a parfois
pris des aspects violent. Si la
linguistique est une science, elle
doit respecter des procédures
scientifiques. On sait que les langues
évoluent et que leurs changements sont
lents. On sait aussi que les
politiques linguistiques peuvent
parfois introduire des changements
brusques. Mais il est une question
qu’on pose rarement : est-il
possible de changer la société par la
langue ou bien les changements sociaux
génèrent-ils des changements dans la
langue ? De nombreux exemples
apportent une réponse négative à la
première partie de cette question. La
féminisation des noms de métiers en
français par exemple ne semble pas
avoir entraîné un parité dans les
postes de responsabilité ou une
égalité des salaires. Ou encore les
changements d’appellations de
« Noirs » aux USA n’a guère
mis fin au racisme. La police
américaine continue de traiter
différemment les « Blancs »
et les « Africains
Américains », et le statut social
de ces derniers n’a pas changé :
il ni a eu ni corrélation ni causalité
entre un changement lexical et
changement social, pour la simple
raison qu’il n’y a pas eu, jusqu’à
plus ample information, de changement
social.
Je
ne sais bien entendu pas quel est
l’avenir de « iel ». Mais le
débat continue de courir chez les
linguistes, et il y a chez certains
d’entre eux une sorte de dissonance
cognitive : ils savent que
l’histoire linguistique relève du
temps long, mais ils proposent en même
temps de changer le monde par le biais
de la langue. Comme si,
paradoxalement, la linguistique
n’enseignait rien à ceux qui
l’enseignent.
20
novembre:
Merci Xi
Jinping!
Mon
prochain livre, Enquête sur le signe,
avec pour sous-titre « du
roman
policier à la police de la langue en
passant par l’interprétation du signe
linguistique », sera dans les
librairies au tout début du mois de
décembre. Mais j’en parle avec un peu
d’avance pour des raisons qu’on va
comprendre. Voici tout d’abord un
extrait de mon ouvrage :
« Lorsque
Google est arrivé
en Chine en 2005, son moteur de
recherche eut très vite un grand
succès, mais il se heurta tout aussi
vite aux exigences d’autocensure du
pouvoir chinois : en bref on lui
demanda de ne pas donner suite à
certaines recherches en lui
fournissant une liste de « mots tabous
». L’entreprise se déplaça à Hong
Kong en 2010 puis, en 2012, décida
d’afficher une annonce chaque fois
qu’un mot recherché était censuré
par le régime. Je
cite
dans mon livre cet exemple :
« We’ve observed that searching for 江in mainland Chinas may temporarly break your connection to
Google. This
interruption is outside Google’s
control. » (« Nous avons observé que
la recherche de 江 peut en Chine continentale
temporairement arrêter votre connexion
à Google. Cette interruption n’est
pas sous le contrôle de Google. »)
Pourquoi
ce caractère, 江,
était-il dangereux pour le régime
chinois ? Il signifie « fleuve » et se
prononce jiang. Et alors ?
Alors Jiang est également un nom de
famille, en particulier celui de江
青 (Jiang
Qing), la dernière femme de Mao Ze
Dong, et celui de 江
泽民 (Jiang
Ze Min). La première, surnommée «
l’impératrice rouge », joua un rôle
central dans la révolution
culturelle, sera condamnée à mort,
peine commuée en prison à vie, et
mourra en1991. Quant à Jiang Ze Min,
après avoir soutenu en 1989 la
répression des manifestations de Tian
An Men, il deviendra président de la
république chinoise (1993- 2003),
puis sera condamné (par la justice
espagnole après les plaintes d’
associations de défense du Tibet)
pour génocide au Tibet et répression
de la secte Falun Gong, mais le mandat
d’interpellation n’aura aucune suite.
Le résultat de ces homonymies était
qu’en cherchant sur Google des
renseignements sur le Yanzi (长
江,
Yanzi Jiang, « long fleuve), la
recherche était bloquée. Et il se
passe la même chose sur les moteurs de
recherche chinois, certains mots
menant à une page blanche. Un bon
exemple est celui de la date de la
répression du 4 juin 1989 à Tian An
Men, liu si, (六 日,
c’est-à-dire six pour le mois de juin
et quatre pour le jour). Les
recherches concernant cette date sont
bloquées, même si on utilise les
caractères classiques, qui ne sont
plus employés en Chine continentale,
et même s’il s’agit d’une simple
homophonie, comme 陆
肆,
dont le premier est la forme classique
pour « six » et le second se prononce
comme 日,
« quatre ». De la même façon, on
n’aboutira à rien en tapant en
chinois « les fleurs de la liberté »,
titre d’une chanson d’un artiste de
Hong Kong régulièrement entonnée
lors de veillées à la mémoire des
victimes lors de manifestations. Tout
cela au nom de réglementations
adoptées en 1997 selon lesquelles
«aucun groupe ou individu ne peut
utiliser Internet pour créer,
répliquer, récupérer ou transmettre
les types d’informations suivantes...
».
Ce
passage ne joue pas un rôle central
dans mon bouquin, il n’est qu’un
exemple parmi d’autres. Mais
l’actualité récente illustre
parfaitement ce que je voulais
signaler. Le 2 novembre dernier une
championne de tennis chinoise, Peng
Shuai a accusé sur le réseau chinois
Weibo l’ancien vice-premier ministre
Zhang Gaoli de l’avoir violée. Son
message a très vite disparu et on n’a
plus aucune nouvelle de la championne,
dont personne ne sait où elle se
trouve. Mieux : si l’on tape sur
l’internet chinois son nom, voire même
le mot tennis, on n’obtient
aucun résultat. Et le fait de mettre
son nom dans un message entraîne la
suspension de votre compte.
J’écris
dans mon livre qu’en Chine «on
n’envoie pas nécessairement les gens
dans des camps, mais on peut chercher
à mettre des barbelés autour de leur
tête ». Et je n’imaginais pas que
les autorités chinoises me donneraient
à ce point raison.
Merci
qui ? Merci Xi Jinping. Et lisez mon livre.
14
novembre: Vive
Brassens!
Pour la dernière fois de l’année je pense, j’ai donné une
conférence sur Brassens, vendredi à
Sète. C’était cette fois-ci dans le
cadre d’une journée « Liberté,
Libertés », et je suis intervenu
sur le thème « Politiquement
correct, cancel culture… Brassens aurait-il pu débuter
aujourd’hui ? ». Et
j’ai
bien sûr écouté mes collègues avec
intérêt. L’un, musicologue, a étudié
dans le détail les tonalités et les
structures harmoniques dans l’œuvre du
Sétois. Tonalités : les deux
tiers de ses chansons sont, par ordre
décroissant, en ré majeur, si mineur,
la majeur, la mineur et do majeur… Les
structurent harmoniques : la ré,
comme dans Gare au Gorille, mi
la ré, anatole…, le tout donnant une
sorte de signature stylistique. Il y a
là le début d’analyses qui pourraient
être productive, par exemple en
croisant ces données avec la
diachronie pour voir par exemple si,
dans le temps, Brassens n’a pas de
chanson en chanson complexifié ses
harmonies.
Un
autre, faisant peut-être du Lacan sans
le savoir, voyait dans un syntagme
comme vous élever au pinacle une
évocation de l’érection (élever)
et du sexe masculin (pine),
évocation multipliée (dans La
religieuse) turlupinent, épines, opinent, ou
encore de la masturbation (branlent
du chef)… Dans
cette chanson, Brassens ne fait pas
(il le faisait pourtant souvent)
ressortir par des coupes syllabiques
ou par le temps fort d’une mesure ces
sens subliminaux. Et l’on peut songer
au maître en la matière, Boby
Lapointe, qui par exemple dans sa
chanson bien nommée Comprend qui
peut, faisait apparaître des
sexes à foison : « Il sait de quoi j'ai envie, Il
n'est pas si bête, il sait que c'est
de son vi- (vit) -goureux corps
d'athlèt' », « Je pose ma
main sur son gros bras que
m'arrive-t-il » (braquemart),
« J'aime
son heu (nœud) reux caractère » c'est comme s'il
avait devi ( deux vits) né c'dont j'ai envie »,
« j'dirais même qu'il a si vi (six
vits) goureux appétit, que je
jurerais parfois qu'il a divi- (dix
vits) qu’il a
divinement fait tout ce qu'il faut
faire », etc.
Bref, en écoutant tout cela je me disais plusieurs choses.
En particulier, que Brassens, un homme
simple, n’aurait sans doute pas
imaginé que quarante ans après sa mort
on puisse se penche sur son œuvre
avec de tels apparats critiques ou de
telles analyses universitaires. En
aurait-il ri ou été content ?
Cela l’aurait-il amusé ou
emmerdé ? Nul ne saurait le dire.
En outre, cette année 2021, centième
anniversaire de sa naissance, a
véritablement été en France une
« année Brassens », et je
m’en réjouis : presse écrite,
radios, télévisions, tous les media
lui ont accordé une énorme place. En
comparaison, on n’a pas parlé en 2013
de Charles Trent (né en 1913), ni en 2016
de Léo Ferré ( né en 1916). Nous verrons en 2029 si le
centenaire de la naissance de Jacques
Brel (1929) sera évoqué, mais cela
souligne le statut très particulier de
Brassens. Tirant à boulets rouges sur
la société
« bien-pensante », sur la
police, la religion, « les gens
qui voient de travers », ceux qui
« n’aiment pas que l’on suive une
autre route qu’eux », homophobe,
parfois misogyne , il aurait en
ces temps de politiquement correct
tout pour déplaire mais échappe à la
vindicte ou au lynchage médiatique. Et
c’est salutaire.
Je
l'ai écrit ici fin octobre, Brassens comme Barthes nous ont légué
les moyens de déconstruire le
prêt-à-penser, une boîte à outils pour
lutter contre la bêtise.
En bref, vive Brassens. Au sens premier de cette
expression : qu’il vive longtemps
encore.

10
novembre:
Lavilliers, un
crooner qui
dynamite

Début 2019, Bernard Lavilliers s’envolait pour Buenos
Aires. Il ne connaissait pas
l’Argentine et partait, comme à son
habitude, le nez au nez, oreilles
ouvertes, comme un grand reporter
musical et politique. Et il rencontra,
encore comme à son habitudes, des gens
de toutes sortes et de tous milieux. A
son retour il m’avait dit avoir mis en
place quelques chansons, avec des
musiciens locaux. Et puis est venue la
pandémie. Impossible de retourner sur
place, d’y poursuivre le travail. Le
disque qu’il vient de sortir, Sous
un soleil énorme, est le
résultat de ces conditions :
travail à distance avec les musiciens
argentins pour certaines chansons,
observation de la France confinée, de
l’islamisme et de la mort de Samuel
Paty, collaboration avec un jeune duo
stéphanois, Terrenoire…
Cela donne un disque pluriel, branché sur le présent, sur
le voyage et revenant aux racines. Les
racines : Saint-Etienne, sa ville
natale, qu’il avait déjà chantée en
1975 (« on n’est pas d’un pays
mais on est d’une ville.. ») et
qu’il évoque à nouveau de façon plus
douce (Je tiens d’elle). Le
présent : Beautiful days (« jamais
élus, toujours choisis, c’est le règle
des petits marquis… »). Et
surtout, en ouverture de l’album, Le
cœur du monde (« on attend
la prochaine, la dernière, la
certaine, la guerre économique, au
fond, c’est pas sérieux, faudra bien
que ça saigne… »). Et puis, en
bonne place, Buenos Aires (Les
porteños sont fatigués, Le
piéton de Buenos Aires). Et,
cerise sur le gâteau et clin d’œil aux
amis, la reprise de Who Killed
Daey Moore ?, une chanson
de Bob Dylan de 1963 (souvent chantée
sur scène, mais qui ne figurera sur un
disque qu’en 1991) relatant la mort
d’un boxeur. C’est la version
française de Graeme Allwright, Qui a
tué Davy Moore ?, qui est
ici reprise avec Izia, Hervé, Gaétan
Roussel et… Eric Cantona.
On ne sait jamais ce qu’il faut admirer le plus chez
Lavilliers : ses musiques, ses
textes, sa présence sur scène, sa
fidélité à des principes politiques au
sens le plus large ? Mais ce qui
frappe surtout sur ce disque, c’est le
décalage entre des thèmes forts,
parfois insupportables et sa voix. Il
chante une violence et une révolte à
peine contenues avec sa voix
-admirable- de quasi crooner. Un
crooner qui interroge, qui critique,
qui dévoile, qui dynamite. On ne
saurait être plus efficace dans la
chanson.

8
novembre:
ATLAS, RECIT,
NAVIRE, LIBAN

Je viens de passer deux jours à Arles, invité par ATLAS,
une association de promotion de la
traduction littéraire qui a créé dans
cette ville le CITL, collège
international des traducteurs
littéraires. Un ensemble complexe, qui
accueille en résidence des traducteurs
professionnels venus du monde entier
et organise divers ateliers. Et,
chaque année depuis trente-huit ans,
ATLAS réunit à Arles les Assises de la
traduction littéraire.
J’y étais donc invité pour donner une conférence, et je
m’attendais à y trouver une sorte de
syndicat de traducteurs, défendant
leurs droits, leurs tarifs… J’avais
tout faux. Plusieurs centaines de
traducteurs littéraires s’y réunissent
pour échanger, s’écouter, écouter des
voix venues d’autres disciplines.
Lorsqu’on est, comme moi, habitué à
des réunions dans lesquelles
s’expriment surtout des linguistes,
l’expérience est très enrichissante.
J’y ai certes retrouvé un linguiste
(Nicolas Tournadre) ou un philosophe
(Patrice Maniglier) mais j’ai surtout
discuté avec des traducteurs parfois
en même temps romanciers, dont
certains s’amusent parfois rient
d’histoires drôles… de traductions.
Agnès Desarthe par exemple m’a raconté
qu’une amie avait reçu un mail d’un
admirateur japonais qui se déclarait
son « plus grand ventilateur au Japon ». Cherchant à écrire un
français châtié, il avait bien sûr
considéré fan comme un
anglicisme et en avait cherché la
bonne traduction…
Mais revenant à ATLAS. Partant de l’idée qu’un traducteur
littéraire traduit non pas une langue
mais une œuvre, non pas le grec ancien
mais L’Illiade par exemple,
l’association ATLAS considère que le
traducteur porte sur les épaules,
comme Atlas portait le monde, je les
cite : « la
voute où sont accrochées les étoiles
-penseurs, poètes, romanciers,
essayistes- qui éclairent depuis des
siècles notre vivre-ensemble et
façonnent nos sociétés». L’association
est
membre du RECIT (Réseau européen des
centres de internationaux des
traducteurs littéraires) et j’ai
entendu lors de ces journées la
présentation d’un projet d’aide aux
migrants traversant la Méditerranée à
l’aide d’un bateau nommé Avenir.
ATLAS, RECIT, j’aime bien ces sigles
qui veulent en même temps faire du
sens, tout comme le jeu sur les
anagrammes, NAVIRE, AVENIR. Et sur la
route du retour, écoutant à la radio
une émission sur la situation au
Liban, je me suis dit que ce pays
n’arriverait décidément pas à faire
son bilan : LIBAN BILAN.
Ca n’a rien à voir avec ce qui précède ? Je sais, mais
il faut bien trouver une chute.

27
octobre:
Brassens
aujourd'hui
Cela
n’a pas pu vous échapper si vous vivez
en France : nous célébrons cette
année le centième anniversaire de la
naissance (et le quarantième de la
mort) de Georges Brassens. Devenu une
idole, il est aujourd’hui adulé,
échappant aux foudres du politiquement
correct, lui qui fut interdit sur les
chaînes nationales pendant longtemps
(il ne devint
« fréquentable » aux yeux de
la censure qu’après La chanson
pour l’Auvergnat). S’il débutait
aujourd’hui, il attirerait sans
doute les foudres des syndicats
de policiers, des religions, des
féministes, des anciens combattants,
des homosexuels… Mais non, il est
désormais intouchable, et c’est
heureux. Enfin, presqu’intouchable.
Une série d’articles publiés par Médiapart avec
pour titre global « Brassens pris
aux mots » en témoigne. Le troisième papier par
exemple («Les
copains
d’abord ou l’abdication
politique ») déclarait
« S’il n’a jamais capitulé avec l’antimilitarisme, celui-ci a
fini par justifier l’inertie passée
comme présente :
l’attentisme sous l’Occupation, puis
le désengagement intégral ». Et
la quatrième, («Misogynie
guère à part, phallocratie
galopante ») poursuivait sur
la même voie bêtasse : «Notre
série s’attaque pour finir à un
sacré travers : la représentation des femmes véhiculée par les chansons de Georges
Brassens. Le sexisme, dénoncé par
des féministes, ne fait pas un pli
chez le poète »…. Cet
acharnement nous montre que Brassens
ne peut pas être dépassé s’il
suscite encore ce genre d’attaques.
Brassens a croisé ma vie il ya plus de soixante ans. Je suis né en
Tunisie, où j’ai vécu dix-huit ans,
et j’y ai découvert Brassens dans la
première moitié des années 1950. Il
critiquait ou ridiculisait tout ce
que je détestais : l’armée, les
bien-pensants, la religion, la
police… Avec le recul, je pense à la
seconde de mes grandes découvertes,
en France cette fois-ci et au tout
début des années 1960, celle des Mythologies de Roland Barthes. Et même si
la comparaison pourrait surprendre,
je trouve que certaines des chansons
de Brassens sont des petites
mythologie « à la
Barthes », une critique sociale
féroce, une façon de décortiquer
avec le style, la manière, des
choses qui semblent aller de so et
qui sont des condensés des
idéologies quotidiennes. La société
est bavarde, elle dit beaucoup
d’elle-même dans les signes qu’elle
émet. Et Le bistrot ou Les
croquants par exemple, côté
Brassens, Le bifteck et les
frites ou Dominici côté
Barthes, nous aident à lire ces
petites idéologues quotidiennes. Peut-on
être plus moderne ? Finalement,
ce qu’il y a de moderne chez lui,
c’est qu’il nous a légué les moyens de
déconstruire le prêt-à-penser, une
boîte à outils pour lutter contre la
bêtise.
Ayant écrit sa biographie, je
suis très sollicité cette année pour
des conférences, des articles. Télérama m’a encore interrogé sur lui
cette semaine. Et j’ai reçu il y a
deux jours un mail me félicitant pour
mon émission sur France Culture.
Un peu surpris, car je n’avais pas
participé à une telle émission, j’ai
fait des recherches…En fait il
s’agissait de la rediffusion d’une
émission enregistrée en
2006. Et, quinze ans après, je suis
toujours d’accord avec moi-même. Voici
le lien :
https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/louis-jean-calvet-ce-qui-est-frappant-chez-brassens-c-est-sa-facon-de-defiger-des-formules-figees

19
octobre: A
quelle heure
votez-vous?
Dans
une interview donnée à l’hebdomadaire L’Obs, Jean
Luc Mélenchon
a eu une curieuse formule, qui
témoigne d'une étrange conception de
la sociologie électorale. A propos de
ce qu’il appelle une « classe
moyenne supérieure » qu’il ne
définit d’ailleurs pas, il déclare en
effet :
« Il
y
a des jours ou cette classe se lève
zemmourienne, puis elle déjeune
jadotiste et se couche
mélenchoniste ».
Qu’a-t-il
voulu
dire ? Qu’il y a des gens qui,
chaque matin, sont prêts à voter
Zemmour, puis Jadot à l’heure du
déjeuner et Mélenchon le soir ?
Qu’on peut donc (ou que certains
peuvent) hésiter entre Zemmour, Jadot et Mélenchon ? Que
l’heure de la journée à une influence
sur les opinions politiques ? Que
la fraicheur du matin pousse vers
Zemmour et la fatigue du soir vers
lui ? Et quelle est cette
« classe moyenne
supérieure » aux opinions si
fluctuante ? Là,
Mélenchon est d’une grande
approximation sociologique puisqu’il
ajoute immédiatement « le centre
gauche est l’incarnation de cette
hésitation ». Le centre gauche
hésiterait donc, selon l’heure de la
journée, entre Zemmour, Jadot et
Mélenchon. L’éventail entre ces trois
choix et si large qu’on aimerait
savoir sur quelles données, quel
sondage, Mélenchon peut se fonder pour
affirmer qu’il existe une telle
versatilité dans les intentions de
vote.
Quoiqu’il
en
soit, l’avenir du candidat, qui
affirme d’ailleurs qu’il va être élu,
reposerait donc en partie sur une
question toute bête : à quelle
heure votent les gens ? Ou à
quelle heure se couchent-ils ? Et
les choses se compliquent encore plus
lorsque l’on sait que les bureaux de
vote ne ferment pas à la même heure
dans toutes les villes…
Bref,
si vous voulez avoir une idée des
opinions politiques de vos voisins,
posez-leur tout simplement cette
question : A quelle heure
votez-vous ?

14
octobre:
Mirages
Edouard
Philippe
a donc créé un nouveau parti, Horizons.
Au fait, savez-vous qu’il existe en
France plus de cinq cents partis
politiques, qui tous doivent se
débrouiller pour gratter, ici et là,
quelques subventions… Mais là n’est
pas la question. Horizons donc
est sur les rails. Mais que signifie
ce mot ? Et pourquoi
l’avoir choisi comme nom de ce nouveau
parti ? En voici trois
définitions.
Selon
de dictionnaire Littré :
« ligne circulaire, variable en
chaque lieu, où le ciel et la terre
semblent se joindre »
Selon
le dictionnaire Larousse :
« ligne imaginaire circulaire
dont l’observateur est le centre et où
le ciel et la terre (ou la mer)
semblent se confondre »
Selon
le Petit Robert « limite
circulaire de la vue, pour un
observateur qui en est le
centre »
Une
ligne circulaire donc, imaginaire et
dépendant de l’observateur qui se
trouve en son centre. Ajoutons que
l’horizon s’éloigne sans cesse, au fur
à mesure qu’on croit s’en approcher.
Et résumons-nous : l’horizon
n’existe pas, c’est une illusion
optique, essentiellement produit par
un ego, celui d’un observateur. Autant
dire que le but d’Edouard Philippe et
de son nouveau parti sera difficile à
atteindre : les différentes
définitions ci-dessus l’assimilent à
un mirage.
Et
puisque
nous sommes dans la plaisanterie. Il
existe depuis de longues années un
feuilleton télévisé quotidien qui se
passe à Marseille. Son titre : Plus
belle
la vie. Au vu de ce qui vient
de se passer dans cette ville,
conjonction d’une inondation et d’une
grève des éboueurs, cette beauté
apparaît comme un autre mirage. A
l’heure où il est fréquent de
débaptiser, nous pourrions
l’appeler Poubelle la vile.

8
octobre:
Ministères,
appel au
peuple
Ca
y est : Un sondage vient de
donner Eric Zemmour comme dépassant
Marine Le Pen et accédant au second
tour de l’élection présidentielle.
Nous sommes d’accord, des sondages
effectués six mois avant une élection,
alors que ni Macron ni Zemmour ne sont
officiellement candidat, n’a aucun
sens. Mais sait-on jamais…
Alors
je vous propose d’aider ce pauvre
Zemmour, car si certains soulignent
qu’il n’a pas vraiment de programme,
personne ne se demande comment il
pourrait constituer un gouvernement.
Alors je fais appel à votre
imagination. Il s’agit à la fois de
trouver qui pourrait occuper des
ministères classiques mais aussi
d’imaginer de nouveaux
ministères et leurs titulaires. Je
commence, mais je compte sur votre
collaboration pour compléter le
tableau.
Donc,
je verrais bien Didier Raoult ministre
de la santé (mais on pourrait aussi
penser à Bolsonaro, s’il est au
chômage d’ici quelques mois), Michel
Onfray à la culture. Mais il faut
aussi penser à intégrer Eric
Ciotti : député des Alpes
Maritimes, il pourrait être ministre
du troisième âge. Du côté des
nouveautés, il faudrait penser à un
ministre de la réhabilitation, chargé
de redorer l’image de Pétain,
Bonaparte ou Vercingétorix. Et
pourquoi pas un ministère des jeunes
filles ? Ici, Gabriel Matzneff
serait un bon candidat. Mais il y a
encore du boulot pour compléter cette
fine équipe. En particulier : qui
serait premier ministre ? Alors,
je compte sur vous.

7
octobre:
Sarkozy
critique
d'art... et
truqueur
d'infos
Mardi
soir,
Nicolas Sarkozy était invité à
l’émission C’à vous de la cinquième chaîne de
télévision à l’occasion de la parution
d’un livre sur ses goûts artistiques.
En matière d’art, je n’attends pas
l’avis de Sarkozy, mais je l’écoute,
pour des raisons presque
professionnelle. Il déroulait un effet
son histoire comme un discours appris
par cœur : « j’ai toujours
aimé l’art, sans art il n’y a pas de
vie… », révélant même que tout
jeune il était tombé en admiration
devant Les joueurs de cartes de
Cézanne,
précisant qu’il l’avait vu ce tableau représenté sur un
timbre-poste et qu’il avait eu l’envie
d’être le troisième à la table de jeu.
Il y a peut-être mieux que le format
timbre-poste pour admirer un tableau,
mais enfin, il nous donne la preuve
qu’il sait compter jusqu’à trois,
qu’il fait la différence entre deux et
trois, lui qui ne distingue pas entre
vingt ou quarante millions d’euros de
frais de campagne électorale.
Évidemment,
les
journalistes l’interrogent sur sa
récente condamnation. Là-aussi il
déroule un discours préparé,
impartialité, injustice,
contradiction, bref, il est innocent.
Et
l’on passe au rapport sur la
pédophilie dans l’église catholique,
Sarkozy exprime son dégoût, le
journaliste dit que le pic de ces
agressions sexuelles se situe entre
1950 et 1970, puis qu’il y a eu une
lente diminution (ce qui s’explique en
partie par la diminution du nombre de
petits séminaires) mais Sarkozy
corrige, l’air sûr de lui :
« non, c’est un peu plus
tard ». Tiens, il a déjà lu les
3.000 pages d’un rapport qui vient de
sortir ? En fait, là-aussi il
avait ses éléments de langage :
la faute à mai 68, à un passage d’un
livre de Cohn-Bendit , en 1975, à une
couverture de Libération sur
la sexualité des enfants. Bref, il
connaissait ses arguments sur le bout
des doigts. Sauf qu’il fallait, pour
les rendre plausibles, une
augmentation de la pédophilie après 1968. Alors il suffisait
d’affirmer que le journaliste, ou le
rapport s’étaient trompés sur les
dates, et que lui, Sarkozy, savait.
Cela s’appelle de la désinformation,
du truquage, ou du mensonge, au choix…

3
octobre: Il y
a appel et
appels
Pour
commencer,
une petite notation sémantique. Dans La
Provence d’hier je lis que la
grève des éboueurs a trouvé une
solution. Laquelle ? Le journal
n’en dit rien, mais il rappelle
l’origine du conflit : « le
passage aux 35 heures ».
Souvenez-vous, c’était entre 2.000 et
2.002, lorsque le gouvernement Jospin
avait fait voter une loi diminuant le
temps de travail hebdomadaire, qui
passait de 39 à 35 heures. Ne vous
indignez pas ! Les éboueurs de la
région marseillaise n’étaient pas
restés à 39 heures. En fait, ce
« passage aux 35 heures »
est un passage en sens inverse, le
point de départ n’étant pas 39 heures
mais 28.
Je
vous laisse méditer sur cette
subtilité sémantique, pour en venir à
autre chose. Nicolas Sarkozy a été
condamné à un an de prison ferme dans
ce qu’on a appelé l’affaire Bygmalion,
le truquage de ses comptes de campagne
en 2012. Et pas un petit
truquage : il avait dépassé de 20
millions d’euros la somme permise par
la loi… Quelques mois auparavant, il
avait déjà été condamné dans une autre
affaire, dite « des écoutes
téléphoniques ». Et dans quelques
mois il sera de nouveau jugé pour des
soupçons de financement illicite de sa
campagne de 2007. Nous avons donc un
ancien président de la république qui,
comme un mafieux, communiquait avec
son avocat grâce à des téléphones sous
pseudonymes, qui a doublé la somme
autorisée pour une campagne
présidentielle à l’aide de fausses
facturations (sur ces deux points il
n’y a pas de contestation) et qui a
peut-être financé une autre campagne
avec de l’argent étranger. Bien sûr,
comme un seul homme, la droite
s’indigne, exprime son soutien à
Sarkozy et accuse la justice de
partialité. Ca ne vous rappelle
rien ? La même droite, Sarkozy en
tête, défendait les Balkany,
aujourd’hui condamnés de façon
définitive pour blanchiment de fraude
fiscale. Bien sûr encore, Sarkozy est
présumé innocent puisqu’il a fait
appel pour ces deux condamnations, et
s’il est une troisième fois condamné
il fera une troisième fois appel. Ca
fait beaucoup ! Et ça ne fait pas
très chic dans un curriculum vitae.
A
propos d’appels, ça me rappelle que
Sarkozy est issu un parti (enfin de
plusieurs partis, puisqu’il a
plusieurs fois changé de nom :
UNR, UDR, RPR, UMP, PR) se réclamant
du gaullisme. Ca vous rappelle quelque
chose ? Gaullisme.. de Gaulle…
appel du 18 juin.
Mais
les appels de Sarkozy n’ont pas la
même grandeur….

28
septembre: Légitimisation
Faut-il débattre avec Zemmour ? J’ai écrit ici même (le 16
septembre) que les media déroulaient
devant lui un tapis rouge, mais les
politiques doivent-ils débattre avec
lui ? Ce qui est sûr, c’est que
Mélenchon l’a fait. Ce qui est
également sûr, c’est que quelques
semaines auparavant, ses partisans se
bouchaient le nez : « Parler
avec Zemmour ?
Pouah ! », et qu’aujourd’hui
les mêmes partisans applaudissent leur
leader de l’avoir fait. Rien de
nouveau sous le soleil du culte de la
personnalité.
Pour ma part, j’ai été frappé par le contraste sémiologique entre
les deux hommes. Si vous aviez coupé
le son (je l’ai fait quelques minutes)
vous auriez eu un spectacle
intéressant. D’un
côté Mélenchon sourcilleux, penché
sur ses notes, de nombreuses
feuilles de papier devant lui,
perdant à un moment son stylo et le
cherchant avant qu’on lui signale
qu’il était tombé sous la table, de
l’autre Zemmour souriant, les mains
dans les poches, sans aucune note,
l’air très à l’aise…
Qu’est-ce
que
ce débat a apporté ? J’ai écrit
« débat » mais plus qu’à un
débat nous avons assisté à deux
monologues, avec les mêmes tics de
langage que d’habitude (laissez-moi
parler, je ne vous ai pas interrompu,
je n’ai pas terminé…) et, parfois, un
concours de références historiques,
chacun voulant prouver qu’il était
aussi cultivé que l’autre. Par
ailleurs nous n’avons pas
appris grand-chose: Zemmour est
bien le facho raciste que nous
savions, Mélenchon est bien le vieux
un peu usé qui mène peut-être la
campagne présidentielle de trop.
Chaque
bord,
le mélenchoniste et le zemmourien,
revendiquera bien entendu que son
porte-parole a « gagné ».
Gagné quoi ? Les sondages nous
diront peut-être que la grande
perdante est Marine Le Pen, Zemmour
(mais il n’est pas encore candidat)
lui piquant des intentions de vote,
que la cote de Mélenchon est restée
stable ou que Zemmour a gagné en
visibilité. Mais il était déjà très
visible et s’il a gagné quelque chose,
c’est Mélenchon qui le lui a
offert : il l’a introduit dans la
catégorie des politiques avec lesquels
on peut discuter, intronisé dans la
fonction de candidat fréquentable. En
d’autres termes, il l’a légitimisé.

26
septembre: Le temps ne fait
rien à l'affaire...
Comme
vous
le savez sans doute, Georges Brassens
est né il y a un siècle. Sa ville
natale, Sète, est donc le lieu de
nombreuses commémorations et
rencontres. J’y suis allé la semaine
dernière pour un mini-colloque
(« le temps chez GB »), j’y
retournerai en novembre pour traiter
d’un autre thème (« GB
pourrait-il débuter
aujourd’hui ? ») et je viens
de tomber sur des textes qui, hélas,
répondent en partie à cette question.
Il s’agit de quatre articles publiés
sur le site de Médiapart avec
pour titre global « Brassens pris
aux mots ». Je ne vais pas vous
les résumer (vous pouvez aller les
lire » mais simplement vous en
donner les titres et les petits textes
mis en exergue de chacun d’entre eux.
Pour le premier (« Brassens : le dernier des
troubadours ») : «Comment Georges
Brassens (1921-1981) se tissa, de
chanson en chanson, un cocon tutélaire
et fécond un passé recomposé, un Moyen
Âge perfectionné. De là, il faisait la
nique au XXe siècle, juché sur les épaules de Paul Fort et François
Villon ».
Pour le suivant (« Les sain(t)s principes
brasséniens ») :
«L’anarchisme de Georges Brassens, évolutif,
n’eut rien d’une assignation à
résidence idéologique. Ses chansons
font figure de labyrinthe, où la piste
chrétienne mène à tout sauf à Rome.
D’où notre p’tite expédition
herméneutique ».
Pour le troisième («Les
copains d’abord ou l’abdication
politique ») : « Le temps aurait-il raison des idéaux ?
Brassens l’a du moins vécu et
chanté. S’il n’a jamais capitulé
avec l’antimilitarisme, celui-ci a
fini par justifier l’inertie
passée comme présente :
l’attentisme sous l’Occupation,
puis le désengagement
intégral ».
Enfin, pour le quatrième («Misogynie
guère à part, phallocratie
galopante ») : «Notre série s’attaque pour finir à un sacré travers :
la représentation des femmes
véhiculée par les chansons de
Georges Brassens. Le sexisme,
dénoncé par des féministes, ne
fait pas un pli chez le
poète ».
Faut-il commenter ? L’auteur s’amusant,
dans ses deux derniers textes, à citer
deux des chansons de Brassens (Les
copains d’abord et Misogynie
à part) je m’amuserai simplement
à en citer une troisième : Le
temps ne fait rien à l’affaire…L Vous
connaissez
la suite.

16
septembre: Effet Zemmour ou
effet des media?

Tout
d’abord une omission : Dans mon
billet précédent j’ai oublié de citer
la réponse d’une cliente, une
« dame » qui, alors que le
garçon lui demandait son passe, a
lancé : « Ca me fait grave
chier ! ». C’était pour ceux
qui s’intéressent aux formes
contemporaines de la langue française.
Mais
ce qui peut nous faire « grave
chier » par les temps qui
courent, c’est l’omniprésence d’Eric
Zemmour dans les media. Ira ? Ira
pas ? Tous feignent de se
questionner et le questionnent,
questionnent ses amis, l’invitent,
invitent ses amis, et du coup
déroulent devant lui un tapis rouge.
Lui lance chaque jour ou presque des
provocations) (ou des ballons
d’essai ? ): pour la peine de
mort, contre les prénoms étrangers,
contre l’immigration, contre l’Europe,
contre les musulmans… Et il profite de
la sortie prochaine de son nouveau
livre pour organiser une longue séries
de déplacements à travers la France,
campagne promotionnelle qui semble
devoir ressembler à une pré-campagne
électorale. On a d’ailleurs appris que
son livre était « déjà
réédité », alors qu’il n’était
pas encore en librairie. Bref, il fait
sa pub un peu partout et déverse des
lieux communs racistes ou antisociaux
face auxquels les journalistes font
semblant de prendre des pincettes ou
de se boucher le nez, alors qu’ils lui
facilitent la tâche. Je ne suis pas
vraiment de ceux qui applaudissent les
déclarations d’Alain Finkielkraut,
mais je l’ai entendu dire que
« Zemmour est la punition du
politiquement correct ». Et c’est
assez vrai. En effet le peut-être
futur candidat saute à pieds joints
sur des thèmes que les partis
traditionnels, Rassemblement National,
Parti Socialiste, la France Insoumise,
Parti Républicain, et même les partis
qui n’existent pas vraiment, comme la
République en marche, n’osent pas
aborder parce qu’ils n’y ont pas
réfléchi, n’ont aucune réponse ou
n’osent pas les aborder. Et Zemmour en
profite pour apporter, lui, ses
réponses, celles que Jean-Marie Le Pen
aurait apportées, les pires. Son
discours est faisandé, il pue la
rancœur, la nostalgie d’une France qui
n’existe plus.
J’oubliais :
son
nouveau livre s’intitule La France
n’a pas dit son dernier mot, et
comme il se prend pour la France, on
risque de l’entendre pendant quelques
temps proposer ses derniers maux…
Enfin, rendez-vous au 17 novembre
(oui, ce jour-là il sera entendu par
un tribunal pour des propos tenus en
2020 sur CNews, un des media de
monsieur Bolloré). Il aura d’ici-là
vendu beaucoup de livres, signé
beaucoup de dédicaces. Reste à obtenir
la signature de 500 élus, s’il veut
vraiment se présenter à l’élection
présidentielle.
12
septembre: Façons de dire

Depuis la mise en
place du passe sanitaire, ou du passe
vaccinal, comme vous voudrez, je tends
l’oreille chaque fois que je me trouve
dans un lieu où ce QR code est
nécessaire. Comment les responsables
demandent-ils ce sésame qui ouvre leur
porte ? Il y a bien sûr certaines
techniques organisationnelles : à
l’entrée des cinémas par exemple, où
une personne se tient à l’entrée, avec
sa machine à vérifier que vous pouvez
accéder au guichet de vente des
billets. Cela peut se faire « à
la muette », en silence :
aucun mot n’est nécessaire pour vous
faire comprendre qu’il faut exhiber
votre passe. Même technique dans un
bistrot dont tous les accès à une
immense terrasse sont fermés, sauf un,
où se tient la personne qui contrôle.
Tout le monde comprends.
Mais le plus souvent,
on demande le passe, et il y a alors
diverses façons de dire. Dans un
restaurant, j’ai noté une technique
simple. Le garçon accueille les
clients d’une voix suave :
« Bonjour, installez-vous, je
vais chercher la carte, le temps que
vous prépariez votre passe ».
Bien joué ! Mais, le plus
souvent, j’ai noté la même courte
phrase : « Vous avez votre
passe ? ». Ceux qui ont
lu Constantin Stanislavski (La
formation de l’acteur),
théoricien du théâtre qui a marqué
aussi bien Bertolt Brecht ou Jerzy
Grotowski que les fondateurs de
L’Actor Studio de New York, ceux qui
l’ont lu, donc, savent qu’il y a des
tas de façons de prononcer cette
phrase, de la plus rogue à la plus
aimable. La question évolue sur un
large spectre, entre l’agressivité et
le plus
grand naturel. Pour mieux étudier ces
variations, il faudrait bien sûr les
enregistrer et les étudier dans un
laboratoire, en analyser les
phonogrammes. Si cela vous intéresse,
je vous laisse le faire.
Reste la réaction des
clients. Au début, juste après le
discours de Macron du 12 juillet, j’ai
noté quelques résistances. Par exemple
cinq personnes arrivent au restaurant,
l’une d’entre elles n’a pas de passe
et les clients tentent d’argumenter.
Ou alors une personne sans passe le
prend de haut, invoque sa liberté. Là
aussi le comportement du garçon est
variable. Le plus efficace :
« Si j’ai une vérification de la
police, le patron aura une amende de
15.000 euros et je risque de perdre ma
place ». Le plus violent:
« si vous insistez, j’appelle la
police ». Mais ces incidents sont
désormais rares, comme si la majorité
des gens avait accepté cette
contrainte, ou s’était résignée à ne
pas aller au restaurant ou au bistrot.
Ah oui ! Il me
faut ajouter une dernière notation.
Hier après-midi, à la terrasse d’un
grand café sur le Cours Mirabeau, à
Aix-en-Provence, personne ne m’a rien
demandé et, pendant l’heure que j’y ai
passée, personne n’a rien demandé à
personne. Petits coquins !
Voilà, c’était une
brève sociolinguistique de
l’ordinaire.
1er
septembre: Vous êtes riche ?
Votez Worth !

Eric Woerth, ancien ministre
du budget, puis du travail, de
François Fillon, avait il y a quelques
années était soupçonné, avec Nicolas
Sarkozy, d’avoir participé au racket
de Liliane Bettencourt. Et il avait
lancé à un journaliste quelque chose
comme « Est-ce j’ai la tête de
quelqu’un qui rançonne une vieille
dame ? ». M’aurait-il posé
la question (hypothèse plus
qu’improbable) que je lui aurais
répondu en gros : vous faites
appel à une impression, à un
sentiment, en bref à rien de
rationnel, et comme je n’ai aucun
moyen rationnel ni aucune information
policière pour vous répondre, je vous
donnez donc mon impression : oui,
vous avez la tête de quelqu’un qui
pourrait rançonner une vieille dame…
Mais passons aux chose sérieuses.
Le même Woerth,
actuellement président de la
commission des finances, vient de
faire une étrange proposition :
ouvrir une réflexion sur la
possibilité de donner aux
propriétaires de résidences
secondaires la possibilité de voter
deux fois, sur leurs deux lieux de
résidence. On peut imaginer que celui
qui possède deux, trois ou quatre
résidences secondaires pourrait donc
voter trois, quatre ou cinq fois.
Voilà une idée qu’elle est
bonne ! Il y a cependant une
petite difficulté. Imaginons que je
réside à Paris (dans le 16ème arrondissement, bien sûr), que je
possède un chalet à Megève, une villa
en Corse et une autre à
Saint-Barthélemy ou à Tahiti, comme
puis-je, même avec mon jet privé,
aller voter le même jour en ces
différents lieux ? Bien sûr, il y
a la possibilités de voter par
correspondance, mais cela va me ruiner
en timbres. Je pourrais donner une
procuration aux domestiques qui
s’occupent de mes résidences. Mais ils
risquent de voter à gauche.
Woerth justifie sa
proposition de deux façons. En
expliquant tout d’abord qu’elle serait
un remède à l’abstention, ce qui est
totalement baroque. Et en ajoutant que
les propriétaires de résidences
secondaires sont les seuls à payer une
taxe d’habitation, ce qui n’est pas
tout à fait vrai, mais qu’importe. Et
il ajoute que cela permettrait de «renforcer la démocratie» en faisant
«évoluer nos modes de participation».
On croit rêver ! Certains ont
protesté, bien sûr, arguant que cela
permettrait « aux
plus riches de voter deux fois».
D’autres l’ont pris sur le mode
humoristique: «Bonne idée ça, on
pourrait aussi retirer le droit de
vote aux jeunes et aux locataires
pendant qu’on y est.» Ou ont demandé
si, avec un piscine, ça comptait
triple » ?
Pour ma part je soupçonne Woerth de lancer un ballon d’essai pour
pouvoir ensuite faire baisser les
taxes des propriétaires de résidences
secondaires, ces pauvres
gens martyrisés par le fisc, et
qui en général votent à droite.
Cela va de soi, les
multipropriétaires sont rarement
pauvres. Alors, si vous êtes riches,
votez Woerth !
Il n’est pas
candidat ? Merde alors !

27
août: Rajeunissement
Les présidents
africains ont souvent du mal à quitter
le pouvoir. Lorsque la constitution
limite le nombre de mandats, ils
changent le texte, ou passent outre et
s’imposent, ou encore trouvent de
bonnes raisons pour ne pas organiser
d’élection… La liste serait longue de
ces bienfaiteurs du peuple que les
textes constitutionnels empêchent de
poursuivre leur tâche altruiste et
qui, à contre cœur, se dévouent quand
même.
Yoweri
Muséveni n’a
pas eu ce problème. Président de
l’Ouganda depuis 1986 (trente-cinq ans
tout de même) il est atteint par la
limite d’âge : à 78 ans, il est
obligé de prendre sa retraite car la
Constitution du pays indique que les
candidats à la fonction suprême ne
doivent pas avoir plus de 74 ans. Mais
le peuple ougandais est radieux,
Alléluia ! Grâce à l’aide
du clergé, Muséveni vient d’apprendre
qu’il y avait eu une erreur dans son
acte de naissance : non pas 1943
mais 1947 . Il pourra donc de nouveau
se présenter démocratiquement aux
suffrages. Et si Dieu lui prête vie,
il pourrait, on ne sait jamais,
rajeunir encore avant la prochaine
échéance électorale.
Qui dit
mieux ? Poutine est nettement
battu dans le concours mondial des
arrangements avec la Constitution. Un
dicton populaire dit qu’on a l’âge de
ses artères, il semblerait en
l’occurrence qu’on ait plutôt l’âge de
ses magouilles.

12
août: Propos de terrasse

Dimanche
dernier,
la veille de l’entrée en vigueur du
passe vaccinal, deux hommes installés
à la terrasse de mon bistrot habituel
échangeaient. Le premier, gonflant
métaphoriquement ses muscles (ou ce
qu’il en restait) : « Moi, à
75 ans, personne ne me forcera à me
faire vacciner. Qu’ils viennent, ils
verront ! ». L’autre, à peu
près du même âge : « Chez
moi, personne n’est vacciné.
Interdit ! » Et ils finirent
en concluant : « Moi
j’attends le vaccin
Sanofi ! ». « Moi
aussi ! ». Ce nationalisme
vaccinal m’a fait sourire. Le vaccin
Sanofi (boite pharmaceutique
française), c’est un peu l’Arlésienne
du milieu médical. Nul ne sait quand
il arrivera, ou même s’il arrivera,
nul ne peut donc savoir s’il sera plus
ou moins efficace, et le patron de ce
labo a même lancé un appel ;
« N’attendez pas pour vous faire
vacciner ». Mais mes deux voisins de
bistrot eux, étaient sûr d’eux :
« Moi j’attends le vaccin
Sanofi ! »
Le
lendemain,
l’un d’entre eux vint au bistrot. La
garçon lui demanda s’il avait un
passe, non bien sûr, il n’en avait
pas, mais il obtint tout de même un
café dans un verre en carton, à
condition de ne pas s’asseoir et de le
boire dans la rue. Depuis, je ne l’ai
plus vu. Un peu plus tard un couple
s’installe. « Vous avez votre
passe ? » demande le garçon.
« Oui, bien sûr, nous arrivons de
Paris et nous avons notre passe ». Petits
sourires entendus : Ah ! Des
Parisiens ! Je ne vois pas très
bien le rapport entre le fait d’être
parisien et celui d’avoir un passe
vaccinal, mais la réaction de la
clientèle tenait à une autre forme de
nationalisme, régional celui-ci. Et
j’en ai recueilli hier une autre
manifestation. Hier un groupe parlait
de l’arrivée du footballeur argentin
Messi au Paris Saint-Germain, comme on
sait entreprise qatarie au sein de la
capitale française (et, par
parenthèses, tête de pont du
capitalisme sportif). Le PSG est la
bête noire des supporters de l’OM
(Olympique de Marseille), et tout ce
qui est bon pour ce club parisien est
évidemment honni. Commentaires,
donc : « Ils nous emmerdent,
ils ne parlent que de Messi et du
Covid ». Par « ils »,
bien sûr, il faut entendre les media.
C’est vrai, pourquoi ne parlent-ils
pas de chose plus proche des gens, le
pastis, l’OM, la pétanque ? En
attendant de parler du merveilleux
vaccin Sanofi, qui ne manquera pas de
venir et de détrôner tous ces vaccins étrangers…

6
août: La liberté des
crétins
Ceux qui ont en charge aujourd’hui la santé publique, ministres,
sous-ministres, épidémiologistes,
médecins, urgentistes, etc.,
pratiquent un remarquable autocensure
face aux anti vaccin ou anti passe
sanitaire. Il faut, disent-ils, être
pédagogue, les comprendre, leur
expliquer, les convaincre… Les
convaincre ! Les dizaines de
milliers de gens qui manifestent
chaque samedi ont, lorsqu’on les
écoute, un discours verrouillé,
cadenassé, dans lequel il est
impossible de rentrer : ils sont
imperméables au raisonnement, à
l’argumentation, ils récitent tous la
même chose. N’étant responsable de
rien, c’est-à-dire n’étant tenu à
aucune obligation de réserve, à aucune
langue de bois, je peux me permettre
d’appeler un chat un chat et un crétin
un crétin.
Et ces crétins réclament la liberté ! Quelle
liberté ? L’usage abusif de ce
mot est de plus en plus répandu :
la liberté de rouler à la vitesse que
l’on désire, la liberté de posséder
des armes à feu, la liberté de faire
des rodéo en scooter et d’emmerder les
piétons, la liberté de jeter son mégot
par la fenêtre et de déclencher un
incendie, la liberté de rouler sans
permis ? Je vous laisse compléter
cette liste…Et il serait dictatorial
ou liberticide de demander aux gens de
se faire vacciner, de se protéger et
de protéger les autres ?
Car si quelqu’un attente à la liberté de tous, c’est bien ces
crétins. Nous avons vécu des mois de
confinement, donc des mois de
privation d’une partie de notre
liberté de déplacement. Et les vaccins
nous ont tirés de cette situation,
enfin presque. Si la quatrième vague
dont on parle advenait, notre liberté
pourrait de nouveau être limitée. Par
qui ? Par ceux qui, au nom de
leur liberté, c’est-à-dire de leur
égoïsme, de leur individualisme, de
leur obscurantisme, refusent toute
solidarité.
Depuis le discours de Macron, le nombre de vaccinations augmente.
Mais ce qui augmente surtout, ce sont
les queues devant les pharmacies ou
les laboratoires de ceux qui viennent
se faire tester, gratuitement bien
sûr, avant d’aller en boite de nuit ou
dans une teuf. Et ils recommencent
chaque semaine. Au nom de leur
liberté ? Liberté chérie…. Pour
paraphraser John Kennedy Toole,
l’auteur de La conjuration des
imbéciles, nous voilà face à une
conjuration des crétins. Une infime
minorité, certes, mais dans laquelle
on trouve pourtant des membres du
personnel sanitaire, dont le rôle est
de soigner et non pas de transmettre
le virus. On y trouve aussi, et c’est
toute autre chose, des politiques qui
chevauchent ces crétins pour leurs
intérêts électoraux : Plorian
Philippot, ou encore Nicolas
Dupont-Aignan. Et d’autres, à
l’extrême gauche, qui ménagent la
chèvre et le chou, mais invoquent
aussi la liberté, encore elle. Bref,
tous ceux qui tentent de tirer mes
marrons de cette flambée de crétins.
Nous vivons une époque formidable. Et
vive la liberté !

27
juillet: Je suis un déliquant sexuel
Je suis très fier car je viens de recevoir un message personnel
de Christian Rodriguez, directeur
général de la gendarmerie nationale.
Bon, son contenu n’est pas agréable,
car cet honorable fonctionnaire et ses
services ont découvert que j’étais un
délinquant sexuel qui devait être
poursuivi pour pédopornographie et
détournement de mineur. Mais tout de
même, c’est classieux de recevoir un
mail d’un si important personnage.
Vous le lirez ci-dessous. Un petit
détail, cependant : les adresses
mail de cette administration se
terminent toutes par
@interieur.gouv.fr et celui-ci se
termine par outlook.fr. Je suppose que
si j’avais répondu, ont m’aurait
proposé de transiger pour ne pas être
poursuivi…
DIRECTION
GÉNÉRALE
DE LA GENDARMERIE NATIONALE
Je
suis Mr Christian RODRIGUEZ, directeur
général de la gendarmerie nationale.
Je vous contacte peu après une saisie
informatique de cyber-infiltration
(Autorisée, notamment en matière de
pédopornographie, site pornographique,
cyber pornographie, pour vous informer
que vous faites l'objet de plusieurs
poursuites judiciaires en vigueur :
*
LA PÉDOPORNOGRAPHIE
*
SITE PORNOGRAPHIQUE
*
CYBER PORNOGRAPHIE
*
DÉTOURNEMENT DE MINEURS
Vous êtes prié de vous faire entendre par mail en nous
écrivant vos justifications afin
qu'elles soient mises en examen et
vérifiées de sorte à évaluer les
sanctions ; cela dans un délai strict
de 72 heures. Passé ce délai, nous
nous verrons dans l'obligation de
transmettre notre rapport à Mme Maryvonne CAILLIBOTTE, substitute du procureur de la
République près le tribunal de grande
instance de Versailles et spécialiste
de cybercriminalité pour établir un
mandat d'arrêt à votre encontre, et
vous serez fiché comme délinquant
sexuel.
Votre dossier sera également transmis aux médias pour une
diffusion où votre famille, vos
proches et toute l'Europe entière
verront ce que vous faites devant
votre ordinateur.
Maintenant
vous
êtes avertis.
Cordialement,
Mr
Christian
RODRIGUEZ
Directeur
général
de la gendarmerie nationale.
---------------------------------------------------------------------------------------
DIRECTION
CENTRALE
DE LA GENDARMERIE
BRIGADE
DE
PROTECTION DES MINEURS
Adresse : 4 rue Claude-Bernard 92130 Issy-les-Moulineau

25
juillet: Communication avec un robot
La communication est peut-être l’un des liens sociaux les plus
importants. Deux êtres humains
utilisant le même code (c’est
préférable si l’on veut se comprendre)
s’écoutent, tentent de se comprendre,
discutent, soupèsent les arguments de
l’autre, cherchent des réponses ou
s’en foutent et parlent d’autre chose.
Sauf lorsque la communication est
truquée. Il est sans doute trop tôt
pour évaluer sérieusement ce que l’intelligence
artificielle apportera (ou enlèvera) à
la communication humaine, mais
quelques exemples peuvent nous aider à
y réfléchir. Je donne ci-dessous un
échange de SMS entre un ami, Philippe,
qui me les as transmis, et le service
après-vente d’Engie, le groupe
énergétique français né de la fusion
entre Suez et Gaz de France. Cette
fusion a-t-elle fait sauter quelques
neurones dans le service après-vente
de l’entreprise ? Ou a-t-elle
fait disparaître son personnel (cela
s’appelle un « plan
social », bel euphémisme),
remplacé par des machines imbéciles.
Quoi qu’il en soit, mais je vous en
laisse juge, les SMS d’Engie me
rappellent un peu les
« arguments » des
antivaccins, récitant inlassablement
le même discours sans même entendre ce
qu’on leur répond.
Premier SMS d’Engie : ENGIE vous remercie de votre
récent appel. Répondez 5 si vous êtes
très satisfait, 4 assez, 3
moyennement, 2 peu, 1 insatisfait.
Prenez bien soin de vous.
Réponse : 5
SMS d’Engie: Une note c'est bien... mais un commentaire
c'est encore mieux ! Dites-nous tout.
SMS non surtaxé
Réponse : Eh bien il y en assez des services clientèles intrusifs.
J'ai le droit d'être très satisfait
d'un service et de ne pas le faire
savoir. Maintenant on ne peut plus
rien acheter sans se faire sonder. Il
y en a ras le bol de la dictature de
la culture client.
SMS d’Engie: Sur une échelle de 0 à 10, dans quelle
mesure recommanderiez-vous ENGIE à
votre entourage ? Non surtaxé.
Réponse : Eh robot tu les lis les SMS que tu reçois ?
SMS d’Engie: La réponse doit être entre 0 et 10. 0 signifie que
vous ne recommanderiez pas du tout et
10 tout à fait. Non surtaxé
Réponse : Finalement à force de savoir si le client est satisfait
tu le rends mécontent. Et maintenant
alors que tu aurais dû avoir un 10 tu
vas écoper d'un 0.
SMS d’Engie: Nous vous remercions pour le temps que vous nous avez
accordé.

23
juillet:Le président des chiens
Comme
tout
un chacun peut s’en rendre compte en
lisant la presse ou en écoutant les
media audiovisuels, le Parti
Républicain se cherche un candidat
pour la prochaine élection
présidentielle, mais se déchire sur la
façon de le choisir : primaire,
sondage ? Les écolos se déchirent
aussi mais semblent d’accord sur le
principe d’une primaire. Dans ma
grande mansuétude, je voudrais mettre
à leur disposition à tous, pour
alimenter leurs réflexions, le conte
suivant (que j’emprunte à Henri
Gougaud).
On
raconte
que l’espèce canine décida un jour de
se donner un chef, ou un roi, ou un
président. Mais comment le
choisir ? Après des discussion
désordonnées, des conflits, des
engueulades, les batailles d’égo (les
candidats étaient nombreux) il fut
décidé de créer une commission
canine de réflexion sur le mode de
nomination d’un président canin.
Au bout d’une longue procédure, la
décision tomba : on choisirait
pour la fonction suprême le chien qui
aurait, sous la queue, la meilleure
odeur. C’était il y a longtemps, et
les canins n’ont toujours pas trouvé
le chef idéal. C’est pourquoi vous
pouvez voir partout dans le monde des
chiens qui, lorsqu’ils se rencontrent,
se sentent le cul.
J’espère
sincèrement
que les républicains tireront profit
de ma contribution désintéressée . Et
si certains se sentent offensés,
j’ajouterai que l’ironie est toujours
un pari sur l’intelligence de l’autre,
mais que l’on peut parfois perdre son
pari.

14
juillet: Macro, micro et sans cerveaux
On
se dit parfois que certains ne
réagissent qu’à la menace du fouet.
Après l’annonce faite par Macron que
la vaccination serait peut-être
obligatoire pour tous, qu’un passe
vaccinal serait nécessaire pour
accéder à divers manifestations
culturelles ou pour aller au
restaurant, et que les tests (dit de
« convenance »)
deviendraient payants, on a assisté à
deux types de réactions. D’une part,
tout le monde a pu l’entendre, les
seuls groupes politiques à l’Assemblée
Nationale à avoir considéré ces
décisions comme
« liberticides » sont le
Rassemblement Nationale et la France
Insoumise. D’autre part nous avons
appris que subitement plus de deux
millions de Français avaient pris
rendez-vous pour se faire vacciner.
Tiens donc ! Après plus de six
mois de refus la simple menace d’avoir
à payer les tests ou de se voir
refuser l’accès à certains lieux les a
soudain convaincus. La peur du
fouet ? De la fessée ?
Certes,
les
chiffres ne sont
que des chiffres. Et les statistiques
nous paraissent toujours lointaines.
Ah bon, 43% disent penser ceci et 51%
cela ? Mais nous ne connaissons
pas ces gens, et ces informations
d’ordre macroscopique nous paraissent
théoriques. Ce matin, la jeune femme
(elle doit avoir entre 30 ou 40 ans) à
qui j’achète les journaux et mon
tabac, avait mal au bras.
« Qu’est-ce qui vous
arrive ? ». « J’ai été
vaccinée hier ». « Ah
bon ! C’est à cause de… ».
« Oui, s’il faut payer les tests
quand on veut aller au restaurant ou
au théâtre… » (Par parenthèse, je
doute fort qu’elle aille au théâtre).
Et voilà qu’une information d’ordre
micro vient donner corps aux
statistiques. Ils existent bien, ceux
qui ont peur du fouet.
Conclusion ?
Ces
gens-là, appelons-les des indécis
(mais d’autres diraient des tarés, des
antivax ou des complotistes) changent
subitement d’opinion devant la menace
du fouet. Ou pour être plus précis
devant l’obligation d’avoir à payer
les tests (qui, encore par parenthèse,
coûtent plus cher aux finances
publiques que le vaccin) qu’ils se
font faire chaque fois qu’ils en ont
envie plutôt que de se faire vacciner. Ils
ne se préoccupent pas de pouvoir
attraper la maladie, ou d’être
contagieux et de risquer de la
transmettre à d’autres, ils pensent
seulement qu’ils ne veulent pas payer
des tests.
Que
disait-il,
de Gaulle ? Ah oui, « les
Français sont des veaux ».
C’était un peu exagéré. Disons que
certains français (Combien ?
Reportez-vous aux statistiques et
enquêtez ensuite autour de vous)
peuvent être des sans-cerveaux et
devenir des fléaux. Tiens ! Je ne
l’ai pas fait exprès, je cherchais une
rime, mais en tapant ce dernier mot je
me rends compte qu’il n’est pas
éloigné du fouet

12
juillet: Antivax
Dans
le Canard enchaîné un dessin
présentant une femme qui
déclare : « Ma mère a été
vaccinée et comme par hasard le
lendemain sa voiture est tombée en
panne et elle a perdu ses lunettes.
Alors qu’on ne vienne pas me dire que
ce vaccin est inoffensif ».
On
dit que la réalité dépasse la fiction.
Si cela est vrai, à quoi nous
attendre ?

8
juillet 2021: Galéjade
marseillaise ?
Beer, cerveja, cerveza, birra, bref la
bière. En quelque langue que vous
cherchiez, vous en trouverez toujours la
même définition : une boisson alcoolisée
obtenue par la fermentation de végétaux
comme l’orge, le riz, le manioc, la
banane, le maïs, le mil, etc. On peut
faire de la bière avec beaucoup de
choses, mais pas avec de la chloroquine.
D’ailleurs, précisons-le, la bière ne
protège pas du paludisme, au contraire
de la chloroquine, qui d’ailleurs, elle,
ne désaltère pas. Où veux-je en venir ?
A ceci. Hier, en faisant des courses
dans un supermarché, je suis tombé sur
un étalage de bouteilles sur lesquelles
s’affichait la tête de Didier Raoult. Il
s’agissait de bières, trois variétés de
bières (blanche, blonde et ambrée),
portant le doux nom de Chloroquine
Dundee. Vous avez saisi l’allusion à
Crocodile Dundee, le chasseur de
crocodiles. Il s’agit donc d’une bière,
une bière artisanale, dont la publicité
précise que le marque « reprend le
surnom donné au Professeur en Afrique,
son pays d’origine, et par le personnel
de l’IHU à Marseille », et que « le clin
d’œil au célèbre film » est un
détournement « pour la bonne cause ».
Nous voilà rassurés. On lit ailleurs
qu’il s’agit d’un « hommage à notre
célèbre défenseur national de la
chloroquine ». Bigre ! Encore une
galéjade marseillaise ? En fait cette
bière est brassée dans l’Hérault, et je
ne sais pas quelle est la part
marseillaise dans cette initiative. Mais
il est évident qu’on ne peut pas lancer
un produit avec la tête d’un quidam en
effigie sans son accord. En outre, il y
a sans doute pas mal d’argent dans cette
opération : l’étalage que j’ai vu hier
était énorme et en tête de gondole. On
connaît la politique des supermarchés en
la matière. Reste un problème
sémantique. Crocodile Dundee était un
personnage qui traquait les sauriens et
les tuait à main nue. Chloroquine
Dundee, alias Raoult, voudrait-il se
débarasser de C18H26ClN3 (c’est la formule de l’antipaludique)
qui a gravement entaché sa réputation
scientifique ?

30
juin: Chronique de la connerie
ordinaire, suite
Selon une professeure à l’Université du
Connecticut et chercheuse au CNRS, la
gastronomie française serait raciste : «
Les habitudes alimentaires sont
façonnées par les normes des classes
moyennes supérieures blanches (…) La
blanchité alimentaire renforce la
blanchité comme identité raciale
dominante » (je trouve cette citation
dans le Canard enchaîné). Comme on voit,
l’Université du Connecticut et le CNRS
sont à la pointe de la recherche !
Effectivement, les habitudes
alimentaires françaises n’ont pas été
façonnées par des paysans vietnamiens ou
chinois, des planteurs de coton
africains ou des indiens quichuas des
Andes. Je ne sais pas s’il faut le
regretter, mais je sais surtout qu’il ne
pouvait pas en être autrement. Cette
professeure et chercheuse mérite
d’évidence une promotion pour avoir
découvert le fil à couper le beurre.
Mais elle devrait poursuivre son
raisonnement jusqu’au bout en dénonçant
toutes les cuisines du monde pour leur
racisme… Elle pourrait aussi élargir son
champ de recherche. Les « classes
moyennes supérieures blanches » vont, en
France, manger du couscous dans des
restaurants maghrébins, du canard laqué
ou du riz cantonnais dans des
restaurants asiatiques, et l’on dit même
que certains vont consommer du poulet
yassa dans des restaurants africains. En
analysant ces directions de recherche
que je lui signale de façon
confraternelle, elle verrait que les
habitudes alimentaires françaises sont
non seulement racistes mais aussi
colonialistes. On dit merci qui ?

29
juin: Chronique de la connerie
ordinaire
Sans doute connaissez-vous ce poème de
Jacques Prévert : Je suis allé au marché
aux oiseaux Et j’ai acheté des oiseaux
Pour toi Mon amour Je suis allé au
marché aux fleurs Et j’ai acheté des
fleurs Pour toi, Mon amour Je suis allé
au marché à la ferraille Et j’ai acheté
des chaînes Pour toi mon amour Et puis
je suis allé au marché aux esclaves Et
je t’ai cherchée Mais je ne t’ai pas
trouvée, Mon amour. Un ami québécois
m’écrit que « le wokisme ne cesse de
faire des progrès de ce côté-ci de
l’Atlantique » et qu’on « vient de s’en
prendre à un poème de Prévert (qui comme
tout le monde sait, était raciste) ».
Une enseignante de Toronto faisant un
cours d’immersion en langue française a
envoyé à ses auditeurs le poème
ci-dessus et l’une des étudiantes a
porté plainte, au motif qu’elle a été
choquée par ce texte raciste. On cite le
soir sur une chaîne de télé le nom de
l’enseignante et l’étudiante témoigne,
mais anonymisée. L’enseignante est
suspendue, puis reçoit une sanction
disciplinaire et enfin la menace d’être
licenciée si une telle chose se
reproduisait. Vous ne rêvez pas et
pouvez d’ailleurs aller à la source et
vérifier par vous-mêmes:
https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/610281/ils-ont-ose).
Bêtise, ignorance des responsables ?
Certes. Mais la chose est beaucoup plus
grave. Il n’y a pas de différence de
nature entre une imbécile qui, voyant du
racisme dans un poème de Prévert,
parvient à faire sanctionner une
enseignante et une petite menteuse qui,
prétendant avoir assisté à un cours,
entraîne la mort du professeur
d’histoire Samuel Paty. Et guère de
différence entre tout cela et
l’inquisition. Lors du siège de Béziers,
en 1208, le chef de la croisade, Arnaud
Amaury, aurait déclaré : « Tuez-les
tous, dieu reconnaîtra les sens ». Et
nous y revoilà.

9
juin: Petite pause
Disons deux petites semaines de pause.
Nous nous retrouverons après les
élections.

2
juin: Mauvais esprit
Depuis le 22 décembre 2020, quand un
homme a, dans le village de Saint-Just,
tué trois gendarmes intervenant pour
« violence intra-conjugale »,
les drames du même genre se sont
multipliés. En janvier 2021, à
Saint-François-des-Salles, près de
Chambery, un homme armé d’un Beretta
menaçant de tuer sa mère a été abattu
par le GIGN. Début mars à Folschviller
(Moselle) un homme se suicide après
avoir tué sa femme. Fin mars, dans le
Cantal, un autre homme retranché chez
lui tire sur des gendarmes qui finissent
par le neutraliser. Mi-mai, dans le
Gard, c’est encore un homme qui après
avoir abattu son patron et un collègue
se réfugie dans la forêt et finit par se
rendre après trois jours de traque (pour
information : 350 gendarmes, un
hélicoptère et des drones avaient été
mobilisés). Fin mai, au
Lardin-Saint-Lazare, en Dordogne, c’est
encore un homme réfugié dans la forêt,
plusieurs fois condamné pour violences
conjugales et lourdement armé qui
sera arrêté (l’intervention
nécessitera sept hélicoptères et sept
engins blindés). Je pourrais allonger
cette liste : durant les trois
premiers mois de cette année le GIGN est
intervenu 30 fois, soit près de trois
plus que les années précédentes. Et,
cela n’a pas pu vous échapper, pour ce
qui concerne les cas que j’ai rappelés
ci-dessus, les chaînes de télévisions
nous ont abreuvés de flashes,
d’interviewes de la population
« apeurée », de reportage,
véritables feuilletons sur le thème de
la chasse à des « forcenés ».
Des armes, des crimes, des interventions
lourdes : étrangement les
spécialistes de la dénonciation de
l’insécurité et de la circulation des
armes ne se sont pas manifestés. Marine
Le Pen, Guillaume Peltier, Eric Ciotti
et quelques autres sont resté muets. Que
se passe-t-il camarades, vous perdez la
foi ? Vous êtes fatigués ?
Petit indice, tout de même : tous
ces « forcenés » étaient
blancs de chez blanc, de « bons
français », certains d’entre eux
étaient même d’anciens militaires. Rien
à voir, bien sûr, avec le silence des
populistes. Mais j’ai toujours eu
mauvais esprit.

1er
juin: Le scientifique et le citoyen
Après le petit livre qu’elle vient de
publier (Ce que le militantisme fait à
la recherche, Gallimard,
collection Tracts), Nathalie Heinich va
sûrement se faire traiter de
réactionnaire, ce que sans doute elle
est, ou est devenue. Mais cette première
phrase pose une question centrale.
L’adjectif réactionnaire s’utilise
presque uniquement dans le domaine
politique, et le livre en question
parle de recherche, et donc de science.
La science est-elle réactionnaire
lorsque son auteur l’est ? Et
comment peuvent ou doivent s’articuler
les champs d’intervention du
scientifique et du citoyen (ce que nous
sommes tous, lorsque nous travaillons
dans une science et que nous avons
d’autre part des positions
politique) ? J’y reviendrai plus
loin. Mais le titre En sociologie le
militant c’est toujours l’autre)
d’un éditorial de Libération qui
veut critique vertement Heinich
constitue sans le vouloir une belle
illustration de ce qu’elle écrit :
certains propos
« scientifiques » sont
militants, le sien y compris. Partons
donc du fait que N. Heinich est
réactionnaire, ses positions dans
différents débats sociaux semblent le
prouver, et voyons ce qu’elle écrit.
Elle dit ne pas mettre en doute la
légitimité des causes défendues par ce
qu’elle appelle les
académo-militants » mais critique
la «confusion des arènes » :
l’arène scientifique d’un côté, les
arènes religieuses, morale ou politique
de l’autre. En gros on fait de la
science ou on défend une position
politique ou idéologique, mais on ne
peut pas faire les deux en même temps.
Ce qui l’amène à pointer un certain
nombre de problèmes dans certaines
sciences sociales. Cela va pour elle
d’une tendance monomaniaque (lire le
monde en fonction d’une unique grille de
lecture, dictée par des positions
militantes) à l’absence de curiosité ou
de rigueur scientifiques, voire à
l’inculture scientifique, en passant par
le refus du débat avec ceux qui ne
pensent pas comme nous, et donc à
l’invective ou à la censure. Elle se
moque de ceux qui vont ressassant que la
race, le genre ou la sexualité sont
« socialement construits »,
arguant pour sa part que toute
expérience humaine est socialement
construite (après tout, elle a fait sa
thèse sous la direction de Pierre
Bourdieu) : « il faut un
sérieux déficit d’acculturation aux
sciences humaines et sociales pour
qu’une telle assertion puisse être autre
chose qu’une découverte de la lune. Le
pire est qu’elle est présentée par ces
ingénus comme une importante leçon
qu’ils auraient pour mission, de
délivrer au monde ». Elle est
certes désagréable lorsqu’elle dit
sèchement que les enseignants-chercheurs
sont payés pour initier à la science, et
que ce n’est pas dans le cadre de leur
métier qu’ils doivent exercer leur droit
à voter, à manifester, à critiquer la
société. Dans tout cela le ton et la
forme sont méprisants, mais le
fond ? Elle se moque de faux
concepts avancés comme des nouveautés et
qui souvent consistent à enfoncer des
portes ouvertes. Encore du mépris ?
Mais (et là c’est moi qui pose la
question), qu’est-ce que l’idée
d’intersectionnalité, dont on nous rebat
depuis quelques temps les oreilles,
sinon un ripolinage de ce que
connaissent depuis des décennies ceux
qui pratiquent des tris croisé
dans le traitement des données ?
Pour elle, l’importation du combat
politique dans l’espace scientifique est
un appauvrissement de la science, et les
causes ainsi importées varient
régulièrement avec chaque fois la
prétention de détenir le monopole de la
vérité : « La classe sociale
s’est effacée derrière la race et le
sexe, tandis que la religion passait
chez certains du statut d’opium du
peuple à celui d’ étendard des
opprimés ». Faux ?
Malveillant ? Injuste ? A la
fin de son livre, elle détourne
Gide pour qui «on ne fait pas de bonne
littérature avec de bons
sentiments » en écrivant
« qu’on ne fait pas de bonne
science avec de bonnes causes ».
N’y a-t-il pas là matière à réflexion, à
discussion ? La science (c’est à
dire étymologiquement la connaissance,
le savoir) et la recherche peuvent-elles
être réactionnaires, progressistes,
révolutionnaires ? Je sais qu’on a
parlé à une certaine époque de science
prolétarienne (en URRS à propos de
Lyssenko, position ensuite
défendue en France par Georges
Cogniot, Louis Aragon ou Pierre Daix),
mais je suppose que personne aujourd’hui
n’est disposé à défendre cette position
stalinienne. La science ne peut pas être
réactionnaire, elle ne peut que tenter
d’être, qu’on me pardonne cette
lapalissade, scientifique. Ce qui
n’empêche pas, bien sûr, le scientifique
d’être citoyen, mais ne lui permet pas
de mélanger les genres. Il peut choisir,
pour des raisons militantes, tel ou tel
sujet de recherche, mais il l’aborde en
respectant des procédures heuristiques.
Et un laboratoire qui choisit de
travailler sur des maladies de pauvres
(paludisme, tuberculose…) ou de riches,
peut le faire pour des raisons éthiques
ou financières, mais il ne change pas
pour autant de méthodologie de recherche
pour trouver un vaccin ou un médicament.
Dans un livre célèbre, La structure des
révolutions scientifiques, Thomas
Kuhn considérait que les sciences
sociales n’étaient pas des sciences
parce qu’aucune d’entre elles n’avait de
paradigme unificateur, un ensemble de
«découvertes scientifiques
universellement reconnues qui, pour un
temps, fournissent à une communauté de
chercheurs des problèmes types et des
solutions », condition nécessaire
pour l’apparition de révolutions
scientifiques par le biais de critiques
épistémologiques de ce paradigme. N.
Heinich ne mène pas vraiment une
critique épistémologique, ou plutôt elle
aborde cette question de façon
polémique, sur le même ton ou presque de
ceux qu’elle critique, un ton dogmatique
péremptoire. Laissons de côté le
fait qu’elle soit réactionnaire, c’est
entendu. Mais, à la lire, on se prend à
regretter que ceux qui se considèrent à
la fois comme scientifiques et
progressistes ou révolutionnaire
ne posent pas les mêmes questions
qu’elle. C’est en effet à eux (à nous)
de réfléchir sur les champs d’action du
citoyen et du militant, et surtout à
élaborer une critique épistémologiques
de ce qui souvent, dans certaines
publications actuelles,
s’apparente à la découverte du fil à
couper le beurre. Le refuser,
c’est se comporter comme le taureau qui
fonce dès qu’on agite devant lui un
chiffon rouge sans se demander ce qu’il
y a réellement derrière ce leurre. Il y
a en espagnol un riche vocabulaire pour
qualifier le comportement du taureau
dans l’arène, qui va du toro bravo (le
sens est évident) au toro manso (peureux
ou sans bravoure) en passant par le toro
sentido (avisé, et qui vise l’homme plus
que le leurre). Ce qu’il faut voir ici,
derrière le leurre, n’est-ce pas
certains défauts de certaines
conceptions de la science, que nous ne
voulons pas voir parce que nous
regardons le doigt qui montre au lieu de
la chose désignée ?

24
mai: Nationalismes
Benyamin
Netanyahou, premier ministre
en sursis d’Israël (il gère les affaires
courantes, incapablede former un
gouvernement), cerné par les procès pour
corruption, a comme d’habitude trouvé la
façon de faire oublier ses problèmes.
Comme unprestidigitateur, il dirige
l’attention des gogos dans un autre
direction. Facile ! On crée un
événement sur l’esplanade des mosquées,
on jette desgrenades fumigènes dans un
lieu de culte musulman, la mosquée
al-aqsa, en plein ramadan, la réaction
attendue arrive, la sauce prend, le
Hamas s’en mêle, commeprévu, missiles,
répliques, et hop, ni vu ni connu je
t’embrouille, on bombarde, on tue. Là,
Neyanyahou s’est un peu emmêlé les
pinceaux en suscitantdes dommages
collatéraux au sein même du pays, des
violences entre des citoyens israéliens
arabes et juifs, mais qu’importe. Le
peuple adore qu’on tue desarabes,
Netanyahou devient chef de guerre, on
oublie le politicien corrompu, vive le
tueur d’arabes. De l’autre côté on
oublie les conditions de vie, lamisère,
l’oppression, le peuple croit retrouver
une forme de fierté et adore qu’on tue
des juifs, vive la Hamas. Et des deux
côtés, comme toujours, les
religionspoussent au crime. Il demeure
que les forces sont inégales, qu’Israël,
surarmé et qui devrait depuis
longtemps avoir été mis au ban des
nations pour non-respect de toutes les
résolutions del’ONU,
jouit d’une scandaleuse
tolérance de la part des pays
occidentaux alors que tout le monde se
fout du peuplepalestinien. Bref,
Netanyahou a bien joué et mérite sans
conteste d’être placé en haut du podium
de l’ignominie. C’est du moins ce que je
me disais avant derecevoir hier le mail
qui suit, venant d’un ami médecin qui a
longtemps travaillé pour Médecins Sans
Frontières et a en particulier fait
trois missionsen Afghanistan. Voici donc
ce qu’il écrivait. Il y a eu un an hier,
la maternité soutenue par Médecins Sans
Frontières dans le quartier de
Dasht é Barchide Kaboul était attaquée
par des hommes en armes. Ils ont
tué 24 personnes: 16 femmes en travail
(5 étaient sur le point d'accoucher),
une dessages-femmes, deux enfants de 7
et 8 ans qui venaient se faire
vacciner… C’était une attaque
coordonnée, les assaillants sont passés
desalle en salle, systématiquement. Un
travail de pros serait-on tenté de dire.
La cible n’était pas choisie au hasard.
Attaquer cette maternité c’était
attaquer /
menacerles « internationaux »
qui y travaillaient, donc les
amener à se retirer, à retirer leur
soutien… MSF a retiré
sonstaff international rapidement.
Attaquer cette maternité c’était
attaquer l’unique maternité gratuite et
de qualité d’un quartier pauvre de
prèsd’un million d’habitants: plus
de 1000 bébés... par mois! Dasht é
Barchi c’est le quartier Hazara de
Kaboul. Les Hazara sont les descendants
desenvahisseurs mongols, Genghis Khan et
Tamerlan. Les Hazara sont chiites, dans
un pays largement
sunnite. L’attaque avait donc un
motif religieux etethnique à la fois.
Une excuse? Enfin, l’attaque visait des
femmes et des enfants, certains pas
encore nés. Désarmés bien sûr.
S’en prendre auxfemmes, ou comme la
semaine dernière, dans le même
quartie, aux collégiennes ou
lycéennes, c’est s’en prendre
à l’Avenir. Des hommes, des Hommesaussi,
avec un H
majuscule. Ethnocide,
génocide? Je n’en sais rien.
Mais quelque chose de ce genre
acommencé. Ou s'accélère. Et le retrait
de toutes les forces étrangères va
laisser le champ libre aux Taliban ici,
à l’Etat Islamique là. Les premiers
nevont pas manquer de se présenter
aux « Occidentaux » comme
un rempart contre les seconds,
étrangers. Est-ce que j’enfonce
des portes ouvertes en disant que, pour
le podium de l’ignominie, il y a de la
concurrence ?Et qu’il n’y a pas que
les deux concurrents ci-dessus :
que penser de la discrétion des pays
occidentaux ? C’est l’histoire des
trois singes de latradition
chinoise : ne rien voir, ne rien
entendre, ne rien dire. Et on appelle ça
les trois singes « de la
sagesse ». Allez comprendre…

14
mai : Podium de l'ignominie
Benyamin Netanyahou,
premier ministre en sursis
d’Israël (il gère les affaires
courantes, incapablede former un
gouvernement), cerné par les procès pour
corruption, a comme d’habitude trouvé la
façon de faire oublier ses problèmes.
Comme unprestidigitateur, il dirige
l’attention des gogos dans un autre
direction. Facile ! On crée un
événement sur l’esplanade des mosquées,
on jette desgrenades fumigènes dans un
lieu de culte musulman, la mosquée
al-aqsa, en plein ramadan, la réaction
attendue arrive, la sauce prend, le
Hamas s’en mêle, commeprévu, missiles,
répliques, et hop, ni vu ni connu je
t’embrouille, on bombarde, on tue. Là,
Neyanyahou s’est un peu emmêlé les
pinceaux en suscitantdes dommages
collatéraux au sein même du pays, des
violences entre des citoyens israéliens
arabes et juifs, mais qu’importe. Le
peuple adore qu’on tue desarabes,
Netanyahou devient chef de guerre, on
oublie le politicien corrompu, vive le
tueur d’arabes. De l’autre côté on
oublie les conditions de vie, lamisère,
l’oppression, le peuple croit retrouver
une forme de fierté et adore qu’on tue
des juifs, vive la Hamas. Et des deux
côtés, comme toujours, les
religionspoussent au crime. Il demeure
que les forces sont inégales, qu’Israël,
surarmé et qui devrait depuis
longtemps avoir été mis au ban des
nations pour non-respect de toutes les
résolutions del’ONU,
jouit d’une scandaleuse
tolérance de la part des pays
occidentaux alors que tout le monde se
fout du peuplepalestinien. Bref,
Netanyahou a bien joué et mérite sans
conteste d’être placé en haut du podium
de l’ignominie. C’est du moins ce que je
me disais avant derecevoir hier le mail
qui suit, venant d’un ami médecin qui a
longtemps travaillé pour Médecins Sans
Frontières et a en particulier fait
trois missionsen Afghanistan. Voici donc
ce qu’il écrivait.
Il y a eu un an hier, la maternité
soutenue par Médecins Sans Frontières
dans le quartier de Dasht é
Barchide Kaboul était attaquée par des
hommes en armes. Ils ont tué 24
personnes: 16 femmes en travail (5
étaient sur le point d'accoucher), une
dessages-femmes, deux enfants de 7 et 8
ans qui venaient se faire
vacciner… C’était une attaque
coordonnée, les assaillants sont passés
desalle en salle, systématiquement. Un
travail de pros serait-on tenté de dire.
La cible n’était pas choisie au hasard.
Attaquer cette maternité c’était
attaquer /
menacerles « internationaux »
qui y travaillaient, donc les
amener à se retirer, à retirer leur
soutien… MSF a retiré
sonstaff international rapidement.
Attaquer cette maternité c’était
attaquer l’unique maternité gratuite et
de qualité d’un quartier pauvre de
prèsd’un million d’habitants: plus
de 1000 bébés... par mois! Dasht é
Barchi c’est le quartier Hazara de
Kaboul. Les Hazara sont les descendants
desenvahisseurs mongols, Genghis Khan et
Tamerlan. Les Hazara sont chiites, dans
un pays largement
sunnite. L’attaque avait donc un
motif religieux etethnique à la fois.
Une excuse?
Enfin, l’attaque visait des femmes et
des enfants, certains pas encore nés.
Désarmés bien sûr. S’en prendre
auxfemmes, ou comme la semaine
dernière, dans le même
quartie, aux collégiennes ou
lycéennes, c’est s’en prendre
à l’Avenir. Des hommes, des Hommesaussi,
avec un H
majuscule. Ethnocide,
génocide? Je n’en sais rien.
Mais quelque chose de ce genre
acommencé. Ou s'accélère. Et le retrait
de toutes les forces étrangères va
laisser le champ libre aux Taliban ici,
à l’Etat Islamique là. Les premiers
nevont pas manquer de se présenter
aux « Occidentaux » comme
un rempart contre les seconds,
étrangers.
Est-ce que j’enfonce des portes
ouvertes en disant que, pour le podium
de l’ignominie, il y a de la
concurrence ?Et qu’il n’y a pas que
les deux concurrents ci-dessus :
que penser de la discrétion des pays
occidentaux ? C’est l’histoire des
trois singes de latradition
chinoise : ne rien voir, ne rien
entendre, ne rien dire. Et on appelle ça
les trois singes « de la
sagesse ». Allez comprendre…

5
mai : Smombies
Il y a quelques années, disons au
siècle dernier, lorsque vous étiez
bousculés par quelqu’un venant derrière
vous, il s’agissait souvent d’un
pickpocket profitant de votre surprise
pour vous subtiliser votre portefeuilles
ou votre sac. Aujourd’hui, il
s’agit plutôt du membre d’une branche de
l’espèce humaine (que Darwin est mort
trop tôt pour avoir pu étudier) qui
marche en regardant son téléphone
portable. L’inconvénient est le même
pour celui qui est bousculé, mais la
cause en a changée : onanisme
digital et non plus vol à la tire.
Selon une enquête menée en 2019, plus
de 60% des piétons consultent leur
portable en marchant, même en traversant
la rue. Le problème, dans l’évolution,
est qu’elle ne va pas nécessairement
dans le sens de l’amélioration de
l'espèce, qu’elle emprunte parfois des
impasses. Ainsi, cette nouvelle branche
de l’espèce humaine, se déplaçant le nez
collé sur un écran (qui a déjà un
nom : les smombies, mot valise
combinant smartphone et
zombie) ne voit plus les obstacles qui
peuvent surgir : un passant, un
poteau, un dealer de H, un honorable
membre des forces de l’ordre, une
trottinette électrique, une flaque
d’eau, un raton laveur ou que sais-je
encore. Mais voilà que dans sa grande
bienveillance, Google est en train de
développer une nouvelle application,
« Heads up », pour éviter ces
collisions.
Comment ça marche ? Je ne sais pas
encore, mais je vois l’idée. Le GPS
permet de nous localiser sans cesse, non
seulement de savoir où nous sommes mais
aussi si nous sommes immobiles ou nous
déplaçons. En outre, il est facile de
savoir si nous utilisons notre
téléphone. Donc téléphone ouvert +
déplacement = alerte. Ce serait le
scenario le plus doux : vous ouvrez
votre machine en marchant et vous
recevez un avertissement,
« attention, levez la tête,
regardez devant vous ». Un scenario
plus sophistiqué (ou plus policier,
comme vous voudrez) serait que
l’application puisse également
visualiser votre environnement et vous
tirer de votre onanisme digital s’il y a
danger de collision. On n’arrête pas le
progrès ! Mais cela pose cependant
quelques questions.
L’espèce smombie est
évidemment une création de Google et de
ses semblables qui nous ont mis entre
les mains l’objet et le moyen de notre
addiction. D’un côté ils
asservissent mais de l’autre ils
tentent, à la marge, de limiter les
effets de ce servage. On ne peut pas
être plus vicieux. Lorsque les
empoisonneurs diffusent un léger contre
poison, ne poussent-ils pas à aimer
encore plus le poison ?

1er
mai 2021 : Karité
bien ordonné...
Depuis quelques jours, sur une liste d’échange
de sociolinguistique, un débat
fait rage : faut-il ou pas
payer une certaine somme pour
faire partie de l’association,
avoir le droit de voter, etc.
Discussion d’épiciers (ou
d’épicières), de comptables,
comme on voudra, avec d’un côté
une
partie de gens expliquant que,
dans leur pays, on ne peut pas
payer en devises étrangères,
d’autres qu’ils n’ont pas les
moyens, et de l’autre un
discours autoritaire,
bureaucratique, déclarant que le
bureau ayant voté le principe de
cette cotisation, il fallait
l’appliquer. Entre ces positions
extrêmes, d’autres encore
avancent la possibilité de
demander l’exemption de cette
somme tout en gardant la qualité
d’adhérent, situation au
demeurant plutôt humiliante.
Bref, tout cela est sans
beaucoup d’intérêt, image
ordinaire du capitalisme à la
petite semaine, mais
heureusement certains traits
d’humour apparaissent parfois
dans ce débat mercantile.
Ainsi un petit malin a relevé qu’un membre du
bureau (ayant voté donc pour
cette cotisation et devant la
faire respecter) ne l’avait pas
payée. Et il conclut en
citant ce qu’il appelle un
« proverbe
francophone » : Karité
bien ordonné commence par
soi-même. On l’aura
compris, il s’agit d’un
Africain. Le karité est un arbre
poussant essentiellement en
Afrique, dont la noix (ou plutôt
l’amande qu’on en extrait) donne
un beurre, utilisé en cuisine ou
pour certains cosmétiques. Et ce
« proverbe
francophone » parfaitement
imaginaire donne une image assez
réjouissante de ce que peut
être, parfois, la francophonie.
L’appropriation d’une langue
peut en effet passer
par le jeu avec elle. On peut
détourner certaines expressions,
les
« africaniser » : Gagner son manioc à
la sueur de son front, mettre
du beurre (de karité par
exemple) dans le foufou, etc. On peut aussi
« européaniser » des
expressions africaines : il
n’y a pas place pour deux
écolos dans le même marigot (mais vous pouvez vous amuser à
en créer d’autres…). Tout cela
pour dire que l’humour fait
toujours du bien, surtout dans
des débats parfois désolants.

17
avril 2021 : Pour rire
un peu

On a parfois l’impression que certains
écologistes nous tendent des verges
pour se faire battre. Souvenez-vous du
maire écolo de Bordeaux qui voulut
supprimer l’arbre de Noël, de la maire
écolo de Poitiers qui, après avoir
supprimé les subventions municipales
aux aéroclubs, a déclaré vouloir
préserver les enfants de leurs
« rêves aériens », ou de
celle de Strasbourg qui a failli
subventionner une mosquée contrôlée
par la Turquie. Sont-ils
masochistes ? Maladroits ? A
vous de choisir. Mais, à Vincennes, un
élu écolo vient de montrer qu’il était
à la fois stupide et incompétent.
Rappel des faits. Le conseil municipal du 14
avril vote une subvention à un yacht
club et les élus écolos s’abstiennent.
La maire leur en demande la raison et
l’un d’entre eux répond :
« Nous ne subventionnons pas des
sports qui émettent des
polluants ». La maire
s’étonne : « Des quoi ?
Des polluants » ? Oui,
réplique l’élu, « le yacht club,
c’est des bateaux ». Et la
maire : « des bateaux à
voile, ça avance avec les vent ».
Faut-il commenter ? Il vaut mieux
en rire.
Pour rire encore un peu, ce qui ne fait pas de
mal en ces temps moroses, je
trouve dans Charlie Hebdo de
cette semaine (mais je sais que tout
le monde n’apprécie pas l’humour de
cet hebdo) une petite note qui, sous
le titre Diversité, commente
un récent vote de l’Assemblée
nationale : « Vote
historique en faveur des langues
régionales à l’école. Les enfants
pourront lire le Bible en breton, la
Torah en corse et le Coran en
alsacien ». Ils prennent des
risques, à Charlie. Les
Bretons ou les Corses pourraient
revivifier leur goût pour les bombes,
les Basques ou les Occitans pourraient
être fâchés de ne pas être cités, et
les islamistes pourraient être
horrifiés qu’on suggère de lire le
Coran dans une autre langue que
l’arabe. Mais on ne peut pas plaire à
tout le monde.

15
avril 2021 : L'erreur est
humaine

Un
policier
de Minneapolis a tué un Noir.
Jusque-là rien de neuf. Sauf que le
policier était une policière et
qu’elle a déclaré avoir confondu son
pistolet et son taser (un pistolet à
impulsion électrique). Et cette
explication qui peut paraître abracadabrante
a inspiré la caricaturiste Coco qui,
dans Libération de ce matin,
dessine un conférencier proposant à
une parterre de flics en uniforme de
jouer au jeu des sept erreurs en
désignant avec une baguette un tableau
sur lequel on voir un taser et un
Glock. Pourtant, comme le dit une
formule latine, errare humanum est,
l’erreur est humaine. Et l’explication
de la policière de Minneapolis ouvre
un large champ d’applications.
Exemples.
« Non,
monsieur
le commissaire, je n’ai pas voulu tuer
ma femme, j’ai confondu le pot de
sucre et celui d’arsenic en voulant
sucrer son thé ».
« Non,
monsieur
le juge, je n’ai pas voulu écraser la
maîtresse de mon mari, j’ai confondu
la première avec la marche
arrière ».
« Non,
monsieur
l’inspecteur des impôts, je n’ai pas
fait une fausse déclaration, j’ai par
erreur confondu le 1 et le 7 et j’ai
par ailleurs oublié deux zéros ».
« Mais
non,
nous n’avons pas truqué les élections,
nous avons confondu une urne et une
poubelle ».
« Non,
non,
j’ai pas volé cette tire, monsieur
l’agent, l’ai confondu la BMV avec ma
petite Fiat, elles sont de la même
couleur ».
« Vous
confondez,
je vends de la farine, pas de la
cocaïne. Vous voulez
goûter ? ».
Bref,
je
vous laisser poursuivre ce paradigme.
Je vous l’avez dit, l’erreur est
humaine.

11
avril 2021 : Les patriotes et
la liberté
Lorsque Marine Le Pen a voulu tenter à la fois de
« dédiaboliser » le Front
National et de faire croire qu’elle
avait autour d’elle toutes les
compétences possibles, elle a fait
courir le bruit que des énarques
travaillaient pour elle. Elle en avait
effectivement un qui, nommé à
l’inspection générale de
l’administration, tenait à garder
l’anonymat. Il en sortit en 2011, prit
la direction de la campagne de sa
patronne, devint vice-président du FN
puis le quitta pour fonder en 2017 son
propre parti, Les Patriotes. Il
s’agissait, vous l’aurez compris, de
Florian Philippot.
Que vient-il faire ici ? Vous allez comprendre. Hier
matin, allant vers une librairie pour
acheter deux ou trois livres de Caryl
Ferey (j’ai découvert cet auteur il y
a peu de temps et dévore ses titres au
rythme d’un par jour), je me suis
trouvé, sur le cours Mirabeau
d’Aix-en-Provence, face à un groupe
d’une quarantaine de personnes
hurlant : « Liberté,
liberté, liberté !... ». Mes
livres n’allaient pas s’envoler, je
suis donc resté pur voir ce qui se
passait, j’ai pris les tracts qu’ils
distribuaient. Il s’agissait de
militants des Patriotes,
justement, et leur littérature était
double. D’une part un petit tract
luxueux, sur papier glacé, dont le
titre au recto, Libérons la France,
connotait la résistance. Mais la
résistance à quoi ? Un dessin
dans le style des affiches de 1968
montrait une foule dont surgissaient
quatre pancartes : Frexit, Stop coronafolie, Liberté et RIC (Référendum d’Initiative
Populaire, l’une des revendications
des gilets jaunes) Et, au
verso, le programme détaillé de ce
parti dont le moins qu’on puisse dire
est qu’il demeure confidentiel. En
vrac : réouverture de toutes les
activités économiques et culturelles,
fin du masque obligatoire, liberté
totale face au vaccin, sortie de
l’Union européenne et de l’euro,
sortie de Schengen et rétablissement
des frontières, arrêt de
l’immigration, nationalisation des
banques, hausse des salaires et des
retraites, doublement du budget de
l’armée, sortie de l’OTAN, et j’en
passe. On y trouvait aussi un bulletin
d’adhésion au susdit parti, donnant le
choix entre cinq possibilités :
jeune (10 euros), classique (20
euros), soutien (60 euros), prestige
(100 euros) et club (300 euros). Je
suppose que nous n’ avez pas besoin de
l’adresse. Mais il faut tout de même
noter que Philippot ratisse large,
empruntant des revendications aux
syndicats, aux gilets jaunes, à
l’extrême droite, aux défenseurs de la
culture et à ceux de l’économie, aux
militaristes et aux racistes…
Sur une autre feuille il y avait le texte d’une dizaine de
chansons détournées qu’un gros mec
chantant un peu faux entonnait au
micro, les autres essayant de chanter
avec lui, et à la fin de chacune
d’entre elles scandaient
« Liberté, liberté,
liberté !... ». Quelques
exemples :
-Sur l’air du Pénitencier (mauvaise adaptation
pour J. Hallyday de The house of
the rising sun) : Les
portes du pénitencier Bientôt vont se
refermer Et c’est là qu’ils voudraient
nous enfermer Masqués confinés piqués
-Sur l’air de Ma gueule : Quoi ma gueule,
qu’est-ce qu’elle a ma gueule ?
Une gueule de confiné Qui
rêve de liberté !
-Sur l’air de Ne la laisse pas tomber : Ne les
laisse pas tomber Elles sont si
fragiles Elles s’appellent Liberté Sa
copine Démocratie.
Bref, une créativité limitée. Je savais vaguement que
Philippot avait réussi à se raccrocher
à une bouée de sauvetage en se faisant
élire député européen, mais j’ignorais
qu’il avait une quarantaine de
militant à Aix (remarquez, quarante
sur environ 140.000 habitants, nous
sommes loin de la pandémie…).
L’énarque de Marine Le Pen est donc
toujours là.
Conclusion qi n'a rien à
voir, ou presque. A l’heure
où Macron fait semblant de vouloir
supprimer l’ENA, on est en droit de
s’interroger. Il est vrai que les
énarques constituent une élite
autoproclamée, prétentieuse et souvent
inutile, qui illustre le pire de la
bureaucratie française. Je ne sais pas
ce que le président de la république
vise avec son ripolinage et ses faux
semblants, mais il devrait méditer ce
proverbe danois, « Ce
qu'on ne peut pas rendre meilleur, il
ne faut pas le rendre pire ».

4
avril 2021 : Mémoire de
poisson rouge
Ce qui m’a frappé dans l’intervention télévisée du 31 mars de
Macron, ce n’est pas ce qu’il disait,
mais comment il le disait, et plus
particulièrement son usage des pronoms
personnels. Son ego surdimensionné (et
l’ étymologie d’ego,
« je, moi » en latin, prend
tout alors tout son sens) le pousse à
parler en je. Et là, il
parlait en nous. « Nous
avons résisté, nous allons tenir
encore, nous avons opté pour, nous
avons par ces choix gagné des jours de
liberté, nous avons décidé le 18 mars,
nous devons donc nous fixer un nouveau
cap, nous ne devons pas céder au
déni », etc. Un journaliste a
compté : il aurait prononcé ce nous une centaine de fois. Et ce
n’est qu’à à toute fin de son
allocution qu’il a parlé, pour trois
ou quatre phrases, en je. Il
ne fallait pas réfléchir très
longtemps pour se dire que nous n’avions
rien décidé, que nous n’avions
opté
pour rien du tout, que nous n’avions
fixé aucun cap, et qu’il se foutait de
nous. Mais il était assez habile de
vouloir nous faire assumer collectivement ses erreurs ou
ses errements.
Le lendemain, premier avril, le premier ministre est allé au Sénat
et à l’Assemblée nationale pour
demander aux parlementaires de voter
sur les mesures annoncées la veille.
Et là, on se foutait carrément de la
gueule des élus. Quel sens pouvait
avoir le fait de voter oui ou non sur
ce qui était déjà décidé ?
Mélenchon s’est précipité dans cette brèche ouverte en jouant
sur la date, lançant que « ce
vote est un poisson d’avril »,
poursuivant que le poisson d’avril,
« comme tous les poissons,
pourrit par la tête », puis,
entrainé par sa métaphore, concluant
que « les Français, par contre,
n’ont pas une mémoire de poisson
rouge ». Le poisson pourrit
par la tête, Mélenchon doit bien
savoir que cette formule, mauvaise
traduction d’un adage latin (piscis
primum a capite foetet,
« le poisson commence par puer de
la tête »), que cette formule
donc a été lancée par Pierre Poujade,
maître à penser dans les années 1950
de Jean-Marie Le Pen, et qu’il
risquait d’apparaître ainsi dans le
sillage de ce populiste que Roland
Barthes avait finement décortiqué une
de ses Mythologies (« Poujade
et les intellectuels »). En
revanche, en affirmant que les
Français n’ont pas une mémoire de
poisson rouge, il se plantait comme un
débutant. Des études scientifiques
menées depuis les années 1990 ont en
effet démontré par exemple que si l’on
mettait dans un aquarium un levier sur
lequel, en appuyant, on obtenait de la
nourriture, les poissons rouges
comprenaient très vite la manœuvre et
l’utilisaient continûment. Ou encore
qu’ils associaient très vite le moment où on leur donnait à manger à
une musique que l’on diffusait juste
avant. Mais n’accablons pas le meneur
de la France insoumise : pour
Poujade, il a sans doute ce qu'il
appelle une mémoire de poisson rouge,
et pour ces poissons rouges, il ne
peut pas tout savoir.
Et puisque nous sommes dans la langue, les pronoms personnels, les
citations d’adages latins ou les
formules toutes faites, concluons en
riant un peu. Sergio Moro, le juge
brésilien qui avait envoyé en prison
l’ancien président Lula et qui a été
désavoué, convaincu
« d’agissements répréhensibles,
de comportements contraires à
l’éthique et de tromperies
systématiques », a voulu faire le
malin en introduisant dans un discours
en portugais une citation française,
tirée d’une chanson d’Edith
Piaf : « Non, je ne me regrette rien ». C’est beau, la
culture !

29
mars 2021 : Règle de trois
L’autosatisfaction d’Emmanuel Macron est
illimitée. Il n’arrête pas de dire et
de faire dire qu’il a eu raison de ne
pas confiner, qu’il est pragmatique,
qu’il veille au grain, que les
prévisions des scientifiques étaient
erronées, bref vous connaissez, on
entend et on lit cela sur tous les
media.
Par ailleurs les mêmes media nous disent
que la situation du Brésil est
catastrophique, que le nombre de morts
du Covid s’y envole, comme d’ailleurs
aux USA : 312.000 dans le premier
cas, 549.00 dans le second. De son
côté, Boris Johnson vante le système
britannique et certains présentent le
nombre de vaccinations en Grande
Bretagne comme une victoire à mettre
au crédit du Brexit.
Mais si nous regardons tout cela de plus
près, il y a de quoi rabattre le
caquet de Macron. Voici pour le
Brésil, les USA et la France le nombre
d’habitants, le nombre de morts du
Covid et, grâce à une simple règle de
trois, le pourcentage de la population
morts de Covid. Conclusion : on
meurt autant en France qu’au Brésil et
à peine moins qu’aux USA.
Brésil 210 millions 312.000 0,14%
USA 328 millions 549.000 0, 16%
France 67 millions 94.596
0,14%
Bolsonaro est un imbécile ou un fou
criminel, Macron un fin tacticien,
mais leurs résultats sont les mêmes.
Allez comprendre. Quant à la
Grande-Bretagne (64
millions d’habitants, 127.000 morts) le même calcul, toujours une simple
règle de trois, nous
donne 0,19%...
L’ennui avec les chiffres c’est que
certains pensent qu’ils peuvent nous
dispenser de penser.

23
mars 2021 : Merci Erdogan,
suite

J’avais
donné il y a deux jours une
information sur le retrait annoncé par
la Turquie de la convention d’Istanbul
en concluait que cela se passait de
commentaire. Je n’en ferai pas
plus aujourd'hui mais voudrais
juste apporter des chiffres dont je ne
disposais pas alors. Quatre cents
femmes ont été assassinées en Turquie
en 2020, parmi lesquelles 300 l'ont
été par des hommes de leur entourage.
Et, selon l’association turque
« halte aux féminicides, 77
femmes ont été assassinées dans les
premiers jours de 2021.

21
mars 2021 : Merci Erdogan
La convention dite
« d’Istanbul », signée en
mai 2011 et entrée en vigueur en 2014,
dont le nom complet est « Convention du Conseil de l'Europe sur
la prévention et la lutte contre la
violence à égard des femmes et la
violence domestique »,
a
été ratifiée par plus de quarante
pays. Elle portait sur la prévention, la protection des victimes,
les poursuites des contrevenants, bref
elle constituait une avancée
importante (mais peut-être parfois
uniquement théorique)
dans la lutte contre les violences
faites aux femmes, la mutilation
génitale, le viol conjugal, etc.
La
Turquie,
par un décret présidentiel, vient de
se retirer de cette convention. La
raison invoquée ? Ce texte nuit à
l’unité familiale, encourage le
divorce, et ses références à l’égalité
seraient utilisées par la communauté
LGBT pour se faire mieux accepter par
la société.
L’aspect
positif
de ces explications est que je n’ai
pas à me fatiguer pour les commenter.
Merci
Erdogan.

20
mars 2021 : La chèvre et le
chou
On
nous
annonçait une « formule
originale » et nous l’avons eue.
Un truc hybride, difficile à
définir : confinement
hors de chez soi, en plein air, dehors
toute la journée, ou pas
confinement ? Ce qui est sûr
c’est que les éléments de langage de
la firme Macron sont clairs :
surtout, ne parlez plus de
confinement, il s’agit d’autre chose,
d’une formule originale donc.
Il y a bien sûr dans tout cela
un argument qui n’est pas faux :
on a plus de chances d’attrape le
COVID en intérieur (chez soi, au
travail, dans les restaurants…) qu’en
plein air. Argument qui pose tout de
même question : s’il n’y a pas
beaucoup de danger à être dehors,
pourquoi rendre le masque
obligatoire ? Mais qu’importe, le
problème n’est pas là. Tout le monde
s’accorde à dire que le pari de Macron
(ne pas confiner) était perdu, il ne
faut pas donner cette impression. Et
d’ailleurs ce n’est pas le président
qui est venu présenter cette solution
boiteuse, mais le premier ministre…
Disons que cette solution nouvelle,
cette « formule originale »
dont personne ne comprend vraiment les
détails, est une façon de ménager la
chèvre et le chou. Vous connaissez
l’histoire : un homme, un petit
bateau, une chèvre, un chou, un loup.
L’homme veut faire passer une rivière
à tout ce petit monde, dont tous les
membres ne peuvent pas prendre place
dans le petit bateau, sans
que la chèvre mange le chou ni que le
loup mange la chèvre. Il y a plusieurs
solutions qui se ramènent au même
principe : ne pas laisser seuls
sur l’autre rive la chèvre et le loup
ou la chèvre et le chou. Il faudra
donc faire différents aller-retours.
Mais tout le monde sait que
l’expression ménager la chèvre et
le chou a
pris un sens très particulier :
être incapable de choisir, ou vouloir
gagner sur tous les tableaux. On dit
avec le même sens en Allemagne Auf
zwei Pferde setzen (« parier sur
deux chevaux »), en Argentine andar
bien con Dios y con el diablo,
au Portugal agradar a Gregos e a
Troianos (« plaire aux
Grecs et aux Troyens »), etc. Et
Macron, ancien banquier, préférerait
sans doute l’expression win
win : tout le monde y
gagne. Surtout lui, pourrions-nous
ajouter.
Mais revenons à nos moutons. Les
spécialistes semblent assez unanimes
pour dire que les nouveau pari du
président ne va pas nécessairement
améliorer la situation, et que la
vraie question est de vacciner le plus
vite possible le plus de gens
possible. Mais, sur ce plan, l’avenir
est incertain. Reste donc une autre
question : qui va devenir chèvre
dans l’histoire ?

18
mars 2021 : Maître des
horloges...
Dans le Canard enchaîné de cette semaine un dessin
représente le président Macron
s’interrogeant : « Qu’est-ce
qu’on pourrait faire pour régler le
problème de la violence des
jeunes ? ». Et le ministre
de l’éducation Blanquer
répliquant : « Attendre
qu’ils vieillissent ? » Au-delà
de la blague, on peut se demander
combien de temps faut-il
attendre ? Ou combien de temps va
durer leur vieillissement ?
C’est Bergson qui a proposé de distinguer entre le temps et la
durée, le temps étant du côté de la
science et la durée du côté de la
conscience. Il est facile de
comprendre que le temps est mesurable
(en secondes, minutes, heures, années,
siècles…) tandis que la durée relève
de la perception, du ressenti. Une
expression comme « j’ai trouvé le
temps long » illustre bien cette
différence, et plus encore le fait que
face par exemple à un film d’une heure
trente, ceux qui l’ont trouvé ennuyeux
diront qu’il était trop long tandis
que d’autres diront qu’ils n’ont
« pas vu passer le temps ».
Tout ceci pour en venir à notre
situation actuelle et sur les
balbutiements de la communication
gouvernementale.
Macron s’est souvent présenté comme le « maître des
horloges », comme si le temps
c’était lui. Et il a décidé de gérer
la pandémie à sa manière, repoussant
sans cesse des décisions drastiques en
disant et faisant dire que chaque jour
était un jour gagné. Gagné ou
perdu ? Le gouvernement
communique sur beaucoup de choses,
sauf sur le nombre de morts. Mais des
chiffres nous parviennent tout de
même : il y aurait en France
environ 300 décès du COVID par jour.
Trois cents décès, c’est à peu près ce
qui se passe lorsqu’un avion de ligne
s’écrase, ce qui arrive deux ou trois
fois par an dans le monde entier. Et
chaque fois les media en parlent,
s’interrogent sur les responsabilités
de la compagnie, du fabriquant, des
conditions climatiques, et annoncent
qu’on y verra plus clair lorsque les
boites noires auront été retrouvées et
analysées. Il y a aujourd’hui en
France l’équivalent d’un avion par
jour qui s’écrase, et personne de
parle de boites noires…
Macron a fait un énorme pari en décidant en janvier de ne pas
confiner, et tout semble prouver qu’il
s’est planté. Il a joué une partie,
voulant montrer qu’il était le
meilleur, le plus habile, le plus
intelligent, il l’a perdue. Lorsqu’un
joueur d’échec voit qu’il sera mat en
deux ou trois coups, il se lève et
serre la main de son adversaire, puis
il repense à sa partie et cherche à
comprendre comment il l’a perdue, pour
ne pas refaire les mêmes erreurs. Je
ne sais pas ce qu’on nous annoncera ce
soir, mais la communication
gouvernementale, encore elle, laisse
entendre qu’on est à la recherche
d’une « formule originale ».
Encore une fois, vouloir montrer que
Macron est plus malin que les autres,
contre l’avis de tous les
scientifiques, praticiens ou
épidémiologues.
Le président sait qu’il s’est trompé, qu’il n’est pas le
« maître des horloges », il
a même lâché que c’était le virus qui
était désormais le maître du temps.
Mais tout laisse à penser qu’il se
comporte comme un gamin qui ne veut
pas reconnaître
son erreur. Et cela risque de durer
car son acharnement relève plus de sa
psychologie que du calcul politique ou
économique. Et nous pourrions
paraphraser le Canard enchaîné:
qu'est-ce qu'on pourrait faire pour
régler le problème du COVID? Attendre
qu'il passe?
Enfin, peut-être les annonces gouvernementales prouveront, ce
soir, que j’ai tort…

13
mars 2021 : Brassens,
Gainsbourg et la "cancel
culture"
Depuis deux ou trois semaines la presse presque unanime célèbre
le souvenir de Serge Gainsbourg (mort
le 2 mars 1991). Et, d’ici quelques
mois, elle célèbrera sans doute le
centenaire de la naissance de Georges
Brassens (né le 22 octobre 1921). Deux géants
de la chanson française, dans des
styles certes très différents, mais
indépassables, chacun dans le sien.
Par ailleurs, le personnage de Pépé le Putois (Pepe the Pew), qui
dans la version américaine parle avec
un fort accent français, vient d’être
supprimé de la liste des personnage de
dessins animés utilisés par la Warner
Bros. Motif : il passe son temps
à draguer, à tenter d’embrasser des
femmes (en fait, rappelons-le, il
s’agit d’animaux et
d’anthropomorphisme) contre leur gré,
et donc « banalise la culture du
viol » : je n’invente rien. La
scène du film Space Jam 2 (sur les
écrans en juillet prochain) dans
laquelle il apparaissait a été coupée
au montage, et un autre personnage,
Lola Bunny, a été
« désexualisée »,
apparaissant désormais en tenue de
sportive et non plus avec un décolleté
aguichant.
Quel rapport en ces deux informations ? La première relève
de l’histoire de la chanson. Le
seconde, bien sûr, de la cancel
culture, ou, pour être gentil,
de sa caricature. Faut-il s’en
inquiéter ? Se demander si la prochaine victime de cette
censure sera loup de Tex Avery ?
Ou rire de ces conneries (je n’ai pas
d’autre mot) ?
En fait, ce qui me retient dans cette stupidité, c’est que bien
des chansons de Gainsbourg et Brassens
seraient, si elles étaient en anglais,
bannies aux Etats-Unis. Et que nous
pouvons même nous demander s’ils
auraient pu débuter aujourd’hui en
France. Il est inutile que je vous
rappelle des titres, que je vous donne
des citations, vous les trouverez
vous-mêmes. Ce qui est sûr c’est que
l’un comme l’autre seraient traités de
machistes, d’apologistes de la
violence, de la drague, de l’inceste,
d’injure au drapeau français, à la
police, à la nation, à l’église et
j’en passe.
Le caricaturiste André Gill avait en 1874 créé un personnage,
Madame Anastasie, qui armée d’une
énorme paire de ciseaux représentait
la censure. La Warner Bros en est une
illustration moderne. Et, en 1933, les
nazis organisaient d’immenses
autodafés, brûlant des dizaines de
milliers de livres dont les auteurs,
juifs, pacifistes ou communistes,
représentaient à leurs yeux
« l’esprit non allemand ».
Si vous n’avez pas tous les disques de
Brassens et Gainsbourg,
précipitez-vous pour les acquérir, au
cas où ces foldingues décidaient de
les brûler.

8
mars 2021 : Numérologie
Il y a une vingtaine d’années j’avais passé une journée à Puebla
avec un couple mexicain dont une sorte
de tic m’avait frappé : qu’il
s’agisse d’une facture, d’un ticket de
parking ou d’ un billet de banque
l’un ou l’autre se livrait à un rapide
calcul mental et annonçait à l’autre
un chiffre compris entre 1 et 9. A ma
demande, ils m’expliquèrent qu'en
additionnant les nombres correspondant
au jour, au mois et à l’année de leur
naissance il obtenaient leur chiffre
fétiche. Ainsi, quelqu’un né le 8
novembre 1987 aurait pour chiffre
8+11+ 1+9+8+7= 8.
La numérologie est une vieille chose, une pseudo-science qui
accorde des propriétés particulières à
certains nombres ou chiffres. Il y en
a différentes variantes, de
l’herméneutique indienne à la kabbale
juive, et l’une d’entre elle consiste
à donner aux lettres d’un alphabet une
valeur numérique. Pour l’alphabet
latin, cela pourrait donner A=1, B=2,
C=3, D=4, etc… On peut en déduire que
les gens qui ont les mêmes initiales
et donc le même chiffres ont des
choses en commun. Au hasard, C + B (3
+ 2) = 5, ce qui, encore au hasard,
établirait une relation entre Carla
Bruni et Carte bleue. Toujours au
hasard, faites la même opération avec
les initiale d’Adolphe Hitler et de
Dwight Eisenhower, et vous obtenez le
même chiffre, 9. Continuons. On trouve dans
l’apocalypse de Jean (chapitre 13,
verset 18) l’indication que « le
nombre de la bête, ou le chiffre de
son nom » est six cent
soixante-six. 666 : en
additionnant les trois 6 vous obtenez
18. Prenez maintenant (j’insiste, au
hasard) la lettre E, cinquième de
l’alphabet, et la lettre M, treizième,
additionnez ces deux chiffres et vous
obtenez 18, ou 9. Or E et M sont les initiales
d’ Emmanuel Macron. Malgré son prénom
(Emmanuel désigne en hébreu le messie
promis au peuple juif), notre
président serait donc l’égal de la
bête immonde. Pas sérieux ? Bien sûr,
mais on a le droit de s’amuser.
Pourtant… Vous avez
sûrement entendu parler de Qanon, ce
groupe de foldingues made in the USA
qui diffusent des théories
complotistes à tour de bras et voient
partout la main maligne d’un
« état profond ». Dans cette
appellation baroque,
« anon » signifie anonyme,
et Q est le pseudonyme d’on ne sait
qui. Mais Q étant la dix-septième
lettre de l’alphabet latin, ces
mabouls utilisent le nombre 17 comme
moyen d’interprétation de n’importe
quoi. Ainsi, je lis dans un dossier de Libération sur « les
furieux du complot » qu’ils
interprètent sans cesse des messages
envoyés par Trump pour exprimer son
soutien à leur cause. Ainsi, sur une
photo de l’ancien président jouant au
golf, ils ont cru voir sur son gant la
lettre Q et précisent qu’il en était
au 17ème trou. Ou encore,
lorsqu’avant de quitter Washington il
a fait un discours à l’aéroport, ils
ont compté qu’il y avait 17 drapeaux
sur l’estrade.
Cela vous fait rire. Ouais. Mais lorsqu’on voit le succès en
France du pseudo-documentaire de
Pierre Barnérias, Hold Up, on
rit un peu moins. Encore une fois,
nous vivons une époque modetne.

2
mars 2021 : Présumé innocent
Sarkozy vient donc d’être condamné, cela n’a pas pu vous
échapper. Il a fait appel et, avant
une éventuelle condamnation
définitive, il est présumé innocent.
Il a été cité ou impliqué dans une
bonne dizaine d’affaires. Grâce à
l’immunité présidentielle il n’a pas
été inquiété dans l’affaire de
l’arbitrage entre Tapie et le Crédit
Lyonnais, ou dans celle des sondages
de l’Elysée. Il a obtenu un non-lieu
pour d’autres affaires et reste
inquiété pour l’affaire Bygmalion (sa
campagne de 2012), mis en examen pour
des soupçons de financement lybien de
sa campagne de 2007, est témoin
assisté dans l’affaire Karachi et une
enquête préliminaire est en cours pour
l’affaire russe. Je passe sur les
détails, vous trouverez tout cela dans
la presse. Cela fait beaucoup pour un
seul homme mais, je le répète, Sarkozy
est présumé innocent.
J’ai toujours été admiratif devant
un passage de Jules César dans
lequel,
à l’acte 3 scène 2, Shakespeare met
dans la bouche d’Antoine une discours
dont la rhétorique est un modèle du
genre :
« Le noble Brutus vous a dit que César
était ambitieux; s'il en est ainsi ,
ce fut une faute grave, et César l'a
gravement expiée. Ici, avec la
permission de Brutus et des autres, -
car Brutus est un homme honorable, et
ils sont tous, tous des hommes
honorables,- moi je viens parler aux
funérailles de César. Il était mon
ami, loyal envers moi et juste. Mais
Brutus dit qu'il était ambitieux , et
Brutus est un homme honorable. César a
ramené à Rome, nombre de captifs dont
les rançons ont rempli les coffres
publics; a-t-on pris cela chez César
pour de l'ambition ? Quand les pauvres
ont geint, César a pleuré ; l'ambition
devrait être faite de plus rude
étoffe. Pourtant Brutus dit que César
était un homme ambitieux et Brutus est
un homme honorable. Vous avez tous vu
qu'aux Lupercales trois fois je lui
offris une couronne royale qu'il
refusa trois fois ; était-ce là de
l'ambition ? Pourtant Brutus dit qu'il
était ambitieux et bien sûr, c'est un
homme honorable »
Et je me dis que, dans un quelconque concours
d’éloquence (il y en a des dizaines
chaque année) on pourrait demander aux
candidats de s’inspirer de Shakespeare
sur le thème « Sarkozy est
présumé innocent ». Si vous
voulez vous y essayer, voici quelques
citations qui pourraient vous
aider :
-De Nicolas Beytout, directeur du très
réactionnaire journal L’Opinion, «Pour
être
respectée, la justice ne doit pas
être suspectée. Or, dans la
condamnation de Nicolas Sarkozy,
tout est suspect. D’abord, son
histoire d’ancien président de la
République et cette sourde bataille
qui l’avait constamment opposé au
monde judiciaire. Ce monde de petits
pois ne lui a jamais pardonné. Voilà
pour le contexte. Même chose pour
les méthodes utilisées lors de
l’enquête : les juges rebondissant
d’une enquête à l’autre, comme s’il
leur fallait absolument une affaire
sur laquelle coincer l’ancien chef
de l’Etat ».
-De Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, « Chacun sait l’affection et le
respect que j’ai pour Nicolas Sarkozy,
qui a été un grand président de la
République et qui, en ces moments
difficiles, a mon soutien amical. Je
n’oublie pas tout ce qu’il a apporté à
notre pays. »
-De Christian Jacob, président du parti Les Républicains,
« c’est une décision qui est
incompréhensible, invraisemblable,
totalement disproportionnées ».
-De Guillaume Peltier, vice-président du même parti, « une
décision disproportionnée et
extravagante »
-« De Christian Estrosi, maire de Nice, « je suis
étonné par cette judiciarisation de la
vie politique ».
-De Carla Bruni, épouse du présumé innocent, «Quel acharnement insensé mon amour.... le combat continue, la vérité fera
jour”.
Mais vous en trouverez d’autres. Alors, à vos
plumes ! Et, n’oubliez pas,
Nicolas Sarkozy est présumé innocent.
27
février 2021 : Pop-corn
gate, suite.
Un ami québécois
m’écrit qu’il y a pire que le pop-corn
gate : « «À
l’université McGill, vous pouvez
vous inscrire à un cours de
littérature, vous plaindre de la
présence d’un mot dans le premier
roman à l’étude, être évalué sur un
autre roman, abandonner le cours,
vous faire rembourser ET obtenir vos
crédits pour le cours abandonné.» Pour
les détails: https://plus.lapresse.ca/screens/d6747695-6206-4808-bcf9
49585461fe39__7C___0.html?utm_content=twitter&utm_source=lpp&utm_medium=referral&utm_campaign=internal+share
Il ajoute un autre
exemple : « A l'université Concordia
(anglaise) de Montréal, des étudiants
ont lancé une pétition pour chasser
une chargée de cours pour avoir
prononcé le titre du livre de Pierre
Vallières «Nègres blancs d'Amérique»
(l'auteur, indépendantiste et militant
de gauche, s'était
pourtant exilé à New York chez
des Black Panthers dans les années
1960!) ».
Autre chose qui n’a
rien à voir, un flash du bureau de
l’Agence Française de Presse de
Strasbourg : "Bas-Rhin: flashé à 191 km/h à 88 ans, il dit être en retard pour
son vaccin anti-Covid-19" Et oui, la
pandémie n’attend pas…
24
février 2021 : Pop-corn
gate
« Je me mets à la place des parents pour la semaine de
relâche. […] Donc, avec la Santé
publique, pour accommoder les parents,
on a quand même fait des efforts. Et
je vous annonce que, à compter du
vendredi 26 février, les cinémas vont
être ouverts dans les zones rouges,
donc partout au Québec».
Cette déclaration du
premier ministre a semé la zizanie au
Québec. Les cinémas peuvent rouvrir. Bonne nouvelle ? Oui, plutôt, mais il y a un hic. En effet, les
spectateurs devront porter un masque.
Normal ? Oui, mais il y a un
second hic. Puisqu’il leur faudra porter un masque,
il ne pourront pas manger de pop-corn.
Et alors ? Et alors, voici la
réaction d’un propriétaire de dix
complexes de salles de ciné :
« C’est incompréhensible
et absurde. Si le gouvernement
maintient cette règle, je ne rouvrirai
pas. Parce que ça n’a simplement pas
de bon sens. Je suis bien prêt à
abandonner les pizzas et ce genre de
choses, mais le pop-corn et les
boissons gazeuses, non ».
Ils sont exigeant, ces Québécois ! Ils ne peuvent pas aller
au cinéma sans grignoter des grains de
maïs sautés, gras et sucrés. Du coup
le premier ministre, après avoir
déclaré qu’il ne s’attendait pas à ce
« pop-corn gate », propose
aux propriétaires de salles une
compensation financière pour le manque
à gagner.
Les
choses
en sont là, pour l’instant, mais la
situation est grave. Nous vivons
décidément une époque moderne.
22
février 2021:
Procrastinations
Cela fait plus de vingt ans que j’ai quitté
Paris pour Aix-en-Provence et j’ai
très vite su qu’il y vivait aussi.
« Il » : l’auteur de
chansons à succès que tout le monde a
oubliées, J’aime bien Lily, Tout
quitter mais tout emporter, Mister
Hyde, et d’une comédie musicale
pour enfants dont au moins deux
générations se souviennent, Emilie
Jolie. Pendant des années que
je me suis dit que nous étions
peut-être voisins, que je devrais
aller le voir. Mais, procrastination,
je ne l’ai pas fait, je croyais avoir
le temps, j’avais trop de choses à
faire. ET Philippe Chatel vient de
mourir. Il avait 72 ans.
Au moment où j’écris ce petit billet,
j’apprends la mort d’Hélène Martin, à
92 ans, et là c’est l’ensemble de la
population qui a fait preuve de
procrastination, qui n’a pas pris la
peine d’y aller voir. Cette femme a
enregistré des dizaines de disques, a
collecté les récompenses (trois fois
prix du disque de l’Académie
Charles-Cros, grand prix de l’Académie
du disque français, prix de la SACEM,
etc.), a mis en musique Aragon,
Eluard, Genet, Giono, Louise Labé,
Seghers, Soupault.. Bref, c'était une
très grande. Si vous n ‘écoutez
qu’un titre d'elle, je vous conseille
un poème de Jean Genet, Le
condamné à mort.
19
février 2021 : Livres
"politiques"
S’il y avait une compétition mondiale des
hommes ou femmes politiques écrivant
(ou du moins signant) des lignes, la
France serait sans aucun doute à la
première place sur le podium. Pour
nous en tenir à la cinquième
république, tous les présidents de la
république en ont publiés. Et le
ministres ne sont pas en reste. Qu’ils
s’agisse de leurs mémoires, de leurs
projets, de livres
vengeurs lorsqu’ils ont été exclus du
pouvoir (Cécile Duflot, Delphine
Batho, Rama Yade) ou de livres
programmatiques lorsqu’ils visent le
pouvoir (Macron, Taubira) ou veulent
accéder à un degré supérieur (Darmanin),
ou lorsqu’ils veulent ne pas être
oubliés (Hollande, Sarkozy), ils sont
des dizaines chaque années à être
présents sur les tables des libraires.
Certains se sont même lancés dans le
roman, même si l’on peut penser qu’ils
ne marqueront pas l’histoire de la
littérature : pour les plus
récents Bruno Lemaire (Musique
absolue), Edouard Philippe (dans
l’ombre)et Marlène Schiappa (Marianne
est déchaînée).
Bref, en France, les politiques doivent avoir
une belle plume (ou, plus souvent, de
bons « nègres », je suis
désolé je ne dispose pas du mot
politiquement correct pour ce qu’on
désigne en anglais par une belle
formule, ghost writer,
« écrivain de l’ombre ».)
Mais, et c’est désolant, aucun ni
aucune n’a, à ma connaissance, publié
de livre de jardinage ni de cuisine.
Ca ne vous a pas frappé ? Ca ne
vous manque pas ? Pour ma part,
j’aimerais bien pouvoir profiter des
conseils de Chirac pour faire pousser
des pommes (je sais, il est trop
tard), ou de ceux de Sarkozy pour
faire pousser des salades. En
fait ils ont en tous vendues et
pourraient faire un ouvrage
collectif : Dictionnaire
amoureux de la salade, par les
responsables politiques de la France
d’aujourd’hui.
Et pour la cuisine ? Tenez, si j’étais
éditeur, je me dirais que tous les
ministres de l’écologie, de
l’environnement ou de la transition
écologique (les appellations changent
tout le temps), qui ont passé leur
temps à avaler des couleuvres, sont
des auteurs en puissance. Par exemple,
Barbara Pompili , ministre de la
transition écologique pourrait écrire
quelque chose comme Mille et une
recettes pour accommoder les
couleuvres En voilà une idée
qu’elle est bonne…
12 février 2021 :
Butinage
Au hasard, quelques notations butinées cette
semaine et que je vous laisse
éventuellement analyser vous-mêmes. Et
tout d’abord, en zappant pour chercher
une chaîne, j’aperçois dans une
manifestation une grande
pancarte : Hijo de Putin. Cela
se passait évidemment dans un pays
hispanophone, mais je ne sais pas
lequel, tout le monde devine derrière Putin qu’il s’agit de Poutine,
mais seul un hispanophone peut voir,
derrière Hijo de Putin, Hijo
de Puta (fils de pute).
Un lapsus : Après la démission de
Frédéric Mion, directeur de Science-Po
Paris, les protestations et
dénonciations se sont multipliées dans
les différents Instituts d’études
politiques de province. Et sous le #sciencesporcs on apprend que les futures
« élites » du pays donnent
volontiers dans le viol ou le
harcèlement sexuel. Une
journaliste radio annonce la réunion
« des dictateurs…euh directeurs
des IEP »
Un autre lapsus (et une autre journaliste) présentant un artiste qui
« a mis enceinte.. . euh en
scène »…
Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement,
aurait expliqué au journal Le
Parisien qu’il
ne va jamais chez le coiffeur avant de
passer à la télévision « sinon
les gens se disent tout de suite qu’on
va reconfiner le pays ». Pour
vous aider dans votre analyse, je vous
donne le commentaire du Canard
Enchaîné : « un
argument un rien tiré par les
cheveux ».
Et puis un abandon. Depuis des mots, en
écoutant des gens interviewés à la
radio ou la télévision, je m’amuse,
sans vraiment prendre de note, à
compter le nombre de fois où apparaît
dans leurs discours le terme voilà. Mais la tâche devient fatigante, voilà est devenu une sorte de
virgule verbale, totalement
désémantisée. Je vous laisse, si cela
vous amuse, prendre la relève.
6 février 2021 :
Habitus, confinement,
complotisme
J’ai toujours pensé que les concepts les plus
opérationnels étaient ceux qui sont
les plus faciles à expliquer. C’est à
mon avis le cas de l’habitus de classe
utilisé par Pierre Bourdieu, que je
vais tenter d’illustrer en essayant de
ne pas trop le trahir. Il s’agit d’un
ensemble de pratiques héritées au
acquises qui caractérisent un groupe
social, ou une classe. Par exemple il
y aurait d’un côté ceux qui jouent au
bridge, boivent du scotch ou du
champagne, s’intéressent ou jouent au
tennis ou au golf, et de l’autre ceux
qui jouent à la belote, boivent du
pastis, s’intéressent au foot… Et ces
deux groupes grossièrement définis par
ces pratiques ont des tendances
endogamiques, par exemple leurs
membres se marient entre eux, font les
mêmes études, etc. Il est d’ailleurs,
de ce point de vue, intéressant de
noter que ce concept d’habitus
apparaît pour la première fois chez
Bourdieu lorsqu’il analyse les
comportements dans des bals du Béarn où les jeunes-femmes dansent
avec des gens venus de la ville tandis
que les paysans restent éloignés de la
piste.
Si j’évoque ce concept d’habitus, c’est parce
que j’ai l’impression que les
réactions au confinement ou au
couvre-feu en sont une bonne
illustration. Laissons de côté les
protestations venues des
professionnels (les patrons de
restaurants, les artistes, les
commerçants, etc.) pour nous
intéresser à leurs
« clients ». Ceux qui
s’élèvent contre la fermeture des
théâtres ou des lieux culturels en
général par exemple ne sont pas
agriculteurs ou petits commerçants
mais plutôt des bobos vivant en ville.
Et je vous laisse vous interroger sur
les catégories sociales qui s’élèvent
contre la fermeture des stations de
ski, des stades, des librairies, des
bistrots, etc. Bien sûr, la réponse ne
peut pas venir de la simple intuition
mais d’enquêtes et d’analyses
sérieuses. Il demeure que Bourdieu
aurait sans doute eu des choses à dire
sur ce point.
Il y a en revanche une tache aveugle dans
cette approche, sans doute parce que
la pratique concernée est relativement
nouvelle : le complotisme. Vous
en connaissez des dizaines d’exemple,
véhiculés le plus souvent par les
réseaux sociaux, et il est facile
d’imaginer, pour prendre un exemple
nord-américain, qu’il y a comme une suite
d’implications entre le fait de
fréquenter une église évangélique, de voter Trump,
d’attaquer le Capitole et de croire à
un complot démocrate pédophile.
Mais dans quels habitus faut-il classer ceux
qui pensent que le coronavirus a été
inventé par Bill Gates, ceux qui
croient à un complot des élites
parisiennes contre le docteur Raoult,
ceux qui suggèrent qu’au cours des
siècles les grammairiens français ont
comploté pour construire une langue
sexiste, ceux qui affirment que le
vaccin a pour fonction de nous
injecter des puces électroniques ou
encore, comme la sociologue Monique
Pinçon-Charlot dans le documentaire
complotiste Hold-up, qui
expliquent que le coronavirus est
utilisé comme un
« holocauste » pour
« éliminer la partie la plus
pauvre de l’humanité, dont les riches
n’ont plus besoin » ?
Mais ne vous cassez pas trop la tête et passez
un bon week-end quand même.
4 février 2021 :
Baromètre
Depuis quelques années, le baromètre des
langues du monde que nous avons
élaboré a suscité des réactions
diverses. Certains n’y comprennent pas
grand-chose, d’autres réfutent toute
approche quantitative, d’autres encore
le portent aux nues (comme les auteurs
du récent livre le français
n’existe pas qui parlent de
« l’hallucinant baromètre
du poids des langues dans le
monde »). Mais il n’y eu que peu
de discussions techniques ou
scientifiques sur notre travail. Pour
ceux que cela intéresse, les choses
pourraient être dorénavant facilitées.
En tapant sur Google « baromètre Calvet
2017 » vous accéderez à un site
du ministère de la culture français
sur lequel vous aurez des liens avec
les deux premières versions (2010,
2012) et à la version la plus récente
(2017), ce qui vous permettra de
comparer les trois classements
successifs et de faire des hypothèses
sur les raisons des changements qui
apparaissent d’une version à l’autre.
Mais
il
ne s’agit là que de la carrosserie
d’une grosse machine et vous pouvez,
si cela vous intéresse, vous plonger
dans sa mécanique interne en
téléchargeant les dossiers qui vous
sont proposés. D’une part, en pdf, un
long texte expliquant de la façon la
plus simple possible notre démarche,
la façon dont nous avons établi et
traité nos données, etc. D’autre part
deux dossiers Excel avec toutes nos
données chiffrées, vous permettant de
faire votre propre classement en
faisant varier le poids de nos douze
facteurs, et, surtout, et
d’éventuellement critiquer notre
méthode. Bref, tout le matériel pour
ouvrir un débat sur un travail
scientifique qui a fait couler
beaucoup d’encre.

1er
février 2021 :
Imbécilité ou inconcience?
Ce qui s’est passé samedi au centre
d’entraînement de l’Olympique de
Marseille ne témoigne pas seulement de
l’imbécillité des supporters de
football mais de quelque chose de plus
diffus et de plus grave. Précisons
tout d’abord que la situation de l’OM
est unique en France : les clubs
de supporters se sont vus attribuer le
droit de vendre eux-mêmes les
abonnements annuels à leurs membres,
avec les dérives financières que l’on
peut imaginer. Ils se sentent
propriétaires ou patrons de l’équipe,
pensent avoir tous les droits, y
compris celui de saccager et de s’en
prendre physiquement aux joueurs. Il
est vrai que l’OM est actuellement
dans une mauvaise passe, à la neuvième
place du classement, mais on voit mal
comment ces actions de commando
peuvent changer en quoi que ce soit sa
situation. La pandémie rend-t-elle
fou ?
A Nice, un patron de restaurant a ouvert son
établissement malgré interdiction, et
on l’a vu à la télévision tenant trois
assiettes dans ses mains et hurlant
« Liberté !
Liberté ! » avec la
projection de postillons qu’on peut
imaginer sur les plats qu’il servait.
Et la cinquantaine de clients présents
ne portaient, bien entendu, pas de
masque. A Carpentras, un commissaire
de police et un vice-procureur ont été
surpris en train de manger dans un
restaurant clandestin. Sur les réseaux sociaux le
slogan « je ne me confinerai
pas » fleurit. Et l’on sait
qu’aux Pays-Bas de violentes
manifestations ont lieu contre le
couvre-feu. Encore une fois, la
pandémie rend-t-elle fou ?
Inconscient ? Ou les deux à la
fois ? Imbécillité ou
inconscience ?
A vous de voir. En attendant, je partage avec
vous un extrait d’un mail reçu d’une
amie brésilienne, qui constitue
peut-être un début de réponse :
« A Rio on a 40 degrés tous les jours, depuis deux semaines.
Résultat 1: plages bondées. Résultat
2: des hôpitaux bondés »

30
janvier 2021 :
Procrastination ?
Certains n’ont rien à dire mais le disent
bien, c’est même en train de devenir
une profession… Hier soir, le premier
ministre n’avait pas grand-chose à
lire, et l’a dit le plus vite
possible, expédiant sa corvée comme
s’il était pressé d’aller voir le
feuilleton qu’il suit à la télé. Cette
corvée, c’est bien entendu Macron qui
la lui avait imposée. Mais
pourquoi ?
Depuis une semaine, nous sommes abreuvés de
discours alarmistes. Des ministres, et
non des moindres (le premier d’entre
eux, celui de la santé, le
porte-parole du gouvernement…) et les
médecins spécialisés en épidémiologie,
pour une fois d’accord entre eux, nous
ont tous dit la même chose : les
indicateurs sont au rouge, le
couvre-feu a eu peu d’effet sur
l’épidémie, nous n’avons pas de temps
à perdre, et puis, surprise, on ne
nous annonce que quelques mesurettes,
pas le confinement attendu. Le moins
que l’on puisse dire est que la
communication du gouvernement est
incohérente. Les uns annonçaient un
confinement sévère, les autres
lançaient des formules sibyllines,
« confinement light »,
« confinement hybride »
(comme les voitures, moitié essence
moitié électricité ?). Et
l’explication en est simple :
personne ne savait ce qu’allait
décider Macron et les gens
manœuvraient à
vue. Car c’est bien Macron qui est le
problème.
Procrastination ? Cela en a bien l’air
puisque tout le monde est convaincu
qu’il faudra bien en revenir au
confinement. Mais les choses sont plus
complexes. Macron navigue entre
l’indécision et la prudence, il a peur
de mouvements sociaux, de
manifestations semblables à celles qui
se produisent aux Pays-Bas et en
Allemagne, et ne veut pas suivre les
conseils du conseil scientifique qu’il
réunit régulièrement, ou du moins ne
veut pas les suivre immédiatement,
comme si cela était un signe de
faiblesse. On a dit que le politique
passait avant le sanitaire, ou que le
problème était de choisir entre le
politique et le sanitaire. En fait,
l’actuel président est l’a
meilleure illustration de la pratique
solitaire du pouvoir. Il ne se
différencie de De Gaulle que sur un
point : il crée des comités, des
conseils, qu’il réunit… Mais il attend
avant de décider seul. On voit bien
son pari : si les indicateurs
passaient subitement au vert, il
triompherait. Mais si c’était le
contraire ? Trump ou Bolsonaro
s’en sont tenu à un déni criminel et
il suffit de voir le nombre de morts
aux USA et au Brésil pour juger de
leur efficacité. Et Macron prend un
très grand risque.
Pour finir, quelques indications sur la façon
dont les psychologues expliquent la
procrastination. Les façons plutôt,
car ils ne sont pas tous d’accord
entre eux. Ce
qu’ils
appellent les « retardataires
chroniques » seraient
caractérisés par de l’anxiété, du
manque d’apprentissage, du manque
d’estime de soi, mais aussi par de
l’impulsivité, et par une activité
frénétique dans des domaines n’ayant
aucun lien avec la décision urgente à
prendre. Vous avez donc le choix pour
décider par vous-mêmes de ce qui
caractérise le mieux Macron. Quant à
savoir si le nombre de morts à venir
lui donnera tort ou raison, c’est une
autre histoire.

28
janvier 2021 : Bientôt des
dessinateurs manchots?
Vous connaissiez (oui, c’est le passé qui
convient désormais) peut-être les
dessins de Xavier Gorce dans Le
Monde, les indégivrables. Il
mettait en scène des pingouins qui, le
plus souvent échangeaient des propos
drôles, décalés, souvent givrés, c’est
le cas de le dire. Le dernier en date
présentait une jeune pingouine
interrogeant un aîné : "Si
j'avais été abusée par le demi-frère
adoptif de mon père transgenre devenu
ma mère, est-ce un inceste?"
Cela peut faire rire ou pas, j’avoue que pour
ma part j’adore ces phrases
alambiquées ou paradoxales, qui vous
font vous gratter la tête, tourner les
mots dans tous les sens. Et ce dessin
m’a fait rire. Mais la direction du Monde,
a reçu des protestations : ce
dessin serait une attaque contre
l’homoparentalité ou les transgenres.
Ni une ni deux, le dessin a été retiré
et le journal a présenté ses excuses
au lecteurs. Et le dessinateur,
désavoué, a décidé de quitter le
journal.
Si le dessin m’a
fait rire (mais il a pu en choquer
d’autres), j’ai été en revanche choqué
par une forme de lâcheté de la
direction du journal, par sa peur face
aux réseaux sociaux. La presse unanime
avait en 2015 apporté son soutien à Charlie
Hebdo et, plus récemment, a
largement rendu compte du procès des
complices de cette tuerie. Mais, en
semblant vouloir aseptiser ce que
produisent ses propres dessinateurs,
elle semble du même coup laisser à Charlie le soin de faire rire de façon
grinçante irrespectueuse
et salutaire. Et sa position, prudente
et couarde à la fois, pourrait
s’exprimer ainsi : puisqu’ils le
font, nous n’avons pas à le faire… Mais,
en même temps, c’est le principe de
l’autocensure qui se met en place.
Pour ceux qui ne connaissant pas Gorce, voici
quelques exemples de la
production :
Un pingouin annonce « Selon notre
dernier sondage, 100% des abrutis
refusent d’être
vaccinés… « Et l’autre réplique
« C’est stable ». Ou
encore l’un déclare « Le virus de
l’antisémitisme a muté et l’autre
ajoute « Mais c’est toujours la
même souche… » .
Un dernier, qui s’applique plus
particulièrement à la situation
actuelle : « Vous avez votre
passeport sanitaire d’humour ? ».
C’est
bien la question. Les pingouins de
Gorce ont donc quitté Le Monde mais
l’on
peut craindre que ce départ annonce la
naissance d’une génération de
dessinateurs manchots.
Ce qui me rappelle un passage d’une des
versions de Temps difficiles de Léo Ferré On avait découvert qu’un
médicament utilisé pendant les années
1950 et 60 par les femmes enceintes,
la thalidomide, donnait de graves
malformations. A Liège, une femme
ayant consommé d la Thalidomine
pendant sa grossesse avait donné
naissance à un enfant sans bras et
l’avait euthanasié. Procès de la
grand-père, de la mère, de sa sœur et
du père. Ils sont tous acquittés. Et
Ferré avait chanté :
« Le Vatican n’est pas d’accord
Il dit qu’à Liège on a eu tort
Quand tu verras un pape sans bras
Avec quoi donc il t’bénira ? »
Qui pourrait aujourd’hui entonner cela ?

24
janvier 2021 :
Sociolinguistique et vérités
altertnatives
Il
s’est
passé quelque chose de très
particulier au début de ce mois sur la
liste de discussion sociolinguistique
du RFS (réseau francophone de
sociolinguistique). A l’origine,
l’annonce de la publication d’un
ouvrage de Patrick Charaudeau (La
langue n’est pas sexiste, pour une
intelligence du discours de
féminisation), avec la photo de
la couverture et un court texte de
présentation :
«
La langue n’est pas sexiste. C’est le
sujet qui parle, qui écrit, lequel est
à la fois maître et esclave de son
usage, qui peut ajouter à ses façons
de parler des relents de sexisme. Mais
il peut également y échapper par des
usages intelligents. C'est donc du
discours qu'il est question — et non
de la langue — faisant que seul le
sujet parlant est responsable de ce
qu'il dit. Tout ce qui concerne la
féminisation de la langue, de la
critique sexiste à la transformation
des noms de métier, du genre
grammatical à la féminisation des
formes, est passé en revue sans
oublier l'écriture inclusive qui
propose des transformations d'usage de
la langue, dont l'auteur examine les
bonnes et les mauvaises
solutions ».
Immédiatement,
des interventions se succèdent, sur le
ton ironique (« Enfin le retour
du bon ou mauvais en linguistique !
Féministement »
ou agressif (« le problème
commence au-delà du contenu du livre,
étant donné la formulation des titres
et sous-titres, qui encore une fois
annoncent une « raison » et
une « intelligence »
masculines pour éclairer les autres
qui en étaient forcément
dépourvues »).
L’ouvrage
est attaqué essentiellement parce
qu’il est écrit par un homme et qu’on
lui prête un
point de vue masculin (prêtez
attention aux pronoms : ils,
eux) :
« Je
pense qu’il faut les ignorer ou bien
écrire ailleurs autre chose : ils
n’attendent que cela car plus personne
ne parle d’eux… C’est leur faire trop
d’honneur ! Leur parole ne compte
plus, plus personnes ne les connaît…
Inventons ailleurs, sans eux, on n’a
pas besoin d’eux ».
Ce
sont
donc les hommes qui sont attaqués,
puis, par élargissement progressif,
les hommes professeurs et enfin les hommes, professeurs donc,
et vieux, « qui contribuent petit
à petit à restreindre la portée
politique de la sociolinguistique à
une discussion de comptoir entre vieux
machins » et en outre sont
traités de « masculinistes et
autres cryptofascistes ».
Résumons tout cela : un homme n’a
pas le droit d’écrire sur le thème de
la féminisation parce qu’il n’est pas
femme, qu’il est en outre professeur
et vieux. Ce qui semblerait signifier
que seules de jeunes linguistes sans
poste auraient le droit à la parole
sur ce thème. Il y a dans cet
enchaînement un condensé de
discriminations : contre les
hommes, vieux, professeurs, voire
professeurs retraités. Il ne manque à
cette litanie de discriminations que homme
blanc pour clore le tableau.
Bref les injures volaient bas
(« cryptofascistes »,
« vieux machins ») et l’on
cherchait en vain le moindre argument
théorique contre le livre qui avait
déclenché cette tempête.
Il
y
avait à cela une raison très
simple : personne ne l’avait lu car il n’était pas encore
publié. Il s’agissait donc uniquement
d’un procès d’intention contre un
sexe, une classe d’âge et une
fonction. Il peut paraître étonnant de
trouver cette absence totale de
déontologie (condamner un livre n’on
n’a pas lu), ce racisme et ce vide
théorique sur une liste dont le but
est d’accueillir un débat scientifique
et non pas des invectives ou des
insultes. Il va sans dire, mais cela
va peut-être mieux en le disant, que
je correspond tout à fait à la cible
que je viens de définir : je suis
un homme blanc (nobody is perfect) et
professeur d’université à la retraite.
On n’a pas encore parlé dans ces débats
de « vieux cons »
(simplement de « vieux
machins ») mais j’aime bien quand
Georges Brassens chantait « le
temps ne fait rien à l’affaire, quand
on est con, on est con, qu’on soit
jeunot qu’on soit grand-père, quand on
est con on est con », à condition que l’on puisse aussi
remplacer con par son
contraire (et je vous laisse le soin
de chercher les antonymes de con).
Venons-en
donc à corps du délit, puisque procès
il y a. Patrick Charaudeau part dans
son ouvrage, avec une sérénité toute
scientifique, de la définition des
notions sur lesquelles il considère
qu’il faut se mettre d’accord pour
pouvoir débattre. La distinction entre la langue
comme système, comme norme ou comme
discours, l’histoire de la grammaire
ou de la graphie, le genre
grammatical, les catégories de genre
et de sexe, le neutre, etc… En passant
il explique comment l’importation des gender studies en vogue aux
Etats-Unis a donné en français au genre un autre sens,
produisant une série de dérivés comme genré, agenre, dégenré,
en introduisant une confusion entre le
genre grammatical et le genre sexué.
Puis il évoque différentes
propositions de féminisation de
l’écriture ou des noms de métiers,
parmi lesquelles, bien sûr, l’écriture
inclusive et le point médian, en
souligne les inconvénients et les
avantages. Bref il pose les bases d’un
débat scientifique en rappelant, je le
cite, que pour parvenir à « une
égalité sociale entre les hommes et
les femmes, il est évident qu’il faut
éviter toute discrimination dans la
façon de parler ». Mais, au
centre de sa réflexion, ce que résume
parfaitement son titre, la langue
n’est ni sexiste, ni fasciste, ni quoi
que ce soit d’autre, c’est le discours
qui peut l’être. Je ne vais pas
résumer tout son livre, ceux que cela
intéresse peuvent aller y voir (il est
publié aux éditions Le bord de
l’eau).
Ce
que
je retiens pour ma part de la démarche
de Charaudeau et de la polémique que
j’ai rappelée est d’abord qu’il est
préférable de lire un livre avant de
le critiquer. J’ajouterais qu’on ne peut pas être
sociolinguiste sans être linguiste,
voire même historien de la langue. Et,
surtout, que la différence martelée
par Charaudeau entre langue et
discours est fondamentale. Lorsqu’on
lit avec soin le livre de Victor
Klemperer sur la langue du III° Reich,
on se rend compte qu’il n’y aurait
aucun sens à considérer que l’allemand est une langue
nazie : les nazis parlaient
allemand et c’est dans leur
utilisation de cette langue, dans leur
discours donc, par différents
procédés, qu’ils encodaient leur idéologie nazie. Dire
qu’une langue est nazie, sexiste ou
fasciste (Barthes s’est laissé aller à
cette dernière affirmation) est une
grosse bêtise dénuée de sens
scientifique.
On
peut
espérer que le livre Charaudeau
permettra un débat dépassionné et
serein, mais j’en doute. Trump
a quitté la maison blanche, ce qui
n’empêche pas, selon les
journalistes spécialistes des USA,
le trumpisme d’être toujours vivant.
Ce qui est sûr, c’est que si le
susdit Trump avait déposé un brevet
pour l’usage de fake news,
ou des vérités alternatives,
bien des intervenants de la liste
RFS lui devraient des royalties.

22
janvier 2021 : Merci à Trump
Donald Trump a eu l’inélégance de quitter la
maison blanche mercredi matin sans
être présent à la prestation de
serment de Joe Biden. Mais, avant de
prendre l’avion qui devait le mener à
sa résidence dorée de Floride, il a
fait une sorte de parodie de meeting
sur le tarmac de l’aéroport,
présentant une version idyllique de son mandat, de
ses succès imaginaires, de ses actions
magnifiées, bref en ajoutant quelques
mensonges de plus à son palmarès.
Et, comme dans chacun de ses meetings, la
« bande son » comportait
deux titres qui vont le retenir, YMCA interprété par le groupe Village
People et My Way interprété
par Franck Sinatra. La fin de
ce dernier titre peut d’ailleurs
s’entendre comme un plaidoyer pour ses
mensonges :
« Yes, there were times,
I'm sure you know
When I bit off more than I could chew
But through it all when there was
doubt
I ate it up and spit it out
I faced it all and I stood tall
And did it my way
The record shows I took the blows
And did it my way”
Alors, pourquoi « Merci à
Trump ? » Pas pour ses
mensonges, bien sûr. En fait ce n’est
pas moi mais le show-biz français qui
devrait le remercier. Je ne sais pas
si l’ex-président a compris que
Village People était un groupe du
genre « machogay » et que YMCA appelait les « young
men » à prendre du plaisir dans
l’ « Association Chrétienne des
Jeunes Hommes » (c’est le sens du
sigle anglais), mais il ne savait
sûrement pas que la musique de cette
chanson a été composée par deux
français (Henri Belolo et Jacques
Morali) qui étaient en même temps les
producteurs du groupe. Quant à My
Way, c’est à l’origine une
musique de Jacques Revaux et Claude
François (pour la chanson Comme
d’habitude), adaptée en anglais
pour Paul Anka puis reprise par
Sinatra. Donc… Donc, si Trump a payé les
droits des musiques qu’il utilisait
dans ses meetings, une bonne partie de
cet argent a été versée à la SACEM, ce
pourquoi je me permets de le remercier
au nom du show-biz français qui aurait
dû le faire mais semble ne pas avoir
la reconnaissance du ventre.
A moins que… à moins que Trump ne paie pas
plus les droits musicaux que ses
impôts…

16
janvier 2021 : Sodomisation de
diptère brachycère
On connaît le paradoxe du Crétois qui
déclarait : « tous les
Crétois sont menteur ».
Mentait-il ou disait-il la
vérité ? A priori, puisqu’il
était crétois, il mentait et donc sa
phrase était un mensonge, et les
Crétois n’étaient pas menteurs. Dès
lors il disait la vérité et les
Crétois étaient menteurs… On peut
sortir de cette aporie en
disant que la langue n’est pas
nécessairement faite pour dire la
vérité, et que le problème n’a aucun
intérêt, ou qu’il s’agit (pour tenter de l’exprimer en
termes choisis) d’une sodomisation de
diptère brachycère. Imaginons
maintenant que, sans être lui-même
journaliste, quelqu’un déclare que
tous les journalistes sont menteurs.
Fini le paradoxe, et cette assertion
permettrait de savoir quelle est la
vérité : le contraire de ce disent les journalistes.
Mais les deux affirmations (tous les Crétois
ou les journalistes sont menteurs) ont
en commun de pécher à la fois par
excès de généralisation et par absence
de réflexion sur ce qu’est la vérité.
La première cependant, celle du
Crétois, ne disposait pas de tweeter,
de face book ou de tout autre
déversoir d’ego, et il ne pouvait donc
guère faire de mal. Ce qui n’est pas
tout à fait le cas aujourd’hui, et
vous voyez où je veux en venir. Le
changement de locataire de la maison
blanche qui va se produire mercredi ne
changera sans doute pas grand-chose
aux flots d’egos, complotistes ou
autres, se
déversant sur les réseaux sociaux,
mais il leur manquera leur principal
porte-voix. A moins qu’un autre
surgisse.
Nous pourrions cependant nous débarasser de
cette avalanche de « vérités
alternatives » ou de « fake
news » en changeant
légèrement de point de vue. Vous vous
souvenez peut-être au moins du titre
d’un ouvrage de Pierre Bayard publié
en 2007, Comment parler des livres
qu’on n’a pas lus ? Je
voudrais pour ma part vous rappeler un
petit passage du livre (qu’il est bon
de lire) de
Victor Klemperer sur la langue du 3ème Reich :
« On cite toujours cette phrase de
Talleyrand, selon laquelle la langue
serait là pour dissimuler les pensées
du diplomate (ou de tout autre homme
rusé et douteux en général). Mais
c’est exactement le contraire qui est
vrai. Ce que quelqu’un veut
délibérément dissimuler, aux autres ou
à soi-même, et aussi ce qu’il porte en
lui inconsciemment, la langue le met à
jour »
Il ouvrait la voie à toutes les analyses de
contenu, analyses rigoureuses mais
moins faciles (et moins marrantes) que
les affirmations à la Trump. Pour ma part, je ne trouve pas de chute
marrante à ce billet. Sauf que,
peut-être, je penche moi-même du côté
de la sodomisationdes diptères
brachycères.

9
janvier 2021 : Fascisme
rampant aux USA. Et chez nous?
Pendant quatre ans
nous avons vu un adolescent en
surpoids, colérique, exigeant
d’obtenir immédiatement tout ce qu’il
voulait, et des adultes lui passant
tous ses caprices. Ces adultes étaient
bien sûr les parlementaires
républicains et l’adolescent colérique
et en surpoids Donald Trump.
Caricature ? Oui, mais les
caricatures, en grossissant les
traits, révèlent toujours quelque
chose de la réalité. Trump a été battu
lors qu’une élection dans laquelle son
concurrent a obtenu sept millions de
voix de plus de lui. Il a, en
conséquence, obtenu 232 grands
électeurs contre 302 pour Biden. Ses
recours ont été refusées par
différents juges, y compris ceux de la
cour suprême. Ainsi posé, le problème
serait résolu aisément par n’importe
quel élève de primaire : Biden a
été élu. Mais dans la cour de l’école,
une centaine de congressistes
républicains a continué à nier
l’évidence, à donner à l’enfant
colérique ce qu’il voulait. Comme lui,
ils affirment que la victoire lui a
été volée. Et c’est la réalité qui
devient caricature.
Ces gens dont la
fonction est de voter les lois, de les
faire appliquer, soit se foutent de la
constitution comme de leur première
sucette et ne pensent qu’à leur
réélection, qu’à plaire à leurs
électeurs, soit croient réellement aux
théories complotistes, à une puissance
occulte, marxiste et pédophile, qui
dirigerait en sous-main le pays… En
bref, ils reprennent les délires de
l’adolescent colérique, et l’on se
demande s’il y a des adultes dans les
salles du Congrès. Pendant ce temps
l’adolescent colérique joue toujours
de la menace, sur le mode « t’ar
ta gueule à la récré », et ils
s’écrasent, pensant toujours qu’il
risque de ruiner leur carrière
politique s’ils s’opposent à ses
caprices.
Et puis les choses
changent de genre. Dans sa cour de
récréations, Trump a donc mobilisé ses
troupes, les appelant à marcher sur le
Capitole. En voyant ces images, on a
d’abord des souvenirs scolaires, la
marche sur Rome des partisans de
Mussolini en octobre 1922, la marche
sur l’assemblée nationale de l’extrême
droite française, en février 1934, des
souvenirs du passé. Et l’on se dit que
tout cela est loin, loin dans le temps
et loin dans l’espace. C’est loin,
Mussolini, c’est loin Washington.
Loin, vraiment ?
Le spectacle cette
horde à la fois folklorique et
fascisante enfonçant les portes du
Pentagone, brisant des vitres,
menaçant des congressistes, n’est pas
si exotique (en son sens
premier : qui vient de loin) ni
si éloigné dans le temps qu’on
pourrait le croire. Ces mouvements
antidémocratiques et ce fascisme
fascisant sont partout, y compris à
nos portes. Il n’y a pas que les
évangélistes américains qui mettent
dieu avant les lois républicaines, il
y a aussi, chez nous, les intégristes
musulmans ou catholiques. Il n’y a pas
que les proud boys américains qui
cassent à tout va, il y a aussi, chez
nous, les black blocs et certains
gilets jaunes. Le complotisme n’existe
pas qu’aux Etats-Unis, il fleurit
aussi chez nous. Sans parler de la
lâcheté et de l’arrivisme du personnel
politique, qui se portent assez bien
ches nous.
Alors, dire que ce
spectacle déshonore la démocratie
américaine, considérer comme fou
furieux celui dont nos dirigeants ont
serré chaleureusement la main, se
demander si la police américaine a
laissé faire, si elle n’aurait pas
réagi différemment dans le cas où la
horde trumpiste aurait été composée de
Noirs, tout cela n’est-il pas une
façon de ne pas balayer devant notre
porte ? Un tour de passe-passe en
quelque sorte, pour faire oublier, si
nous n’y prenons garde, que ces
dérives pourraient nous menacer nous
aussi, un jour ou l’autre.

5
janvier 2021 : Peaux de
bananes
Les politiques ont
l’habitude des peaux de bananes que
certains (le plus souvent, mais pas
toujours, leurs adversaires) disposent
devant eux. Et, lorsqu’ils ne
parviennent pas à les éviter, ils
s’étalent. C’est là un des ressorts du
rire, comme l’analysait il y a plus
d’un siècle le philosophe Henri
Bergson. Parmi les procédés menant au
rire, il en est certains qui
s’appliquent assez bien à la situation
actuelle du gouvernement. Bergson
parlait par exemple de la
répétition, lorsque une même
scène grotesque se produit plusieurs
fois de suite, ou encore de l’effet
boule de neige, et sa thèse
générale était que ce qui provoque le
rire est la superposition sur du
vivant d’un effet mécanique.
Revenons donc à la
peau de banane. Un homme (mais ça
fonctionne aussi avec une femme)
marche tranquillement (c’est du
vivant) quand soudain il glisse et
accomplit un mouvement qui peut faire
penser aux acrobaties d’un break
dancer mais qu’il est plus
simple de décrire en disant qu’il se
casse la gueule. La peau de banane
peut s’être trouvée là par hasard (un
chimpanzé passait par là et, après
avoir dégusté son fruit, en a jeté la
pelure) ou avoir été déposée
intentionnellement.
Mais il est un
troisième cas de figure, qu’illustrent
bien le président Macron et son
gouvernement. Prenez l’affaire Benalla
(au fait, quand passera-t-il devant
les tribunaux, Alexandre
Benalla ?) : personne n’a
transformé ce proche du président en
faux flic tabassant un manifestant. Ou
encore, personne n’a inventé un
ministre de l’intérieur, Darmanin pour
ne pas le citer, sortant inopinément
une loi dont l’article 24 a fait
beaucoup de bruit. Pas plus que de
sales gamins mal intentionnés n’ont
bricolé un discours sur l’inutilité de
masques qu’on n’avait pas, ou n’ont
imaginé un protocole de vaccination
ridicule.
Vous l’aurez compris,
le troisième procédé que j’annonçais
consiste pour quelqu’un à déposer
devant lui une peau de banane puis à
prendre son élan et à se précipiter
dessus. Patatra ! Glissade,
figure de break dance et on
se retrouve dans la boue… On peut
imaginer qu’un clown de livre
méthodiquement à cette figure, pour
faire rire bien sûr, c’est son métier.
Et on ne rirait pas si l’on ne l’avait
pas vu d’abord disposer soigneusement
son piège. Mais, en l’occurrence, il
ne s’agit pas d’un clown (enfin, pas
d’un clown professionnel), il s’agit
d’un président ou de ministres.
Beaucoup disent que l’opposition
n’existe plus aujourd’hui (et c’est
vrai qu’elle n’a pas beaucoup d’idées)
mais elle est inutile puisque le
pouvoir fournit lui-même les peaux de
bananes qui vont le ridiculiser. Bergson
n’avait pas pensé à ça, ou n’avait pas
rencontré ce cas de figure. Comme quoi
nous vivons une époque moderne… et
inventive.
J’ai
récemment entendu à la radio que la
canicule de 2003 avait tué 20% de
plus de femmes que d’hommes. Mon
sang n’a fait qu’un tour :
quoi, la canicule aussi serait
machiste ! Je suis tout d’abord
allé vérifier les chiffres. Il y a
eu, en août 2003, 15.000 décès en
excès (c’est-à-dire 15.000 de plus
que les années précédentes à la même
période), 87% d’entre eux avaient
plus de 70 ans et 65% étaient des
femmes. Je me suis alors dit que les
femmes vivaient plus longtemps que
les hommes et, là aussi, je suis
allé vérifier les chiffres
(rassurez-vous, je ne me suis pas
beaucoup fatigué, j’ai cherché les
statistiques officielles). Le petit
tableau ci-dessous, concernant la
population française par sexe au 1er janvier 2020, confirme encore cette
information :
Age
|
Nombre d’hommes
|
de femmes
|
95 ans
90 ans
85 ans
80 ans
60 ans
50 ans
40 ans
30 ans
20 ans
10 ans
1 an
|
16.359
57.533
122.243
173.240
407.015
439.368
405.284
385.549
398.800
428.212
365.656
|
53.442
128.482
202.703
234.771
438.821
449.572
425.335
408.207
379.795
408.308
350.503
|
On On voit qu’il y a davantage de
garçon que de filles à la naissance,
que la mortalité précoce des hommes
rétablit la parité autour de 40 ans,
et que plus on s’avance vers les
âges avancés et plus la proportion
s’inverse (l’espérance de vie est de
85 ans en moyenne pour les femmes
contre 80 pour les hommes).
Revenons
donc
à la canicule. Les chiffres
ci-dessus ne suffisent pas à
expliquer la surmortalité des
femmes. A 80 ans par exemple, les
femmes représentent 57% de la
population. Mais une analyse plus
poussée nous montre que cette
canicule a surtout frappé des
personnes isolées. Or les femmes
âgées vivent souvent seules (ce qui
est normal : les hommes meurent
avant). C’est donc les femmes âgées
et seules qui furent les
premières victimes.
Tout
ceci
me mène à la pandémie que nous
vivons actuellement et à quelques
conseils sanitaires aux messieurs
qui souhaiteraient échapper au
coronavirus. Pour peu que vous
lisiez parfois les journaux ou
écoutiez un peu les media
audiovisuels vous connaissez les
gestes barrières, inutile d’y
revenir. Vous savez aussi qu’il est
déconseillé d’aller danser toute à
nuit au milieu d’un millier de
personnes. Par ailleurs, il est
difficile de rajeunir. La seule
solution est donc de changer de
sexe. Renseignez-vous, il y a de
bons chirurgiens. Mais devenir
femmes ne suffit pas, il vous faut
aussi vivre en couple. Or plus vous
vieillissez moins vous trouverez
d’hommes (surtout si beaucoup
d’entre eux ont suivi mon conseil et
sont devenus femmes). Donc, pour ne
pas vivre seules (oui, je passe au
féminin), vivez avec une femme.
Après avoir changé de genre, changez
de sexualité. And fuck the virus…
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