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On trouve dans un article posthume d’Edward Saïd publié dans Le Monde diplomatique (Août 2004, mais je ne l’ai lu que récemment) des notations sur la langue arabe qui intéresseront tout ceux qui étudient le discours politique. L’auteur rappelle d’abord que le langage politique arabe n’utilise pas les « dialectes », les langues du peuple, mais la langue classique, notant par exemple que dans les interventions marxistes « les descriptions de classes, d’intérêts matériels, ceux du capital et du mouvement ouvrier, étaient arabisés et adressés, en longs monologues, non au peuple, mais à d’autres militants sophistiqués ». Et il poursuit : « Il y a soixante ans, on écoutait les orateurs et on commentait sans fin la correction de leur langage autant que ce qu’ils avaient à dire ». En d’autres termes, la forme comptait (et compte toujours) autant
sinon plus que le contenu.
Mercredi 20 décembre, Bruno Mégret s’est rallié
à la candidature de Le Pen avec enthousiasme, comme on va voir.
Il a en effet déclaré :
Décidément, la chanson continue de s’inviter dans
la campagne présidentielle, ce qui n’est pas pour me déplaire
: comme on sait, j’aime la chanson... On se souvient qu’en
juin dernier Laurent Fabius (tiens, il est bien silencieux en ce moment
!) avait utilisé dans un meeting une œuvre de Cali (C’est
quand le bonheur ?) et que l’auteur, non consulté,
lui avait demandé de la retirer. Or voici que Cali vient de rejoindre
Ségolène Royal. C’est quand, le bonheur ? « Il est nécessaire de porter à la fois le changement et la continuité ». Après la rupture tranquille il continue donc à puiser dans les archives. Mais, contrairtement à la chanson, il n'y a pas de droits d'auteur sur les formules politiques. Il lui reste l’indépendance dans l’interdépendance, jadis lancé par Edgar Faure. Le même Edgar, souvent accusé d’être une girouette politique, avait répondu un jour : « ce n’est pas la girouette qui change, c’est le vent ». Sarkozy entrerait-il dans une zone de tempêtes ?
Depuis quelques mois je me suis attaché à pointer les
lapsus des politiques, afin de montrer comment leur inconscient se manifestait
à fleur de mots. Inconscient car, bien sûr, le lapsus est
par définition involontaire. Et les différents exemples
glanés, que je vous ai le plus souvent fait partager, étaient
de ce point de vue instructifs. Imaginons les psychanalystes au service du pouvoir iranien : Ouf, enfin un vrai lapsus!
Dans un édito de Libération du 13 décembre:
Hier je vous parlais du rapport approximatif de Françoise de
Panafieu à la formule d’origine latine L’homme
est un loup pour l’homme. Mais elle ne s’en est pas
tenue là pendant le récent forum de l’UMP. Quelques
phrases plus loin, en effet, elle disait : J’ai deux amour, mon pays et Paris En fait Panafieu a dit « libérer son Paris », elle
ne l’a pas écrit, et cette transcription est un choix:
on pourrait tout aussi bien entendre «son pari», même
s'il est probable qu'il s'agissait bien de Paris. Alors, Paris
ou pari ? Dans le second cas, Panafieu aurait-elle fait un
pari dont elle voudrait se libérer ? Ou penserait-elle qu’un
jeune loup (voir hier) pourrait la forcer à s’en libérer
? A suivre...
Le loup semble à l’honneur dans le paysage politique... « défendre le postier catalan ou le médecin savoyard plutôt que l’ours slovène ou le loup de Sibérie ». Cette formule se prête à diverses interprétations. Tout d'abord, elle rappelle bien sûr celle de Jean-Louis Tixier-Vignancour, candidat de l’extrême droite aux présidentielles de 1965 (son directeur de campagne s’appelait Jean-Marie Le Pen) : "la Corrèze avant le Zambèze". Mais là où Tixier-Vignancour critiquait l’aide
aux pays sous-développés, Villiers oppose le postier ou
le médecin à l’ours ou au loup, ce qui paraît
étrange et ne plaira pas nécessairement aux postiers ou
aux médecins.Il est vrai que l’ours est slovène,
le loup de Sibérie, et qu'il pense peut-être faire peur
par ces références d’un autre âge à
d’anciens pays de l’est. A moins qu'il ne veuille affirmer
des positions anti écologistes? "le loup est un loup pour l’homme" ce qui est une évidence : le loup est un loup, pour n’importe
qui. Elle voulait bien sûr dire l’homme est un loup
pour l’homme, décalquant la formule latine homo
homini lupus, mais voilà, elle a parlé trop vite
et s’est plantée. Quand on parle du loup on voit sa queue... Méfi, comme on dit en Provence, ou encore gaffe en bon français!
Changement de genre, en effet, après cette rafale de billets sur le discours politique (mais il n'y a pas que ça dans la vie, ni dans mon travail). Demain, dans toutes les librairies, vous trouverez la nouvelle édition de Cent ans de chanson française. La dernière édition en poche était la même depuis quinze ans. J'ai tout mis à jour, refait ou complété les anciens articles, j'en ai ajouté plus de 150 nouveaux, bref c'est un autre livre. 520 pages pour 22 euros, c'est donné! Il y a dans Charlie Hebdo un rubrique "spécial copinage". C'était aujourd'hui la rubrique "autocopinage"...
L'actualité linguistico-politique est décidément trop riche: j'ai oublié hier de commenter un passage de la prestation de Nicolas Sarkozy sur Antenne 2. Dans la partie économique de son intervention, il a en effet évoqué une usine de céramique de Limoges qui s'était reconvertie en fabriquant "des prothèses pour réparer les factures" Il voulait, bien sûr, parler de fractures. Mais quelle dette secrète ou inconsciente ce lapsus révèle-t-il? S'agit-il d'ailleurs d'une dette? De plusieurs dettes secrètes ou inconscientes? Je n'en sais bien entendu strictement rien, mais j'aime bien ces petites failles dans le discours, lorsque percent, à fleurs de mots, d'étranges refoulés...
Tout d'abord, tentative de restitution d'une ambiance. Hier soir j'étais invité à l'émission 88 minutes d'une chaîne du cable, direct 8. Nous étions quatre à avoir quelque chose à vendre, chacun son livre, et une députée socialiste qui n'avait rien à vendre mais était visiblement là pour faire contrepoids à un sénateur UMP, "sarkozyste de choc" selon le Canard enchaîné, qui, lui, avait écrit un livre. La femme et l'homme politiques affichèrent donc leurs différences, l'une de gauche, l'autre de droite. Mais ils se retrouvèrent unis sur les mêmes positions lorsque j'ai commencé à parler du discours politique, pour dire en gros que cela n'avait aucune importance, que les mots n'étaient que des mots... Petit détail: à l'écran, en marquant leurs différences, ils se vouvoyaient. En coulisse, avant l'émission, ils se tutoyaient et se faisaient la bise. C'est sans doute ce qu'on appelle le spectacle... Jeudi soir, à la mutualité, meeting de la Ligue Communiste. Olivier Besancenot déclare: "Je préfère parler d'anticapitalisme que d'antilibéralisme". Jusque là, avec la "gauche du non", il parlait d'antilibéralisme. Mais au même moment, comme on sait, il s'éloigne des comités antilibéraux et confirme qu'il fera cavalier seul aux présidentielles. Comme le disent la députée socialiste et le sénateur UMP, les mots ne sont que des mots. J'ai dans ma précédente rubrique évoqué le nouveau slogan de Nicolas Sarkozy, La rupture tranquille, soulignant qu'on ne pouvait pas ne pas y entendre un écho de celui de François Mitterrand en 1981, la force tranquille. Sur France Inter vendredi matin nous expliquions avec Jean Véronis qu'il y avait là une entreprise d'adoucissement vers laquelle les conseillers de Sarkozy l'entrainent en ce moment.Rupture est en effet un mot lourd, porteur d'agressivité, de drame. Il renvoie à une rupture d'anévrisme, de contrat de travail, de cable de téléphérique ou de couple. L'adjectif tranquille adoucit donc le mot, mais comme le disent la députée socialiste et le sénateur UMP, les mots ne sont que des mots. Dans un article du Journal du dimanche, Michèle Stouvenot explique que les communiquants jugent "stupide et creux" ce slogan, la rupture tranquille qui constitue un oxymore, comme jadis la continuité dans le changement de Giscard d'Estaing. Mais il ne s'agit que de mots comme disent la députée socialiste et le sénateur UMP. Samedi après-midi, sur fond de montagnes pyrénéennes, François Bayrou présente sa candidature. Ses conseillers en communication lui ont conseillé (c'est leur travail, aux conseillers, de conseiller) de ne parler ni de droite, ni de gauche, ni du centre, mais du PS et de l'UMP. Et l'un de ses partisans, l'ancien général Morillon, déclare: "Cette séparation idéologique entre droite et gauche ne correspond plus à rien. Il faut faire péter ces structures" Ni gauche, ni droite, donc. Mais la députée de gauche et le sénateur de droite disent que les mots ne sont que des mots. Enfin jeudi soir, sur Antenne 2, David Pujadas ouvre le journal en annonçant que le pape, en visite à Istanboul, est entré dans la mosquée bleue "chassé...euh chaussé de babouches". Mais, bien sûr, comme le disent la députée socialiste et le sénateur UMP chassé et chaussé ne sont que des mots.
Lorqu'en février dernier Ségolène Royal avait lancé son Ordre juste Cambadélis, qui au PS soutenait alors un autre candidat, s'était moqué: C'est juste de l'ordre. Le 3 novembre, Nicolas Sarkozy entrait dans la valse des mots en disant qu'il était lui aussi pour « l’ordre juste », qu'il l'avait dit le premier, ce à quoi Royal rétorquait qu'avec lui on avait surtout un Désordre injuste. Mais voilà que Sarkozy vire de bord et se moque à son tour en reprenant la formule de Cambadélis: C'est juste de l'ordre. La valse des mots devient alors une valse-hésitation et l'on se dit que les politiques sont parfois à court d'imagination pour se piquer ainsi leurs formules, les rejeter, les ridiculiser puis les reprendre... Quoiqu'il en soit, François Mitterrand n'est plus là pour signaler au petit Nicolas qu'avec la rupture tranquille, relookage tout récent de la rupture dont il nous abreuve depuis un an et demi, il lui a piqué en partie sa force tranquille. Mais tout de même, on se dit parfois qu'ils manquent d'imagination! A propos, vous avez sans doute vu que la presse d'aujourd'hui a un scoop: Exclusif, Nicolas Sarkozy se présente (C'est le titre de France Soir).
Pour ceux que l'histoire de la lexicographie, et donc des dictionnaires, intéresse, vous pouvez jeter un coup d'oeil sur un article que j'ai consacré aux 40 ans du Petit Robert. C'est dans une revue que j'aime bien, à laquelle je collabore depuis longtemps: Le Français dans le monde. Bonne lecture sur le web: http://www.fdlm.org/fle/article/348/robert.php
Dans l'histoire des tentatives d'intervention sur la langue il existe
un document de base pour l’étude de l’évolution
du latin, L'Appendix Probi , attribué au grammairien
Probius (3eme-4ème siècles) mais sans doute rédigé
vers 700 par des moines de Bobbio (Emilie Romagne). Quoiqu’il
en soit, nous disposons là d’une liste à double
entrée de mots ou d'expressions, sur le modèle «
dîtes...ne dîtes pas... : dans la colonne dîtes
on trouve une forme latine classique et dans la colonne ne dîtes
pas ce que disait vraiment les gens : speculum non speclum,
masculus non masclus, angulus non anglus, etc... Ce document utile
aux historiens de la langue témoigne bien sûr d’abord
d’un fort purisme : son rédacteur anonyme ne voulait pas
laisser aux linguistes de l’avenir des données historiques,
il voulait mettre un frein à la dérive du lexique.Mais
il n'empêche que nous pouvons en avoir une autre lecture et l'utiliser
pour comprendre l'histoire. « Si je dis « vie chère » au lieu de « pouvoir d’achat » ce n’est pas un hasard (...) La vie chère tout le monde comprend ce que cela veut dire, tandis que le pouvoir d’achat, lui, dépend des statistiques de l’INSEE qui s’obstine à la voir en hausse ». Et elle demandait encore à ses partisans de remplacer désormais pension modeste par petite retraite... Derrière celà, un constat: les politiques ont tendance à se payer de mots, des mots que ne comprennent pas toujours les électeurs, et Ségolène Royal veut parler la langue des gens, la langue du peuple. Certains ne manqueront pas de voir là du populisme. D'autres de faire un parallèle avec le 1984 de Georges Orwell: pension modeste ou petite retraite, qu'importe, ce qui compte c'est que les fins de mois sont difficiles. Mais je crois qu'on se tromperait à ne voir que cela dans cette entreprise qui constitue, à petite échelle certes, une politique linguistique. On peut bien sûr proposer une lecture ironique ou malveillante des propos de la candidate socialiste. Elle a lancé dimanche, lors de son investiture, des formules à connotation chrétienne ("aidons-nous les uns les autres"...) qui en ont fait sursauter ou ricaner beaucoup. Pourtant elle est peut-être en train de s'affranchir de la novlangue socialiste, d'un code poussiéreux, pour en inaugurer un autre (dont, bien sûr, l'avenir est d'être à son tour, un jour, poussiéreux). En attendant, là où Michel Rocard se proposait naguère de parler vrai, Ségolène Royal laissera peut-être le souvenir d'une volonté de parler clair.
Nous avons dans Combat pour l'Elysée signalé à quel point la vie privée de Nicolas Sarkozy affleurait dans son vocabulaire politique: il s'est mis à parler de rupture, puis d'immigration choisie et non pas subie, au moment où sa femme le quittait puis immigrait (temporairement) à New York. Il a apporté de l'eau à notre moulin le 12 octobre en déclarant: « Je veux l’unité de la famille, je suis le garant de l’unité de la famille ». Il parlait de l’UMP, bien sûr.... Or l'éditorialiste Jean-Michel Thénard écrit dans Libération d'aujourd'hui: "Depuis deux ans il réclamait la rupture! Mais à peine le spectre du divorce avec les chiraquiens ressurgit-il que s'organise aussitôt une réunion ce conciliation.Alors, rompre ou pas?" Décidément, Sarkozy n'échappe pas au vocabulaire des affaires de famille!
Alain Juppé est de retour! Dimanche soir il était invité au journal de Béatrice Schönberg, sur Antenne 2 (à propos, je commence à trouver un peu désordre que madame Borloo, femme de ministre, continue à présenter le journal, mais là n'est pas mon propos d'aujourd'hui). Interrogé sur les sifflets lors de la passe d'armes entre Sarkozy et Alliot-Marie lors d'une réunion de l'UMP, il réplique: elle a été sifflée? Et alors? Madame Royal elle aussi a été sifflée, et maintenant elle est candidate! "C'est le temps du débat. Puis vient le temps de la décision". Se rend-t-il compte qu'à suivre son raisonnement, c'est MAM qui pourrait être la candidate choisie par l'UMP? Mais le plus beau reste à venir. Après une belle faute de français ("nous avons convenu" là où l'on attendrait "nous sommes convenus"), il enchaîne en expliquant qu'Alliot-Marie "a soulevé de vraies questions: quelle est la différence entre discrimination politique.....pardon, positive...". Tiens donc! Il y aurait de la discrimination politique à l'UMP? Contre qui?
Le sociologue Pierre Bourdieu, qui a popularisé la notion d’habitus,
aurait pu étudier les goûts des Français en matière
de chanson. Quelque chose comme « dis-moi ce que tu écoutes
je te dirai qui tu es » : Brassens ou MC Solaar ? Juliette ou
Joey Starr ? Johnny ou Patrick (je veux parler de Patriiiiiiiiick !,
celui de la Bruelmania) ? Diams, Renaud ou Doc Gyneco ? Il ne l’a
pas fait mais nous avons en ce moment sous les yeux (ou plutôt
sous les oreilles) un corpus plein d’intérêt sur
les rapports entre la chanson et les hommes et femmes politiques. Il
fut un temps où les choses étaient simples : en gros on
chantait La Marseillaise dans les meetings de droite (ou dans
les manifestations aux Champs Elysées) et L’Internationale
dans ceux de gauche (ou dans les défilés entre la République
et la Bastille). Dans les deux cas, la chanson était utilisée
comme affiche, ce qui n’a pas changé. Mais cette campagne
électorale témoigne d’une redistribution des cartes
assez originale. Qu’on en juge ! Passons au PS. Le 24 juin, tenant meeting dans son fief de Seine Maritime,
Laurent Fabius entrait en scène sur une chanson de Cali, C’est
quand le bonheur ? On hésitait à interpréter
: s’agissait-il du bonheur pour lui s’il était devenu
président ou du bonheur pour la France qui l’aurait élu?
Toujours est-il que l’on fit savoir que toute sa campagne sera
mise sous le signe de cette chanson. Patatra ! Trois jours plus tard
Cali expliquait qu’il n’avait pas été consulté
et demandait à Fabius de retirer cette bande de ses meetings.
A la mi-octobre, nouvelle chanson, de Jean-Louis Aubert celle-ci, Temps
à nouveau , dans laquelle on apprenait que « les révolutions
se font maintenant à la maison », que « de monde
meilleur on ne parle plus », et dont le refrain scandait
J'ai eu beaucoup de plaisir, humain et scientifique, à collaborer avec mon ami Jean Véronis pour la rédaction de notre livre Combat Pour l'Elysée (en vente dans toutes les bonnes librairies, publicité gratuite). Hier soir nous avons, à Aix-en-Provence, présenté le livre lors d'un débat à la librairie Vents du Sud puis nous avons fêté l'arrivée du Beaujolais nouveau avec nos invités, dans un bistrot ami. Il y avait beaucoup de monde, la soirée a un peu duré, le Beaujolais pour une fois n'était pas mauvais, il y avait de la charcuterie, bref, vous avez compris que mon billet d'aujourd'hui ne sera pas très théorique. A propos, dans son Dictionnaire amoureux du vin, Bernard Pivot distingue entre les soirées Beaujolais gauche saucisson et droite pot-au-feu. Je vous laisse faire votre enquête pour savoir de laquelle il s'agissait. Mais Jean a eu le temps de me signaler que certains journalistes prenaient quelques libertés avec la déontologie, en utilisant notre texte sans nous citer... Il a réagi avec humour ce matin sur son blog, inventant une formule marrante, la calveronisation des esprits... Allez y jeter un coup d'oeil (http://aixtal.blogspot.com/) , vous allez vous amuser.
Une amie qui a assisté mardi dernier au meeting de Ségolène Royal à Paris m'a signalé qu'elle avait très souvent utilisé le mot pacte. Après une rapide recherche sur Internet, je me trouve en effet avec plus de 200. 000 occurences de S. Royal associée à ce mot. Petit florilège: Pacte socialPacte de stabilité des dépenses Pacte républicain Pacte de confiance avec la France Pacte à la loyale avec les organisations syndicales Pacte avec les enseignants Nouer un pacte avec les professeurs Ce dernier exemple me fait penser que, toujours selon mon informatrice, S. Royal avait dans ce même meeting fréquemment utilisé le verbe renouer. Petite recherche et bingo! Qu'on en juge: Renouer avec la croissance Renouer avec le coeur de notre électorat Renouer avec les couches populaires Renouer avec la victoire Renouer le dialogue avec des pays qui... Renouer le lien civique Cette dernière expression est celle qui revient le plus souvent. Dans renouer il y a noeud, bien sûr, et nouer des liens est une expression fréquente. Mais on peut aussi rompre les liens, en particulier lorsqu'on est pour la rupture. Yaurait-il là, au plan lexical, l'expression subliminale d'une opposition entre S. Royal et N. Sarkozy? Quoiqu'il en soit, et pour revenir à pacte, on sait que le mot vient du latin pactum, et qu'il désigne une convention, un accommodement. Faut-il dès lors craindre que Ségolène fasse, comme Faust, un pacte avec Méphistophélès, alias le diable?
A la fin du mois d’août José Bové annonçait
être : «prêt à assumer le rôle de
candidat unitaire antilibéral ». Ce n’est pas
sa candidature virtuelle qui me retient mais sa formule : candidat
unitaire antilibéral. On entendait en effet jusque là
parler de «la gauche de la gauche » ou de « la gauche
du non » et voilà qu’apparaissait une nouvelle définition
de ce que nous avions appelé dans Combat Pour l’Elysée
« la gauche sans nom » .
La mort de Jean-Jacques Servan-Schreiber me fait penser qu'il fut parmi les toutes premières personnalités française à voir son patronyme siglé: JJSS. Il en est une autre, Brigitte Bardot (BB), et un troisième, Pierre Mendès-France (PMF), mais j'ai l'impression (à vérifier) qu'il le fut plus tard, à postériori. Ils ne furent pas nombreux dans ce cas: ni de Gaulle, ni Pompidou, ni Mitterrand, ni Rocard , ni Chirac, ni Jospin pour ne citer que quelques hommes politiques n'ont eu cet "honneur". Honneur parce que le fait de voir son nom ainsi popularisé sous une forme siglée est, bien sûr, une preuve de notoriété. Si nous réfléchissons aux deux premiers exemples (JJSS, BB), les caractéristiques de leurs noms ne sont sans doute pas étrangères à ce phénomène: la duplication des consonnes, les allitérations ainsi créées, expliquent en partie ce devenir. Et aujourd'hui? A part DSK et MAM, pas grand chose. Pour Alliot-Marie, le sigle constitue un palindrome, c'est-à-dire qu'il se lit dans les deux sens, et ceci explique peut-être cela ( voici un autre palindrome: élu par cette crapule, et dans notre Combat Pour l'Elysée nous en suggérons avec Jean Véronis un troisième, qui pourrait s'appliquer à elle, non à ce canon...). Mais pourquoi DSK? Sont-ce ses services de communication (comme ceux de Bernard-Henri Levy, dit B-HL) qui l'ont imposé? Car la siglaison des noms est aujourd'hui plutôt le fait d'hommes d'affaires qui pratiquent la notoriété auto-proclamée (souvenons-nous de Jean-Marie Messier, JMM ou J2M....), depuis qu'un personnage du feuilleton Dallas s'appelait JR. On pratique en effet plutôt l'abréviation: Chichi et non pas JC pour Chirac, Sarko et non pas NS pour Nicolas Sarkozy, Ségo et non pas SR pour Ségolène Royal, Zizou et non pas ZZ pour Zinedine Zidane, etc... Sigle ou abréviation: du point de vue strictement linguistique, la différence est essentiellement que le sigle est un fait de "lettrés". Pour créer RATP (Régie Autonome des Transports Parisiens) il faut bien sûr savoir comment s'écrit "autonome" (si on l'écrivait "otonome", on aurait ROTP...). Dans les deux cas, l'existence de cette appellation raccourcie témoigne d'une connivence, d'un rapport affectif à la personne, mais la domination des abréviations témoignerait-elle de ce recul de l'orthographe dont on nous rebat les oreilles? Dans le doute, et pour militer pour le retour de l'orthographe (ainsi, peut-être, que pour satisfaire mon égo), je signe aujourd'hui mon billet: L-J C...
Dans Libération du 4 novembre, Gérard Lefort commente une photo sur laquelle le premier ministre, Dominique de Villepin, debout devant un micro, s'adresse à la presse. A droite le ministre de la justice, Dominique Perben, regarde son patron. Derrière, Nicolas Sarkozy regarde...le sol, comme s'il craignait de trébucher. Mais le regard du journaliste s'est porté, lui, sur les chaussures de Sarkozy. En effet, selon un bottier appelé en expertise, les talons compensés du ministre de l'intérieur lui donneraient dix centimètres de plus. Et de s'interroger: les talons du ministre seraient-ils à l'origine de ses migraines? Car "Le talon est mauvais pour la colonne, n'importe quelle porteuse d'aiguilles le confirmera". Décidément en forme, Lefort poursuit: "Si le ministre veut nous leurrer sur sa taille, que serait-ce sur ses mesures s'il est un jour président?" On se souvient qu'il y avait déjà eu des commentaires amusés à propos d'une photo prise à la Maison Blanche sur laquelle Sarkozy semblait avoir la même taille que Bush. Ce qui me fait penser à deux expressions françaises, "être de taille à", "être assez grand pour" qui, toutes deux, signifient "être capable de". Y aurait-il une taille minimum pour devenir Président de la République? Et, dans le débat démocratique, tous les candidats devraient-ils porter les mêmes chaussures comme ils disposent du même temps sur les ondes? Ce qui est sûr, c'est que ces talons compensés aux pieds s'apparentent à de la poudre aux yeux.
Dans l'arsenal des pièges, piques, méchancetés, chausse-trapes et autres gracieusetés que le clan Chirac distille à l'endroit de Sarkozy (au fait, ça n'a rien à voir bien sûr, sauf l'initiale de leur nom: qui avait baptisé Sartre "l'agité du bocal"?), nous avons vu (23 octobre) qu'une métaphore saisonnière était fort prisée chez les adversaires UMP du ministre de l'intérieur. Il est une autre formule qui s'inscrit dans la continuité. Souvenez-vous: il y a plusieurs mois qui paraissent plusieurs siècles (c'était avant le CPE et Villepin se voyait un destin, comme naguère Giscard), le Premier Minsitre déclarait: "L'élection présidentielle est la rencontre d'un homme et d'un peuple". Le 30 octobre, dans Le Figaro, Jacques Chirac reprend et
développe la formule: Tout est possible, en effet. Un homme (ou une femme) et un peuple: Traduisons: les procédures de désignation du candidat de l'UMP (à propos, avez-vous remarqué, ça n'a rien à voir, bien sûr, qu'UMP est l'anagramme de PMU?) n'ont rien à voir avec la conception gaulliste de l'élection présidentielle. Je crois que nous n'en avons pas fini sur ce thème. Chiraquiens, Chiraquiennes (ou Chiraquistes, comme vous voudrez), faites travailler vos méninges, pour alimenter cette chronique. Et merci par avance.
Les hommes politiques ont un rapport un peu schizophrénique aux
sondages. Tous ont l’œil fixé sur eux, tous en commandent,
mais tous les critiquent ou en diminuent l’importance lorsqu’ils
ne leur sont pas favorables ou lorsqu’ils sont favorables à
leurs adversaires... « La différence entre les sondages et les élections et la même qu’entre l’astrologie et l’astronomie », et il déclare en octobre « Les sondages sont par rapport à la réalité profonde de l’opinion, comme l’écume de la vague par rapport à la profondeur de l’océan». Sans doute aurait-il une autre vision, tout aussi poétique, si les sondages le favorisaient... Et Jean Glavany, qui était en faveur de la candidature de Lionel Jospin, quoique moins poétique, n’était pas en reste : « Je ne crois pas à tous ces sondages, qui sont de la pure abstraction théorique. Ils sont un élément indicateur de la popularité d’un candidat. C’est tout ». C’est tout, mais il est tout de même préférable d’être populaire qu’impopulaire...
« Les sondages d’octobre ne font pas les élections de mai. Sans doute y verra-t-on plus clair en janvier ». Le 20 du même mois, elle récidive à New York : « Les sondages du mois d’octobre ne sont pas forcément les résultats du mois de mai ». Et Jean-Pierre Raffarin livre dans Le Monde du 7 octobre cette pensée profonde : « Les vainqueurs de septembre ne sont pas toujours les vainqueurs
de mai. Entre l’automne et le printemps il y a un long hiver à
traverser ». « Toussaint en novembre, Noël en décembre »
Dans Libération d'aujourd'hui, une étonnanteet très longue tribune libre d'Abdelwahab Meddeb, intitulée L'islam et le dieu purifié. Le propos de l'auteur est de démontrer que "c'est à l'intérieur même du Coran que la solution gît pour règler la question de la violence et contrer la lecture opposée qu'en font les maximalistes littéralistes islamistes". Programme certes sympathique, même si le style est un peu lourd, mais le détail de la démonstration laisse rêveur. Après avoir rappelé qu'il y a dans le Coran des verset contradictoires, en particulier le verset IX, 29 dit de l'épée, qui prône le meurtre des non musulmans, auquel s'opposent trois autres versets qui disent à peu près le contraire, Meddeb se lance dans une discussion byzantine sur les versets "abrogeants" et "abrogés". En gros, la question est de savoir, lorsque deux versets sont en contradiction, lequel annule l'autre. Est-ce, dans l'ordre chronologique de la "révélation", le plus récent qui prend force de loi, ou faut-il considérer que "ce sont les premiers versets purement religieux, notamment révélés à la Mecque, qui doivent gagner leur éternité sur ceux qui ont été inspirés à Médine dans un contexte politico-juridico-militaire appartenant à une conjoncture datable". Moi qui espère depuis longtemps que des musulmans prennent enfin la parole contre la violence islamiste, j'avoue être surpris par ce type d'argumentation, qui rappelle fortement le débat sur le sexe des anges. On pose d'abord qu'il y a des contradictions dans le Coran (ça, tout le monde le savait), puis qu'il y a un moyen de choisir entre la bonne et la mauvaise leçon, mais que tout le monde n'est pas d'accord: le verset le plus "licite" est-il le plus ancien ou le plus récent? Bien entendu, on imagine que la réponse peut être conjoncturelle: ça dépend ce qui nous arrange... Mais que Libération publie ce genre de littérature est un peu étrange et laisse mal augurer de l'état de la pensée contemporaine. July, réveille-toi, ils sont devenus fous!
On parle beaucoup en ce moment du film Indigènes et la programmation mardi dernier sur Antenne 2 du film Harkis a augmenté la pression: ces problèmes seront sans doute au centre de la campagne présidentielle. Après avoir vu les deux, je me suis souvenu de la préface que Sartre avait écrite aux Damnés de la terre, de Frantz Fanon. Elle débutait ainsi: « Il n’y a pas si longtemps, la terre comptait deux milliards d’habitants, soit cinq cents millions d’hommes et un milliard cinq cents millions d’indigènes » Et il poursuivait : « Les uns disposaient du Verbe, les autres l’empruntaient ». Sartre avait un sens de la formule qui débordait le cadre de la formule. Souvenez-vous de sa préface à Aden Arabie de Paul Nizan : « Les communistes ne croient pas en l’enfer : ils croient au néant. L’anéantissement du camarade Nizan fut décidé ».
« qu'il faut bien sûr entendre l'Amérique du
Sud aux Américains du Nord ».
Cela fait deux fois au moins que le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkosy, manque à ses obligations pour cause de migraines. Il n'avait pas, il y a quelques mois, assisté à un conseil des ministres, il était hier absent du petit déjeûner qui réunit chaque semaine à Matignon (chez Monsieur de Villepin, donc) les dirigeants de l'UMP. Etymologiquement, la migraine vient du grec hémikranion par l'intermédiaire du latin hemicrania et désigne donc un mal qui affecte la moitié du crâne, ce qui laisse donc théoriquement disponible l'autre moitié. Mais Alain Rey, dans son Dictionnaire historique de la langue française, nous donne une intéressante précision qui, quoique non médicale, pourrait bien s'appliquer à la situation. Il explique en efffet qu'en français le mot a d'abord été utilisé avec le sens de "dépit" (ce pourquoi on dit de quelqu'un qu'on ne supporte pas il me donne la migraine). Mais qui donc pourrait bien filer la migraine à Nicolas Sarkosy?
Voilà, le livre sur lequel nous avons bossé pendant des mois avec Jean Véronis est sorti, tout beau tout neuf. Nous nous sommes bien amusés à l'écrire, j'espère que vous vous amuserez à la lire. Si vous voulez poursuivre le débat, jetez un coup d'oeil sur http://calveronis.blogspot.com
François Fillon est un ancien ministre chiraquien que Dominique
de Villepin n’a pas conservé dans son équipe. Du
coup, vexé, il a changé de fonds de commerce pour passer
avec armes et bagages au clan sarkozien. Le voici donc « conseiller
politique de Nicolas Sarkozy ». Nous pouvons donc supposer qu’entre
les deux hommes il y a un minimum de communication, qu’ils se
mettent d’accord pour parler d’une seule voix.
J'ai regardé récemment à la télévision un vieux polar d'Henri Verneuil, Mélodie en sous-sol, dialogues de Michel Audiard, et j'ai noté à la volée quelques répliques qui toutes concernent des sommes d'argent: -"Dis m'man, tu pourrais pas m'prêter cinq sacs? Tiens, v'là mille balles" -"J'te file une brique. Combien? Un million" -"Vingt sacs par jour" -"Dix mille sur les noirs" (à la roulette) -"Deux whiskies, ça fait cent francs". Le film date de 1962, la France vient de passer aux "nouveaux francs" et y restera pendant près de quarante ans avant de passer à l'euro, et nous avons dans ces extraits de beaux exemples de la façon populaire de compter à l'époque. D'une part des termes (sacs, balles, briques) venus de l'argot qui désignent tous les francs et, comme des fossiles aux yeux d'un géologue, témoignent de l'histoire de la société. Balle par exemple désignait à l'origine la livre, somme nécessaire à l'achat d'un ballot (ou d'une balle) de marchandise, tout comme un sac permettait d'acheter un sac de marchandise. Quant à la brique, immédiatement traduite en million (de francs), elle doit son nom au fait qu'un million en billets de mille francs (anciens) avait approximativement la forme et le volume d'une brique (celle qui sert à construire des murs). On note d'autre part dans ces dialogues une constanter alternance entre les anciens ("mille balles, un million) et les nouveaux ("cent francs") francs. Si nous traduisons tout celà, nous avons: -Cinq sac = cinq mille francs anciens = cinquante francs nouveaux -Mille balles = mille francs anciens = dix francs nouveaux (et un sac) -Une brique = un million de francs anciens = dix mille francs nouveau -Dix mille (francs anciens) = cent nouveaux francs. -Cent francs = dix mille anciens francs = dix sacs... D'un côté, donc, les francs officiels, les "nouveaux", de l'autre une pratique populaire qui d'une part a tendance à conserver les francs anciens et surtout compte en balles, en sacs, en briques, etc... C'est-à-dire que nous sommes à la fois dans une période de transition monétaire et lexicale (nouveaux/anciens francs) et face à une variation stylistique ou sociale (briques/balles/sacs). Pour le lecteur studieux, maintenant, exercices: 1) Traduisez-moi tout cela en euros. 2) trouvez les équivalents contemporains de sacs, balles, briques... Et une autre fois, si l'occasion se présente, je vous parlerai non plus de ces façons de compter mais des façons de nommer l'argent (fric, pèze, pognon, etc...) et de l'origine de ces mots.
De la même façon que les promesses n’engagent que
ceux qui les entendent, les mots, même assénés avec
force, n’engagent guère ceux qui les profèrent. Décidément les mots, même assénés avec force, n’engagent guère ceux qui les profèrent.
Je trouve dans le dernier disque de Diam's (Dans ma bulle) une feuille volante dont je vous livre un passage. "Nous, enfants de la république, de souche ou d'adoption, ne sommes ni représentés ni compris par les hommes politiques qui dirigent notre pays. 1 vote= 10 cocktails Molotov. Pour être représenté il faut se faire connaître. Il n'y aura pas d'autres 21 avril 2002. Il est temps de nous faire entendre. POUR VOTER, IL FAUT S'INSCRIRE SUR LES LISTES ELECTORALES Où et quand dois-je m'inscrire sur les listes électorales?" Suivent des conseils très précis pour s'inscrire sur les dites listes... Si vous êtes déjà inscrits, écoutez le disque de Diam's. Si vous n'êtes pas inscrits, inscrivez-vous et écoutez le disque de Diam's. Et n'oubliez pas le conseil de Léo Ferré: "Dans le cocktail Molotov, il faut mettre du martini, mon petit". J'ajouterai: une olive et un zeste de citron.
1.
Supermenteur fait des petits... En 2004 Nicolas Sarkozy avait promis, juré, que l'Etat ne descendrait pas au dessous de 70% du capital de Gaz de France. A voir ce qui se passe aujourd'hui, on se dit que supermenteur a fait un petit (pour ceux qui ont la mémoire courte, supermenteur est le surnom que les "Guignols de l'info" avaient donné à Chirac lors de la dernière campagne présidentielle) et que le rejeton est digne de son géniteur. C'est dans ce contexte que je livre à votre sagacité deux phrases récentes du bébé supermenteur. La première a pour but de définir la façon dont il compte faire campagne: « C’est parce que nous aurons tout dit avant que nous ferons tout après ». Par exemple: c'est parce que j'ai dit en 2004 que l'Etat garderait 70% du capital de GDF que j'appelle aujourd'hui à le privatiser. C'est justement dans le cadre de cette privatisation qu'apparaît la seconde perle de monsieur Sarkozy. Certains députés de son parti rechignent en effet à voter le texte qu'on leur propose et, pour les convaincre, il lance: "Il faut incarner l'avenir forcément en rupture, en étant solidaire du présent et sans renier le passé". Vous imaginez le drame des potaches si on leur proposait de commenter cette forte pensée à l'épreuve de philosophie du baccalauréat 2007! 2. Fausse couche Dans le genre formules creuses sitôt lancée sitôt démentie Lionel Jospin n'est pas en reste. Le 25 septembre il déclare avec le sérieux qui le caractérise: « Je suis le fils d’une sage-femme, j’irai au terme ». Deux jours plus tard il annonce qu’il renonce : fausse-couche ?
Lundi 25 septembre, Bernard Lavilliers présentait au théâtre du Châtelet, à Paris, un spectacle consacré à Léo Ferré. Ils sont au moins trois dans le métier, auteur-compositeur-interprètes reconnus, ayant une oeuvre importante et consacrant cependant une partie de leur temps à chanter quelqu'un d'autres: Lavilliers avec Ferré donc, Maxime Le Forestier avecGeorges Brassens et Jacques Higelin avec Charles Trenet. Il faut y ajouter des reprises ponctuelles, fréquentes, en particulier dans les disques collectifs. Tout a commencé en 1985 par l’initiative de Renaud (sans doute influencé par une initiative comparable de Bob Geldof, quelques mois auparavant) qui, sous le nom de Chanteurs sans frontières, réunissait trente six artistes chantant au profit de l’Ethiopie où sévissait la famine. Par la suite, après la création par Coluche des Restos du Cœur, des chanteurs se réunissaient autour d’une chanson écrite par Jean-Jacques Goldman (« Aujourd’hui on n’a plus le droit, ni d’avoir faim ni d’avoir froid », 1992):Les enfoirés étaient nés, suivis par Sol en si, groupe d’artistes se produisant et enregistrant au profit des enfants atteints du SIDA. Et, dans tous les cas, les artistes enregistrant pour une cause humanitaire interprétaient essentiellement des chansons écrites et composées par d'autres. Je ne vais pas faire la sociologie de ces reprises, ni leur histoire, je voudrais juste réfléchir sur ce phénomène du point de vue de la chanson, en me demandant ce qu'elles lui apportent ou ce qu'elles nous disent sur elle. La pire des choses pour un interprète serait de chercher à faire comme le créateur de l'oeuvre qu'il choisit de reprendre, de se glisser dans sa peau, dans ses gestes, dans sa voix, bref de l'imiter. Or c'est au contraire que nous assistons, et cela nous a donné quelques grandes réussites, comme Les mots bleus de Christophe par Bashung (Urgence), Quand j’aime une fois j’aime pour toujours de Richard Desjardins par Cabrel (Sol en si 1993), Jaurès de Jacques Brel par Zebda (Aux suivants), Le déserteur de Boris Vian par Eddie Mitchell et Le loup la biche et le chevalier d’Henri Salvador par Bernard Lavilliers (Ma chanson d’enfance) ou Mon camarade de Léo Ferré par Dominique A (Avec Léo). Et lundi soir, le public en grande partie composé de fans de Ferré découvrait dans l'interprétation de Lavilliers un autre regard, une autre compréhension de son oeuvre, avec des trouvailles orchestrales décoiffantes (il était accompagné par l'orchestre symphonique Pasdeloup dont les violons donnaient aux Assis -texte de Rimbaud-, à La Mémoire et la mer ou à Avec le temps des accents étonnants). De la même façon que le Jaurès de Brel cité plus haut est devenu une chanson de Zebda, bien des chansons de Ferré sont ainsi devenues des chansons de Lavilliers. Ce qui m'intéresse en fait dans ces reprises c'est qu'elles permettent de tester une oeuvre. La chanson de Brassens qui résiste à une autre interprétation, sans la voix de tonton Georges et sa façon de faire la pompe à la guitare, celle de Ferré sans la diction de Léo, sa façon parfois de dégueuler les mots, bref la chanson qui peut supporter de changer d'interprète y gagne ses galons de grande chanson, fait la preuve qu'elle existe toute seule. Pour être pédant (ou emmerdant) un instant, je dirais qu'il faut distinguer entre la chanson écrite (une partition, un texte et les relations entre les deux), qui est quelque chose d'abstrait, une structure théorique, et la chanson chantée qui donne de la chair à cette abstraction. Les relations entre les deux (chanson écrite, chanson chantée) sont au fond du même type que celles qui existent entre un phonème (une abstraction) et les différentes formes phonétiques sous lesquelles il peut être réalisée.... J'arrête donc ce passage "pédant", je suppose que vous voyez ce que je veux dire. Mais il y a en outre dans ces reprises le fait qu'une nouvelle interprétation et le contexte historique et social dans lequel elle a lieu donne parfois un sens nouveau à des chansons anciennes, comme Douce France (Charles Trenet) reprise par Carte de Séjour en 1985, ou Les p’tits papiers de Serge Gainsbourg, créée par Régine et reprise par Rodolphe Burger en 1999 (sur l’album Liberté de circulation) : dans les deux cas des chansons sémantiquement anodines devenaient, en situation,des manifestes politiques: pour l'intégration dans un cas, pour les sans papiers dans l'autre. Car le sens n'est pas seulement dans l'oeuvre (ou dans le signe linguistique), il est aussi (et peut-être surtout) dans ses conditionsde profération. Vous ne saviez pas que, chaque fois que vous chantez sous votre douche, vous re-créez une chanson, vous lui donnez un sens nouveau, même en la massacrant. Et bien vous n'êtes pas venus pour rien... Bon, la prochaine fois, je vous parlerai de choses plus légères!
Les chiens sont entrés dans la vie politique moderne le 23 septembre 1952. Richard Nixon, alors candidat à la vice-présidence américaine, avait été accusé d'avoir reçu des financement occultes. Pour se défendre il fit un discours (connu comme le Checkers speech) qui reste une pièce d'anthologie, expliquant que le seul cadeau qu'il avait jamais reçu était son cocker Checkers, lequel était bien sûr présent à l'écran. Gros succès. Pour faire bonne mesure il avait ajouté que sa femme, accusée de porter un manteau en vison, n'avait qu'un «respectable Republican cloth coat »... Vous demanderez à votre tailleur ce que peut bien être un "respectable manteau de laine républicain"... Le cocker de Nixon était donc un témoin de moralité... Mais le pauvre canin est en train de devenir l'injure favorite des hommes politiques. Tony Blair était il y a peu traité en Grande Bretagne de "caniche" de Bush. La mode étant lancée, voici que le président vénézuélien Chavez traiteà son tour le président mexicain Fox (dont, il est vrai, le nom signifie en anglais "renard") de "caniche de l'empire" (de l'empire US, bien sûr). Et un autre président (de l'UMP celui-ci) se fait traiter successivement de caniche et de chiot. En effet, Nicolas Sarkozy, qui a fait des pieds et des mains pour rencontrer le président Bush, n'a pas lésiné sur les discours complaisants. Selon le Washington Post « Il a eu le genre de réthorique qu’on aurait attendu de l’administration Bush, particulièrement sur l’Iran, Israël et la lutte contre le terrorisme ». Voici donc que Laurent Fabius, le17 septembre, lance : « Nous n’avons pas besoin à la tête de l’Etat de quelqu’un qui se fixe comme programme d’être le futur caniche du président des Etats Unis ». Le même jour, Henri Emmanuelli en remet une couche: « Sarkozy couché comme un chiot devant son maître ». Et, dans Libération du 19, J-M Thénard soulignant que Sarkozy, comme Chirac, ne tenait pas ses promesses (à propos bien sûr de GDF dont il avait juré en 2004 que l'Etat garderait 70% des actions): «Sarkozy, sur ce point, n’est pas en rupture mais bien le chiot de Chirac ». Il est vrai que le chien a mauvaise presse dans la langue française, si l'on en juge sur les expressions dans lesquelles on l'utilise: garder un chien de sa chienne, se regarder en chien de faïence, arriver comme un chien dans un jeu de quilles, nom d'un chien, ou encore tout simplement chien! voire fils de chienne, et j'en passe. De ce point de vue, caniche et chiot sont au fond plutôt des mots affectueux et l'on se demande pourquoi Fabius ou Emmanuelli n'ont pas préféré le mot cabot qui me paraît beaucoup plus approprié à la vie politique. Il a en effet l'avantage d'être à double sens, désignant à la fois un chien et un comédien qui en fait un peu trop pour se faire remarquer.Certes ces deux cabots n'ont pas la même étymologie, mais qu'importe: je rêve de voir un jour à l'Assemblée nationale une partie de l'assistance faire Ouah! Ouah! pour signifier qu'à ses yeux l'orateur n'est qu'un chien tandis que l'autre moitié applaudirait à tout rompre pour dire qu'elle apprécie le discours du cabotin...
Libération titrait le 18 septembre un article expliquant que c'était contre le gré du député socialiste Arnaud Montebourg qu'un papier le concernant avait été publié dans Gala: "Arnaud Montenourg se dit piégé par la soupe pipolaire" La soupe pipolaire! N'importe quel francophone entendant ou lisant ce syntagme pense bien sûr à la soupe populaire, mais voilà, il ne s'agit pas de populaire, justement, mais d'un jeu de mots un peu vaseux et en plein dans l'air du temps... J'ai déjà abordé ce thème le 14 août et le 12 septembre mais il mérite, je crois, qu'on y revienne. Car le mot peuple semble décidément bien déconsidéré pour qu'on le contourne aujourd'hui presque systématiquement par un emprunt à l'anglais, adapté de différentes façons à la graphie française et décliné sous différentes formes: people, pipole, pipeul, pipoliser, pipolisation et maintenant pipolaire. Il existait naguère un journal maoïste français intitulé La Cause du peuple, le Parti Communiste et la CGT soutenaient les revendications ou les luttes populaires, la forme familière populo avait des connotations plutôt sympathiques, et l'on avait même un adjectif familier popu. Or il est difficile de remplacer dans ces différentes formes peuple par people. Cela donnerait La Cause du people, les luttes pipolaires, le pipolo et le pipo (ou, pourquoi pas, le pipeau, comme dans l'expression c'est du pipeau...). C'est-à-dire que peuple et populaire font aujourd'hui un peu populistes, adjectif qui a longtemps servi à qualifier des régimes proches du fascisme (Mussolini en Italie, Peron en Argentine, et qui a pris aujourd'hui un sens plus large. Laurent Joffrin, dans son ouvrage La Gauche caviar, en donne une définition un peu polémique qui donne cependant à réfléchir: "Est populiste, en fait, une idée qui vient du peuple et qui déplaît aux élites progressistes". Disons que la "gauche caviar", perdant tout lien avec le peuple, l'a d'une part discrédité (le peuple est à ses yeux devenu populiste), tandis que d'autre part elle se transformait elle-même en people, le contraire du peuple. Il demeure que tout cela, peuple, people, populo, populiste, reste de façon subliminale lié par une même structure consonantique (et étymologique) : PPL. On n'échappe pas si facilement au populus latin, les "habitants d'un pays", même si les people se considèrent comme une partie privilégiée de ce peuple. Car la gauche caviar ne va ni au restau du coeur ni à la soupe populaire, elle nous sert sa soupe pipolaire...
J'ai retrouvé dans un coin de mon ordinateur le document suivant:
Il s'agit d'une affiche publicitaire de Coca Cola éditée à l'époque des jeux olympiques d'hiver d'Albertville. J'ai toujours admiré la façon dont le logo de Coca était adapté à divers systèmes d'écriture. Il y a là, sur le plan sémiologique, une belle leçon de choses: comment conserver dans des systèmes différents (et parfois non alphabétiques) à la fois le style initial, l'allitération consonantique (KKKL) et la symétrie des voyelles (O A O A). Je vous laisse chercher de quels systèmes (ou de quelles langues) il s'agit ici. Et j'ajoute une petite devinette. Une langue est, sur cette affiche, représentée deux fois. Laquelle? Et pourquoi?
L'IGLFA organisera le prochain mondial de football à Buenos Aires du 23 au 27 septembre 2007. Vous vous dîtes que nous sortons du mondial, qu'il a lieu tous les quatre ans, que cela est bien suffisant, et que le prochain devrait donc avoir lieu en 2010, à Buenos Aires peut-être mais en 2010. Et vous avez presque raison... Mais faisons un petit détour par une rapide analyse du phénomène des sigles dont, bien souvent, on oublie la source, un signifiant (le sigle) remplaçant un autre signifiant (la suite de mots dont il constitue l'abréviation). Herbert Marcuse, dans L'Homme unidimensionnel (One-dimensional man, 1964, traduction française 1968) pointait les ruses de la raison dont témoignait l'usage des sigles. Il écrivait par exemple à propos de l'OTAN: "N.A.T.O. ne suggère pas que North Atlantic Treaty Orgnisation signifie, nommément, un traité entre les nations de l'Atlantique-Nord -car on pourrait se poser des questions sur la présence de la Grèce et de la Turquie parmi ses membres". Et il est vrai que bien des gens utilisent quotidiennement HLM ou PMU sans savoir vraiment de quelles suites de mots ils constituent l'acronyme. Revenons donc à l'IGLFA: il s'agit de l'association internationale gay et lesbienne de football (en anglais: International Gay and Lesbian Football Association). Il y a donc aujourd'hui un football gay et lesbien. Nul ne saurait contester le droit des gays et des lesbiennes de jouer au football. Mais pourquoi entre eux? Ce "concept", le football gay et lesbien, témoigne bien sûr d'une tendance de plus en plus fréquente au repli identitaire, dont il est interdit de se gausser depuis que la pensée politiquement correcte tient le haut du pavé. En n'étant pas politiquement correct cependant, on pourrait suggérer d'organiser désormais un mondial de football des bouddhistes, ou des gauchers, ou des joueurs nés un mardi, ou des linguistes... Pour ma part je préférerais une coupe Davis des linguistes, ce qui me permettrait peut-être, avec beaucoup de chance, de briller un peu (enfin!) dans mon sport préféré, le tennis (mais ne rêvons pas, je perdrais sans doute tous mes matches...). Pire, et en étant encore moins politiquement correct, pourquoi ne pas imaginer un mondial de football des culs-de-jatte? Je suis horrible? Je fais de l'humour noir mal venu? Non, je m'interroge sur la société éclatée qui, sous nos yeux, est en train de se mettre en place.Une société de groupes, de tribus, dont nous voyons le résultats dans certaines banlieues. Le football gay et lesbien ne mange pas de pain, bien sûr, mais il est révélateur d'une tendance inquiétante... Pour parler d'une autre tribu dont j'avais traité dans mon billet du 14 août, celles des "people", j'ai entendu hier soir David Pujadas, sur la 5, traitant des sans papiers de l'église Saint-Bernard en 1996 et du soutien que leur avaient apporté un certain nombre de vedettes, s'interroger: "Pourquoi à ce moment ça pipolise?". Et quelques minutes plus tard, parlant de Simone Weil :"Elle n'était pas pipolisée". C'était pour enrichir le corpus... Mais aussi pour suggérer que cette notion de pipolisation risque fort d'être au centre de la campagne présidentielle, témoignant d'une étrange conception de la politique. Nous vivons une époque moderne!
Cela n'a aucun intérêt, mais je passe depuis quelques jours mes soirées et la plus grande partie de mes nuits à suivre à la télévision le tournoi de tennis de Flushing Meadows. Chacun ses vices... Les commentaires des journalistes sportifs sont toujours intéressants pour un linguiste (mais rassurez-vous, ce n'est pas en tant que linguiste que je suis ce tournoi..). Cependant, j'ai noté plusieurs fois dans la bouche des commentateurs l'utilisation de l'adjectif opportuniste avec le sens de "celui qui sait profiter d'une occasion".Or il y a longtemps que j'ai noté en français d'Afrique cette légère innovation. Un opportuniste est en effet en français standard celui qui saisit une occasion, certes, mais "en transigeant avec les principes". C'est-à-dire que l'adjectif a des connotations plutôt négatives: en gros, l'opportuniste retourne volontiers sa veste, tandis qu'en Afrique l'adjectif connote la réactivité. L'usage africain, avec une connotation plutôt positive, est donc en train de passer en français standard. Ce qui amène deux réflexions. D'une part, que l'évolution sémantique peut se situer au niveau des connotations, dans le passage ici du négatif au positif, mais le contraire est bien sûr possible (je sais, ce n'est pas une découverte bouleversante...). D'autre part, et c'est plus intéressant, que la périphérie (ici l'Afrique et le français qu'on y parle) peut influencer le centre. Plutôt réjouissant, non?
Le Conseil Représentatif des Associations Noires (CRAN), très vite suivi par le Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples (MRAP) font en ce moment quelques bruits, se plaignant de l'article Colonisation dans la dernière édition du petit Robert. Voici tout d'abord l'objet du délit: Colonisation. Sens 1: le fait de peupler de colons, de transformer en colonie. Sens 2: Mise en valeur, exploitation des pays devenus colonies Et à l'article Coloniser on trouve l'exemple suivant: Coloniser un pays pour le mettre en valeur, en exploiter les richesses. On voit bien ce qui gêne le CRAN et le MRAP: l'idée de mise en valeur, qui donnerait une connotation positive à la colonisation. Et ils réclament le retrait de l'ouvrage. J'ajouterais pour ma part que l'on pourrait attendre une condamnation des retombées humaines de la colonisation, ce qui pose cependant un certain nombre de problèmes. En particulier: un dictionnaire doit-il prendre des positions idéologiques? Le débat est ouvert. Il se trouve que je connais et que j'estime Alain Rey, le patron du Robert, et je sais très bien qu'il n'a nullement, bien au contraire, une image positive de la colonisation. En outrecette affaire(et la demande de retrait de l'ouvrage ou de l'article) me rappelle un vieux film de Jean-Luc Godard, Alphaville, dans lequel un régime totalitaire installé sur une planète lointaine changeait chaque jour des articles du dictionnaires pour agir sur les pensées des citoyens. Disons qu'il s'agissait d'une variante cinématographique du roman d'Orwell, 1984.Ces fictions étaient à l'époque insupportables mais surtout prémonitoires: le "politiquement correct" en est la moderne version. Mais, surtout, j'ai dans ma bibliothèque la première version du Petit Robert, celle de 1967 (le "mini Bob" comme l'appelait à l'époque Cournot dans le Nouvel Observateur fête en effet cette année ses quarante ans). Or les passages incriminés y étaient déjà. Faut-il en conclure que les militants du CRAN et du MRAP n'ont pas ouvert le Robert à l'article colonisation depuis quarante ans?
Dans son numéro d'hier, le Canard enchaîné rappelle malicieusement qu'un des "intellectuels" ayant apporté son soutien à Nicolas Sarkosy, Doc Gyneco, a chanté "j'kiffe quand les keufs cannent", ce qui devrait plaire au Ministre de l'Intérieur, patron des honorables forces de l'ordre. L'hedomadaire poursuit: "Traduction en langage de beaux quartiers: je jubile quand les policiers décèdent". L'auteur de l'article, Louis-Marie Horeau, aurait aussi pu souligner l'effet littéraire des allitérations (K K K), digne de Racine ("Pour qui sont ses serpents qui sifflent sur nos têtes". Mais ce qui va me retenir aujourd'hui est l'idée de traduction. Je suis en effet en train de travailler sur le problème de la définition de la langue (non, ce n'est pas si facile...), et une des idées que je soupèse est la suivante: une langue est ce qui se traduit, ou ce qu’il faut traduire. Ce n’est pas là une reformulation ou un recyclage du vieux critère de l’intercompréhension qui permettrait de distinguer entre deux langues différentes ou deux dialectes d’une même langue. On sait que le verbe traduire recouvre dans la langue courante deux sens différents, et deux métiers, celui de traducteur et celui d’interprète, le premier travaillant sur de l’écrit et le second sur de l’oral. Ce couple, traducteur/interprète, nous permet de revisiter la différence entre l’oral et l’écrit. En effet, si tous les « français » ou tous les « arabes » ne sont pas nécessairement inter compréhensibles, un ouvrage écrit en français ou en chinois est en revanche compréhensible à tous ceux qui lisent le français ou le chinois. C‘est-à-dire qu’il serait possible de définir une communauté correspondant à une langue écrite (l’ensemble des gens qui peuvent la lire sans avoir besoin d’une traduction) mais plus complexe de définir la communauté correspondant à une variable (ou une variante) orale. Revenons donc à ce chef-d'oeuvre: "J'kiffe quand les keufs cannent". Nous pourrionsen proposer d'autres "traductions": Je jouis (ou je suis content, je prends mon pied, je mouille, je bande...) quand les flics (ou les cognes, les poulets, les schmitts, les bourres...) crèvent (ou clamsent, calanchent, cassent leur pipe, passent l’arme à gauche...). Nous avons là un certain nombre de variantes (ici écrites, mais qui sont multipliées à l’oral par des faits phonétiques) face auxquelles il est légitime de se demander si la traduction est nécessaire et si, donc, il s'agit d'une même langue ou de plusieurs. Dans sa présentation de l'ouvrage de William Labov Sociolinguistique,
Pierre Encrevé justifiait la tentative de rapprochement de Labov
avec la grammaire générative en expliquant que cette dernière
était « la forme aujourd’hui la plus appropriée
à la description de tout ce qui ne varie pas (c’est-à-dire
majeure partie) » et que Labov « emprunte son cadre formel
et en propose simplement une extension » . Ce texte, publié
en 1976, introduisait la traduction d’un livre, Sociolinguistic
Patterns, publié en 1973. Or, en 1977, dans ses Dialogues
avec Mitsou Ronat, Chomsky opposait à cette vision une
fin de non recevoir et envoyait proprement Labov sur les roses: Mais je ne vais pas continuer à vous casser les pieds avec des considérations théoriques, cela suffit pour aujourd'hui. Il me reste juste à remercier Doc Gyneco de m'avoir permis, bien involotairement, ces réflexions.
Un de mes jardins secrets (de moins en moins secret il est vrai) est la chanson, ce pourquoi j'ai été particulièrement intéressé par une déclaration de Johnny Hallyday dans le journal Nice Matin du 28 août : "Nicolas doit absolument être notre président. Je ne vais pas me contenter de voter pour lui, je vais lui donner un coup de main ». Et le dimanche suivant, à l'Université d'été de l'UMP, à Marseille, ils étaient deux, Hallyday donc et Doc Gyneco, à chanter les louanges de Sarkozy (Doc Gyneco l'a même baptisé "mon petit maître à penser"). Johnny donne donc un coup de main à Sarko et Gyneco apprend à penser auprès de lui... Il faudrait faire une typologie des différentes postures de la peopolisation (ou pipolisation ou encore pipeulisation, choisissez votre orthographe comme bon vous semble). Dans le cas le plus général, il s'agit pour certains journaux d'appâter le client en publiant des photos (parfois "volées", mais bien souvent avec l'accord de la victime) ou des reportages sur la vie de rêve des "people". Les rapports entre le monde politique et le show business sont d'un autre ordre. A une certaine époque, des vedettes venaient chanter gratuitement au profit d'une cause, on appelait ça des "galas de soutien". Ferré ou Brassens chantaient pour les Anarchistes, Colette Magny, Georges Moustaki ou Bernard Lavilliers allaient se produire dans les usines en grève, etc... La pratique n'est d'ailleurs pas obsolète: en février 2005 ils étaient une bonne quarantaine à chanter à l'Olympia en soutien à la journaliste Florence Aubenas retenue avec son chauffeur en otage en Irak. Mais ce qui s'est passé à Marseille est d'un tout autre ordre. Commençons par le couple Sarko/Johnny. On aura remarqué que Johnny l'appelle Nicolas, donc ils sont copains, donc tous ceux qui aiment Johnny doivent voter pour son copain Nicolas. Dans cette affaire, Hallyday n'a pas grand chose à gagner (sauf s'il a des problèmes d'impôts et espère beaucoup d'un Nicolas président, mais qui irait penser de telles bassesses?), et Sarkozy pense qu'il a tout à gagner, lui, à exhiber l'amitié de Johnny. Ce qui implique bien sûr une fusion entre les fans et les électeurs. Mais les fans aiment un chanteur et je doute fort qu'ils accordent le moindre intérêt aux idées (!!!) politiques de leur vedette préférée. Quant au couple Sarko/Gyneco, il est si j'ose dire inversé. Le ministre de l'intérieur tente de faire oublier les racailles et autres kärchers qu'il a déversés sur les jeunes de banlieue, et il s'est dit qu'un chanteur de "rap" serait du plus bel effet dans sa panoplie "d'amis". L'ennui est que Doc Gyneco est de moins en moins rappeur, de moins en moins "respecté" dans les banlieues, et que sa carrière est au point mort. C'est donc lui qui a tout à gagner dans l'affaire: enfin, on parle de lui, merci Nicolas, "mon petit maître à penser". Le hasard fait que je publie en novembre, aux éditions de l'Archipel, une version mise à jour (228 articles modifiés ou réécrits entièrement, et 144 articles nouveaux) de Cent ans de chanson française. Parmi ces articles nouveaux, il y en a un sur Doc Gyneco, bien sûr. L'ouvrage est à l'imprimerie et il est trop tard pour y changer quoi que ce soit, mais en relisant la dernière phrase, je me dis qu'il n'y a rien à vraiment y changer.Voici donc, en avant-première, cet article; DOC GYNÉCO
Je discutais hier avec un ami qui n'est pas étranger à la linguistique, s'intéresse aux langues et lit beaucoup de romans, sans difficultés je crois, en allemand et en portugais. Il me disait qu'il aurait cette année du temps libre et voulait revenir à l'université pour passer un diplôme de portugais. Sachant qu'il connaissait bien cette langue, je lui ai naïvement répondu: "tu ferais mieux d'aller parler avec des Portugais". Sa réponse m'a laissé perplexe: "Je me fous de parler avec des Portugais, je veux étudier le portugais". J'avoue que j'ai du mal à classer cette phrase d'un point de vue logique: paradoxe, provocation, contradiction interne, bêtise, inconséquence, désintérêt pour les gens? Mais elle m'intéresse du point de vue scientifique. Il se trouve en effet qu'avec deux amis-complices-collègues (Philippe Blanchet et Didier de Robillard) nous sommes en train de terminer un numéro de la revue en ligne Marges Linguistiques dans lequel nous essayons de développer une critique épistémologique de la linguistique, ou plutôt de la "technolinguistique", celle qui construit, voire invente, des langues en s'appuyant sur une méthodologie qu'elle pense rigoureuse et qui ignore souverainement les locuteurs.D'un côté des millions de pratiques mouvantes, variées, contradictoires, c'est-à-dire tout simplement la vie, la vie sous son aspect linguistique, de l'autre un spécialiste qui démonte et remonte ce qu'il croit être une machine bien huilée, la langue, rêvant de pouvoir projeter sur l'ensemble des faits qu'il observe une méthode importée de la phonologie. Ces technolinguistes me font penser à ces soldats sans bataille qui passent leur temps à démonter, huiler et remonter leurs armes. Mais les langues ne sont pas des mécaniques bien huilées, elles résistent souvent à la volonté de mettre de l'ordre dans leur désordre, et c'est sans doute cela qui les rend humaines. "Je me fous de parler avec des Portugais, je veux étudier le portugais". Je n'aurais pas pu inventer une plus belle phrase pour justifier l'entreprise que Philippe, Didier et moi-même tentons de mener à bien...
Libération du 1er septembre fait sa une sur la rentrée
scolaire et titre: "La banlieue au premier rang".
Ce qui me donne l'occasion de rappeler l’étymologie du
mot . À l’origine se trouve le ban, mot francique
qui signifiait "loi, juridiction, chose à respecter sous
peine de rétorsion", sens que l'on retrouve dans de nombreuses
expressions françaises comme publier les bans, convoquer
le ban et l’arrière ban, mettre au ban, etc. Il en
vient aussi l’adjectif banal, s’appliquant aux
personnes soumises à la loi féodale, au ban,
qui va prendre ensuite le sens de communal ou collectif : un four
banal était un four où tout le village venait faire
son pain, un moulin banal le moulin où tout le monde
venait moudre son grain, etc.De là le sens de l'adjectif banal,
ce qui est commun, sans intérêt. Mais il justifie cependant que la "sociolinguistique urbaine" se penche sur ces franges étymologiques de la ville, sur ses marges : puisque la banlieue est une extension de la ville, alors la sociolinguistique urbaine devait y mettre son nez. Mais pour quoi faire ? Au vu des nombreuses publications (parfois scientifiques et le plus souvent mondaines) sur le parler des jeunes de banlieues, on se rend compte qu'on analyse surtout le lexique (en particulier le verlan), comme un objet exotique, mais qu'on se préoccupe beaucoup moins de la fracture linguistique dont il témoigne; C’est sans doute là que la « sociolinguistique urbaine » est la moins « sociale ».
J’ai l'impression que nous n'en finirons jamais avec ces problèmes de classification (voir 15, 18, 24 et 26 août). Ce matin l'ouragan Ernesto qui fonçait vers les côtes américaines et semble s'être détourné vers Cuba a été déclassé. Il ne s'agit plus d'un ouragan mais d'une tempête tropicale. Motif de cette humiliation: il avait réduit sa vitesse. Si les Plutoniens et les ouragans font un front commun, nous allons voir ce que nous allons voir... Plus sérieusement (enfin, façon de parler): vous trouverez dans la rubriques Textes récents un article (plus exactement le texte d'une conférence prononcée en 2004 à Neuchâtel) à paraître dans le Bulletin suisse de linguistique appliquée N°83, 2006, Les fractures linguistiques. Comme celà, ceux qui me font l'amitié de consulter ce site en auront la primeur.
Je reçois à propos de mon dernier billet un mail du Brésil
comparant le Summer Institute of Linguistics et l’Union Astronomique
Internationale : cette dernière mettant un nouvel ordre dans
le système solaire en décidant de ce qu’est une
planète (vous avez tous appris, je suppose, que Pluton est virée
du club) comme le SIL décide de ce qu’est une langue...
La comparaison, bien sûr, est un peu osée, ou alors poétique...
Mais le hasard fait que le même jour, le journal Libération
commentant l’événement imagine que l’ex planète
soit habitée et s’amuse ainsi : « L’avantage
avec les Plutoniens, c’est qu’ils ne risquent guère
d’entamer la guerre des noms, à l’instar des Inuits
combattant le vocable Esquimau ». En gros une planète est assez grosse pour être ronde et
s’être débarrassé des débris peu décoratifs
qui l’encombrent dans son environnement immédiat. Et, pour
régler son compte à Pluton, voici la seconde définition
adoptée, celle de ce qui s’appelle désormais une
planète naine.
Je voudrais reprendre le problème abordé le 15 août, et cela risque d'être long... Revenons à Ethnologue, le site du Summer Institute
of Linguistics.On s’accorde donc à considérer qu’il
existe aujourd’hui environ sept mille langues. Ethnologue
en comptabilisait 6703 en 2001, 6800 en 2003 et 6912 en 2006. Cette
augmentation régulière n’est bien sûr pas
le produit d’une soudaine multiplication des langues (il n’est
pas à exclure qu’il en apparaisse de nouvelles, mais pas
deux cents en cinq ans) mais témoigne plutôt de changements
dans les grilles d’analyse du SIL, qui classe comme langues différentes
ce qu’il classait auparavant comme dialectes d’une même
langue. Reste une autre question : quelles sont, parmi toutes ces langues,
celles qui sont les plus parlées ? J'ai comparé trois
classements provenant du SIL des douze premières langues du monde
(par ordre décroissant de nombre de locuteurs). Le premier (1992)
provient du site Principales langues du monde (alis.isoc.org/langues/grandes.htm)
qui utilise les données du SIL, le second (1996) du site de l’université
Laval qui reprend les chiffres du SIL et le troisième (2006)
a été établi par mes soins en août 2006 à
partir des chiffres donnés par Ethnologue pour chacune
des langues concernées. Nous avons donc là une sorte de
«top 12 » des langues du monde établi par le même
organisme à trois dates différentes. -Qu’est-ce qu’une langue ? (Y a-t-il un arabe ou des arabes ? L’hindi et l’ourdou sont-ils deux formes de la même langues ou des langues séparées ?). -Qu’est-ce que parler une langue ? (Les locuteurs langue seconde doivent-ils être comptabiliser ?) et donc -Qu’est-ce qu’une communauté linguistique
?
Pour rester dans le thème de mon billet précédent, je voudrais partager avec vous ce passage d'Ahmadou Kourouma: « J’ai quatre dictionnaires pour me débarbouiller
et expliquer les gros mots qui sortent de ma petite bouche. Larousse
et Petit Robert pour le français français de vrais Français
de France ; le Harrap’s pour le pidgin (le pidgin est une langue
composite née du contact commercial entre l’anglais et
les langues indigènes) ; l’Inventaire des particularités
lexicales du français d’Afrique noire pour les barbarismes
d’animistes avec lesquels les nègres d’Afrique noire
de la forêt et de la savane commencent à salir, noircir
la limpide et logique langue de Molière. Le Larousse et le Petit
Robert permettent d’expliquer le vrai français français
aux noirs animistes d’Afrique noire. L’Inventaire des particularités
du français en Afrique noire essai d’expliquer aux vrais
Français français les barbarismes animistes des noirs
d’Afrique ». Il s'agit d'un extrait d'un roman posthume et inachevé dans lequel l'auteur met à nouveau en scène Birahima, l'enfant-soldat de Allah n'est pas obligé (si vous n'avez pas lu ce roman, courez-y...). Bardé de ses dicos, Birahima gambade donc dans la variation linguistique. Une belle trouvaille littéraire, non, qui en dit plus que des dizaines d'articles de très sérieux linguistes...
Pour changer un peu avec la légéreté de mes textes précédents (je ne parle pas des sujets abordés mais de l'apparat théorique utilisé), je voudrais évoquer ce sur quoi je travaille en ce moment. Je prépare un long texte pour le prochain numéro de la revue en ligne Marges Linguistiques, dont le thème central est la contradiction inhérente entre le désordre des pratiques linguistiques et la volonté de certains linguistes d'y mettre de l'ordre, d'imposer des structures, des lois, c'est-à-dire de créer un artefact appelé "langue". Je ne vais pas vous casser les pieds (et gâcher vos vacances) avec de lourdes considérations théoriques, mais je voudrais simplement attirer votre attention sur une chose toute simple: le nombre de langues parlées dans le monde. Tout le monde (enfin, la majorité des linguistes) s'accorde à dire qu'il y en a environ 6700. Bien. Mais cet accord implique un accord préalable sur la notion de langue. Sylvain Auroux a mis le doigt sur quelque chose d'important lorsqu'il a avancé l'idée de grammatisation, cette révolution qui a donné à certaines formes de communication une écriture, des dictionnaires, des grammaires. Dès lors, dans un ensemble confus, apparaissaît un sous-ensemble, les "langues" (écrites, bien sûr).. Puis la linguistique a décrété dans la seconde moitié du XX° siècle que les langues étaient parlées, orales, et le nombre des langues en a subitement augmenté. C'est-à-dire que l'ensemble des "langues du monde" est une notion à géométrie variable, encore une fois un artéfact, et que le débat ancien sur le rapport entre langues et dialectes est évidemment au centre de cette question.En d'autres termes: le nombre des langues est une invention (ou une création) des linguistes. Un exemple simple. Il existe différentes présentations des langues les plus parlées aujourd'hui. Certaines mettent l'arabe en bonne place. D'autres (comme le site du Summer Institute of Linguistics, Ethnologue), le classent beaucoup plus loin.C'est que les uns considèrent l'arabe comme une langue (alors qu'on se comprend difficilement du Maroc au Liban) tandis que d'autres considèrent qu'il y a des langues et décomptent l'arabe marocain, tunisien, égyptien, saoudien, etc..., comme des entités différentes. Et il est je suppose inutile d'insister sur les retombées de ces approches différentes dans le domaine des politiques linguistiques (sans parler, pour ce cas précis, de la notion de umma, ou de "nation arabe"). Nous comptons donc les langues du monde à partir d'une certaine vision de la langue, ou d'une certaine théorie des langues, mais d'une théorie datée: la grammatisation puis l'oralité. Or la linguistique a, depuis une cinquantaine d'années, connu quelques avancées. Quelles sont par exemple les retombées de la notion de variation sur ce décompte? Y a-t'il un français? Des français? Et s'il y en a plusieurs (pour s'en tenir à une approche géographique: les français de France, du Québec, du Gabon, du Mali...), qu'est-ce que cela implique pour l'enseignement du français en Afrique par exemple? Ou encore: quelle norme de l'espagnol doit-on enseigner en Argentine, à Cuba, au Mexique? Quelle norme du portugais au Brésil? Ces questions ont bien sûr des retombées diachronques: les variantes africaines du français par exemple constituent-elles le prodrome d'une nouvelle génération de langues romanes qui seraient au français ce que l'espagnol, l'italien, le français ou le roumain sont au latin? Voilà. Vous voyez que je tente de réfléchir dans un va-et-vient entre une approche épistémologique (les fondements de la "linguistique") et des questions de politique linguistique, pour la "simple" raison qu'une science sociale (et la linguistique est à mes yeux une science sociale) doit se confronter sans cesse aux problèmes de la société et faire montre d'une utilité sociale. Vous avez des réactions?
En ce mois d’août 2006, la gent politique est en vacances,
et une certaine presse, utilisant des paparazzi, tente d’en publier
des photos, d’où cet au jour le jour d’aujourd’hui,
si je puis dire.
Non, je ne suis pas candidat à la candidature... Mais je viens de relire les épreuves du livre que nous sortons, Jean Véronis (voir le site de celui-ci) et moi-même, fin septembre aux éditions du Seuil: Combat pour l'Elysée, paroles de prétendants. Ouf! Nous nous sommes bien amusés à analyser de façon sérieuse les discours des politiques, leurs postures, leurs palinodies... Nous y utilisons des instruments mis au point par Jean (chronologue, nébuloscope...) ainsi que les moyens habituels de la linguistique et de la sémiologie. Et il y a des tas de dessins de Plantu. Vous lirez, si vous le voulez. Mais cela fait plaisir de montrer en quoi la linguistique peut être utile pour décoder le discours politique. [Visualisez la couverture du livre].
Pour
le taxiteur, c'est midi ! C'était juste pour justifier mes (in)activités de vacances: les linguistes devraient lire les romans policiers...
Le spectre de la canicule semble hanter les responsables politiques, et les media en font leurs choux gras. Mais derrière la chaleur, les vapeurs, les ventes de climatisateurs et l'augmentation de la consommation en électricité, canicule dit au linguiste une histoire plus drôle. Le mot vient du latin canicula, diminutif de canis, qui signifiait donc "petite chienne" (A propos, nous avons en français un mot pour désigner le "petit chien", chiot, mais rien pour la "petite chienne", chiotte étant utilisé en un autre sens...). Mais revenons à la canicule. Le mot latin va être utilisé pour désigner une étoile, Sirius, que l'on appelait aussi "Chien d'0rion".Or cette étoile se lève et se couche en même temps que le soleil entre le 23 juillet et le 24 août, c'est-à-dire au moment des plus grandes chaleurs. Cette période a donc été nommée canicule (canicola en italien, canicula en espagnol) par référence aux mouvements de
J'ai reçu aujourd'hui la traduction arabe de La sociolinguistique qui vient de sortir en Algérie. En comparant avec celle de Pour une écologie des langues du monde, publiée l'an dernier en Egypte, je me suis rendu compte que mon nom n'était pas orthographié de la même façon.Ceux qui lisent l'arabe vont comprendre. Voici les deux couvertures, à gauche La sociolinguistique et à droite l'Ecologie :
Il y a plusieurs différences entre les deux transcriptions, mais je ne parlerai que d'une d'entre elles,car elle me paraît intéressante du point de vue de la politique linguistique. On voit, en haut à droite de La sociolinguistique qu'on a transcrit Jean avec un jim, ce qui est normal. En revanche, sur la couverture de droite, il y a trois points sous le jim, graphie qui n'existe pas en arabe classique. Pour ceux qui n'ont pas de loupe, voici les deux graphies:
En fait ce qui s'écrit avec un jim est prononcé /g/ en arabe égyptien. Par exemple, là où un Algérien dira /jmel/ ("chameau") un Egyptien dira /gmel/.Mais lorsqu'on a besoin de noter en Egypte un /j/ (celui de Jean) le jim n'est plus disponible, puisqu'il est lu /g/. D'où les trois points souscrits pour noter un son qu'i n'existe pas en égyptien. Qui disait que les "dialectes" arabes ne s'écrivaient pas... Ceux qui lisent l'arabe verront qu'il y a d'autres petite différence de transcription, et qu'en particulier on peut comparer la façon dont est transcrit dans les deux versions le /v/ de Calvet. Et toutes mes excuses à ceux qui ne le lisent pas.
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